J'ai découvert ce livre par hasard, en 1978, dans une librairie de Jérusalem. Ruth, dans ma courte mémoire d'étudiant en lettres, c'était le grand poème de Hugo, "la faucille d'or dans le champ des étoiles", son vibrant éloge de la vieillesse, etc, et un très bref récit biblique que j'avais lu négligemment en peu de temps pour m'acquitter d'un devoir sur Hugo. Et voilà qu'en vacances, j'ouvre ce mince volume précédé d'une préface de 66 pages, où Ruth est présentée comme "la mère de la monarchie" (l'ancêtre de David, je le savais, mais aussi ... du Messie). Je remarque ensuite quatre lignes de texte hébreu par page, une traduction en regard (bien nécessaire, je commençais à peine d'étudier la langue), et quatre colonnes serrées expliquant mot par mot, idée par idée, ce que le texte disait, pourquoi il le disait, pourquoi un tel avait compris de cette manière et un autre de telle autre, en bref une somme de débats, une fête d'intelligence où chaque participant ne servait qu'un but, le texte. Cette découverte dans cette petite librairie de Jérusalem a bouleversé ma vie de lecteur jusqu'à aujourd'hui. J'appris là que la Bible n'était pas un gros bouquin plein d'histoires à dormir debout, mais un trésor ; que tout lecteur, qu'il se penche sur la Bible ou sur un autre texte, a des devoirs envers lui (à l'opposé de la sotte déclaration de
Pennac) ; que le champ littéraire s'enrichit non pas seulement des auteurs qui le cultivent, mais des lecteurs qui le traversent, génération après génération. Voilà une notice un peu autobiographique, mais c'était ma dette envers les rav
Meir Zlotowitz et
Nosson Scherman, les éditions Artscroll, la Bible, et la longue chaîne de patient et obstiné enseignement juif qui vient illuminer l'humanité.