Toutes les nuances de la vérité et du mensonge s’y trouvent et les prévenus jouent parfois autant pour les juges que pour la caméra. À première vue, peu de films pourraient autant prétendre à l’objectivité, puisque les interventions du cinéaste sont réduites à presque rien.
La « raison », les « valeurs humaines », on n’a pas foi en cela, sinon dans un sens secondaire.
Vous et moi, je pense, allons plus loin que cela.
La foi pointe vers l’infini, vers ce qui nous dépasse absolument. L’être, Dieu peut-être, selon le nom consacré.
Il y a de l’amour dans le geste de se tourner vers ce que j’appelle l’infini. Et un appel. Cela relève de l’ordre de la grâce.
Au fond, il est difficile d’imaginer une image plus simple, plus dépouillée et pourtant elle est chargée d’un formidable poids d’humanité. De plus, c’est une image ouverte, qui exige un engagement de la part du spectateur. Cette image fait ce que j’attends du cinéma : elle tente de rendre une expérience humaine dans sa beauté et sa complexité (mais aussi, paradoxalement, dans sa simplicité) et elle ouvre un dialogue avec le spectateur. Évidemment, ce plan n’est rendu possible que par ce qui le précède, ce qui, à mes yeux, justifie le film même s’il ne se tient pas tout du long à cette hauteur.
Comme le dit George Steiner, le lecteur (le spectateur) doit à l’œuvre une certaine courtoisie : il doit accepter de s’ouvrir à elle, de faire l’effort de la lecture et de la compréhension. Mais encore faut-il que la rencontre en vaille la peine etxque l'oeuvre offre autant qu'elle exige .
La suite est plus difficile à expliquer. Le travail de scénarisation est pour moi quelque chose d’assez mystérieux, un mélange de bricolage et d’imagination, de contrôle et d’abandon, où les contraintes économiques de la production d’un film jouent un rôle important, où les impératifs de la construction d’une histoire sont parfois balayés par des personnages qui se mettent à vivre une vie indépendante (et parfois à me faire pleurer !), et où ça s’écrit autant que je l’écris.
Entrevue avec Bernard Émond, réalisateur du long métrage « Tout ce que tu possèdes », mettant en vedette Patrick Drolet.