Citations de Andrea Camilleri (1033)
Peut-être ce que nous avons été demeure-t-il enseveli en nous. Peut-être qu’en un instant, la rencontre de deux regards peut suffire à le faire resurgir. Pure illusion d’un moment… Tout a fini presque avant de commencer.
Il a pris l’habitude de monter s’asseoir dans un arbre, un livre à la main, et d’y passer une heure ou deux. Quand il a faim, il lui suffit d’allonger le bras pour cueillir un fruit.
Vouloir connaître, vouloir savoir, en un mot questionner, se traduit en dialecte sicilien par spiare, c’est-à-dire « espionner ». Et bien souvent, la réalité « espionnée » se retourne contre l’espion.
Les hommes et les femmes de Sicile ne sont pas religieux, mais superstitieux.
Extrêmement puissant, chez les Siciliens, est le sentiment de la famille. Le père en est le chef de manière absolue et indiscutée, cependant que la mère, elle, gouverne la maison, y consacre tous ses soins et son intérêt et commande à ses enfants, comme par procuration de son mari, auquel elle voue obéissance et tendresse même s’il ne le mérite en rien. Elle inculque aux enfants l’amour et la vénération de leur père, non seulement parce qu’il est leur père, mais parce qu’il est la colonne soutenant la maison .
Celui qui élève n’est pas le père, mais la mamelle de la mère.
Crois-moi, mon ami : si nous laissions parler la nature, nous serions par inclination tous quadrupèdes. Ce serait tellement préférable ! Nous serions ainsi plus à l’aise, bien posés, toujours en équilibre… Que de fois je suis tenté de me jeter au sol pour marcher à quatre pattes, tel un gros matou ! Cette maudite civilisation est notre ruine.
On naît à la vie de tant de façons, sous tant de formes : arbre ou rocher, cours d’eau ou papillon… ou femme, et on naît pour une fois, une seule, sous cette forme donnée, unique, parce que jamais deux formes ne furent identiques ; et pour bien peu de temps, parfois pour un seul jour, et dans un infime espace, bien qu’ayant tout autour de soi, l’inconnu, le monde immense, l’immense et impénétrable vacuité de l’existence. On naît fourmi, moucheron minuscule, brin d’herbe.
On sait comment sont les lucioles. C’est pour elles, croirait-on, que la nuit étend ses ténèbres ; pour que, volant nul ne sait où, elles libèrent tantôt ici, tantôt ailleurs, le vert languissant de leur clarté. Quelquefois, il advient que l’une d’elles tombe à terre, et l’on distingue alors, à même le sol et par intermittence, son vert soupir de lumière qui nous paraît éperdument lointain. C’est ainsi que je suis tombé cette nuit de juin…
Naître au mauvais endroit n’est pas l’apanage des seuls humains. Il arrive aussi qu’un bourg ne naisse pas comme il faudrait ni où il faudrait, mais là où la vie le presse en raison d’un impératif naturel. Et si, contraints par cet impératif, trop nombreux sont les hommes qui y convergent et qui y naissent alors que le lieu est trop étriqué, le bourg ne peut que se contrefaire en grandissant.
Une courge est une courge de quelque côté qu’on la tourne.
Non seulement il ne partageait sa vie avec personne, mais il n’avait pas même de chat ou de chien. Si sa laideur pouvait justifier qu’il n’ait pas réussi à vivre avec une femme, elle ne justifiait pas l’absence d’un animal. Un miron ignore si son maître est beau ou laid, il s’attache à lui, c’est tout.
Les hommes veulent nous faire croire que la stérilité est toujours de notre faute, en revanche, comme me l’ont expliqué les médecins de Rome, elle vient souvent de l’homme.
Toutes les filles du lycée étaient encarpionnées de lui, elles en battaient la calabre, mais Totino semblait n’en faire aucun cas. Ni quoi ni qu’est-ce, un saint de bois. Aimable et poli avec toutes comme bien on pense, prêtant ses devoirs, toujours disposé à aider, mais jamais rien de plus.
Il en perdait son latin, car il avait éprouvé pour celle qui était maintenant son épouse une attirance qu’il n’avait jamais ressentie jusque-là.
Il se sentait tout carciné, pas à cause de la fatigue de la journée, mais parce que, pour la première fois, il allait passer une nuit entière aux côtés d’une femme. Avec les autres canantes, il ne s’était attardé au lit que le strict nécessaire, c’est-à-dire jamais plus d’une heure
Je pense être en mesure d’enfanter sans problème. Je cuisine assez bien. Mon seuil de patience et de tolérance est très élevé. Je ne fume pas, ne bois pas, n’aime pas jouer aux cartes. J’ai le permis et conduis souvent la voiture de mon père. J’aime lire. Des romans d’amour. Je me couche presque toujours à minuit. Il est rare que je me réveille dans la nuit, le matin je me lève à huit heures
De quoi pouvaient parler deux personnes qui ne s’étaient jamais vues ? De la pluie et du beau temps ? Des programmes de télévision ?
Pendant la guerre, le fascisme avait interdit les danses et les jeux de hasard. Résultat : on improvisait des bals à tous les coins de rue et des parties de cartes jusque sur le trottoir.
’hypothèse de la conjuration communiste était désormais une certitude. Et son devoir était de la dénoncer sans chercher à ménager la chèvre et le chou.