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La Conquête de Plassans est chronologiquement le 4ème volet du cycle des Rougon-Macquart, l'oeuvre majeure d'Émile Zola.

Après deux épisodes parisiens, l'auteur nous reconduit à Plassans, petite ville de province (et de Provence par la même occasion puisqu'elle dépeint, sans la nommer, Aix-en-Provence, d'où est originaire l'auteur) où nous avions déjà assisté au coup d'état de Napoléon III dans La Fortune des Rougon. (Notons encore que le nom fictif de Plassans provient de Flassans-sur-Issole, située dans le Var à environ 70 km d'Aix et où Zola connaissait un certain... Rougon ! le nom est d'ailleurs encore présent dans cette commune.)

Ici, Zola nous conte l'arrivée en catimini d'un prêtre de Besançon, l'abbé Faujas, d'aspect piteux et au passé aussi louche qu'obscur. Il arrive chez les Mouret, le couple consanguin de la famille, où le mari, François Mouret est un descendant du rameau Macquart tandis que sa femme Marthe est la dernière fille de Pierre Rougon.

Les Mouret sont de braves commerçants prospères de sensibilité républicaine. L'arrivée du prêtre va révolutionner la vie de ce couple paisible et bien assis dans la société de Plassans.

Après des débuts difficiles, l'abbé Faujas va réussir à se faire accepter et à devenir un personnage incontournable de la vie politique et sociale de la ville grâce au concours de Marthe Mouret, dont il va parvenir à faire une dévote, elle qui n'était pas même sûre d'être croyante auparavant. Non content de semer la zizanie dans le couple, l'abbé et surtout sa famille (mère, soeur et beau-frère de Faujas qui s'incrustent comme une belle infection parasitaire) vont littéralement dépouiller les Mouret de leur bien.

On y voit la lente mais inéluctable aliénation du couple, qui se fait siphonner par le cerveau et par le porte-monnaie jusqu'au trognon. le parachutage de l'abbé Faujas à Plassans ne doit rien au hasard et semble avoir été minutieusement pilotée depuis Paris par le ministre en personne (à savoir Eugène Rougon, voir Son Excellence Eugène Rougon) dans le but d'assurer le résultat des élections législatives à venir...

Avec ce 4ème roman, Émile Zola franchit une étape dans son style où il abandonne les longues descriptions du Ventre de Paris et nous plonge plus directement dans l'action.

C'est pourtant un ouvrage très balzacien, à mon sens, assez proche du roman le Curé de Tours, aussi bien dans le ton que dans le propos. le texte est découpé en beaucoup plus de chapitres que précédemment, tendance qu'il poursuivra avec La Faute de l'Abbé Mouret et par la suite, ce qui rend la lecture plus agréable à mon goût.
On n'est pas encore à l'apogée de la série mais on s'en rapproche avec cette Conquête de Plassans, du moins c'est mon avis, et vous savez la suite...
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Après Paris, retour à Plassans pour une escale dans le berceau de la famille Rougon-Macquart. Si vous comptiez vous détendre à l'ombre d'un olivier, bercé par le chant des cigales, oubliez, car ça va encore swinguer dans les chaumières.

Ce quatrième opus marque l'entrée fracassante dans l'arène du couple Mouret, François et Marthe, dont le mariage consanguin est abordé dans La Fortune des Rougon. Républicains et non croyants, ce sont de riches commerçants de Marseille retirés à Plassans. Entourés de leurs trois enfants, Serge, Octave et Désirée, la petite tribu mène une vie paisible qui ne va pas tarder à être perturbée quand François décide de louer le deuxième étage de leur maison à l'abbé Faujas et sa mère.
L'abbé, avec sa soutane trouée et sa mine grave va essuyer les moqueries de Mouret et de la bonne société de Plassans, soucieuse de son image de marque. D'abord discret, peu à peu, il va s'insinuer dans la vie familiale du couple en faisant de Marthe une dévote acharnée. La pauvre femme n'est en fait qu' un instrument pour accélérer l'ascension sociale de cet homme de "Dieu" au passé plus que louche.
Son emprise sur sa propriétaire acquise, sa crédibilité dans ses fonctions se trouvant accrue, Faujas va étendre ses tentacules pour faire la conquête de Plassans...

Quitte à me faire taper sur les doigts par certains lecteurs, ma première exclamation en refermant ce livre a été : "Oh p....n". Je n'hésite pas à dire que je me serai pris une mandale, cela m'aurait fait moins mal. Ce quatrième volet des Rougon-Macquart est noir de chez noir, mêlant politique, religion et analyse de la folie. Pas de longues descriptions cette fois-ci, Zola nous offre une immersion immédiate dans l'intrigue qui va aller crescendo et nous emmener dans la décadence la plus totale.
Entre les parvenus avides de pouvoir, les curés vendus et les politiques manipulateurs, nous avons là une magnifique brochette de vautours prêts à tout pour rogner quelques lambeaux de splendeur, semant panique et désolation dans une famille qui a eu le malheur de traverser leur route....
Je crois que je deviens de plus en plus accroc de Zola, j'adore sa manière de mettre en scène les situations les plus horribles sans tomber dans l'excès. Depuis que je me suis lancée dans la lecture des Rougon-Macquart, je vais de surprise en surprise sans être déçue une seule seconde. Même si j'ai éprouvé de l'indignation et de la peine avec La Conquête de Plassans, j'ai adoré ce roman qui va encore plus loin dans l'horreur humaine.
Cinq étoiles un jour, cinq étoiles toujours, un vrai coup de coeur qui ne laisse pas indifférent. A lire !
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Encore une fois Zola reste le maître incontesté de la description. Il va chercher d'infimes détails qui apportent une ampleur a ses écrits. Il maîtrise les décors, mais également les caractères des personnages.

Il dirige le lecteur vers une critique sociale assez impressionnante.

Je reste étonnée de sa façon de voir les êtres humains, qui est si juste et si bouleversante. Il écrit pourtant avec "douceur" et poésie, et pourtant au fond il est cruel, il est cynique et mordant.

J'ai beaucoup aimé la curiosité quasi maladive de François Mouret. Et là Zola, encore très perspicace, rentre une fois encore au fond de la nature humaine, car le voyeurisme est un des vices de l'Homme. (on le voit aujourd'hui fortement avec le succès incompréhensible de la télé réalité).
Et puis pour mon plus grand plaisir il s'amuse a montrer les malversations de l'église, capable de tout pour arriver a ses fins. La manipulation religieuse a des fins politique. Et quel meilleur moyen que de le faire a travers les femmes.
Et puis Zola n'oublie pas de traiter la folie qui monte doucement, une folie qui peut être héréditaire, qui peut être liée a une certaine consanguinité.

Ce roman est jubilatoire de subtilité et de cynisme.
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Nous voici donc de retour à Plassant, dans le Sud de la France chère à Zola (lui-même natif d'Aix en Provence) loin de la vie parisienne trépidante des deux tomes précédents.

J'ai retrouvé avec plaisir Félicité, que j'avais bien aimée dans « La fortune des Rougon », ses rapports un peu bizarres avec sa fille, Marthe, dont elle n'est pas très proche. Seulement, Marthe lui est utile lors de ses réceptions du jeudi, où se côtoient les personnages importants de la ville :il est de bon ton de se critiquer, mais de se faire voir aussi…

Le personnage principal est l'abbé Faujas, qui se promène dans la ville, tout miteux, la soutane raccommodée, (il n'en a qu'une !) et apparemment modeste, ne s'intéressant qu'à Dieu. Il s'infiltre peu à peu dans la ville, la vampirisant, la domptant pour mieux la dominer. Il s'immisce ensuite dans tous les pans de la société de la ville, même les jeunes, il s'agit de convaincre tout le monde.

Pour établir son emprise, il est plus simple de commencer par les femmes, grenouilles de bénitier. Il s'attaque d'abord à Marthe, épouse soumise, éprise de raccommodage, de travaux d'aiguille, athée, devinant une frustration chez elle, il va l'amener à l'Église, au salut. Il en fait une dévote, intégriste, comme souvent les nouveaux convertis, la rudoie, refusant d'être son confesseur, lui imposant ses règles de façon drastique et malsaine.

Zola nous décrit à merveille, la manière dont cet homme qui méprise les femmes qu'il considère comme impures (tiens donc !) tisse sa toile pour arriver à ses fins, dans un rapport sado-masochiste, car c'est ce qu'on appelle de nos jours un pervers narcissique. Il aime dominer, se donner du mal pour conquérir, se faisant passer pour ce qu'il n'est pas. Seule la conquête est source de jouissance !

« L'abbé avait un mépris d'homme ou de prêtre pour la femme ; il l'écartait, ainsi qu'un obstacle honteux, indigne des forts. Malgré lui, ce mépris perçait souvent dans une parole plus rude. Et Marthe, alors prise d'une anxiété étrange, levait les yeux, avec une de ces peurs brusques qui font regarder derrière soi si quelque ennemi caché ne va pas lever le bras. « P 96

Le couple Mouret est intéressant par son évolution car on voit les deux personnes changer presque radicalement et la relation entre eux se modifie : François Mouret est davantage sur ses gardes quand l'abbé arrive chez lui ; il essaie bien de railler le personnage et la religion, mais bientôt il n'est plus maître chez lui et ne peut que regarder sa femme sombrer.

Marthe confond la dévotion avec l'amour, car elle est amoureuse du prêtre, pas de Dieu ou de Jésus. Elle s'autoflagelle au propre et au figuré. Vit-elle sa passion ou sa Passion ?

La mère du prêtre est gratinée aussi : en extase devant son rejeton, qu'elle vénère, elle est prête à tout pour qu'il réussisse… « Elle trouvait, d'ailleurs, leur adoration naturelle, les regardait comme très heureuses d'être ainsi à genoux devant son Dieu » P 226

Zola traite dans ce roman, de l'influence du pouvoir sur l'homme mais surtout de la folie sous toutes ses formes : manipulations, perversité, délire mystique… Marthe et François ont, tous les deux, peur de la folie, car ils ont toujours présent à l'esprit leur grand-mère Adélaïde, la fameuse tante Dide de « La fortune des Rougon » qui est depuis des années dans un asile, aux Tulettes : la folie est-elle héréditaire ? Y-a-t-il un maillon faible dans la génétique, la consanguinité (leur fille Désirée a un retard mental) donc est-ce qu'ils risquent de devenir fou ? C'est la question qu'ils se posent….

Il change de technique dans ce roman, alors que dans les trois premiers tomes, on avait une scène présentant tous les protagonistes dans le premier chapitre, suivi de cinq ou six chapitres longs, racontant l'histoire et les personnages, ici il procède par petits chapitres (23 pour être précise), ce qui donne du rythme à l'histoire qu'il raconte, et il n'y a pas de flash-back. Par contre, les langues de vipères, les ragots sont toujours bien présents.

Ce roman est jubilatoire, dans sa férocité à décrire les protagonistes et leurs petitesses, le rôle de l'Église en politique à l'époque et se termine en feu d'artifice.

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Les Rougon-Macquart, Tome 4.
En 1851, Plassans (Aix-en-Provence) est une ville dominée par la bonne société : Pierre Rougon, bonapartiste, le sous-préfet, le maire, le juge, les Raspail, le docteur et le curé de Saint Saturnin.
Antoine Macquart, demi-frère de Pierre, est républicain.
Marthe Mouret, fille de Pierre et Félicité Rougon, est mariée à François Mouret. Ils vivent une retraite tranquille avec leur trois enfants. Ils accueillent deux locataires, l'abbé Faujas et sa mère.

Le style d'Emile Zola est très bon, comme d'habitude. L'histoire commence paisiblement, dans la maison de Marthe, coincée entre la sous-préfecture et la maison des Raspail. le caractère paisible des quatre Mouret et de leur cuisinière ronchon n'augurent pas de la révolution progressive qui va se dérouler dans cette maison, jusqu'au « feu d'artifice » final.
A l'époque, Plassans, c'était encore « Peppone et Don Camillo » : le maire et le curé étaient importants ! Zola sait mieux que personne observer la progression ou le déclin d'une personne, d'une famille. le succès des quatre Faujas aux dépens des Mouret est pénible à lire, c'est là l'art d'Emile Zola ! On a envie de leur mettre des claques, aux Mouret !

J'ai aimé la façon calculée dont Faujas conquiert Plassans, en commençant par les enfants, puis les femmes, et enfin les messieurs de la bonne société. Mais j'ai surtout admiré le mécanisme d'éviction des Trouche. Petit-à-petit, les deux Trouche, soeur et beau-frère d'Ovide Faujas, comme de bons pervers narcissiques, isolent les Mouret, font le vide autour d'eux, éloignent leurs enfants, les dépossèdent de leurs biens, et finissent par les rendre fous.

J'ai aimé l'observation par Zola des calculs mesquins de la "bonne société" de Plassans pour "monter", se placer, placer ses enfants.
Les 400 pages décrivant la déchéance des Mouret me rappellent la déchéance de Gervaise Macquart dans, plus tard, « L'assommoir », tome 7. C'est quelque chose d'impressionnant, mais de pénible à lire "passivement" sans pouvoir interagir !

Nota : j'imagine la tête du Trouche en Jean-Paul Rouve, le père « Tuche »: ça n'a rien à voir, sinon un vague orthographe un peu semblable, et un style très "beauf" parvenu ))
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Après des années de dur labeur dans le commerce de l'huile et des vins à Marseille, François et Marthe Mouret vivent une retraite paisible à Plassans, le fief familial des Rougon dont ils sont tous deux issus. le couple vit retiré, loin de l'agitation mondaine et politique. Un bonheur simple qu'égaient leurs trois enfants, Octave, Serge et Désirée. Marthe est une épouse effacée et soumise, une mère aimante et dévouée. François est parfois un brin autoritaire, maniaque et avare mais la famille vit en parfaite harmonie. Tout change lorsque le maître de maison décide de louer l'étage à l'abbé Faujas et à sa mère, venus tout droit de Besançon. Missionné secrètement par Paris pour remettre Plassans dans le giron bonapartiste, l'homme d'église rate son entrée dans le monde. Félicité Rougon lui a bien ouvert son fameux salon vert, mais l'homme, avec ses manières brusques, son visage sévère et sa soutane usée a fait mauvaise impression. C'est par Marthe qu'il va conquérir les dames de la bonne société. A son contact, l'épouse modèle, et jusque là athée, s'ouvre à la foi la plus ardente et l'introduit chez les notables de la ville. Faujas, sous ses dehors réservé, s'immisce peu à peu dans la vie de ses propriétaires. Sa soeur Olympe et son mari viennent eux aussi loger chez les Mouret, bien décidés à obtenir leur part du gâteau. Octave, Serge et Désirée sont envoyés au loin, François, qui résistait à cette emprise, est déclaré fou et interné, Marthe se retrouve à la merci de l'abbé pour qui elle est prête à toutes les extrémités. Soutenue et recommandée par la nouvellement dévote, Faujas devient l'homme fort de la ville, bien vu du camp bonapartiste comme de celui des légitimistes auxquels il a ouvert le jardin des Mouret, terrain neutre où tout le monde se rencontre, discute et complote. Dépouillée de tous ses biens sans même sans rendre compte, rejeté par Faujas qui méprise les femmes, Marthe sombre dans la folie. le drame rôde, le dénouement ne pourra être que fatal.

Avec le quatrième tome de sa saga, Zola revient à la source, Plassans, pour un roman sombre et plein de tensions. On s'introduit dans la vie des Mouret, des époux consanguins puisqu'ils sont cousins. Jouissant de leur rente dans une maison coincée entre la sous-préfecture bonapartiste et la résidence du président du tribunal civil, légitimiste, les Mouret s'occupent peu de politique et n'ont pas de vie mondaine. Pourtant Plassans est un chaudron où chacun cherche la fortune, la reconnaissance, la gloire ou le pouvoir. Pour cela, on complote, on s'allie, on retourne même sa veste. A Paris, on s'inquiète de cette ville de province qui a élu un légitimiste aux dernières législatives. Faujas est donc envoyé à la reconquête de Plassans, à l'approche des prochaines élections. Dur, calculateur et ambitieux, l'abbé est pour Zola une proie de choix pour une critique du Clergé, plus préoccupé des choses terrestres que des affaires de Dieu, la piété de ses ouailles n'étant qu'un levier pour ses ambitions politiques. Autre thème : la folie. La grand-mère, Adélaïde Fouque, a semé cette graine chez des descendants, effrayés à l'idée de sombrer, toujours sur le fil du rasoir. François et Marthe n'échappent pas à la tare familiale : un grain de sable dans les rouages de leur vie tranquille et tout part à vau-l'eau. Et puis il y a Plassans, lieu de toutes les intrigues. Les camps opposés se livrent une guerre de prestige, de réputation, de relations. On s'épie, on médit, on complote, le moindre geste est disséqué, chaque parole interprétée, tout faux pas cher payé...
Avec cette Conquête de Plassans, Zola s'est surpassé dans la dissection de la noirceur humaine. Tous ces personnages en sont marqués, sans rédemption possible. Ambition démesurée, envie, jalousie, mesquinerie, maniaquerie, conspiration, avarice, vénalité, autoritarisme, fanatisme, autant de vices qu'il nous décrit par le menu dans un récit vif et, il faut le dire, plein de suspens. Addictif et brillant !
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♬ Noir, c'est noir... ♬
Quelle histoire ! Quelle histoire !
J'en suis toute tourneboulée !
Dans ce quatrième volume du cycle des Rougon-Macquart, Émile Zola fait preuve d'une férocité extrême envers ses contemporains.
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le clergé, à travers le personnage de l'abbé Faujas.
Quel être abject !
Sournois, menteur, manipulateur et arriviste en diable. L'abbé Faujas fait partie de ces personnes que je qualifie de "visqueuses". Un être répugnant, que j'ai pris un plaisir immense à suivre dans ses manigances tout au long du roman.
À travers lui, Émile Zola dénonce sans ambiguïté l'immixtion du clergé dans la vie politique.
L'abbé Faujas et ses coreligionnaires ne reculent devant rien. Mensonge, intimidation, chantage... des procédés pas très catholiques, mais très efficaces !
Pauvre famille Mouret qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment : à Plassans lorsque l'abbé Faujas arrive pour conquérir la ville. Pauvre famille Mouret dont la vie va basculer irréversiblement. Pauvres parents, pauvres enfants. Victimes innocentes, comme l'était la famille Clutter dans l'époustouflant de sang froid de Truman Capote. Une mauvaise rencontre, et la vie bascule.
Zola naturaliste nous montre ici qu'il sait aussi merveilleusement décrire à travers l'action.
Nous sommes bien loin du Ventre de Paris et de ses longues descriptions ; ici, Zola fait agir ses personnages, et nous les dépeint très précisément à travers ce qu'ils disent et ce qu'ils font.
Cette conquête de Plassans m'a tenue en haleine de bout en bout. Depuis le début où l'on pressent que louer à l'abbé Faujas un étage de la maison n'est pas une bonne idée, jusqu'à la fin où tout s'accélère et où j'ai fini à bout de souffle.
Cette conquête de Plassans est un véritable thriller dans lequel Émile Zola tire merveilleusement bien les ficelles, instille le doute à doses savamment calculées, promène le lecteur comme il le souhaite, et mène l'histoire à un rythme dont il maîtrise parfaitement les accélérations.
Un sens aigu de l'intrigue, servi par une écriture splendide. Que demander de plus ?
J'ai cherché sur internet, et sauf erreur de ma part, La conquête de Plassans n'a jamais été adapté en film, pourtant le roman s'y prêterait formidablement. J'imagine déjà certaines scènes, certains décors ; je distribue déjà les rôles. Cela se fera peut-être un jour.
Émile Zola se montre dans ce roman à la hauteur des plus grands scénaristes. Il sait faire monter la tension d'une façon très efficace.
Le début a l'air anodin, mais le lecteur attentif qui lit entre les lignes soupçonne quelque chose. Quelque chose d'indéfinissable, d'insaisissable, mais bien réel. Un malaise à venir, même si rien n'est visible encore.
J'adore ce procédé quand il est utilisé finement, quand les ficelles ne sont pas trop grosses. Je pense à La classe de neige d'Emmanuel Carrère ou à l'inoubliable Shining de Stanley Kubrick. Rien que ça !
L'abbé Faujas, habile en diable, va donc s'immiscer dans la vie de la famille Mouret. Il va grignoter petit à petit ces braves gens. Mais il n'est pas seul dans cette entreprise. Il est aidé par des membres de sa propre famille, mais aussi par les habitants de Plassans.
Précisément par la "société" de Plassans.
Ce groupe de notables qui font la pluie et le beau temps dans la ville. Ces gens "bien" qui vont se révéler des alliés très efficaces, à travers une pratique que Zola adore dénoncer : le commérage.
Dans le ventre de Paris, mademoiselle Saget était à la tête d'une belle bande de commères. Ici, c'est plus diffus. Pas de meneur, mais dans la petite ville étriquée, où tout ou presque se joue dans le jardin dans lequel la bonne société se rassemble, chacun cancane à loisir. Chacun se livre au voyeurisme et à la médisance sans aucune retenue.
Il suffit d'amorcer, de faire jaillir une petite étincelle, et tout s'enchaîne : la malveillance et le goût des ragots font le reste.
Un petit rien finit par prendre des proportions énormes. La machine s'emballe, plus rien ne peut l'arrêter.
Pauvre Mouret, victime de l'abbé Faujas, victime des bonnes gens de Plassans, victime de la plume d'Émile Zola, car n'oublions pas que tout ceci n'est qu'une fiction.
Une fiction, vraiment ? Pas si sûr, et c'est ça qui dérange : de se rendre compte que toutes ces horreurs sont plus que réalistes, qu'elles peuvent se produire, qu'elles se produisent sans doute.
Je découvre dans ce roman Émile Zola au sommet du cynisme. Je ne sais pas encore ce que me réserve la suite, mais j'ai plus que jamais envie de poursuivre la lecture du cycle des Rougon-Macquart.
La nature humaine ne sort pas grandie de ces pages, mais moi, lectrice, j'en sors totalement conquise.
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À Plassans, berceau des Rougon-Macquart, Zola nous convie à un fascinant et écoeurant théâtre de marionnettes. Tandis que les uns manipulent habilement les ficelles, mus par une ambition sans limite, les autres se laissent aveuglément et fatalement diriger par ces mains immorales et viles aux appétits insatiables.

Et pourtant, les rideaux s'ouvrent sur une scène familiale bien paisible, en apparence : une terrasse, un air doux de début d'automne, la tranquillité d'une mère, Marthe, qui raccommode un bas, entourée par ses deux grands garçons Octave et Serge, et par sa fille Désirée à l'esprit resté enfantin. Quelques bruits de vaisselle qui s'entrechoque percent juste la quiétude de cette soirée. Rose, la cuisinière d'humeur volcanique, s'irrite du retard de Monsieur Mouret.
Le dîner à peine servi, c'est l'arrivée de l'abbé Faujas, talonné par sa mère, qui vient perturber la routine casanière de la famille. En effet, Mouret, un peu pingre, a décidé de louer le second étage et bien mal lui en a pris !
Derrière sa soutane élimée et avec sa stature haute et robuste, sa physionomie rude d'où émane parfois un regard doux pour charmer sa proie, l'abbé Faujas cache une personnalité ambitieuse, avide, non pas de richesses, mais de pouvoir. Sa charité chrétienne est inexistante et il se fait parfois violence pour cacher tout le mépris qu'il éprouve, particulièrement à l'égard de la gent féminine.
Après des débuts maladroits pour percer le microcosme politique de Plassans, il suivra les judicieux conseils de Félicité Rougon, la mère de Marthe, une des marionnettistes les plus virtuoses de la scène !
Il devra donc s'attirer les bonnes grâces des dames, en commençant par Marthe, la douce maîtresse de maison qui plongera dans la dévotion la plus totale, comblant un vide qu'elle aurait mieux fait de laisser vacant.

Dans le jardin et dans la maison des Mouret, l'abbé, se cachant humblement derrière son bréviaire, actionnera les ficelles de ses marionnettes en s'octroyant les services de sa soeur et de son beau-frère, cupides jusqu'au bout des ongles, qu'il introduira dans son spectacle pour évincer le maître de maison. La perfidie est sans aucun doute le mot qui définit le plus précisément le caractère de cet ignoble abbé Faujas.

Théâtre de l'ambition personnelle, ce roman cruel piétine et écrase allègrement toute personne représentant de près ou de loin une menace sur la route qui mène au sommet visé.
Cette ville de Plassans, passée aux légitimistes, doit revenir coûte que coûte aux bonapartistes. Le pouvoir politique se mêle au pouvoir religieux dans des rivalités ecclésiastiques où la religion n'est plus qu'une façade et un tremplin pour conquérir la ville.
Point d'envolée lyrique dans ce quatrième tome de la saga, Zola s'est concentré sur l'action et sur la montée psychologique implacable de l'accession au pouvoir.
Il n'oublie pas non plus le poids de l'hérédité qui reste une des composantes qu'il désire disséquer dans cette fresque familiale. Ici, il a choisi la folie de la grand-mère qui risque bien de ressurgir lorsque la perversité des hommes lui facilite le chemin.

Avec une aisance époustouflante, une plume qui se boit comme du petit lait, Zola orchestre une tragique manipulation servant des ambitions dévorantes. Il met en scène des âmes et actions humaines monstrueusement édifiantes et complètement vierges de toute charité qui se cachent pourtant derrière une église qu'il dénonce ouvertement.
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Le quatrième tome de la série des Rougon-Macquart est le roman de l'ambition et de la convoitise. Portée par la figure cléricale du père Faujas, cette somme des vanités humaines, allant de la basique hypocrisie à la concupiscence la plus zélée, finira par s'écrouler sur le bûcher de l'incendie qui ravage la maison Mouret.

De la même manière que nous verrons dans l'excellent "Pot-Bouille" les différentes strates de la société se frotter les unes contre les autres jusqu'à l'irritation, nous voyons à Plassans (Aix-en-Provence) les représentants des différentes classes sociales, de la servante au sous-préfet, se démener pour tirer la couverture à soi.

Derrière l'image de sereine bonhomie que nous renvoie la bourgeoisie de province, Zola nous aide à distinguer nettement les aspirations secrètes de chaque individu décidé à "arriver", le patient travail de sape des réseaux d'influence manipulés par d'habiles marionnettistes et la crasse, noire et puante, des médiocres, de ceux qui à l'image des rats se comportent en nuisibles jusqu'au crime.

"La conquête de Plassans" ne figurera pas parmi mes tomes préférés de la série même si Zola y développe avec son talent habituel des idées fortes et porteuses de sens. J'y ai hélas décelé dès la seconde moitié de l'oeuvre le style un rien trop emphatique qu'il laissera pleinement s'épanouir dans le tome suivant, "La faute de l'abbé Mouret", et qui reste pour moi un grand traumatisme d'ennui et d'exaspération.


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Marthe et François Mouret mènent une paisible vie de négociants retraités à Plassans. Ils habitent une belle maison de village avec leurs trois enfants, Octave, Serge et Désirée. Vient le jour où Mouret décide de louer le deuxième étage à l'abbé Faujas et à sa mère. Chez les Mouret, on n'est pas vraiment religieux, plutôt athée, voire révolutionnaire. Les premiers temps de la cohabitation sont tendus : Mouret voit d'un mauvais oeil la discrétion de son locataire et « la volonté bien nette prise par l'abbé de se tenir barricadé chez lui. » (p. 39) Et partout en ville, on se demande qui est cet abbé et quelles sont ses intentions. « L'abbé Faujas tendit les bras d'un air de défi ironique, comme s'il voulait prendre Plassans pour l'étouffer d'un effort contre sa poitrine robuste. » (p. 30)

C'est dans le fameux salon vert de Félicité Rougon, la mère de Marthe, que l'abbé Faujas révèle ses ambitions. Ce salon, objet des convoitises des Rougon dans La fortune des Rougon, est un panier de crabes où tout Plassans se retrouve. « Les Rougon vous font oublier Paris. On ne se croirait jamais à Plassans, ici, c'est le seul salon où l'on s'amuse, parce c'est le seul où toutes les opinions se coudoient. » (p. 85) Dans le salon vert, les ragots et les médisances vont bon train, mais une conversation peut compromettre une situation. Alors, si tout le monde y est reçu, il faut surveiller ceux qui s'asseyent à côté de vous. Et même si l'on méprise les Rougon pour leur fortune de parvenus, on enrage de ne pas avoir ses entrées dans ce salon.

Après des débuts déplorables dans la bourgeoisie provinciale de Plassans, l'abbé Faujas se rachète doucement une conduite en incitant Marthe à créer une maison pieuse pour les jeunes filles. « Les Mouret, d'ailleurs, étaient devenus l'honorabilité de l'abbé Faujas. » (p. 129) L'épouse Mouret entraîne dans son sillage toutes les matrones de la ville qui se réjouissent d'afficher leurs largesses dans une oeuvre sociale. Désormais, c'est à qui s'attirera les bonnes grâces de l'abbé et s'en fera remarquer. En réalité, l'abbé Faujas tisse une toile patiente : il passe par les femmes pour atteindre les maris et amadouer l'évêché. Ses ambitions religieuses n'ont rien à envier aux manigances politiques qui ont agité la ville quelques années plus tôt.

Le changement le plus important est celui de Marthe. L'épouse placide, toute dévouée à sa famille et à la tenue de sa maison, devient soudain enragée de religion, totalement acquise à Faujas qui ne sait comment tempérer les ferventes ardeurs de la ménagère. Impuissant, Mouret voit peu à peu son épouse, sa famille et même sa maison lui échapper, pour passer aux mains de l'abbé, de sa mère et de sa soeur. Et il n'y a pas jusqu'à son précieux jardin, son havre de paix et de bonheur, qui lui est retiré. L'emprise des locataires sur la maison des Mouret semble sans limites et représente la miniature de ce qui se passe à Plassans. Au terme du roman, la ville est complètement acquise à l'Empire, les dernières poches de résistance ont été vaincues. L'abbé Faujas a réussi la conquête de Plassans.

Ce roman peut se lire directement après La fortune des Rougon. On y retrouve Félicité, toujours ambitieuse et accrochée à sa richesse toute neuve. La brouille entre les Rougon, les Macquart et les Mouret, de proches cousins, ne cesse de grossir. Même loin de Paris, la bourgeoisie s'accroche à ses privilèges. Après tout, Plassans aussi offre à ceux qui savent les saisir des opportunités grandioses de faire fortune. « Plassans est une petite ville où l'on s'accommode un trou à la longue. » (p. 83)

Comment expliquer ce grand bonheur qui me saisit chaque fois que j'ouvre un roman d'Émile Zola ? Je retrouve sa plume avec un plaisir fou et la certitude de ne pas être déçue. La conquête de Plassans a tenu toutes ses promesses. le temps d'un roman, l'auteur m'a entraînée loin du Paris des autres volumes de la saga Rougon-Macquart. Et je reviens enchantée de mon voyage et de la lecture de cette étude acerbe de la société bourgeoise qui sévit en province.
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