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Citations de Alain Berenboom (71)


Toute personne de race juive doit s’inscrire dans sa commune de résidence, décrète l’ordonnance d’octobre 1940. Si les Allemands avaient obligé, disons tous les myopes, les goitreux, les unijambistes, les bègues ou les maladroits à s’inscrire dans un registre, imagine-t-on qu’ils auraient obtempéré ? Et si une ordonnance avait décrété qu’il fallait dresser un inventaire des maisons envahies par les mouches, quel propriétaire aurait été assez candide pour tomber dans le panneau ? Faudrait avoir eu une araignée dans le plafond ! ! Alors, pourquoi diable mon père s’est-il empressé de se déclarer juif et d’inscrire son nom et celui de ma mère dans ce foutu registre ? Voulait-il prouver que lui aussi respectait la loi comme tous ses chers voisins ? Qu’il était aussi bon juif Belge qu’eux ?
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Qui se soucie de la vie de ses parents ? Qui a eu la curiosité, la force ou simplement l’idée de percer leurs secrets, de violer leur jardin personnel ? Pour un enfant, les parents n’ont pas d’âge, pas d’histoire, pas de passé et surtout pas de mystère. A l’adolescence, on ne s’intéresse qu’à soi. Plus tard, après avoir quitté le nid, on ne les voit plus qu’un dimanche de temps en temps, puis aux fêtes d’anniversaire, à la nouvelle année. Et que reste-t-il de nos parents quand la tentation nous prend enfin d’ouvrir la boîte de Pandore ? Des morceaux d’histoires qui leur ont échappé et qu’on a miraculeusement retenus, on ne sait pourquoi : le nom d’un ancien ami –ou d’un ennemi- à qui ils n’ont jamais pardonné, des rancœurs familiales à l’origine obscure.
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- Demain est toujours plus rassurant, avait affirmé mon père un jour que je broyais du noir.
- Ah oui? Et la mort au bout de demain ?
- La mort ? Un esprit scientifique ne croit qu'à ce qui a été vérifié par l'expérience. Or personne n'est jamais revenu du soi-disant royaume des morts. Donc... (...)
Si la mort existait, qui pourrait encore croire en Dieu? Honorer un Dieu qui aurait assassiné des milliards de créatures juste parce qu'Adam et Eve ont boulotté quelques fruits de son jardin?
- Il a tout de même fini par abandonner Hitler, fis-je remarquer.
- Tu vois ? triompha-t-il. Comment croire en un dieu qui change sans cesse de héros ?
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Que m'a-t-il enseigné d'autre sur le judaïsme ? Pas grand-chose. Il préférait parler du peuple juif. Ce peuple, maltraité, torturé, ridiculisé par son Dieu, qu'il ne cesse pourtant d'admirer. Quand on n'est pas content d'un vendeur, d'un médecin ou d'un ouvrier, on en change. Mais pas le peuple élu qui s'obstine jusqu'à la folie à servir un dieu inefficace, grognon et méchant. Chémâ Yisraël ... De temps en temps, un Juif se met à douter. Tant de persécutions, de massacres, de misère ; plus nous prions, plus nous obéissons à Ses commandements, plus nous sommes punis. N'y a-t-il pas là un paradoxe ? Le rabbin a vite fait de donner une réponse à ses vacillations : « Comment se fait-il qu'Israël prie et ne soit pas exaucé ? C'est parce qu'il ne sait pas comment demander ». Autrement dit : voici la réponse, mais quelle est la question ?

p. 167
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Ce jour-là, alors que nous passions devant l'immense pigeonnier du parc, en essayant d'éviter les dommages collatéraux, et que nous nous disputions je ne sais plus à quel propos, il finit par me lancer, faute d'autre argument : « Au font mes parents ont raison. Tu n'es qu'un sale juif ! Fous-le camp sale juif ! » Puis il s'enfuit, me plantant là, stupéfait. Oui, stupéfait. Ni fâché, ni blessé, ni rien de pareil. Simplement étonné. Incapable de comprendre ou de réagir. Il m'aurait traité de « Sale nègre ! » parce que je défendais Lumumba et que je trouvais scandaleux le retour des Belges dans leur ancienne colonie, j'aurais compris. Nos bagarres ne se passaient jamais à fleurets mouchetés. Mais « sale Juif » ? Vraiment, non, que voulait-il dire ? Mon éducation avait soigneusement été épurée de tout judaïsme, au point que j'avais à peine conscience d'être juif. Le soir, je racontai à mes parents ce qui s'était passé. Et le lendemain, au début de son cours, le professeur (de français, je crois) désigna du doigt André puis moi. Il fit répéter ce qu'il m'avait dit sur la route du lycée. Le pauvre garçon, rouge pivoine, finit par murmurer, en grommelant vaguement quelques mots entre ses dents, les yeux dans ses chaussettes. Si André se sentait mal, que dire de mon état ? Qu'André m'insulte devant quelques dizaines de pigeons, même voyageurs, passe encore. Mais qu'il le répète devant la classe entière, quel cauchemar ! S'ensuivit un long discours du prof, rappelant la Guerre, l'Holocauste, les camps, etc. Qui écoutait ? Six millions de Juifs anonymes avaient été éliminés par les nazis, mais bon ils étaient morts. Tandis que moi, j'étais vivant et je devais continuer à vivre tous les jours au milieu de mes quinze condisciples, brusquement marqué du sceau de l'étoile jaune à laquelle j'avais échappé.

Il me fallut longtemps pour comprendre pourquoi mes parents s'étaient confiés au directeur, au lieu d'apaiser mon trouble en m'expliquant eux-mêmes quelle mouche avait piqué André. Pourquoi ils avaient préféré que le prof de français transforme notre prise de bec en un cours d'Histoire et de morale et me fige, moi, dans le rôle de la victime devant la classe rassemblée. Longtemps pour saisir que mon père comme ma mère étaient incapables de parler de ça depuis la fin de la Guerre. Et qu'ils en resteraient incapables jusqu'à leur mort. Et aussi que la colère qui étouffait mon père l'empêcherait toujours de me raconter son histoire.

p. 162-163
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Mais ils (les documents) étaient indéchiffrables. Moi qui me piquait d'être écrivain, je me retrouvais dans la peau d'un analphabète, incapable de lire un seul mot de ma grand mère, des mes tantes, de mon grand-père. Leur signification restait aussi énigmatique que celle des tablettes retrouvées en Crète ou dans l'île de Pâques.
Le temps que prenait la traductrice pour m'envoyer les textes de Frania en français me mettait en supplice. Ces lettres avaient dormi plus de soixante ans dans les cartons sans que je ne m'en préoccupe et, soudain, je voulais entendre, sous-titrées, la voix de ma grand-mère et de ma tante Sara séance tenante ! Je rongeais mon frein : il fallait attendre son retour de vacances. Ou la fin de ses examens.

p. 113
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D'Aba je n'ai retrouvé que cinq ou six courtes lettres, dont le sens se révèle aussi impénétrable que le cahier des charges de la tour de Babel , une des plus belles facéties de Dieu ! Le mur de la langue d'Aba est bien plus hermétique et infranchissable que celui qui sépare Israël de la Palestine.

p. 112
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Tomas n'a pas du tout la même réaction que tous ces défaitistes , ces Juifs à l'esprit de ghetto, qui se mettent la tête dans le sable. Il boit les paroles de Chaïm avec l'appétit d'un élève devant son mentor. Tout juste s'il ne prend pas de notes. Seul hic, un respect exagéré pour la parole de mon père. Tomas ne le contredit jamais, ce qui à la longue atténue le plaisir de mon père. Tout au plus laisse-t-il un jour échapper ce surnom qui va lui coller à la peau : « Chaïm, on devrait t'appeler monsieur Optimiste ! Je n'ai jamais rencontré quelqu'un aussi persuadé que toi de l'avenir radieux de la planète. Si au moins tu étais communiste ou national-socialiste, je comprendrai ta ferveur, mais non c'est au fond de toi que tu puises la force de ton optimisme. À notre époque, tu es unique dans le genre. »

p.22
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«Crise cardiaque », déclara le médecin. « Comme tout le monde, ajouta-t-il avec un soupir. Moi-même, je ne me sens pas très bien ». [...]
Une heure après l'hospitalisation de mon père, le médecin sortit de la salle de réanimation. Il prit soin de fermer la porte métallique derrière lui, comme pour empêcher l'âme de mon père de le suivre. Il s'approcha de moi et me tendit sa montre d'un air soucieux. J'ai vite compris la raison de son inquiétude. Le verre de la montre était étoilé et moi j'étais l'avocat. La montre s'était cassée pendant qu'on essayait en vain de le ranimer. La responsabilité médicale, ça peut coûter cher. Voilà ce que je lisais dans ses yeux alors qu'il venait de fermer ceux de mon père. Il avait tort de s'en faire. Ma mère n'a pas protesté (je parle du décès pas de la montre). Elle s'est contentée de pleurer et de suivre. Ou au moins d'essayer. Dans notre famille, il est de tradition de ne pas remuer le passé. On verra bientôt pourquoi. De plus, elle n'a jamais été du genre bavard. Alors, moi non plus, je n'ai pas insisté, je n'ai pas cherché à savoir.

À propos, malgré son verre étoilé, la montre marche toujours.

p.9
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Des pluies acides traversaient le regard du grand Noir. Il tapa du poing sur l'accoudoir. Le cendrier alla rejoindre le tapis couvert de détritus et attendit patiemment la suite des évènements. Mon terrible voisin devenait de plus en plus nerveux comme s'il regrettait son habit de grenades. C'était peut être leur poids qui lui manquait. Les types plein de muscles ont sans cesse besoin de les faire travailler. Jim Pète-sec, par exemple. Quand il voit en rue un type qui transporte des caisses, il faut qu'il se précipite pour l'aider. Assistance et exercice, telle est sa règle. L'âme et le corps, quoi. Avec cette philosophie, pas étonnant qu'il ait eu cette idée qui avait enthousiasmé Céline, d'organiser un jogging au profit des victimes de la faim. Un projet typique du bonhomme.
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