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Citations de Aude Le Corff (116)


La maison de mon enfance, sur la pointe nord de l’île de Ré, a subi de nombreux dégâts. Le salon a pris l’eau plusieurs fois, elle n’est plus habitable. Un héritage englouti, et tant de souvenirs près du phare des Baleines à présent inaccessible. La plupart des insulaires ont déménagé, la plage sur laquelle je jouais petite n’existe plus, avalée par la mer qui est montée bien plus vite que ne l’avaient prédit les scientifiques. Les digues renforcées n’ont pas résisté longtemps.
L’île a perdu la moitié de sa surface, les marais salants à l’ouest ont été absorbés par la mer, dessinant des îlots reliés par des routes submersibles ou des cordons dunaires truffés de pieux en béton. Cet archipel est devenu un sanctuaire pour les oiseaux migrateurs ; des grues cendrées, des ibis, des cigognes ou des balbuzards pêcheurs occupent les jardins abandonnés, dans lesquels flottent parfois une vieille planche à voile, une poupée, un ballon négligés par les bandes de pillards qui ont écumé l’île à chaque tempête. 
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Je demande sans entrain à écouter ses messages.
Topor vient se pelotonner sur mes genoux et, en ronronnant, diffuse une fraîcheur agréable le long de mes cuisses et contre mon ventre.
Les trois messages disent à peu près la même chose, avec une impatience grandissante.
Lisa, tu ne m’as pas appelée cette semaine, j’ai peur que tu te renfermes sur toi, tu vois des amis? Tu parles plus à ta grand-mère qu’à moi, ça m’exaspère.
Je ne peux m’empêcher de singer son ton inquiet et ses mimiques angoissées. L’entendre fait vibrer au creux de ma poitrine un mélange ancien de terreur irraisonnée, d’affection et de frustration. Mon regard glisse sur l’ameublement minimaliste, une table basse, des étagères garnies de livres et de photos encadrées de Paris au XXe siècle. Peu de fantaisie, pas de jouets. Je prends conscience de ma solitude avec un léger pincement au cœur, mais je me ressaisis. C’est moi qui désire vivre ainsi.
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INCIPIT
Lisa
Le chant des cigales sature l’atmosphère. Du lever au coucher du soleil, leur vacarme résonne jusque dans les couloirs du métro parisien. Station Rome, quelques personnes se dirigent comme moi vers la sortie, fendant la brume rafraîchissante qui plane sur le quai végétalisé. Je marche d’un pas pressé entre les fougères arborescentes sans prêter attention à la femme virtuelle qui vante les mérites de sa paire de sandales connectées. À droite de mon champ visuel, un message clignotant que je supprime aussitôt m’incite à rappeler ma mère. Elle a tenté de me joindre trois fois pendant mon travail. Je sens poindre l’irritation familière.
Dans l’escalator, chacun se prépare à l’éblouissement qui va suivre, c’est comme un flash dont l’effet semble décuplé par le tumulte des insectes. Je cherche mes lunettes de soleil tandis que l’homme devant moi déplie un large chapeau sur la tête de son fils. Un air compact et oppressant pénètre dans le souterrain.
Nous ne sommes qu’en avril, mais il fait particulièrement chaud cette année. Malgré les efforts controversés de la Mairie pour atténuer les effets du climat perturbé, blanchir les toits, les trottoirs, les façades, ventiler, ombrager les différents espaces, notre inconfort dans les rues demeure.
Boulevard des Batignolles, la porte de mon immeuble s’entrouvre à mon approche. Je suis à peine entrée dans l’ascenseur qu’il me propulse au cinquième étage. Une voix masculine s’élève :
– Bonsoir, Lisa, j’espère que votre journée a été agréable. Vous avez ri quatre fois, ce qui est bon pour votre santé, et à part trois élévations dues au stress, votre rythme cardiaque est resté stable. Votre tension est normale. Vous n’avez marché que vingt-deux minutes, contre quarante préconisées par le ministère de la Santé, nous vous conseillons demain de sortir à la station Courcelles, et de finir votre trajet à pied afin de ne pas devenir obèse.
– Obèse ?
– Oui, vous pesez sept kilos de trop par rapport à votre poids de forme, contre six la semaine dernière.
– Toujours aussi délicat…
– Respirez profondément lorsque vous sentez la nervosité monter, ceci afin d’épargner à votre cœur un emballement excessif et inutile.
J’ignore son doucereux « au revoir, Lisa » et pousse la porte de mon appartement qui elle aussi m’a identifiée. 
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Beaucoup d'animaux ont souffert et sont morts, tout comme les baobabs millénaires d'Afrique australe. Nous avons sauvé les abeilles, nécessaires à la pollinisation. Quelques belles âmes continuent à se battre pour trois ours, deux caribous et quatre gorilles. Mais globalement, depuis que notre propre existence s'est révélée si vulnérable, c'est le cadet de nos soucis.
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La voix de compteur d’Anatole perce les ténèbres :
Comme il est profond, ce mystère de l’Invisible ! Nous ne le pouvons sonder avec nos sens misérables, avec nos yeux qui ne savent apercevoir ni le trop petit, ni le trop grand, ni le trop près, ni le trop loin, ni les habitants d’une étoile, ni les habitants d’une goutte d’eau. C’est de Maupassant.
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On perd l’habitude d’exprimer ses sentiments avec les années. Or, sans manifestation de tendresse, que reste-t-il à l’autre ? Un affreux sentiment de vide et de solitude ; l’impression de ne plus exister.
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On ne reçoit aucun signal quand une personne perdue de vue s’éteint. On ne ressent rien. Elle n’est plus, c’est tout. On meurt, et la Terre continue de tourner. En cinquante ans, l’humanité aura oublié jusqu’à leur nom et leur visage. En trois ou quatre générations, toute trace de leur passage sera effacée. À moins d’avoir légué une œuvre assez grandiose pour leur survivre, qui disparaîtra quand nous nous serons autodétruits.
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Depuis des mois la culpabilité le ronge. [.......] elle s'agrippe telle une gargouille au toit d'une église. Tenace, elle ne dort jamais. Diabolique, elle sait appuyer là où ça fait mal. La culpabilité, son doigts accusateur, ses yeux cruels, les décharges de honte qu'elle lui envoie ne lui laissent aucun répit : elle brandit, comme s'il s'agissait des photos d'une scène de crime monstrueux, les souvenirs de sa femme seule, tellement seule dans son lit, seule dans la cuisine, seule dans son chagrin, son regard triste, ses gestes de plus en plus lents, et son absence à lui, visqueuse, saumâtre, fétide, sans oublier cette main invisible qui l'a précipitée vers une autre vie, sans lui, loin de lui. Il n'a pas su la consoler.
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Toi qui aimes tant les animaux, imagine un oiseau en cage à qui une main charitable ouvre sa porte grillagée. Imagine sa sensation liberté lorsqu'il déploie enfin ses ailes sans ressentir la morsure des barreaux. Imagine son ivresse lorsque ses plumes ternies par des années d'enfermement le portent vers la cime des arbres, le bleu du ciel et la promesse de contrées à explorer. Je suis cet oiseau qui cligne avec ravissement des yeux sous l'effet du soleil et du vent.
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C'est bizarre, sa lettre, elle commence comme ça : "Ma chérie", comme si elle m'aimait, et puis la phrase d'après, elle dit qu'elle s'en va, qu'elle ne peut plus, mais qu'elle pensera à moi, qu'un jour on se reverra, elle répète qu'elle m'aime. C'est possible, ça ? Quand on aime les gens, on ne les quitte pas, si ?
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Jamais encore elle n'a raconté ce drame à quiconque. En parler est trop douloureux, mais le garder au fond d'elle-même, avec cette pierre noire dessus, l'est peut-être plus encore. Et puis qu'il s'adresse à elle avec cette intonation apaisante, ce regard plein de compassion, abat d'un boulet de canon la puissante forteresse qu'elle avait érigée autour d'elle et de son secret.
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"Je n'ai jamais voulu défendre aucune cause après cela, la meilleure protection contre les hommes réside dans le repli et l'indifférence. Les enthousiastes, les naïfs exaltés qui se battaient pour un monde d'amour et de paix dans les années 60, les hippies avec leurs cheveux longs, leurs drogues et leurs sourires goguenards, je les regardais de loin et je les méprisais, parce que ces idéaux avaient tué mon père et que, malgré ces actes d'héroïsme, le monde était loin d'être pacifié, parce que l'homme resterait l'homme et que tout cela n'était que du vent."
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Ses filles puis sa femme l'ont quitté. Il s'est retrouvé seul. Enfin, pas tout à fait. Une maison, ça endure tout, même les sautes d'humeur de ses habitants, une maison, ça ne part pas, c'est l'ultime cocon quand il n'y a plus personne. Une maison nous connaît mieux que quiconque. Elle nous voit pleurer, menacer, rire, penser, rêver, déambuler nus ou habillés, elle connaît nos amis, notre famille, voit nos enfants grandir, les protège.
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Le vieillard ne pouvait vivre loin de sa maison, de ses outils, de ses habitudes. Je sentais que ces quelques heures durant lesquelles il retrouvait le seul univers qu'il avait jamais connu lui étaient vitales et qu'en le rejetant, je le tuerais. J'aurais pu changer la serrure pour avoir la paix. Cela me traversa l'esprit mais je ne pus m'y résoudre. Il ne chercha pas à savoir quand cela m'arrangerait de le recevoir, de supporter sa présence, aussi discrète fût-elle, il m'intimidait pour ne pas prendre le risque de se voir refuser l'accès à sa maison. Je m'en voulais un peu de ma faiblesse, car je n'osais lui demander de revenir plus tard lorsque j'étais absorbée par mon manuscrit. Néanmoins, très vite, je tins ma revanche : il m'inspira un personnage et la trame de mon cinquième roman.

Ne fréquentez jamais un auteur, il s'emparera de votre vie pour peu qu'elle l'intéresse, et la livrera en pâture à des inconnus. Les écrivains sont des charognards fragiles, qui peuvent se laisser dévorer et y mettent des sentiments.
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Il riait et elle partait. Il riait, et il n'a pas senti qu'elle le quittait.
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Sophie pose une main amicale sur son épaule. Il est loin d'être le seul à juger sévèrement les transsexuels : Ils étaient encore considérés comme des malades mentaux en France avant le décret du 8 février 2010. Cette mesure récente fait de la France le premiers pays au monde à sortir le transsexualisme de la liste des affections psychiatriques. Elle rappelle que l’homosexualité a été retiré de la liste des maladies mentales de l'OMS en 1990.
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Combien de fois a -t-il cru ne plus être heureux ? Pourtant , il a été sauvé par de belles rencontres - et la litterature - qui lui ont redonné espoir .
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Personne n'est à l'abri d'un coup de coeur , d'un coup de folie , et pourquoi pas après tout ?
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Combien de fois a - t- il hésité pour sa part à planter ses élèves en plein cours pour partir en voyage , faire une pause , tout lâcher ? Le sens du devoir l'a retenu . C'est un peu facile de fuir ses responsabilités pour recommencer ailleurs .
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Un gigantesque pont romain enjambe le fleuve marécageux. En parcourant les ruelles blanchies à la chaux, aux portes encadrées de jaune, ils ont découvert des places paisibles ombrées de palmiers, de pins et d'oliviers ; des lampadaires issus d'un autre temps; des patios envahis de pots de fleurs, de fontaines et de bougainvilliers; ; des clochers colorés ; les azulejos autour des fenêtres. Le parfum de la fleur d'oranger accompagnant leur errance était délicieusement grisant.
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