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Citations de Ana Blandiana (65)


Je me suis toujours demandé si la léthargie ressentie par nos corps au printemps, cette absence de volonté et de force qui s'empare de nous à l'apparition des premiers brins d'herbe et persiste jusqu'à ce que le printemps ait définitivement vaincu et nous libère, car il ne nous craint plus, si cette léthargie n'est pas par hasard un simulacre de mort, une imitation de la mort comme dans un rituel magique, mis au point depuis des temps immémoriaux, une supercherie de notre corps, qui pressent la parenté du printemps et de la mort et imite la mort afin de se soustraire à l'œil assassin de cette pourvoyeuse de vies.
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Ana Blandiana
Danse

La lettre trahit
le silence ment
le signe est ambigu
faux le cri
incertain le chuchotement
l’œil duplicitaire
l’étreinte
une danse seulement

messages infirmes
chiffres perdus
en long et en large
à pied et en pied
le ciel bleu
n’est que la profondeur
de la couche épaisse
du néant

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Où s’en vont les heures ?
Elles ont une façon suspecte de se faufiler,
D’échapper à l’attention
De disparaître purement et simplement.
Mais que signifie disparaître ?
Comment se peut-il que quelque chose qui est
Cesse d’être
Comme si elle n’avait jamais été ?
Ou s’en vont les heures tout à coup
Et, surtout, d’où viennent-elles
Semblables à des bateaux en papier
Glissant doucement
Sur une mer naïvement dessinée
Avec des vagues comme il se doit
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Ana Blandiana
Désir

… Ce serait un matin enfantin et doux
Par lequel, en passant, la lumière ferait
Un froissement de feuilles séchées ;
Dans la pièce ça sentirait
Les crayons bien taillés
Et la feuille de papier encore blanche ;
Je m'éveillerais de mes pensées,
De l'amour ou seulement du sommeil,
Joyeuse, étourdie,
Je jetterais sur mes épaules un vêtement,
Je sortirais, hébétée, dans la rue,
Les pieds nus dans mes chaussures
Et je demanderais, heureuse :
Sauriez-vous, par hasard…
En quelle année sommes-nous ?

(traduit du roumain par Cécile Folschweiller)
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La nostalgie de l'architecture
Dans un paysage de briques
La nostalgie des montagnes
Là où sont les collines d'eau.
Qui est en mesure de comprendre
Tout ce qui s'effondre ici ?

Sagesse fermentée
Dans la bouse et dans la boue
Crépie sur des branches encore vivantes
Sagesse délirante
Tressant dans une même séduction
Architraves molles
Et colonnes sculptées dans du treillis.

Le rêve de pierre rêvé
Dans un sommeil de terre
Où ondulent des sillons pluvieux.
Les dimanches dans les temples
Produisent des fruits de culpabilité
Des temples courbés
Sous les vents qui soufflent.

(Systématisation, p. 27)
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Ana Blandiana
Espoir oublié

Lorsqu’il pleut depuis longtemps
et que l’exaspération de l’air
devient assez concentrée
pour être bonne conductrice
de révolte
ou au contraire
lorsque le ciel est si étoilé
que tout l’univers
n’est qu’une pauvre créature
tremblant de plaisir
et d’amour

on entend
venir du futur
les voix des poètes morts

et même si
personne n’espère
comprendre ce qu’ils disent
nous les entendons tous
et sentons suppurer en nous
(comme la résine dans le tronc
des arbres blessés)
l’espoir oublié

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Paradoxul evident pe care îl prezintă psihologia poporului român, acest paradox subtil, aproape imposibil de intuit din afară, face din noi unul dintre cele mai necunoscute, sau mai prost cunoscute , popoare ale Europei. Românii sunt poporul cel mai supus, cel mai de nerăsculat, nu pentru că se lasă dominaţi de ideile celor ce îi stăpânesc, dimpotrivă, pentru că nici o ideologie nu-i seduce, nici chiar revolta, care-i întotdeauna o ideologie. Faţă de tot ce i se spune (şi cu cât se încăpăţinează mai mult), el păstrează o distanţă ironică, din ce în ce mai refractară. Această impertiabilitate funciară la entuziasm şi fanatism îl face în acelaşi timp şi de necucerit, şi de nerevoltat. Şi asta pentru că, pe de o parte, orice revoltă presupune un elan mai mult sau mai puţin entuziast, fanatic, iar românul nu este nu numai capabil de fanatism, ci, mai mult, fanatismul îl repugnă şi – mai mult chiar – i se pare ridicol şi îi trezeşte hazul; pe de altă parte, pentru că teroarea care pare, văzută din afară, insuportabilă, ricoşează de realitate pe suprafaţa alunecoasă a ironiei populare, nereuşind să pătrundă în interior, nereuşind să realizete o presiune interioară pe măsura grozăviei ei istorice. Deci, revolta nu se produce, pentru că nu are condiiţii subiective (predispoziţie psihologică, dar nici obiective (impactul real asupra indivizilor). Astfel se ajunge la paradoxala situaţie în care un popor, care nu poate fi manipulat, poate totuşi fi guvernat cu uşurinţă. Libertatea interioară se transformă în condiţie şi chiar în unealta a supunerii exterioare.
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Célestes, flottent, flottent
Les sons, mélodie à venir,
En rythme les mots respirent
Le vide de l’oubli d’exister.

Quiétude vacillante
Savamment détaillée en tranches
De vieux souvenirs
Sur lesquels glissent les vivants

Morts depuis longtemps orphelins
Invoquant les fantômes parentaux –
Il me semble les écouter, adulte
Au milieu d’enfants ancestraux.
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L'EXASPÉRATION

L'exaspération de s'écouler
Vers rien, de s'écouler vers personne
De même que s'écoule le sang d'une blessure,
C'est la longue Histoire qui me l'a apprise
L'Histoire domestiquée par le néant
Où se battent les sommets
Des montagnes du monde entier, ou périssent en vain
Les flots exacerbés des ruisseaux de miel, de lait;
L'exaspération de croire
Qu'il est ridicule, que c'est un supplice
De griffer l'éternité en y creusant des tranchées
D'édifier une coupole en même temps qu'un destin
Sur une des îles flottant dans le delta du Danube
Parce qu'en fait on veut simplement en finir;
L'exaspération qui permettra de conclure
Mauvaise fortune, bon cœur en même temps que la ballade
Par la même conclusion:
Une même mort bénévole…

(p. 33)
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Ana Blandiana
Pour moi, chaque individu est quelque chose de différent, parce qu’il se distingue de tous les autres du même genre, de la même couleur ou de la même langue, et chacun doit être pensé séparément.
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Ana Blandiana
Condition (Condiție)

Je suis
telle
un petit grain dans le sablier
qui
ne peut devenir temps
que
lorsqu’il
tombe.

*

Sunt
asemenea
nisipului clepsidrei
care
poate fi timp
numai
în
cadere.

***
Poezii (1989)
Traduit du roumain par Luiza Palanciuc
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Ana Blandiana
Jadis les arbres avaient des yeux

Jadis les arbres avaient des yeux,
je peux jurer,
j’en suis sûre,
je voyais quand j’étais arbre.
Je me rappelle que les ailes des oiseaux m’étonnaient
quand ils passaient devant moi.
Mais je ne me souviens pas s’ils soupçonnaient
l’existence de mes yeux.

J’ai beau chercher maintenant les yeux des arbres.
Peut-être ne les vois-je plus
parce que je ne suis plus un arbre ?
Peut-être sont-ils descendus dans les racines
ou tombés dans la terre ?
Qui sait ?
Peut-être je les ai tout simplement rêvés
Et les arbres sont depuis toujours aveugles.

Mais alors pourquoi
Lorsque je passe auprès d’eux
Je les sens me suivre de leur regard
familier ?
Pourquoi alors quand ils frémissent et clignent
de leurs milliers de paupières
j’ai envie de crier :
Qu’avez-vous vu ?

(traduit du roumain par Radu Bata)
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Requiem - extraits
     
1.
« Qui est derrière toi ? » m’as-tu demandé
Et moi je n’ai pas osé tourner la tête.
J’ai chuchoté seulement : « Personne. »
« Mais si, m’as-tu dit, je le vois,
Et je veux savoir qui c’est. »
Mais, sans me retourner,
J’ai chuchoté : « C’est Personne. »
     
3.
Comment est-il possible de sentir
Que quelqu’un ou quelque chose
Te pousse par derrière,
Sans pouvoir t’y opposer,
Sans savoir vers quoi,
Mais d’aller de plus en plus vite,
Parfois même de ne plus réussir
À faire un pas
Et alors de glisser
Ou, même, pour un bref moment,
De planer,
Mais sans la certitude que
Tu pourras voler,
Quand le vol restera
Ta seule chance,
À la brusque fin du chemin…
     
9.
Le fait que je ne te vois pas,
Que nous ne nous rencontrons pas,
Que je me dirige,
Tout en m’arrêtant au dernier moment,
Vers le téléphone d’où nous nous parlions,
Ne veut pas dire que tu n’existes plus.
Tu es peut-être en retard
Comme la note
La plus basse de l’orgue,
Si profonde que
Personne ne peut l’entendre.
     
     
Traduit du roumain par Muriel Jollis-Dimitriu
     
(pp. 93, 95 et 101)
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L'oiseau peint en plein vol renvoie à l'idée que le peintre se fait du vol, voire à l'idée du vol de cet oiseau précis. Cela ne dispensera pas le peintre de reconnaître sa dette envers le vol de l'oiseau, envers l'oiseau même, dont l'acte de voler a, seul, présenté quelque intérêt à ses yeux. Il lui sera tout aussi loisible de considérer qu'il a trahi l'oiseau, en volant mentalement du vol qui était sien. Cette culpabilité, l'artiste (le peintre, l'écrivain) la conservera vivante jusqu'à la fin de ses jours, en la faisant peser sur ceux qu'il côtoie. Car il sait que tout ce qui leur arrive, ne constitue pas un événement intrinsèque, bon ou mauvais – plus mauvais que bon, s'entend. Parce qu'il est artiste, il voit de la matière première en tout ce qui advient, un dépôt placé à la banque de la vie, l'enrichissant des souffrances qu'elle lui porte autant que des souffrances d'autrui ressenties pour rien, demeurées simple souffrance. Tout événement advenu resurgira dans son œuvre en qualité d'élément porteur de sens (ce qu'il n'est pas dans la réalité, car la vie n'est jamais porteuse de sens, bien qu'en ultime instance, elle engendre ce dernier). Une fois incorporé à l'œuvre, l'événement ne portera pas son propre sens (le sens qu'il a engendré). Il sera porteur du sens conféré par l'artiste. Il sera, par conséquent, pour lui un élément de construction de son œuvre. Quant à l'événement réel dont l'artiste profite en vertu d'une loi éternelle, il le transforme en éternel débiteur. C'est banal et en même temps difficile à comprendre. J'en suis conscient mais je n'ai pas entrepris ma démonstration par plaisanterie. Si j'ai commencé, c'est en raison de l'atmosphère fraternelle de cette chambre, parce que j'étais échauffé par ce bon vin. Peut-être, aussi en raison de la troublante évocation des mystères dionysiaques par Tudor. Il a parlé de cet instant parfait où l'unité se recrée moins par disparition d'un des termes opposés que par l'absorption d'un des termes par l'autre. Comme si, par exemple, un loup dévorant des agneaux devait être logiquement considéré comme un agneau, du seul fait que sa chair, son sang, sa force finissent par être réductibles au résultat de l'ingestion, de la digestion réitérée d'agneaux…

(extrait du chapitre 21 de Sertarul cu aplauze [Le Tiroir aux applaudissements], dans la traduction d'Hélène Lenz, in Les Belles Étrangères, 12 écrivains roumains, sous la direction de Laure Hinckel, p. 54-55)
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Am fost întotdeauna slabi, mereu cuceriţi, mereu supuşi,mereu călcaţi în picioare […]. Alţii s-au răsculat când au fost cotropiţi, au cotropit şi ei pe alţii când au fost mai puternici. Numai noi am fost întotdeauna nişte nevolnici. Uită-te la popoarele din jur: chiar dacă acum sunt la fel de prăpădite ca şi noi (dar nu sunt!) , a avut fiecare clipa lui de glorie, momentul când a dominat. A avut fiecare un imperiu sau o juma’ de imperiu, în care a fost şi el deasupra altora. Asta, ca să nu vorbesc de marile popoare – care au cucerit lumea fără scrupule, fără odihnă, fără milă, au cărat pe insula lor mică tot ce au descoperit mai bun pe pământ, iar în acest timp – cu legătură, spun eu, dar chiar dacă nu vei recunoaşte conexiunea, faptele poţi să nu le recunoşti – pe insula lor se năşteau poeţi şi savanţi de geniu, filosofi şi inventatori, castele şi catedrale, apăreau capodopere. Pe când noi? Ce făceam noi? Eram „sub vremi”. Sub vremi! Halal înţelepciune! Dar încercasem măcar să fim deasupra lor? Făcusem măcar o tentativă? Şi vrei să ştii urmarea? Pe când noi aveam scrisoarea lui Neacşu din Câmpulungu, englezii se pregăteau să-l aibă pe Shakespeare.
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Ana Blandiana
Pietà

Douleur limpide la mort m'a retourné
Dans tes bras, soumis presque enfant.
Tu ne sais si tu dois remercier
Ou pleurer ce bonheur,
Mère.
Mon corps écorcé de mystère
Reste à toi seule.
Tes larmes s'égouttent doucement sur mon épaule
Et se rassemblent au creux de ma clavicule ;
Que c'est bien !
Les pérégrinations incomprises et les paroles,
Les disciples, tu en es fière et tu as peur ;
Le père, supposé, celui qui n'est pas nommé
Et qui veille,
Tout cela reste en arrière.
Tranquille, admettant la souffrance
Tu me tiens dans tes bras
Et en secret
Tu me berces lentement.
Berce-moi, Mère.
On ne me laisse que trois jours reposer
Dans la mort et sur tes genoux
Puis viendra la résurrection
Et à nouveau tu ne pourras comprendre,
Trois jours seulement
Mais jusqu'alors
Je me sens si bien sur tes genoux
Descendu de la croix
Que si je ne craignais de t'effrayer,
Tendrement je retournerais ma bouche
Vers tes seins pour sucer.

(traduit du roumain par Ion Pop et Serge Fauchereau)
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Ana Blandiana
Généalogie

De nous rêve quelqu'un
Dont rêve à son tour
Un autre,
Lui-même le rêve d'un rêve
Certain.
En proie au sommeil
Voici, nous rêvons d'un monde
Qui sauvagement s'agite en dormant ;
Rêveurs,
Nous sommes de frêles chaînons
Dans une chaîne sans commencement
Qui ne s'achèvera
Jamais
Bien qu'il
Suffise
D'un cri
Juste assez fort pour réveiller
À demi
Le premier prince
Du sommeil,
Celui qui dort
Aux racines des mondes
Rêvés.

(traduction en français par Irina Radu)
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Veverița, care alerga pe ramurile nesfârșit de lungi și de numeroase ale arborelui, parcurgea creanga pâna la capăt, apoi se întorcea și o lua pe alta, în capătul căreia se întorcea din nou. Nu avea aerul că vrea să ajungă undeva, ci că are misiunea de a epuiza toate ramurile, misiune pe care și-o îndeplinește conștiinciosă și grăbită, fără să excludă totuși, din toată agitația, plăcerea jocului.
(Fragmente din Antijurnal, 29)
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Te souviens-tu de la plage
Recouverte d'amers éclats
Sur lesquels
Pieds nus nous ne pouvions marcher ?
Cette façon
Dont tu contemplais la mer
Et disais m'écouter ?
Te souviens-tu
Des mouettes insensées
Qui tournaient dans le carillon
D'invisibles églises
Avec les poissons pour le patron,
De la façon dont
Tu t'éloignais en courant
Vers la mer
Et criais qu'il fallait
Un écart
Pour me regarder ?
Dans l'eau
La neige mêlée aux oiseaux
S'éteignait,
Comme en un joyeux désespoir
Je suivais
Les traces de tes pas sur la mer
Et la mer
Se refermait telle une paupière
Sur l'œil dans lequel j'attendais.
(Te souviens-tu de la plage ?)
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Ana Blandiana
Face aux montagnes

Et
si je cessais d’entendre
le monde me semblait-il soudain ridicule
comme une émission dont on a coupé le son
à la télévision ?
Un dieu sourd
sur lequel les eaux deviennent laine et tombent
et les nuages se heurtent sans tonnerre
comme des boulettes de papier hygiénique
dans la poubelle du ciel
donnerait le signal de la cessation de sens
de cet univers qui n’existe que
par le grincement qu’il produit
Et ses grandes mains
qui amplifient parfois
le pavillon de ses oreilles
se poseraient sur mes épaules
et me retourneraient doucement
face aux montagnes

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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