AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Audre Lorde (94)


Ces espaces du possible enfouis en nous sont obscurs parce que anciens et cachés; ils ont survécu et se sont renforcés grâce à cette obscurité. Au cœur de ces profondeurs, chacune d'entre nous tient entre ses mains une réserve époustouflante de créativité et de puissance, d'émotions et de sensations vierges et inexplorées. Le lieu de la puissance féminine, en chacune de nous, n'est ni blanc ni superficiel; il est sombre, il est ancien, et il est profond.
Lorsque nous considérons, avec des yeux européens, le fait de vivre exclusivement comme un problème à résoudre, nous ne comptons que sur nos idées pour nous libérer. Car les pères blancs nous ont enseigné que c'était ce qui était le plus précieux.
Mais au fur et à mesure que nous entrons en contact avec notre propre conscience ensevelie, conscience non européenne qui envisage l'existence comme une expérience à vivre. Nous apprenons à chérir de plus en plus nos émotions, à respecter ces sources cachées de pouvoir d'où jaillit la connaissance véritable, celle qui donne naissance à des actions durables.
À ce stade de mon existence, je crois que les femmes portent en elles la possibilité de faire fusionner ces deux approches si nécessaires à notre survie, et nous touchons au plus près cette synthèse dans notre poésie. Je parle ici de la poésie en tant que sublimation révélatrice de l'expérience, et non de ce jeu de mots stérile au nom duquel, trop souvent, les pères blancs ont galvaudé le mot poésie - pour dissimuler leur aspiration manifeste vers une imagination sans profondeurs. Pour les femmes, cependant, la poésie n'est pas un luxe. C'est une nécessité vitale. Elle génère la qualité de la lumière qui éclaire nos espoirs ainsi que nos rêves de survie et de changement, espoirs et rêves d'abord mis en mots, puis en idées, et enfin transformés en actions plus tangibles. La poésie est le chemin qui nous aide à formuler ce qui est sans nom, le rendant ainsi envisageable. Les horizons les plus lointains de nos espoirs et de nos peurs sont pavés de nos poèmes, taillés dans le roc des expériences de nos vies quotidiennes. À mesure que nous apprenons à les connaître et à les accepter, nos émotions ainsi explorées deviennent des terres sacrées et fertiles pour les idées les plus radicales et les plus audacieuses. Elles abritent dès lors cette différence si nécessaire au changement et à l'élaboration de toute action sensée.
Je pourrais énumérer sur-le-champ au moins dix idées qui, si elles n'étaient pas nées de rêves et de poèmes, m'auraient semblées intolérables ou incompréhensibles et effrayantes. Il ne s'agit pas là d'un songe creux, mais d'une attention soutenue prêtée au véritable sens de «cela est bien pour moi ».
Nous pouvons nous entraîner à respecter nos émotions et à les mettre en mots afin de les partager. Et là où la parole n'émerge pas encore, c'est notre poésie qui nous aide à la façonner. La poésie n'est pas que rêve et vision; elle est la colonne vertébrale de nos existences’ Elle pose les fondations des changements futurs, elle jette un pont par-dessus notre peur de f inconnu.
Le domaine du possible n'appartient ni à l'éternité ni à f instant. Croire en son efficacité n'est pas chose facile. Quelquefois, nous travaillons d'arrache-pied afin de faire front aux morts qui encerclent nos vies, pour finalement voir nos efforts sapés par ces rumeurs qu'on nous a appris à craindre, ou par la perte de ces approbations qu'on nous a conseillé de rechercher pour notre sécurité. Femmes, nous nous sentons diminuées ou affaiblies par ces accusations, faussement bénignes, d'enfantillages, de particularismes, de versatilité, de lascivité. Mais qui se demande est-ce que je porte atteinte à votre intégrité, à vos idées, à vos rêves, ou est-ce que je vous pousse purement et simplement à une action sporadique et défensive ? Et même si cette dernière n'est pas une mince affaire, elle doit être comprise dans un contexte [d'hostilité] visant à transformer les fondements mêmes de nos existences.
Les pères blancs nous ont inculqués : je pense, donc je suis. La mère Noire, en chacune de nous - la poète - vient murmurer dans nos rêves: «Je ressens, donc je peux être libre.» La poésie cisèle la parole pour qu'elle exprime et guide cette exigence révolutionnaire, l'accomplissement de cette liberté.
Cependant, l'expérience nous a appris qu'il est nécessaire d'agir ici et maintenant, toujours. Nos enfants ne peuvent pas rêver s'ils ne vivent pas, ils ne peuvent pas vivre s'ils ne sont pas nourris, et qui d'autre leur donnera cette précieuse nourriture sans laquelle leurs rêves ressembleront aux nôtres. « Si vous voulez qu'un jour nous changions le monde, il faudrait au moins que nous vivions suffisamment longtemps pour devenir adulte !» hurlent nos enfants.
Parfois nous nous enivrons de chimériques idées nouvelles. Notre mental va nous sauver. Notre seule intelligence va nous libérer. Mais aucune idée nouvelle de derrière les fagots ne va nous sauver en tant que femmes, en tant qu'êtres humains. Ce ne sont que de vieilles idées enfouies que nous recombinons, extrapolons et reconnaissons - et que nous remettons en pratique avec un courage renouvelé. Et nous devons continuellement nous encourager, et encourager toutes les autres, à entreprendre les actions hérétiques que nous inspirent nos rêves et nos vieilles idées dépréciées. Compagne de nos premiers pas pour changer le monde, seule la poésie nous laisse entendre que le possible peut devenir réalité. Nos poèmes expriment notre implication, ce que nous ressentons au fond de nous et n'osons accomplir (ou les actions menées en accord avec ce que nous ressentons), nos peurs, nos espoirs. et nos terreurs les plus folles. Parce que nous vivons au sein de structures façonnées par le profit, le pouvoir vertical, la déshumanisation institutionnalisée, nos émotions n'étaient pas censées survivre. On attendait des émotions, mises à l'écart tels d'incontournables accessoires ou d'agréables passe-temps, qu’elles s'agenouillent devant la pensée de la même façon que les femmes s'agenouillent devant les hommes. Mais les femmes ont survécu. En poètes. Et il n'y a pas de nouvelles souffrances. Nous les avons déjà toutes endurées. Nous avons enterré cette vérité à l'endroit même où nous avons enterré notre puissance. Elles refont surface dans nos rêves, et ce sont nos rêves qui nous indiquent le chemin de la liberté. Ces rêves deviennent possibles grâce à nos poèmes qui nous donnent la force et le courage de voir, de ressentir, de parler et d'oser. Et si nous considérons comme un luxe notre besoin de rêver, notre désir d'amener nos esprits au plus profond de notre foi, alors nous renonçons à la source de notre puissance, de notre féminité: nous renonçons aux mondes futurs auxquels nous aspirons.
Les idées nouvelles n'existent pas. II n'y a que de nouvelles façons de les ressentir - et d'analyser ce que valent ces idées, le dimanche à sept heures du matin, après le brunch, en faisant fiévreusement l'amour, en faisant la guerre, en accouchant, en pleurant nos morts - pendant que nos vieilles aspirations nous tourmentent, que nous combattons cette peur archaïque de rester muette, impuissante et seule, pendant que nous découvrons de nouvelles possibilités et de nouvelles forces.
Commenter  J’apprécie          20
De larges pans de l’histoire européenne nous conditionnent à envisager les différences humaines en termes d'oppositions simplistes: dominant/dominé, bon/mauvais, haut/bas, supérieur/ inférieur. Dans une société qui détermine le bien en termes de profit, plutôt qu’en termes de besoins humains, il existe toujours un groupe donné de personnes qui, sous le joug d’une Oppression systématique, peut se vivre comme surplus, occuper la place de l'inférieur déshumanisé. Dans cette société, ce groupe est composé des personnes Noires, de celles du Tiers-Monde Monde, de la classe ouvrière, des personnes âgées et des femmes.
Lesbienne Noire de quarante-neuf ans, féministe, socialiste, mère de deux enfants, dont un garçon, vivant en couple avec une femme blanche, j’ai l’habitude de faire partie de ces groupes stigmatisés comme différents, déviants, inférieurs, ou carrément dans l’erreur. Dans la société américaine, la règle veut que nous, rescapé-e-s des groupes opprimés, chosifie’s, nous nous écrasions et que nous comblions le fossé qui sépare la réalité de nos existences de la conscience de notre oppresseur. Parce que pour survivre, celles et ceux pour qui l’oppression en Amérique est aussi courante que le gâteau aux pommes doivent toujours rester sur leurs gardes, se familiariser avec le langage et les comportements de l’oppresseur, et parfois même les adopter dans l'illusion d‘être protégé-e-s. À chaque prétexte de dialogue, ceux qui tirent profit de notre oppression exigent que nous partagions notre savoir avec eux. En d’autres termes, c’est aux opprimé—e-s qu’incombe la responsabilité de faire prendre conscience aux oppresseurs de leurs erreurs. Je dois donc me charger d‘éduquer les enseignant-e-s qui dévalorisent la culture de mes enfants à l’école. Les personnes Noires et celles du Tiers-Monde sont censées éduquer les personnes blanches afin qu’elles nous reconnaissent en tant qu’êtres humains. Les femmes sont censées éduquer les hommes. Les lesbiennes et les gays sont censés éduquer les hétérosexuels. Les oppresseur-e-s conservent ainsi leurs prérogatives et fuient la responsabilité de leurs actes. On nous pompe sans cesse notre énergie, alors que nous ferions mieux de nous en servir pour nous redéfinir et imaginer des scénarios réalistes qui transforment le présent et bâtissent l’avenir.
Le rejet de la différence est d’une nécessité absolue dans une économie de Profit qui a besoin d’outsiders, comme surplus. Insérées dans une telle économie, nous avons toutes été dressées dans la peur et le dégoût de la différence, et nous avons appris trois sortes de comportements pour y faire face : l’ignorer, et quand cela est impossible, la reproduire si elle est l’apanage des dominant-e-s, ou la détruire si elle porte les stigmates des dominé-e-s. Mais nous ne disposons d’aucun modèle pour construire des relations humaines égalitaires. Résultat: on a menti au sujet de la différence et on s’en est servi pour nous diviser et pour semer le désordre.
Il existe entre femmes des différences certaines de race, d’âge, et de sexe. Mais ce ne sont pas ces différences qui nous séparent. C'est plutôt notre refus d’accepter ces différences, d’analyser les préjugés engendrés par nos erreurs de jugement ainsi que les conséquences de ces préjugés sur les comportements et les attentes des êtres humains.
Racisme: croyance en la supériorité intrinsèque d’une race sur toutes les autres et ainsi en son droit à dominer. Sexisme : croyance en la supériorité intrinsèque d’un sexe sur l’autre et ainsi en son droit à dominer. Âgisme. Hétérosexisme. Élitisme. Classisme.
Pour chacune de nous, s’affranchir de ces préjugés qui empoisonnent nos vies, et dans le même temps admettre. mettre en valeur et distinguer les différences sur lesquelles reposent ces préjugés, c’est le travail de toute une Vie.
Parce que nous avons toutes été élevées dans une société bâtie sur ces préjugés. Trop souvent, au lieu d’utiliser notre énergie pour discerner et explorer ces différences, nous la gaspillons à prétendre que de telles différences dressent des barrières insurmontables ou bien qu’elles n’existent pas. Ce qui nous condamnent à l’isolement, ou à des relations mensongères et déloyales. Quoi qu’il en soit, en agissant ainsi nous nous refusons les moyens d’utiliser les différences humaines comme catalyseurs d’un réel changement dans nos existences. Au lieu de parler de différences entre êtres humains, nous parlons de déviance.
Quelque part dans notre conscience, il existe ce que j’appelle une norme mythique, et chacune de nous sait, au plus profond d’elle-même, que cette norme «ce n'est pas moi». En Amérique, en règle générale, cette norme prend le visage d'un homme blanc, mince, jeune, hétérosexuel, chrétien et à l’aise financièrement. Les signes extérieurs de pouvoir se manifestent avec cette norme. Celles parmi nous qui sont en marge de ce pouvoir ne voient souvent qu‘un seul aspect de notre différence, et croient qu’il s’agit de la principale cause de notre oppression, perdant ainsi de vue les autres idées reçues sur les différences, y compris nos propres préjugés. Aujourd’hui dans le mouvement des femmes, et d’une manière largement répandue, les femmes blanches se focalisent sur leur oppression de femmes et ne tiennent aucun compte des différences de race, de préférence sexuelle, de classe sociale et d’âge. Le mot sororité recouvre d’un faux-semblant d’homogénéité l’expérience de toutes les femmes, mais dans les faits, la sororité n’existe pas.
En refusant d’admettre ces différences de classes, les femmes se privent de l’énergie et de la créativité des unes et des autres. Récemment, le comité de rédaction d’une revue féminine a pris la décision, pour un numéro, de ne publier que de la prose, en expliquant que la poésie était une forme artistique «moins rigoureuse» ou «moins sérieuse». Là encore, l’expression même de notre créativité nous renvoie à une question de classe sociale. Parce que de toutes les formes artistiques, la poésie reste la plus économique. C’est la seule qu’on puisse facilement écrire en cachette, la seule qui demande le moins d’effort physique, le moins de matériel; on peut s’y consacrer au moment de nos pauses au travail, dans un vestibule de l‘hôpital, dans le métro sur des bouts de papier. Au cours de ces dernières années, écrivant un roman tout en étant à court d’argent, j’ai pu mesurer la différence considérable, en termes matériels, qui sépare la poésie de la prose. À l'heure où nous, femmes, revendiquons notre propre littérature. la poésie est en train de devenir le principal moyen d’expression des pauvres, des personnes issues de la classe ouvrière ainsi que des femmes de Couleur. Pour écrire de la prose, il vaut mieux disposer d’une chambre à soi mais aussi de ramettes de papier, d’une machine à écrire et de beaucoup de temps libre. Les conditions matérielles nécessaires pour se lancer dans les arts visuels permettent aussi de déterminer, en considérant les classes sociales, à qui appartient quelle forme d'art. En cette période où le prix du matériel ne cesse de grimper, où sont nos sculptrices, nos peintres, nos photographes ? Lorsque nous parlons d'une culture de femmes, nous devons être conscientes de l’impact de la classe sociale et des différences économiques sur les ressources nécessaires à la production artistique.
Tout en avançant dans la construction d’une société plus épanouissante pour chacune de nous, notre vision de l’avenir est brouillée par l’âgisme, autre préjugé néfaste aux relations humaines. En ignorant le passé, nous sommes condamnées à répéter ses erreurs. Dans toutes les sociétés répressives, le «fossé entre les générations» est une puissante arme de contrôle social. Si les plus jeunes membres d’une communauté méprisent les plus âgé-e-s. s‘en méfient ou les considèrent comme de trop, elles/ils ne seront jamais capables de se donner la main, de se pencher sur la mémoire vivante de leur communauté, ni de poser la question essentielle, «Pourquoi ?». Cette amnésie historique nous condamne à réinventer la roue à chaque fois que nous devons aller acheter du pain à la boulangerie.
En ne transmettant pas ce que nous avons appris ou en étant incapables d’écouter. nous sommes amenées à répéter et à réapprendre, encore et encore, ces mêmes vieilles leçons que nos mères avaient apprises. Mais combien de fois a-t-on déjà dit tout cela ? Pour autant, qui aurait pu croire que nos filles accepteraient, elles aussi, d’entraver leur corps et de le mettre au purgatoire avec des gaines, des talons aiguilles et des jupes moulantes ?
Nier les différences raciales entre femmes et leurs conséquences fait peser une grave menace sur la mobilisation de leur pouvoir collectif.
Lorsque les femmes blanches nient les privilèges inhérents à leur blancheur, et définissent la femme uniquement en fonction de leur seule expérience, les femmes de Couleur deviennent alors l’« autre», l’outsider, dont l’expérience et la tradition sont trop «étranges étrangères» pour être comprises. L’absence significative de travaux de femmes de Couleur dans les études femmes en est une bonne illustration. pn enseigne rarement les œuvres de femmes de Couleur dans les cours de littérature féminine, pratiquement jamais dans d’autres cours de littérature, et pas encore dans les études femmes en général. Beaucoup trop souvent, les excuses avancées sont que, seules des femmes de Couleur sont aptes à enseigner la littérature des femmes de Couleur, ou qu’elles sont trop difficiles à comprendre, ou encore que les étudiant-e-s ne peuvent pas «entrer» dans leurs écrits parce que leur expérience est «trop éloignée» de la leur. J’ai entendu cet argument de la bouche de femmes blanches à l’esprit plutôt éclairé, des femmes qui semblaient par ailleurs n’éprouver aucune difficulté à enseigner et à analyser des œuvres nées de l’expérience bien plus lointaine d’un Shakespeare, d’un Molière, d’un Dostoïevski et d’un
Commenter  J’apprécie          20
car pour les assiégé.e.s
il n'existe aucun endroit
qui ne puisse pas être
une terre d'accueil
ni aucun endroit
qui le soit.
Commenter  J’apprécie          10
Les idées nouvelles n'existent pas. Il n'y a que de nouvelles façons de les ressentir - et d'analyser ce que valent ces idées, le dimanche à sept heures du matin, après le brunch, en faisant fiėvreusement l'amour, en faisant la guerre, en accouchant, en pleurant nos morts - pendant que nos vieilles aspirations nous tourmentent, que nous combattons cette peur archaïque de rester muette, impuissante et seule, pendant que nous découvrons de nouvelles possibilités et de nouvelles forces.
Commenter  J’apprécie          10
Parce qu'une fois que nous commençons à ressentir profondément la texture de notre existence, nous commençons à exiger de nous-mêmes et de nos engagements qu'ils soient en accord avec cette joie dont nous nous savons capables.
Commenter  J’apprécie          10
Savoir à quel point nous pouvons éprouver une telle sensation de satisfaction et de plénitude nous permet d'identifier, parmi tous nos comportements, ceux qui dans notre vie nous rapprochent le plus de cette plénitude.
Commenter  J’apprécie          10
En ignorant le passé, nous sommes condamnés à répéter ses erreurs.
Dans toutes les sociétés répressives, le « fossé entre les générations » est une puissante arme de contrôle social. Si les plus jeunes membres d’une communauté méprisent les plus âgés (…), ils ne seront jamais capables de se pencher sur la mémoire vivante de leur communauté, ni de poser la question essentielle, « Pourquoi ? ».
Commenter  J’apprécie          10
A la femme blanche de mon rêve qui se tient derrière moi dans un aéroport, et me fixe sans rien dire pendant que son enfant me cogne délibérément, encore et encore. Quand je me retourne pour dire à la femme que je vais lui mettre un coup de poing dans le nez si elle ne retient pas son gamin, je m'aperçois qu'elle a déjà reçu un coup de poing dans le nez. Son enfant et elle ont été battus, visages contusionnés, yeux cerclés de noirs. Je me détourne et m'éloigne d'eux, furieuse et triste.
Commenter  J’apprécie          10
J'adorais De Lois parce qu'elle était forte, et noire, et bizarre, et qu'elle semblait rigoler de tout. Et je la craignais pour précisément les mêmes raisons.
Commenter  J’apprécie          10
Car pour survivre dans la bouche de ce dragon appelé amérique, nous avons dû apprendre cette première et vitale leçon : nous n’étions pas censées survivre. Pas en tant qu’êtres humains
Commenter  J’apprécie          10
Les femmes Dan dansent avec des épées à la main pour marquer le temps où elles étaient des guerrières



extrait 3

J’arrive comme une femme
que je suis
répandant par les nuits
rires et promesse
et chaleur sombre
réchauffant tout ce que je touche
de vivant
ne consumant
que
ce qui est déjà mort.


/ Traduction de l’anglais par Gerty Dambury
Commenter  J’apprécie          10
Les femmes Dan dansent avec des épées à la main pour marquer le temps où elles étaient des guerrières



extrait 2

Je n’arrive pas comme un guerrier secret
une épée dans la bouche
cachée derrière ma langue
réduisant ma gorge en lambeaux
soumise aux ordres avec le sourire
tandis que le sang
s’écoule et sort
par les orifices des deux moules sacrés
sur ma poitrine.



/ Traduction de l’anglais par Gerty Dambury
Commenter  J’apprécie          10
C‘est un simple poème
pour les mères les sœurs les filles
jeunes filles que je n‘ai jamais été
pour les femmes qui nettoient le ferry de Staten lsland
pour les sorcières décharnées qui me brûlent
à minuit
en effigie
parce que je mange à leur table
et dors avec leurs fantômes.

Ces pierres dans mon coeur sont toi
de ma propre chair
me tailladant de la pointe de tes yeux menteurs
m’expulsant de ta peau par ton rire
parce que tu n'accordes de valeur ni à ta propre
vie
ni à moi.

Ceci est un simple poème
il ne me restera ni mère ni sœur ni fille
lorsque j’en aurai terminé
et seuls demeureront les os
vois comme les os sont visibles
la forme de nos corps en guerre
de nos griffes déchirant notre chair
pour nourrir l’autre côté de nos faces travesties
auxquelles nous avons donné 1e nom d’hommes.

Donald deFreeze je ne t'ai jamais mieux connu
que dans les yeux de mon propre miroir
espérais-tu
pardon ou bénédiction
couché
dans un lit après l’autre
ou bien ton œil était-il suffisamment acéré et sans merci
Pour supporter
Plus encore que les morts du désir ?

Avec ta voix à mon oreille
avec ma voix à ton oreille
essaie de me renier
je te pourchasserai
à travers les veines nocturnes de ma propre addiction
à travers toutes mes enfances insatisfaites
tandis que ce poème se déploie
comme les feuilles d’un livre d’images
je n’ai plus ni sœur ni mère ni enfants
seulement un océan sans marées de femmes éclairées par la lune
de toutes les ombres de l’amour
apprenant la danse de qui s’ouvre et se ferme
apprenant une danse de tendresse électrique
qu'aucun père et aucune mère ne leur enseignerait.

Viens Sambo danse avec moi
paie le joueur de cornemuse
les genoux bien haut
au-dessus de ta volonté sous ta sale tronche
blanche viens Bimbo viens Ding-Dong
regarde la ville tomber tomber
tomber couche-toi chienne ralentis négro
alors tu veux une matrice confortable pour te cacher
pour avancer les lèvres et te ré-aspirer
en toute sécurité
je vais te dire ce que je ferai
la prochaine fois que tu te précipites sur la hache
que tu chercheras vraiment une niche pour te cacher
huche-moi
le suis la vendeuse de tickets
pour la reine des montagnes russes
je peux te tirer de là
Pour pas cher.

Ceci est un simple poème
qui cohabite dans me tête avec des rêves de grande femme noire
ayant des bijoux dans les yeux
elle danse
la tête prise dans un casque doré
altière
couverte de plumes
son nom est Colossa
ses cuisses sont comme des colonnes
ou comme des chênes écorchés
enfermée dans son armure
elle danse
avec de lents mouvements qui secouent la terre
qui soudain changent
et s’illuminent
tandis qu’elle tournoie en riant
le métal ouvrage sur ses hanches
disparaît
et sur le bord brillant
une surprise
de poils noirs et crépus.
Commenter  J’apprécie          10
Soleil
assemble-moi à nouveau
que j'aime
les vérités qui me composent
et traversent comme des dents de dragon
les mensonges brulants
de ceux qui prétendent
m'aimer
lorsque j'en aurai fini
chaque tesson surgira
complet et armé
comme une femme guerrière
qui brûle qu'on s'occupe d'elle
qui se glisse par les allées
d'amateurs de nuits musicales en fredonnant :
Mozart était un mec blanc.
Commenter  J’apprécie          10
[nouvelle préface]
La nouvelle génération trouve naturelle la façon qu'a Audre Lorde de faire des liens entre les différentes formes d'oppressions. Elle se présentait comme "Noire, lesbienne, féministe, guerrière, poète et mère" et son courage a convaincu. Depuis, cette approche a été théorisée à l'université sous le nom d'intersectionnalité. Son discours et son inspiration déborde le monde académique aujourd'hui et séduit les mouvements sociaux. (7)
Commenter  J’apprécie          10
Audre Lorde
Mais extérioriser la colère, la transformer en action au service de notre vision et de notre futur, est un acte de clarification qui nous libère et nous donne de la force, car c’est par ce processus douloureux de mise en pratique que nous identifions qui sont les allié-e-s avec lesquel-le-s nous avons de sérieuses divergences, et qui sont nos véritables ennemi-e-s.

Audre Lorde
Commenter  J’apprécie          10
Nous avons une longue tradition de proximité, de soutien mutuel et d’entraide, qui va de la cour exclusivement féminine des reines mères du Bénin aux Sœurs de la Bonne mort au Brésil, une communauté de vieilles femmes composée d’esclaves enfuies qui offraient à d’autres esclaves abri et refuge et qui, maintenant, prennent soin les unes des autres. (p. 170)
Commenter  J’apprécie          10
Nous sommes des Noires nées dans une société où répulsion et mépris pour qui est noire et femelle sont bien enracinés. (p. 170)
Commenter  J’apprécie          10
Génération
  
  
  
  
Ce que la jeunesse tente ce qui la brise
varie d’un âge à l’autre
Nous étions brunes et libres
l’amour nous chantait sous la peau
le soleil dans les cheveux dans les yeux
le soleil notre chance
et le vent nous avait dorées
et rendues gaies.

En une saison de pouvoir limité
nous avons pleuré nos promesses
Et voici les enfants qu’à présent nous jugeons
pour des tentations qui portent notre visage.
Mais qui revient de nos villes bouclées dans leurs mensonges
les avertir que la route vers nulle part
est glissante de notre sang
les avertir
qu’on peut rentrer à la maison sans boire toute l’eau du fleuve
puisque nous avons acheté des ponts
avec l’or couvert du sang de nos mères ; –
car à présent nous sommes plus que des proches
qui venons partager
pas juste notre sang
mais nos échecs sanglants.

Ce qui tente la jeunesse et la trahit
jusqu’au carnage ou au conformisme
est un effet de miroir
simple question de temps.
Commenter  J’apprécie          00
[...] Et un jour, si nous nous disons la vérité, ce changement deviendra inéluctable.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Audre Lorde (179)Voir plus

Quiz Voir plus

La Planète des singes de Pierre Boulle

En quelle année Pierre Boulle publie-t-il La Planète des singes ?

1953
1963
1973
1983
1993

10 questions
558 lecteurs ont répondu
Thème : La Planète des singes de Pierre BoulleCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..