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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 12 : La Joie de vivre (194)

Elle berçait le petit Paul, elle riait plus haut, en racontant plaisamment que son cousin l’avait convertie au grand saint Schopenhauer, qu’elle voulait rester fille afin de travailler à la délivrance universelle ; et c’était elle, en effet, le renoncement, l’amour des autres, la bonté épandue sur l’humanité mauvaise.
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Chaque fois que la science avance d'un pas, c'est qu'un imbécile la pousse, sans faire exprès.
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Ce fut le lendemain que l’agonie de madame Chanteau commença, une agonie bavarde, qui dura vingt-quatre heures. Elle s’était calmée, l’effroi du poison ne l’affolait plus ; et, sans arrêt, elle parlait toute seule, d’une voix claire, en phrases rapides, sans lever la tête de l’oreiller. Ce n’était pas une causerie, elle ne s’adressait à personne, il semblait seulement que, dans le détraquement de la machine, son cerveau se hâtât de fonctionner comme une horloge qui se déroule, et que ce flot de petites paroles pressées fût les derniers tic-tac de son intelligence à bout de chaîne. Tout son passé défilait, il ne lui venait pas un mot du présent, de son mari, de son fils, de sa nièce, de cette maison de Bonneville, où son ambition avait souffert dix années. Elle était encore mademoiselle de la Vignière, lorsqu’elle courait le cachet dans les familles distinguées de Caen ; elle prononçait familièrement des noms que ni Pauline ni Véronique n’avaient jamais entendus ; elle racontait de longues histoires, sans suite, coupées d’incidentes, et dont les détails échappaient à la bonne elle-même, vieillie pourtant à son service. Comme ces coffres que l’on vide des lettres jaunies d’autrefois, il semblait qu’elle se débarrassât la tête des souvenirs de sa jeunesse, avant d’expirer. Pauline, malgré son courage, en éprouvait un frisson, troublée devant cet inconnu, cette confession involontaire qui revenait à la surface, dans le travail même de la mort. Et ce n’était plus d’un souffle, c’était de ce bavardage terrifiant que la maison maintenant s’emplissait. Lazare, lorsqu’il passait devant la porte, en emportait des phrases. Il les retournait, ne leur trouvait pas de sens, s’en effarait comme d’une histoire ignorée, que sa mère contait déjà, de l’autre côté de la vie, au milieu de gens invisibles.
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... la seule image qui le hantait, était Pauline bien portante, s'en allant à son bras, sous un gai soleil ; et il n'avait qu'un besoin, l'emmener encore, rieuse, le pied solide, par les sentiers où ils avaient passé.
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Lazare commençait à se fatiguer. Les enfants, même le sien, l’ennuyaient vite. En le regardant, si gai, sauvé à cette heure, l’idée que ce petit être le continuerait, lui fermerait les yeux sans doute, venait de le traverser de ce frisson qui l’étranglait d’angoisse. Depuis qu’il avait résolu de végéter à Bonneville, une seule préoccupation lui restait, celle qu’il mourrait dans la chambre où sa mère était morte ; et il ne montait pas une fois l’escalier, sans se dire qu’un jour, fatalement, son cercueil passerait là. L’entrée du couloir s’étranglait, il y avait un tournant difficile dont il s’inquiétait continuellement, tourmenté de savoir de quelle façon les hommes s’y prendraient pour le sortir, sans le bousculer. À mesurer que l’âge emportait chaque jour un peu de sa vie, cette pensée de la mort hâtait la décomposition de son être, le détruisait au point d’anéantir ses virilités dernières. Il était fini, ainsi qu’il le disait lui-même, désormais inutile, se demandant à quoi bon bouger, se vidant de plus en plus dans la bêtise de son ennui.
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Sa pauvre mère, il la perdait de nouveau, à chaque heure, toutes les fois que la morte se dressait en lui. D’abord, il n’avait pas tant souffert, ni quand sa cousine était descendue se jeter dans ses bras, ni pendant la longue cruauté de l’enterrement. Il ne sentait l’affreuse perte que depuis son retour dans la maison vide ; et son chagrin s’exaspérait du remords de n’avoir pas pleuré davantage, sous le coup de l’agonie, lorsque quelque chose de la disparue était encore là. La crainte de n’avoir pas aimé sa mère le torturait, l’étranglait parfois d’une crise de sanglots. Il l’évoquait sans cesse, il était hanté par son image. S’il montait l’escalier, il s’attendait à la voir sortir de sa chambre, du petit pas rapide dont elle traversait le corridor. Souvent, il se retournait, croyant l’entendre, si rempli d’elle, qu’il finissait par avoir l’hallucination d’un bout de robe coulant derrière une porte. Elle n’était pas fâchée, elle ne le regardait même pas ; ce n’était qu’une apparition familière, une ombre de la vie d’autrefois.
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Mais, lorsque le dessert, un fromage de Pont-l’Évêque et des biscuits, la grande joie fut une brusque apparition de Mathieu. Jusque-là, il avait dormi quelque part, sous la table. L’arrivée des biscuits venait de le réveiller, il semblait les sentir dans son sommeil ; et, tous les soirs, à ce moment précis, il se secouait, il faisait sa ronde, guettant les coeurs sur les visages. D’habitude, c’était Lazare qui se laissait le plus vite apitoyer ; seulement, ce soir-là, Mathieu, à son deuxième tour, regarda fixement Pauline, de ses bons yeux humains ; puis, devinant une grande amie des bêtes et des gens, il posa sa tête énorme sur le petit genou de l’enfant, sans la quitter de ses regards pleins de tendres supplications.
- Oh ! Le mendiant ! dit madame Chanteau. Doucement, Mathieu ! Veux-tu bien ne pas te jeter si fort sur la nourriture !
Le chien, d’un coup de gosier, avait bu le morceau de biscuit que Pauline lui tendait ; et il replaçait sa tête sur le petit genou, il demandait un autre morceau, les yeux toujours dans les yeux de sa nouvelle amie. Elle riait, le baisait, le trouvait bien drôle, les oreilles rabattues, une tape noire sur l’oeil gauche, la seule tache qui marquât sa robe blanche, aux longs poils frisés. Mais il y eut un incident : la Minouche, jalouse, venait de sauter au bord de la table ; et, ronronnante, l’échine souple, avec des grâces de jeune chèvre, elle donnait de grands coups de tête dans le menton de l’enfant. C’était sa façon de se caresser, on sentait son nez froid et l’effleurement de ses dents pointues ; tandis qu’elle dansait sur ses pattes, comme un mitron pétrissant de la pâte. Alors, Pauline fut enchantée, entre les deux bêtes, la chatte à gauche, le chien à droite, envahie par eux, exploitée indignement, jusqu’à leur distribuer tout son dessert.
- Renvoie-les donc, lui dit sa tante. Ils ne te laisseront rien.
- Qu’est-ce que ça fait ? répondit-elle simplement, dans son bonheur de se dépouiller.
On avait fini. Véronique ôtait le couvert. Les deux bêtes, voyant la table nette, s’en allèrent sans dire merci, en se léchant une dernière fois. (pp. 17-18, éd. Charpentier, 1884)
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Elle ne songeait plus à sa plaie récente qui saignait encore la veille, elle n'avait plus ni violence ni jalousie, devant une si grande misère. Tout se noyait au fond d'une pitié immense, elle aurait voulu pouvoir aimer davantage, se dévouer, se donner, supporter l'injustice et l'injure, pour mieux soulager les autres. C'était comme une bravoure à prendre la grosse part du mal de la vie.

Chapitre VI.
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Etait-ce donc si court, cette joie de la chair? Ne pouvait-on y descendre sans cesse, y découvrir sans cesse des sensations nouvelles, dont l'inconnu fût assez puissant pour suffire à l'illusion du bonheur?
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Pauline restait par terre devant l’enfant, qu’elle n’avait pas encore regardé. Comme il était chétif ! quel pauvre être à peine formé ! Et une dernière révolte montait en elle, sa santé protestait contre ce fils misérable que Louise donnait à Lazare. Elle baissait un regard désespéré vers ses hanches, vers son ventre de vierge qui venait de tressaillir. Dans la largeur de son flanc, aurait tenu un fils solide et fort. C’était un regret immense de son existence manquée, de son sexe de femme qui dormirait stérile.
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