(...) dans ce bon pays tarasconnais tout le monde est un peu toqué.
ARLES (février 1888 - mai 1889)
Tout le monde aura peut-être un jour la névrose, le hurla, la danse de saint Guy ou autre chose.
Mais le contrepoison n’existe-t-il pas ? dans Delacroix, dans Berlioz et Wagner ? Et vrai notre folie artistique à nous autres tous, je ne dis pas que surtout moi je n’en sois pas atteint jusqu’à la moelle, mais je dis et maintiendrai que nos contrepoisons et consolations peuvent avec un peu de bonne volonté être considérés comme amplement prévalents.
ARLES (février 1888 - mai 1889)
J’envie aux Japonais l’extrême netteté qu’ont toutes choses chez eux. Jamais cela n’est ennuyeux et jamais cela paraît fait trop à la hâte. Leur travail est aussi simple que de respirer et ils font une figure en quelques traits sûrs avec la même aisance comme si c’était aussi simple que de boutonner son gilet.
ARLES (février 1888 - mai 1889)
Si on peignait lisse comme Bouguereau, les gens n’auraient pas honte de se laisser peindre, mais je crois que cela m’a fait perdre des modèles, on trouvait que c’était « mal fait », ce n’était que des tableaux pleins de peinture que je faisais.
ARLES (février 1888 - mai 1889)
Et bien souvent je pense à cet excellent peintre Monticelli, qu’on a dit si buveur et en démence, lorsque je me vois revenir moi-même d’un travail mental pour équilibrer les six couleurs essentielles, rouge – bleu – jaune – orange - lilas – vert.
ANVERS (novembre 1885 - février 1886)
Les Syndics sont parfaits, c’est le plus beau Rembrandt ; mais la Fiancée juive – considérée à part – quel tableau intime, infiniment sympathique, peint « d’une main de feu ». Vois-tu, dans les Syndics, Rembrandt reste fidèle à la nature, même quand, là aussi et encore, il va dans les hauteurs, les hauteurs les plus élevées, des hauteurs infinies ; mais tout de même, Rembrandt pouvait encore faire autrement, quand il n’éprouvait pas le besoin de rester fidèle, au sens littéral du mot, comme dans le portrait, quand il pouvait être poète, c’est-à-dire Créateur.
C’est cela qu’il est dans la Fiancée juive.
NUENEN (décembre 1883 - novembre 1885).
Et je le répète : Millet est le « père Millet », c’est-à-dire le conseiller et le guide des jeunes peintres dans tous les domaines.
NUENEN (décembre 1883 - novembre 1885).
Je ne puis me soucier de ce que les gens pensent de moi, il faut que j’aille de l’avant, c’est à cela que je dois penser.
NUENEN (décembre 1883 - novembre 1885).
Je ne puis, quant à moi, être d’accord avec Zola quand il conclut comme si Manet était un homme qui ouvre en somme un nouvel avenir aux conceptions modernes en art. Pour moi, ce n’est pas Manet, c’est Millet, le peintre essentiellement moderne grâce à qui l’horizon s’est ouvert devant beaucoup.
NUENEN (décembre 1883 - novembre 1885).
Rarement le silence, la nature seule m’a parlé comme cela, dans ces derniers temps.
LA HAYE (décembre 1881 - septembre 1883)
Avril 1882.