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Citations sur Amérigo (37)

De toutes les feuilles volantes de cette époque, depuis la première lettre où Colomb, en 1493, annonçait avoir atteint des îles proches du Gange, aucune n'a eu un retentissement aussi large et aussi lourd de conséquences que les huit pages de cet Albericus (Vespucius) totalement inconnu jusque-là. (...)
Le grand succès de ce livret minuscule est très compréhensible. Car cet inconnu, ce Vespucci, est le premier des navigateurs qui sache raconter, et de manière amusante. Ce qu'on trouve habituellement sur ces bateaux d'aventuriers, c'est un ramassis de pilleurs d'épaves analphabètes, de soldats et de matelots qui ne savent pas même écrire leur propre nom, auxquels peut s'adjoindre à la rigueur un escribano, un juriste fastidieux qui juxtapose froidement des faits, ou un pilote qui inscrit les longitudes et les latitudes. Au tournant du siècle, le grand public est encore tout à fait ignorant de ce qu'on a réellement découvert dans ces contrées lointaines. Et voici qu'arrive un homme digne de confiance, et même cultivé, qui n'exagère ni ne fabule, mais raconte au contraire avec sincérité comment il est parti, le 14 mai 1501, sur ordre du roi du Portugal, et a navigué pendant deux mois et deux jours sur le vaste océan, sous un ciel si sombre et si orageux qu'on n'y pouvait apercevoir ni le soleil ni la lune. Il fait participer le lecteur à toutes les horreurs vécues par l'équipage, il raconte comment ils avaient déjà abandonné tout espoir d'accoster sains et saufs dans leurs bateaux mangés des vers qui prenaient l'eau de toutes parts ; pourtant, grâce à son habileté de cosmographe, le 7 août 1501 - la date est différente de celle indiquée dans ses autres récits, mais il faut s'habituer à rencontrer ce genre d'imprécisions chez cet homme instruit -, ils ont tout de même fini par apercevoir une terre, et quelle terre bénie!
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La vérité rattrape rarement sa légende. Une fois lancée, un mot tire sa force du monde qui l'a enfanté et vit sa vie, indépendamment de celui qui la lui a donnée.
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Quel homme a donné son nom à l'Amérique?
A cette question, le premier écolier venu répondra d'une voix ferme, sans avoir à réfléchir : Amerigo Vespucci.
En revanche, même les adultes se montreront hésitants et perplexes si on leur pose la seconde question, à savoir : pourquoi a-t-on utilisé, pour baptiser cette partie du monde, le prénom d'Amerigo Vespucci? Parce que Vespucci a découvert l'Amérique? Il ne l'a nullement découverte! Parce qu'il a été le premier à fouler le sol du continent, et non plus seulement des îles les plus proches de la côte? Non, ce n'est pas non plus pour cette raison, car ce n'est pas Vespucci qui a posé le pied le premier sur le continent américain, mais Colomb et Sébastien Cabot. Dans ce cas, peut-être a-t-il abusivement prétendu avoir été le premier à aborder ces terres? Non, Vespucci n'a jamais revendiqué ce privilège auprès d'aucune instance. S'agirait-il donc d'un savant, d'un cartographe qui, pour satisfaire son ambition, aurait proposé que l'on donnât son nom à cette nouvelle terre? Non, il n'a jamais agi de la sorte non plus, et n'a même vraisemblablement jamais rien su de l'usage qui était fait de son nom. Mais alors pourquoi, s'il n'a rien fait de tout cela, pourquoi l'honneur lui est-il échu d'immortaliser son nom? Pourquoi l'Amérique ne s'appelle-t-elle pas Colombie, mais Amérique?
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1512. Un cercueil, suivi par un maigre cortège, est porté d'une église de Séville au cimetière. Ce n'est pas un enterrement spectaculaire, pompeux ; ce n'est pas l'enterrement d'un homme riche, d'un noble. On conduit à sa dernière demeure un vulgaire fonctionnaire du roi, le Piloto mayor de la casa de Contratacion, un certain Despuchy ou Vespuche. Personne, dans cette ville étrangère, ne se doute qu'il s'agit de ce même homme dont la quatrième partie de la Terre va porter le nom, et ni les historiographes ni les chroniqueurs ne consacrent une ligne à cette mort insignifiante ; trente ans plus tard, on lira encore dans les ouvrages historiques qu'Amerigo Vespucci est mort en 1534 aux Açores. La mort du parrain de l'Amérique passe complètement inaperçue, de même en 1506, à Valladolid, on porte en terre dans un silence total l'adelantado, l'Amiral des Nouvelles-Indes, Christophoro Colombo, sans qu'aucun roi ni duc n'accompagne le cercueil et, là non plus, aucun chroniqueur de l'époque ne juge l'événement suffisamment important pour en informer le monde.
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C'est Vespucci qui, le premier, en réfutant l'hypothèse que ce nouveau continent fût l'Inde et en affirmant clairement qu'il s'agissait d'un nouveau monde, introduit de nouvelles dimensions, qui restent valables aujourd'hui.
Vespucci parachève bel et bien la découverte de l'Amérique, car toute découverte, toute invention ne tient pas tant sa valeur de celui qui la réalise que de celui qui en comprend toute la signification, toute la force opérante; si le mérite de l'exploit revient à Colomb, c'est à Vespucci que revient, à travers ses quelques phrases, celui, historique, de son interprétation.
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Toute l'oeuvre littéraire d'Amerigo Vespucci se limite à trente deux pages, un viatique plutôt léger et somme toute assez dérisoire pour prendre le chemin de l'immortalité. Sans forcer le trait, on peut dire que jamais homme de plume n'acquit pareille notoriété en laissant une oeuvre aussi mince, et seule une accumulation inouïe de coïncidences et d'erreurs permit à ce nom aux sonorités vibrantes de traverser les époques et de parvenir jusqu'à la nôtre pour flotter maintenant, haut dans le ciel, avec la bannière étoilée.
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Quand l'humanité découvre quelque chose, elle veut lui donner un nom. Et quand elle jubile, elle veut crier haut et fort sa joie et son plaisir. Ce fut donc un jour de liesse que celui où le hasard lui souffle soudain un nom et, sans demander son reste, elle s'empare de ce mot coloré qui sonnait si bien et s'empressa de saluer son Nouveau Monde de ce nouveau nom, de ce nom éternel d'Amérique.
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Mais ce nom, America, est maintenant coulé en lettres de plomb, ses sept lettres reliées pour l'éternité en un mot, et, désormais, ce vocable va passer de livre en livre et de bouche en bouche, inoubliable, irrésistible. Le nouveau mot s'installe, il s'impose, non par la seule proposition forfuite de Waldseemüller ou en vertu de la logique et du droit, de l'illogisme et du non-droit, mais grâce à la puissance phonétique qui l'habite. America - le mot s'ouvre, puis se clôt en vibrant sur la voyelle la plus sonore de l'alphabet et il fait alterner les autres avec virtuosité. Il se prête aux cris d'enthousiasme, se fixe dans les mémoires, c'est un mot puissant, sonore et viril, qui va comme un gant à un pays jeune, à un peuple fort et ambitieux.
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Un des premiers possesseurs de la Cosmographiae Introductio en Espagne était, comme on en a la preuve (l'exemplaire annoté de sa main a été conservé jusqu’à nos jours), Fernando Colomb, le fils de l'amiral. Non seulement il a lu ce livre où l'on affirme, contre toute vérité, que Vespucci a foulé avant Colomb le sol du continent, mais il y a inscrit en marge ses propres remarques – dans ce livre où apparaît pour la première fois la proposition de nommer Amérique la nouvelle terre. Or, curieusement, dans la biographie de son père où il s'en prend à tout le monde, accusant chacun d'avoir été jaloux de celui-ci, il n'a pas un seul mot d'inimitié quand il évoque Vespucci. […] … rien ne parle plus clairement en faveur de l'innocence de Vespucci que le silence du fils sur cette malheureuse attribution qui priva son père de la gloire de voir désigné par son nom le monde qu’il avait découvert...

2854 – [Le livre de poche n° 14058, p. 108]
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Bermuda a été baptisée par référence à Juan Bermùdez, la Tasmanie d'après Tasman, l’île de Fernando Po d'après Ferdinand Po. Pourquoi cette nouvelle terre en porterait-t-elle pas le nom de celui qui en a divulgué la découverte ? C'est un geste de reconnaissance à l'égard d'un érudit qui le premier – tel est le mérite historique de Vespucci – a avancé la thèse que ces régions récemment découvertes n’appartenaient pas à l'Asie mais constituaient une nouvelle partie du monde, quartam pars mundi. En attribuant, de bonne foi, cet honneur à Vespucci, le brave Waldseemüller ne soupçonne nullement qu'il est en train de lui adjuger, au lieu de cette présumée île dénommée Terra sacta crucis, un continent tout entier qui s'étend du Labrador à la Patagonie, spoliant par la même Christophe Colomb, le véritable découvreur. Mais comment pourrait-il s'en douter quand Colomb lui-même l’ignore, qui soutient avec flamme que Cuba est la Chine et Haïti le Japon ?

2849 – [Le Livre de poche n° 14058, p. 55]
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