Oh mon Dieu! je réagis comme ces stupides personnages qui oublient la mort de leur épouse et disent "nous". Pathétique!
Il s'interrompit brièvement pour lire le badge du policier.
- Lambiase. Vous et moi, nous sommes les protagonistes d'un mauvais roman. Vous en êtes conscient? Comment diable en sommes-nous arrivés là? Vous vous dites sûrement "pauvre couillon", et ce soir, vous étreindrez vos enfants plus fort que d'habitude comme le font les personnages de ce genre de roman. Vous voyez à quel genre je fais allusion, n'est-ce pas? Aux super-fictions qui se donnent des airs faulkneresques en consacrant certains passages aux personnages secondaires...
Les librairies attirent une catégorie de gens particuliers. Des gens bien comme A.J et Amélia. Et j'aime bien parler lecture avec des passionnés. J'aime le contact du papier. La sensation que ça procure, sentir le livre dans ma poche arrière. L'odeur de l'objet me plaît aussi beaucoup.
Nul homme n'est une île, chaque livre est un monde
Personne ne voyage sans un but précis. Ceux qui se perdent ont souhaité s'égarer [...].
Oui, papa.
C'est ça
Je suis papa
Quel mot !
et quel monde !
Il pleure. Son coeur déborde et aucun terme ne peut le soulager. Je comprends désormais l'effet des mots.
Ils nous permettent d'atténuer la force des sentiments
- Avant de rencontrer A.J. et d'aller à la librairie de l'île, je ne lisais pas des masses. Mes profs, à l'école, trouvaient que j'étais trop lent, du coup, je ne m'y suis jamais mis.
- Quand on dit à un gamin qu'il n'aime pas lire, il le croit.
Personne ne voyage sans but précis. Ceux qui se perdent ont souhaité s'égarer.
Qu'est-ce que ça veut dire, "pas tout à fait du même noir " ? s'interroge-t-elle en observant ses mains.
Maya se pose encore d'autres questions.
Comment apprend-on à lire ?
Pourquoi les adultes aiment les livres sans images ?
Est-ce que papa va mourir un jour ?
Qu'est-ce qu'il y aura pour le déjeuner ?
A.J. acquiesce par politesse mais, au fond, il ne croit pas aux actions non planifiées. En tant que lecteur, il sait que tout repose sur la construction de l'oeuvre. Si un revolver apparaît à l'acte un, il a plutôt intérêt à disparaître à l'acte trois. En d'autres termes, A.J. ne se fie qu'à la narration.
À.J. acquiesce alors su'au fond, il pense que sa belle-soeur effraie Maya avec ses cheveux rouges hérissés, sa peau et ses yeux translucides, ses membres longs et filiformes. Ses traits sont un peu trop grossiers, ses gestes légèrement trop brusques. Enceinte, elle ressemble à un très beau Gollum. Même sa voix, devenue claire et puissante avec ses cours de théâtre, pourrait perturber un bébé.