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Critique de Nastie92


♬ Noir, c'est noir... ♬
Quelle histoire ! Quelle histoire !
J'en suis toute tourneboulée !
Dans ce quatrième volume du cycle des Rougon-Macquart, Émile Zola fait preuve d'une férocité extrême envers ses contemporains.
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le clergé, à travers le personnage de l'abbé Faujas.
Quel être abject !
Sournois, menteur, manipulateur et arriviste en diable. L'abbé Faujas fait partie de ces personnes que je qualifie de "visqueuses". Un être répugnant, que j'ai pris un plaisir immense à suivre dans ses manigances tout au long du roman.
À travers lui, Émile Zola dénonce sans ambiguïté l'immixtion du clergé dans la vie politique.
L'abbé Faujas et ses coreligionnaires ne reculent devant rien. Mensonge, intimidation, chantage... des procédés pas très catholiques, mais très efficaces !
Pauvre famille Mouret qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment : à Plassans lorsque l'abbé Faujas arrive pour conquérir la ville. Pauvre famille Mouret dont la vie va basculer irréversiblement. Pauvres parents, pauvres enfants. Victimes innocentes, comme l'était la famille Clutter dans l'époustouflant de sang froid de Truman Capote. Une mauvaise rencontre, et la vie bascule.
Zola naturaliste nous montre ici qu'il sait aussi merveilleusement décrire à travers l'action.
Nous sommes bien loin du Ventre de Paris et de ses longues descriptions ; ici, Zola fait agir ses personnages, et nous les dépeint très précisément à travers ce qu'ils disent et ce qu'ils font.
Cette conquête de Plassans m'a tenue en haleine de bout en bout. Depuis le début où l'on pressent que louer à l'abbé Faujas un étage de la maison n'est pas une bonne idée, jusqu'à la fin où tout s'accélère et où j'ai fini à bout de souffle.
Cette conquête de Plassans est un véritable thriller dans lequel Émile Zola tire merveilleusement bien les ficelles, instille le doute à doses savamment calculées, promène le lecteur comme il le souhaite, et mène l'histoire à un rythme dont il maîtrise parfaitement les accélérations.
Un sens aigu de l'intrigue, servi par une écriture splendide. Que demander de plus ?
J'ai cherché sur internet, et sauf erreur de ma part, La conquête de Plassans n'a jamais été adapté en film, pourtant le roman s'y prêterait formidablement. J'imagine déjà certaines scènes, certains décors ; je distribue déjà les rôles. Cela se fera peut-être un jour.
Émile Zola se montre dans ce roman à la hauteur des plus grands scénaristes. Il sait faire monter la tension d'une façon très efficace.
Le début a l'air anodin, mais le lecteur attentif qui lit entre les lignes soupçonne quelque chose. Quelque chose d'indéfinissable, d'insaisissable, mais bien réel. Un malaise à venir, même si rien n'est visible encore.
J'adore ce procédé quand il est utilisé finement, quand les ficelles ne sont pas trop grosses. Je pense à La classe de neige d'Emmanuel Carrère ou à l'inoubliable Shining de Stanley Kubrick. Rien que ça !
L'abbé Faujas, habile en diable, va donc s'immiscer dans la vie de la famille Mouret. Il va grignoter petit à petit ces braves gens. Mais il n'est pas seul dans cette entreprise. Il est aidé par des membres de sa propre famille, mais aussi par les habitants de Plassans.
Précisément par la "société" de Plassans.
Ce groupe de notables qui font la pluie et le beau temps dans la ville. Ces gens "bien" qui vont se révéler des alliés très efficaces, à travers une pratique que Zola adore dénoncer : le commérage.
Dans le ventre de Paris, mademoiselle Saget était à la tête d'une belle bande de commères. Ici, c'est plus diffus. Pas de meneur, mais dans la petite ville étriquée, où tout ou presque se joue dans le jardin dans lequel la bonne société se rassemble, chacun cancane à loisir. Chacun se livre au voyeurisme et à la médisance sans aucune retenue.
Il suffit d'amorcer, de faire jaillir une petite étincelle, et tout s'enchaîne : la malveillance et le goût des ragots font le reste.
Un petit rien finit par prendre des proportions énormes. La machine s'emballe, plus rien ne peut l'arrêter.
Pauvre Mouret, victime de l'abbé Faujas, victime des bonnes gens de Plassans, victime de la plume d'Émile Zola, car n'oublions pas que tout ceci n'est qu'une fiction.
Une fiction, vraiment ? Pas si sûr, et c'est ça qui dérange : de se rendre compte que toutes ces horreurs sont plus que réalistes, qu'elles peuvent se produire, qu'elles se produisent sans doute.
Je découvre dans ce roman Émile Zola au sommet du cynisme. Je ne sais pas encore ce que me réserve la suite, mais j'ai plus que jamais envie de poursuivre la lecture du cycle des Rougon-Macquart.
La nature humaine ne sort pas grandie de ces pages, mais moi, lectrice, j'en sors totalement conquise.
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