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Georges Philippart (Éditeur scientifique)Charles Terrasse (Préfacier, etc.)
EAN : 9782246431831
303 pages
Grasset (01/01/1990)
  Existe en édition audio
4.2/5   214 notes
Résumé :
Ces lettres incomparables - des récits, des aveux, des appels - sont nécessaires pour découvrir le vrai Van Gogh devenu mythe... Il n'est pas un peintre fou. Au contraire, solitaire, déchiré, malade, affamé, il ne cesse d'écrire, lucide, comme il traque la lumière.
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De très belles Lettres à Théo -sans les réponses du frère - qui ressemblent de ce fait plus à un journal…
Beaucoup de références aux peintres de cette époque ou aux grands anciens, beaucoup de descriptions très vivantes des très nombreux travaux en cours, et en filigrane une vie difficile, une vraie misère matérielle, quelque chose de triste et douloureux dans cette solitude où se succèdent l'exaltation et le désespoir. Une vision froide de lui-même: « Que suis-je aux yeux de la plupart - une nullité ou un homme excentrique ou désagréable - quelqu'un qui n'a pas de situation dans la société ou qui n'en aura pas, enfin un peu moins que rien. » En effet Vincent gagne très peu d'argent, il vendra une toile, La Vigne Rouge, et quelques dessins de son vivant -Théo l'aidera et l'aimera beaucoup- se nourrit très peu, s'habille très peu, aime mais est très peu aimé en retour. Mais une passion du dessin et de la peinture toujours vivante , une énergie créatrice puissante et fragile à la fois. Et puis ce rêve non abouti, la création d'une maison de peintres, celle d'une communauté d'artistes, avec le partage des idées et des matériaux, cet idéal brisé lors de la rupture avec Gauguin, de Arles à Saint Rémy et jusqu'à Auvers sur Oise où Vincent se perd à l'âge de 37 ans…

« La Nuit Étoilée », peinture à l'huile (1889) réalisée quand Van Gogh était à l'asile de Saint Rémy de Provence, est estimée à plus de 100 millions de dollars… le tableau est exposé au Musée d'Art Moderne de New York.
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De 1872 à 1890, Vincent van Gogh n'a cessé de correspondre avec son frère Théo. Des lettres innombrables, sans doute près de 900, qui tour à tour, peuvent être empreintes de sa passion pour l'art, ou très matérialistes, voire triviales ... On y trouve cette sensibilité si particulière de l'artiste, mais aussi ses angoisses, ses doutes. On y voit poindre aussi un manque d'estime de soi qui sera récurrent.
"Tout le temps que je travaille, j'ai une confiance illimitée dans l'art et dans ma réussite, mais dès que je suis surmené physiquement ou aux prises avec des difficultés d'argent, j'éprouve moins intensément cette foi et je me retrouve en proie à un doute que j'essaie de vaincre en me replongeant derechef dans le travail."
Théo sera, à sa façon, son thérapeute . En s'ouvrant sans retenue à son frère cadet , Vincent prend conscience de ses difficultés matérielles et psychiques , de cette dépendance aux autres, au confort , à l'argent, à la reconnaissance, qui sont autant de signes de faiblesse chez cet homme tourmenté. Sa créativité est freinée par un fatras de détails de la vie quotidienne qui l'empêchent de s'épanouir pleinement dans son art. Vincent est un éternel insatisfait, comme tant d'artistes ; Théo a les pieds sur terre : l'échange devrait aider l'artiste. Mais cette "psychanalyse épistolaire" aura ses limites. Peu à peu, mais inexorablement, Vincent voit sa santé mentale se dégrader. Le pire, c'est qu'il en est conscient, il note ses progrès, comme ses récidives, avec une rare lucidité. Est-ce que sa peinture en pâtit ? Oui et non. Aujourd'hui, nous sommes tentés de dire non. Les toiles réalisées à St Rémy, où il fut interné, sont éblouissantes. La folie serait-elle le signe du talent de l'artiste ? Van Gogh se trouve des précurseurs ... Il vit avec ses crises, il semble "positiver". Mais sa fragilité est bien là, toujours.
Dans ce qui est peut-être son ultime lettre, celle qu'il avait sur lui le jour de sa mort, il dit : "Eh bien, mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a fondré (fondu ? ) à moitié...".
Sans doute torturé par ce dilemme : que l'art puisse -et doive, pour que l'artiste vive- être aussi une marchandise, Van Gogh n'a jamais pu se débarrasser de ses démons. Même son frère, le socle sur lequel il s'appuyait à travers ses lettres, n'y aura pas réussi.
Si l'on aime l'oeuvre de van Gogh, si l'on est touché par son parcours atypique (pensons au film de Pialat interprété par Jacques Dutronc), il me semble important de compléter le portrait de l'artiste par la lecture de "Lettres à son frère Théo". Magnifique, comme du van Gogh !
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Je reprends sous une forme résumée la critique que j'avais faite pour le livre de Correspondance Générale de Vincent van Gogh édité par Gallimard, Edition Biblos en 3 volumes, de 1990. Cette édition nettement plus complète, car reprenant toutes ses lettres, avait l'avantage de reproduire tous les dessins de Vincent qui figuraient dans ses nombreux courriers.

Une chose que je voudrais signaler en premier car je l'ai souvent vu dans les différentes critiques du livre : Vincent n'était pas fou. Ceux qui le disent ont certainement mal lu les lettres.

Peu de peintres ont l'aura de Vincent van Gogh dans le monde. Et pourtant, le connaît-on vraiment ?
Ma passion pour ce peintre m'avait incité, il y a quelques années, à lire les nombreuses lettres qu'il avait écrites à son frère Théo, sa famille, ou ses amis, des années 1872 jusqu'à son décès en juillet 1890 à Auvers-sur-Oise. Ces lettres montraient un homme très différent de l'être tourmenté et malade qui nous est présenté trop souvent. Caractériel certes, mais intelligent, passionné, sensible, très cultivé.
Au fil des pages, Vincent était devenu un ami presque intime.

Pour les années de 1872 à 1886, je ne reprendrai pas la partie de sa correspondance, échangée essentiellement avec son frère Théo, qui suivra son long parcours en Hollande, en passant par quelques séjours à Paris, Londres, Belgique.

Je parle, ci-dessous, de la période débutant à Paris en 1886 voyant l'avènement de sa peinture moderne, celle qui va voir l'épanouissement d'un style nouveau.

21 février 1886 au 20 juillet 1890

Ce sont deux années parisiennes passées chez Théo, le frère de Vincent. Celui-ci écrivant essentiellement à son frère, cette période ne comprend donc que des lettres écrites à des amis peintres ou relations diverses.
A Paris, la palette sombre de ses premiers pas dans le Nord va s'éclaircir au contact des impressionnistes dont il va faire la connaissance par l'intermédiaire de Théo, marchand d'art. Il va découvrir les estampes japonaises qui circulent beaucoup à Paris et l'inspirent dans son travail.
Il découvre la lumière de l'Ile-de-France mais aspire à une lumière plus intense qui l'incite à partir vers la Provence.

21 février 1888 – 3 mai 1889

Installé dans une location à Arles « La maison jaune », Vincent souffre de la solitude et rêve de créer un atelier d'artiste où ses amis artistes vivront en commun.
Le printemps et l'été lui fournissent de nombreux motifs de paysages qu'il peint constamment. Durant les 14 mois qu'il passe à Arles il peint environ 200 toiles de paysages et, pour ceux qui veulent bien poser pour lui, des portraits d'arlésiens et arlésiennes. Les toiles qu'il envoie à Théo ne cessent de s'accumuler dans l'appartement de celui-ci.
Pendant cette période à Arles, la correspondance de Vincent devient abondante : essentiellement à son frère Théo, sa soeur Willemien et son ami Emile Bernard. Il se sent bien et la nature alentour lui procure des motifs nouveaux.
Le Midi lui révèle des couleurs intenses qui embrasent ses paysages. Toutes les peintures de cette période seront reconnues plus tard comme des chefs-d'oeuvre, universellement admirés de nos jours : « Nuit étoilées sur le Rhône », « Café-terrasse de la place du forum à Arles de nuit », « Bateaux de pêche sur la plage des Sainte-Marie », « Les tournesols », de nombreux « Arbres fruitiers en fleurs ».
En octobre 1888, son ami, le peintre Gauguin, le rejoint. Les caractères des deux hommes étant incompatibles cela se termine mal à la veille de Noël 1888. Ils se disputent et Vincent se blesse à l'oreille. Il passe plusieurs mois à l'hôpital d'Arles.

3 mai 1889 – 16 mai 1890

Atteint de violentes crises, Vincent demande à entrer à l'asile de Saint-Rémy-de-Provence, dans l'ancien monastère de Saint-Paul-de-Mausole.
Il va rester une année dans cet asile. Cet environnement de malade n'aide pas à améliorer sa santé. Entre deux crises, il continue de peindre, et produit des toiles de toute beauté comme « La nuit étoilée », « Champ de blés avec cyprès ». Théo lui écrit : « J'ai reçu ton envoi qui est très important, il y a des choses superbes… Certes ce n'est pas le beau qu'on enseigne, mais il y a quelque chose de si frappant et de si près de la vérité. »
Quand il le peut, il écrit toujours beaucoup à Théo, à sa soeur et ses amis.
Théo, sur les conseils de Camille Pissarro qui habite à Pontoise près de Paris, lui propose de rejoindre Auvers-sur-Oise où le docteur Gachet l'attend pour le soigner.

20 mai 1890 – 20 juillet 1890

En arrivant pour quelques jours à Paris chez Théo, Vincent fait la connaissance de la récente femme de son frère : Johanna. Il part ensuite pour Auvers rencontrer le docteur Gachet et habiter à l'auberge Ravoux.
L'activité artistique du peintre est intense durant ce séjour auversois. En l'espace de 70 jours, Vincent peint 75 tableaux, soit plus de un par jour. Au sommet de son art, nombre des toiles de cette période sont des chefs-d'oeuvre : « Champ de blés aux corbeaux », « Portrait du Docteur Gachet », « Marguerite Gachet au piano ».
Avant de se suicider, le 27 juillet 1890, il écrira un brouillon de lettre à Théo, que l'on retrouvera sur lui. La fin de ce brouillon était si triste : « Eh bien mon travail à moi j'y risque ma vie et ma raison y a sombré à moitié. Mais que veux-tu ?".



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Theo et Vincent Van Gogh ont entretenu une durant leur vie très brève vie une relation fusionnelle. Theo a beaucoup aidé son frère (aîné de quatre ans) tant matériellement que moralement. Il le fit par générosité, amour mais surtout par admiration profonde, parce qu'il fut le premier à croire au génie de son frère. Au travers de ces lettres, de Vincent uniquement, nous découvrons la personnalité du peintre, sa volonté d'être compris (ça c'était plutôt raté à son époque), sa grande culture, picturale bien sûr mais aussi littéraire et musicale, sa soif d'apprendre, sa fragilité, sa sensibilité et plus surprenant sa lucidité quant à sa santé psychique notamment. Il se voit sombrer et est conscient du souci qu'il cause à son frère dont la santé (physique) n'est pas non plus excellente. Vincent se confie sur sa conception de la peinture de de l'art en général.:l'importance du travail, de la ténacité quand la nature résiste "trouver un passage entre ce que l'on sent et ce que l'on peut". Nous suivons aussi son évolution notamment quant la quête de la lumière de la Hollande aux couleurs crues du Midi "outrer la couleur"(y compris dans le portrait qu'il voudrait pratiquer davantage mais les modèles sont rares) pour finir par les les ciels changeants d'Ile de France, la primauté qu'il accorde à la couleur sur la ligne "attaquer le dessin avec la couleur même pour bien dessiner". Les soucis matériels dans lesquels Vincent se débat constituent aussi le fil conducteur de cette correspondance.Rien n'évolue de ce côté-là malgré l'aide précieuse de Theo à qui nous devons beaucoup (N'oublions pas l'épouse de Theo qui après la mort des deux frères a contribué à faire connaître Vincent et qui par ses dons est à l'origine du magnifique musée Van Gogh d'Amsterdam). De belles lettres très bien écrites en plus pour les amoureux de la peinture.
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Ma dernière visite au musée van Gogh d'Amsterdam remonte à une quinzaine d'année.
Depuis longtemps je voulais lire une biographie du peintre en parallèle avec sa correspondance.
C'est chose faite et j'en suis ressortie plus amoureuse que jamais de cette peinture et de ce peintre.
Jusqu'ici j'avais picoré ces Lettres à Théo mais cette fois en parallèle de la biographie j'ai fait une lecture suivie et cela s'est révélé passionnant.

Dès les premières lettres on est accroché, une famille qui n'est pas riche mais vit dans une certaine aisance, un père pasteur qui va à la fois servir de modèle permanent et d'objet de haine à la façon d'un Kafka. Vincent pourrait comme Kafka écrire sa lettre au père.

Des études pas vraiment glorieuses et pas vraiment terminées, et un début de la vie d'adulte difficile.
Un départ pour l'Angleterre où il va connaitre ses premières amours et se révéler doué pour les langues, plus tard il ajoutera le français à la panoplie au point d'écrire une partie des ses lettres en français.
D'échec en échec le voilà quasi missionnaire auprès des mineurs du Borinage, c'est pour lui une période mystique pendant laquelle il découvre le travail sordide, la faim, ses dessins en portent la trace, ils ont la noirceur de la mine et la dureté du travail. Plus tard lisant Zola il se reconnaitra dans Germinal.
Les lettres sont pleines de ses doutes, de ses souffrances mais aussi de ses lectures, c'est un lecteur passionné et attentif. ll admire Hugo, Balzac et par dessus tout Zola. Rien à voir avec les lettres d'un fou, même si de temps à autre le ton change, l'exaltation le tient, que ce soit pour une femme, pour la Bible ou pour la peinture.

Nous n'avons pas les réponses de son frère mais l'on sent très bien son rôle modérateur, complice.
Le départ pour Arles apparait comme une chance mais très vite les démons reviennent. Alcool, hallucinations, la misère matérielle détruit sa santé, son corps le lâche et son esprit va suivre ce qui le conduit vers l'hôpital psychiatrique où il trouve un certain repos.
Théo a essayé de le faire connaitre, d'organiser des expositions de ses oeuvres mais Vincent s'y oppose le plus souvent. On le suit à travers ses lettres jusqu'à la cassure finale.
Ces lettres sont profondément touchantes et désespérantes car on le voit s'enfoncer dans la folie tout en essayant de tenir la tête hors de l'eau grâce à la peinture. ll cultive les ruptures, régulièrement avec Théo quand celui ci renâcle à le soutenir, ruptures avec des femmes, rupture avec Gauguin.
Pourtant c'est à Théo qu'il envoie tout, ses dessins, ses premiers tableaux, les toiles qu'il peint frénétiquement à Arles, cette frénésie se poursuit lorsqu'il est interné à Saint Rémy de Provence : imaginez il peint en un temps très court 200 toiles et parmi elles ses toiles les plus célèbres.
J'ai vraiment été accroché par ces lettres, Van Gogh y apparait dans toute sa nudité et sa faiblesse mais aussi dans toute sa passion pour la peinture, exutoire à la folie qu'il sent poindre.

Vous pouvez aussi écouter ces lettres lues par Denis Lavant.
Un site existe mais en VO

La biographie permet de replacer ces lettres dans leur contexte.
Mon seul regret c'est de n'avoir pas en parallèle les oeuvres pour en suivre l'évolution.
Une édition existe aujourd'hui chez Actes Sud en six volumes qui permet cela mais son prix est carrément prohibitif (380€)

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Citations et extraits (227) Voir plus Ajouter une citation
Un oiseau en cage au printemps sait fortement bien qu'il y a quelque chose à quoi il serait bon, il sent fortement bien qu'il y a quelque chose à faire, mais il ne peut le faire, qu'est-ce que c'est ? Il ne se le rappelle pas bien, puis il a des idées vagues, et se dit "les autres font leurs nids et font leurs petits et élèvent la couvée", puis il se cogne le crâne contre les barreaux de la cage. Et puis la cage reste là et l'oiseau est fou de douleur.
"Voilà un fainéant", dit un autre oiseau qui passe, celui-là c'est une espèce de rentier. Pourtant le prisonnier vit et ne meurt pas, rien ne transparaît en dehors de ce qui se passe en dedans, il se porte bien, il est plus ou moins gai au rayon de soleil. Mais vient la saison des migrations. Accès de mélancolie, -mais disent les enfants qui le soignent dans sa cage, il a pourtant tout ce qu'il lui faut - mais lui de regarder au-dehors le ciel gonflé, chargé d'orage, et de sentir la révolte contre la fatalité en dedans de soi. "Je suis en cage, je suis en cage, et il ne me manque rien, imbéciles ! J'ai tout ce qu'il me faut, moi ! Ah, de grâce, la liberté, être un oiseau comme les autres oiseaux !"
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Des gens comme moi ne devraient pas être malades.
Il faut comprendre comment je considère l'art. Pour arriver à la vérité, il faut travailler longtemps et beaucoup.
Ce que je veux et ce à quoi je vise est bigrement difficile, et pourtant je ne crois pas viser trop haut.
Je veux faire des dessins qui frappent certaines gens.
Sorrow est un petit début, il est possible qu'un petit paysage comme la Laan van Merdervoort, les prairies de Rijswijk, le séchoir de limandes, sont aussi un petit début.
Au moins contiennent-ils directement quelque chose de mon propre cœur.
Soit dans la figure, soit dans le paysage, je voudrais exprimer non pas quelque chose de sentimentalement mélancolique, mais une profonde douleur.
Somme toute, je veux arriver au point qu'on dise de mon œuvre : cet homme sent profondément et cet homme sent délicatement. Malgré ma soi-disant grossièreté, comprends-tu, ou précisément à cause d'elle.
Que suis-je aux yeux de la plupart - une nullité ou un homme excentrique ou désagréable - quelqu'un qui n'a pas de situation dans la société ou qui n'en aura pas, enfin un peu moins que rien.
Bon, suppose qu'il en soit exactement ainsi, alors je voudrais montrer par mon œuvre ce qu'il y a dans le cœur d'un tel excentrique, d'une telle nullité.
C'est mon ambition qui est moins fondée sur la rancœur que sur l'amour « malgré tout », plus fondé sur un sentiment de sérénité que sur la passion. Encore que je sois souvent dans la misère, il y a pourtant en moi une harmonie et une musique calme et pure. Dans la plus pauvre maisonnette, dans le plus sordide petit coin, je vois des tableaux ou des dessins. Et mon esprit va dans cette direction par une poussée irrésistible.
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17 septembre 1888
Si on étudie l'art japonais, alors on voit un homme incontestablement sage et philosophe et intelligent, qui passe son temps à quoi ? à étudier la distance de la terre à la lune ? non, à étudier la politique de Bismarck ? non, il étudie un seul brin d'herbe.
Mais ce brin d'herbe lui porte à dessiner toutes les plantes, ensuite les saisons, les grands aspects des paysages, enfin les animaux, puis la figure humaine. Il passe ainsi sa vie et la vie est trop courte à faire le tout.
(...) J'envie aux japonais l'extrême netteté qu'ont toutes choses chez eux. Jamais cela n'est ennuyeux et jamais cela paraît fait trop à la hâte. Leur travail est aussi simple que de respirer et ils font une figure en quelques traits sûrs avec la même aisance comme si c'était aussi simple que de boutonner son gilet.
(p 226 édition Grasset 1972)
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La dernière lettre, celle que Vincent portait sur lui le 29 juillet 1890

Sans date
Mon cher frère,

Merci de ta bonne lettre et du billet de 50 francs qu'elle contenait.
Puisque cela va bien, ce qui est le principal, pourquoi insisterais-je sur des choses de moindre importance, ma foi, avant qu'il y ait chance de causer affaires à têtes plus reposées, il y a probablement loin.
Les autres peintres, quoi qu'ils en pensent, instinctivement se tiennent à distance des discussions sur le commerce actuel. Eh bien ! vraiment, nous ne pouvons faire parler que nos tableaux.

Mais pourtant mon cher frère, il y a ceci que toujours je t'ai dit et je te le redis encore une fois avec toute la gravité que puisse donner les efforts de pensée assidument fixée pour chercher à faire aussi bien qu'on peut - je te le redis encore que je considérerai toujours que tu es autre chose qu'un simple marchand de Corot, que par mon intermédiaire tu as ta part à la production même de certaines toiles, qui même dans la débâcle gardent leur calme.
Car là nous en sommes et c'est là tout au moins le principal que je puisse avoir à te dire dans un moment de crise relative.
Dans un moment où les choses sont fort tendues entre marchands de tableaux - d'artistes morts - et d'artistes vivants.
Eh bien ! mon travail à moi, j'y risque ma vie et ma raison y a fondrée à moitié - bon - mais tu n'es pas dans les marchands d'hommes pour autant que je sache, et puisse prendre parti, je le trouve, agissant réellement avec humanité. Mais que veux-tu?
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Sans date
... Je me sens vieux chaque fois que je songe que la plupart des gens qui me connaissent me considèrent comme un raté : il me semble qu'un jour il s pourraient avoir raison si certaines choses ne changent pas. Quand je me dis qu'il pourrait en être ainsi, j'en sens si intensément la réalité que je suis découragé et que toute envie me passe comme si c'était déjà arrivé. Lorsque je regagne mon humeur normale, plus calme, il m'arrive de me réjouir que trente années se soient écoulées et qu'elles ne se soient pas écoulées sans que j'aie apprit quelque chose dont je pourrai tirer parti plus tard. Je me sens alors la force et l'envie de vivre les trente années suivantes, s'il m'est donné de les vivre. ... Bien des choses ne font que commencer à trente ans, et il est certain que tout n'est pas fini à ce moment-là. Mais on n'espère plus que la vie vous donnera ceci ou cela, puisque l'expérience vous a appris qu'elle ne peut vous le donner. On commence à saisir alors que la vie n'est qu'une espèce de période de fumage, et que la récolte n'est pas de ce monde.
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