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Citations sur Lettres à son frère Théo (227)

Ce matin, je travaillais dans un verger de pruniers en fleurs; Soudain, il y a eu une forte rafale de vent, qui a créé une ambiance que je n'avais jamais remarquée ici auparavant et qui se répétait de temps en temps. De temps en temps le soleil perçait, faisant scintiller les petites fleurs blanches : c'était trop beau ! Mon ami le Danois est venu, et au risque de voir tous les cadeaux par terre à chaque coup de vent, j'ai continué à peindre. Dans cet éclairage blanc il y a beaucoup de jaune, de bleu et de violet, le ciel est blanc et bleu. Mais que dira-t-on de l'exécution quand on travaille en plein air ? ont par la suite Je regrette vraiment de ne pas avoir commandé de peinture au bon Tanguy ; Je n'en retirerais aucun bénéfice, mais c'est trop marrant un mec ! Je pense encore souvent à lui, n'oubliez pas de dire bonjour de ma part quand vous le verrez, et dites lui que s'il veut des photos pour sa fenêtre il peut en avoir et ce sont les meilleures.

Ah, il me semble de plus en plus que l'être humain est la racine de toute vie, et bien que cela reste à jamais un sentiment mélancolique de ne pas être dans la vraie vie (dans la mesure où il serait plus correct d'être en chair vivante qu'en peinture ou travail de l'argile, dans la mesure où il vaut mieux élever des enfants que faire de l'art ou du commerce d'art), du moins on se sent vivant, considérant qu'on a des amis parmi ceux qui ne sont pas non plus dans la vraie vie ; et comme dans le cœur des hommes, ainsi dans les affaires il doit y avoir des amitiés gagnées ou ravivées. D'ailleurs, puisqu'il n'y a presque rien à craindre quant à l'issue de l'Impressionnisme et que la victoire est assurée de notre côté, il faut aussi se comporter décemment et tout doit se faire calmement.

*


Tu as eu raison de commander le vernis au géranium que je viens de recevoir de l'atelier de peinture. Toutes les couleurs que l'impressionnisme a mises à la mode ont tendance à perdre un peu de leur force. Par conséquent, vous devez les appliquer avec audace assez vivement, le temps les adoucira plus que nécessaire.

Aucune des couleurs que j'ai commandées : 3 chrome (orange, jaune, citron), bleu de Prusse, vert émeraude, vert Véronèse etc. se retrouvent sur la palette des peintres hollandais Maris, Mauve et Israels. En revanche, ils étaient sur la palette de Delacroix, qui se passionnait pour les deux couleurs les plus mal vues - le jaune citron et le bleu de Prusse - et pour cause, car il me semble qu'il vient de créer des choses magnifiques avec ce jaune citron et bleu.

Je ne peux m'empêcher de penser à Marat comme l'équivalent moral (quoique plus puissant) de Xantippe ; cette femme à l'amour aigri reste malgré tout une figure touchante.

*

Je travaille maintenant sur deux peintures dont je voulais faire des itérations. Le pêcher rose me dérange le plus.
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C'est étrange : un des derniers soirs à Moul-Majour, j'ai vu un coucher de soleil rouge ; les troncs et les aiguilles des sapins enracinés dans un tas de rochers étaient brillamment éclairés. Les rayons coloraient les troncs et les aiguilles d'un feu jaune orangé, tandis que d'autres pins, plus en retrait, étaient bleu de Prusse sur un ciel bleu-vert clair. Mais c'est exactement le même effet qu'avec le Claude Monet dont tu m'as parlé. C'était charmant. Le sable blanc et les couches de roches blanches sous les arbres prenaient des teintes bleutées. Je voudrais peindre le panorama dont vous avez les premiers dessins. C'est large ! – et qui ne devient pas gris en arrière-plan, il reste vert jusqu'à la dernière ligne.

J'avais peint une toile extérieure dans un verger, un sol violet cultivé, une clôture de canne, deux pêchers roses contre un ciel bleu et blanc brillant, probablement mon meilleur paysage; au moment où je l'amène chez moi, notre sœur m'envoie un mémorial hollandais à Mauve (le portrait très bon, belle gravure, texte mauvais). Je ne sais pas moi-même ce qui m'a secoué et serré la gorge, mais j'ai écrit sur ma photo : Un souvenir pour Mauve : Vincent et Théo. Et si vous l'aimez aussi, envoyez-le à Madame Mauve tel quel. Je viens de ramasser la meilleure étude que j'ai réussi à faire ici; qui sait ce qu'ils en disent, on s'en fout. j'ai eu le sentiment,

Ne croisez pas que les morts soient morts,
Tant qu'il y aura des vivants
Les morts vivront, les morts vivront.

C'est ce que je ressens à ce sujet et pas plus triste.
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« Je veux maintenant absolument peindre un ciel étoilé. Souvent il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour, colorée des violets, des bleus et des verts les plus intenses. Lorsque tu y feras attention tu verras que de certaines étoiles sont citronnées, d’autres ont des feux roses, verts, bleus myosotis. Et sans insister davantage il est évident que pour peindre un ciel étoilé il ne suffise point du tout de mettre des points blancs sur du noir bleu. » [Lettre 678]
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En vérité, je connais ici des jours heureux, pourtant je n'ai pas pleine et entière confiance en ce bonheur, en cette quiétude. L'un peut être la conséquence de l'autre. L'homme se déclare rarement satisfait ; tantôt il trouve que ça va trop bien, tantôt il estime que ça ne va pas assez bien.
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15 octobre 1879

... Sentir que je suis devenu un boulet ou une charge pour toi et pour les autres, que je ne suis bon à rien, que je serai bientôt à tes yeux comme un intrus et un oisif, de sorte qu'il vaudrait mieux que je n'existe pas : savoir que je devrai m'effacer de plus en plus devant les autres, - s'il en était ainsi et pas autrement, je serais la proie de la tristesse et la victime du désespoir.

Il m'est très pénible de supporter cette pensée, plus pénible encore de croire que je suis la cause de tant de discordes et de chagrins dans notre milieu et dans notre famille. Si cela était, je préférerais ne pas trop m'attarder en ce monde. Tout cela me décourage parfois excessivement, trop profondément, car il arrive qu'à la longue une autre idée germe en même temps en mon esprit : ce n'est peut-être qu'un rêve horrible et angoissant; peut-être verrons-nous plus clair et comprendrons-nous mieux par la suite. Ou bien, ce rêve est-il une réalité : est-ce que cela ira mieux, est-ce que cela ne s'aggravera pas ? Nombreux ceux qui trouveront sans doute que c'est de la superstition de croire encore à une amélioration. Il fait parfois si froid en hiver qu'on se dit : il fait trop froid, peu m'importe l'été, le mal l'emporte toujours sur le bien. Mais tôt ou tard, le gel rigoureux prend fin, avec ou sans notre approbation, et un beau matin, le vent surgit d'une autre direction : c'est le dégel. Quand je compare les variations du temps aux variations de notre état d'âme et de nos conditions de vie, je garde un peu d'espoir : cela finira peut-être mieux que nous le pensons.
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c her Théo,

Parfois, en hiver, il fait un froid si intense ...

Lorsque je compare le climat à notre état d'esprit et à notre situation eux aussi sujets aux changements et aux fluctuations, alors je garde ESPOIR que tout peut s'arranger

Ton dévoué Vincent
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uelqu’un aurait assisté pour un peu de temps seulement aux cours gratuits de la grande université de la misère, et aurait fait attention aux choses qu’il voit de ses yeux, et qu’il entend de ses oreilles, et aurait réfléchi là-dessus, il finirait aussi par croire et il en apprendrait peut-être plus long qu’il ne saurait dire. Cherchez à comprendre le dernier mot de ce que disent dans leurs chefs-d’œuvre les grands artistes, les maîtres sérieux, il y aura Dieu là-dedans.
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Qui n’a pas appris à dire : “elle et aucune autre”, sait-il ce que c’est que l’amour? (…) C’est alors que je me suis mis à lui parler, avec gaucherie et maladresse au début, mais tout de même avec fermeté, pour en arriver à lui dire: “K., je vous aime, comme moi-même” et elle m’a répondu: “Jamais, non, jamais de la vie!” Jamais, non, jamais de la vie! Que répliquer à cela: aimer encore! Je ne puis prédire qui l’emportera. (…) Ce fut terrible, ô mon Dieu, lorsque j’ai entendu cet été ce “Jamais, non, jamais de la vie!”, bien que je ne fusse pas pris au dépourvu. J’ai senti peser sur moi à ce moment un poids aussi écrasant que la damnation -et, oui -cela m’a jeté un moment par terre, si j’ose dire. Mais de l’indescriptible angoisse de mon âme a jalli en moi une idée, telle une vive clarté dans la nuit: qui peut se résigner, se résigne mais si vous pouvez croire, croyez! Et je me suis relevé, non comme un résigné, mais comme un croyant, et je n’ai plus eu d’autres pensée que : elle et aucune autre.
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Je suis en train de peindre avec l'entrain d'un Marseillais mangeant la bouillabaisse, ce qui ne t'étonnera pas lorsqu'il s'agit de peindre des grands tournesols.
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J’ai relu avec bien du plaisir Zadig ou la destinée, de Voltaire. C’est comme Candide. Là au moins le puissant auteur fait entrevoir qu’il y reste une possibilité que la vie ait un sens « quoiqu’on convînt dans la conversation que les choses de ce monde n’allaient pas toujours au gré des plus sages » ...

SAINT-REMY (mai 1889 - mai 1890).
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