Marie-Antoinette

De la première à la dernière heure, l'être libre et naturel qu'il y a en Marie-Antoinette lutte contre tout l'artificiel de ce milieu devenu le sien par le mariage, contre le pathétique précieux de ces jupes à paniers et de cette tenue corsetée. La Viennoise légère et jouisseuse s'est toujours sentie étrangère dans le solennel palais de Versailles.

Pourtant tout ce ne serait qu'une tragédie intime, un malheur comme il s'en produit quotidiennement derrière les portes verrouillées et les rideaux d'acôve si, dans le cas qui nous occupe, les conséquences funestes d'une impuissance conjugale ne devaient pas franchir de beaucoup le cadre de la vie privée. Ici le mari et la femme sont roi et reine, ils se trouvent inévitablement devant le miroir déformant de l'attention publique ; ce qui pour d'autres reste secret, alimente, dans leur cas, la critique et les bavardages. Une cour aussi méchante que celle de Versailles ne se contente pas, bien entendu, de constater la mauvaise fortune avec regret, mais cherche sans cesse à savoir quelles compensations érotiques peut s'accorder Marie-Antoinnette.

Incapable de virilité dans le privé, il lui est impossible en public de se comporter en roi.

Mais le tragique existe aussi quand une nature moyenne, sinon faible, est liée à un destin formidable, à des responsabilités personnelles qui l'écrasent et la broient, et cette forme ici me paraît même plus poignante du point de vue humain.

La reine a abdiqué, la femme a renoncé; seule une matrone terne et fatiguée lève son regard bleu et limpide que rien ne peut plus étonner ni effrayer.

"Mais secrète consolation, en face de toute puissance collective, si l’individu est ferme et résolu, il finit presque toujours par être plus fort que n’importe quel système."

"La loi suprême de toute psychologie créatrice n’est pas de diviniser, mais de rendre humainement compréhensible ; la tâche qui lui incombe n’est pas d’excuser avec des arguties, mais d’expliquer".