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Citations de Avrom Sutzkever (21)


Avrom Sutzkever
Qui garde son âme d’enfant ne vieillit jamais.

If you carry your childhood with you, you never become older.
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Avrom Sutzkever
Extase
     
Lorsque les yeux fermés
J’ai écrit un poème, tout à coup
Ma main a été brûlée,
Et quand je suis parti
de ce feu noir,
Le papier a respiré
Un nom comme un lys : Dieu.
Mais ma plume, dans la crainte et l’émerveillement,
a percé le mot
Et écrit à la place
Un mot plus familier : l’Homme.
Depuis lors, une voix inconnue
Me hante comme un oiseau invisible
Qui picore, picore contre la porte de mon âme :
Est-ce pour cela que tu m’as échangé ?
     
     
Traduit du yiddish par Gil Pressnitzer
(sur ‘Esprits Nomades’)
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Avrom Sutzkever
Qui restera ?
     
qui restera ? qu’est-ce qui restera ? il restera un vent,
restera l’aveuglement d’un aveugle, disparaissant.
restera un signe de la mer : un bracelet d’écume,
restera un petit nuage, enchevêtré dessus un arbre.
     
qui restera ? qu’est-ce qui restera ? restera une syllabe,
herbe de la genèse en recréation croissant.
restera la rose-violon, pour elle-même fleurissant,
sept herbes d’entre les herbes chercheront compréhension.
     
plus que toutes les étoiles depuis le nord jusqu’ici-bas,
restera cette étoile qui tombe dans une seule larme.
sans cesse une goutte de vin restera dans la cruche.
qui restera, dieu restera, cela ne te suffit pas ?
     
     
Di fidlroyz (1974) – Traduit du yiddish par Jean-René Lassalle.
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poème du journal 1981

yehi*...

que soit poème l'extrémité mourante d'un arc-en-ciel
une unique fourmi, perdue dans le désert,
la corne lunaire de l'éléphant né dans la jungle,
un crâne humain riant de lui-même – dans le miroir.

que soit poème une étoile morte pour laquelle
personne ne met une stèle de bois à l'endroit de sa chute,
une forme d'herbe dans l'immense aquarium vert
la bague dorée d'une fiancée aveugle.

yehi, que soit poème un poème jamais advenu
pour les vivants et pour ceux que les hommes nomment morts.
yehi, que soit la joie – la joie et l'allégresse seraient
yehi et pour un instant la douleur se ferait indolore.


Traduit du yiddish par Rachel Ertel | extrait, p. 372

yehi : « Que soit ». C'est la formule qui figure dans les premiers chapitres de la genèse, yehi-or : « que soit la lumière ».
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ode à la colombe, III

feuille de papier – monument – en toi la colombe tresse son nid
feuille de papier, non pas le marbre, toi seule tu accueilles le rêveur.
ici parmi les échos primitifs, les formes enfouies dans l'argile,
j'assemble rimes et rythmes pour assouvir la faim de ma colombe.

soleil couchant en-chante la lampe, sous son éclairage magique
je bâtis avec les sons des os ensanglantés, un temple.
la parole restée inassouvie à jamais inaccomplie,
rougeoie le volcan de poésie scellé dans la profondeur du bronze.

avec ma plume je suis le chef de mon orchestre silencieux :
avec les gouttes de pluie descendent par le plafond des âmes.
mes paroles déplacent les cerises emmurées dans les arbres
elles affluent sur leurs queues pourpres pour vivre dans les mots.

un ver entre dans le temple. cette magie lui est étrangère.
les véritables cerises devenues paroles le réduisent en sable.
colombe, ma sœur, roucoule : ordonne la venue des cerises,
tu es la mesure et le mesureur, héritier de visions disparues.


ode à la colombe (1955)

Traduit du yiddish par Rachel Ertel | p. 195
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Je n’ai pas enfilé le temps sur un cordon. Ses perles, piètres choses, je ne peux les égrener. Je me souviens seulement qu’en ce temps-là la ville s’est transformée en une sombre horloge, avec des hommes-chiffres étalés dans un gigantesque cercle, et dans ce cercle, au milieu des hommes-chiffres, tournait une aiguille flamboyante, et elle tranchait, tranchait. La mort en ville ne nous a pas été propice. Tous deux nous nous sommes réfugiés dans la forêt, dans sa profondeur glacée. Là aussi l’aiguille de la sombre horloge tranchait, tranchait. Dans son subconscient, alors, nous nous sommes évadés — je veux dire dans ses marécages velus où l’aiguille ne faisait que se refléter.
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Lili, cesse de déverser ton silence en moi. Je me souviens comme si c’était aujourd’hui, comme si c’était demain. Nous avions sombré tous deux dans des tombes-marécages où un corps ne pouvait toucher un autre corps. Seules nos mains — désirs rouges — s’accrochaient l’une à l’autre, jour après jour.
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Mes dents pénètrent dans sa chair cosmique. Je veux le retenir. Que notre silence achève au moins son premier chapitre. Loin de le retenir, de l’empêcher de se noyer dans la mer, je me tranche la langue, et me taire devient plus difficile.
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Avrom Sutzkever
Etendu dans une bière
Comme en habit de bois
Etendu
Disons que c'est un vaisseau
Sur les vagues de l'orage
Disons que c'est un berceau.
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yiddish



dois-je commencer par le commencement ?
dois-je comme abraham,
en frère, briser les idoles ?
dois-je me faire traduire de mon vivant ?
dois-je planter ma langue
et attendre qu’elle se mue
en raisins secs et en amandes
de mes aïeuls ?
quelle pitrerie
et plaisanterie
prêche mon frère en poésie, il dit
que ma langue maternelle va bientôt disparaître.
dans cent ans nous serons encore là
à mener la discussion au bord du jourdain.
car une question va nous torturer, nous tarauder.
sait-il exactement où
la prière du rabbi de berditchev
le poème de yehoash
et de kulbak
volent vers le lieu de leur disparition –
qu’il m’indique au juste
vers où se dirige cette perdition ?
peut-être vers le mur des lamentations ?
si c’est le cas, j’irai, j’irai
j’ouvrirai ma bouche
comme la gueule d’un lion
embrasé de braises flamboyantes
pour avaler la langue qui disparaît,
l’avaler pour éveiller toute génération à mon hurlement.

                                                                                    (1948)


/traduits du yiddish par Rachel Ertel
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Là où nous marchons à présent, dans ces mêmes rues, nos frères vivaient encore il y a un an (...) Nous nous arrêtons. Nous nous taisons. Ce sont les briques qui parlent.
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à jaffa
  
  
  
  
en bord de la mer gémissante de jaffa
où Jonas de lui-même s’est enfui comme un serpent,
je veux en une heure de détresse me fuir aussi
moi-même – mon ennemi charnel le plus proche –
à tarsis, non en ce lieu, mais vers des mots, des strophes.

je surmonte ma fuite en imagination
au bord de la mer gémissante — alors une vague
étranglée par les larmes qui scintillent une à une
m’avale en une lutte violente, impétueuse.

où suis-je ? quelqu’un entendra-t-il mon cri ?
la vague fend la mer et l’ouvre grande.
je m’engouffre dans son tombeau.
au lieu de fuir loin de moi j’ai fui vers moi.
et ceux dont je suis la bouche, – dernière
incandescence du charbon ardent qui les frappa –
me nourrissent de paroles, de strophes.


/Traduction du yiddish par Rachel Ertel
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De nombreux enfants du ghetto,ages de 10 à 12 ans,etaient assignes aux travaux forces en ville.
La resistance a confie plus d'une fois les missions importantes a l'un d'entre eux.Avec quelle conscience,et quel esprit de sacrifice ces petits bouts les ont remplies!Des dizaines,des centaines de tracts furent distribues en ville grace a ces chers enfants.
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paroles



écorchez-moi, dépouillez-moi de mes paroles
c’est de la chair pourrie, je n’en veux plus.
n’en laissez qu’une – une seule parole-âme
pétrie telle une mélodie dans le granit.

je décrocherai le soleil pour écrire mon testament
je serai riche,
riche de l’absence de paroles.
et sur les vagues vivantes, les vagues bleues
je le confierai pour l’emporter au cours de l’eau

                     (Ghetto de Wilno, 15 mars 1943)


/traduits du yiddish par Rachel Ertel
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prière à moi-même



extrait 3

avec des symboles de sons, telles des aiguilles,
j’enferme mes plaies dans des muscles de papier.
tout ce que j’ai chanté jusqu’ici est pauvre
comparé aux trésors que tu as scellés en moi.
chaque son est un écho de l’énigme abyssale
et chaque pas m’éloigne de la ruche mystérieuse.

le temps — cire bleue. goutte à goutte elle fond.
ô silence hors du temps ! retour des abeilles
de leur lointaine trajectoire ensoleillée.
laisse-moi pénétrer en toi, comme le sang dans le sang,
pour qu’une fois je sente la piqûre de la reine-abeille.


/Traduction du yiddish par Rachel Ertel
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prière à moi-même



extrait 2

tu es une ruche derrière un feu que je ne peux approcher.
tu me nourris de sons hachés — tes abeilles.
parfois une abeille se perd dans le désert
elle goûte un éclat de peau, aveuglée de beauté,
une autre : pose un baiser sur une fleur empoisonnée et
                                               meurt.



/Traduction du yiddish par Rachel Ertel
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prière à moi-même



extrait 1

sur moi-même je pose mon oreille comme si j’étais
                                       un autre.
mes yeux débordent de visions chantantes —,
je fouille en ton mystère — veines de marbre :
scellés sont tes secrets, qui les a scellés ?
pour qui est la musique de tes rêves non révélés ?
musique de mains, de lèvres. symboles de sons dans les
                                           ténèbres.
musique de pluie, d’arc-en-ciel — au-delà, au-delà.



/Traduction du yiddish par Rachel Ertel
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III



j’écris mes lettres sans adresse à ceux
qui habitent maintenant sous des nuées,
sous des floraisons, cachés sous les cyprès.
j’écris mes lettres sans adresse.


ponctuelles, toutes les lettres arrivent
distribuées par un facteur cosmique,
il connaît les adresses, les numéros précis
où ceux d’antan gîtent hiver et été

ils me répondent, je reconnais l’écriture,
les lignes éclairs forent les tempes
qui battent de chaleur, je lis
ceux d’antan m’apportent la joie.

les nuits deviennent de plus en plus fines, fines,
comme les lettres qui m’attirent
vers ceux à qui j’écris sans adresse :
pour les remercier de me garder en mémoire

                    Extrait du cycle ‘Paroles labourées
                    par les lèvres’, 28 novembre 1994


/traduits du yiddish par Rachel Ertel
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forêts de narotch



wilno dans le cœur
comme une balle intouchable
des poèmes de poudre
dans le fusil,
couché dans le fossé
pour entendre guetter
des pas noirs
entre herbe et broussaille.

dans l’herbe fraîche,
dans l’aube pure
viennent viennent
les pas noirs.
je sais :
je suis loup et poète
je décharge du fusil
poème après poème

un éclair une chute.
la rosée des arbres
asperge mes paupières
d’une peur d’or.
j’entends une voix oraculaire
elle me parle ainsi :
tu as purifié la terre
d’une souillure

                     (Forêts de Narotch, 9 octobre 1943


/traduits du yiddish par Rachel Ertel
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Suite à la Première Guerre mondiale, la disparition de l’empire tsariste et la recomposition de toute l’Europe centrale et orientale, la Lituanie connut une très grande instabilité. Alors que, depuis 1795, l’ancien Grand-Duché de Lituanie était une région administrative de l’empire tsariste, à partir de septembre 1915 il fut occupé par l’armée allemande. Après la guerre, les combats qui avaient fait rage entre l’Armée rouge, l’armée polonaise et l’armée lituanienne virent les différentes parties de la région passer d’une autorité à l’autre jusqu’en octobre 1920. À partir de cette date, la Pologne prit définitivement le contrôle de la région de Wilno, et une Lituanie indépendante fut déclarée avec, comme capitale temporaire, Kaunas (Kowno en polonais). Quand Avrom Sutzkever arriva à Wilno en 1920, la ville était donc sous autorité polonaise. Il passa ses années de formation dans le contexte de la toute nouvelle République polonaise, reconnue en 1919 par le traité de Versailles. Elle incarnait une Pologne redevenue indépendante suite à près de cent cinquante ans de partage entre l’empire tsariste, le royaume de Prusse et l’Empire austro-hongrois conséquemment aux partages successifs qui eurent lieu de 1772 à 1795.

Entre les deux guerres, Wilno comptait une large majorité de Polonais (65 %), une forte minorité juive (28 %) alors que les Lituaniens, population principalement rurale, ne formaient que 1 % de la population de la ville. Le traité de Versailles imposait à la République polonaise le respect des minorités dans leur identité collective. Cela permit à la minorité juive, déjà très dynamique, de développer considérablement ses institutions éducatives et culturelles.

Wilno, bien plus petite que Varsovie tant par sa population totale que par sa population juive, était néanmoins l’héritière, dans le monde juif, d’une longue tradition religieuse et intellectuelle : on la nommait la Jérusalem de Lituanie (Yerusholayim délité). Au XVIIIe siècle, le Gaon de Vilna avait imposé la ville comme grand centre d’études religieuses et de décisions rabbiniques, et il avait promu un mode rationaliste dans l’étude de la Torah. Au XIXe siècle, la ville avait vu se développer une autre sensibilité religieuse d’importance, le mouvement Musar autour de la personnalité du rabbin Israël Salanter, qui prônait la prédominance de la morale dans les relations sociales.

Mais Wilno fut aussi, au XIXe siècle, l’un des grands centres de développement de la Haskala, le mouvement des Lumières juives qui favorisa notamment l’émergence de la littérature yiddish et de la littérature hébraïque modernes dans la seconde partie du siècle.

La ville accueillit également de nombreuses institutions d’enseignement en yiddish et en hébreu, plusieurs journaux et magazines en yiddish, plusieurs troupes théâtrales jouant en yiddish et en hébreu et trois grandes bibliothèques auxquelles Sutzkever fait référence : la bibliothèque Strashun, la bibliothèque Mefitsey-haskole (bibliothèque de la Société pour la diffusion des Lumières) et la bibliothèque de l’Institut scientifique juif (YIVO).

En septembre 1939, lors de l’invasion concertée de la Pologne par les armées allemande et soviétique en vertu de l’accord conclu entre Molotov et Ribbentrop, la Lituanie tomba sous l’influence de Moscou qui imposa le pacte d’assistance mutuelle soviéto-lituanien prévoyant l’indépendance politique du pays contre l’installation de cinq bases militaires soviétiques. La région de Wilno fut intégrée à la République de Lituanie et la ville devint la capitale officielle du pays. Environ douze mille Juifs provenant de la partie de la Pologne occupée par l’armée allemande, et notamment de Varsovie, trouvèrent refuge en Lituanie, dont une grande partie à Wilno. Mais la ville ne resta pas longtemps la capitale d’un État indépendant. Les Soviétiques occupèrent et annexèrent la Lituanie en juin 1940 avec l’accord de l’Allemagne. Ils y instaurèrent la République soviétique de Lituanie et menèrent des répressions contre toutes institutions religieuses, et contre ceux qu’ils considéraient comme les « ennemis » du peuple. On estime à trente mille ou quarante mille le nombre d’habitants de la Lituanie qui furent alors arrêtés et envoyés au Goulag. Les Juifs souffrirent autant que les autres citoyens lituaniens de l’occupation soviétique : les institutions religieuses juives furent fermées et les militants politiques non communistes – socialistes compris – subirent une épuration radicale. Néanmoins, ils eurent souvent le sentiment d’avoir échappé au pire – l’occupation allemande et la persécution antisémite. De surcroît, l’administration soviétique comptait une proportion de Juifs nettement plus importante que celle de la population, et le sentiment antijuif, déjà présent auparavant, se développa dans la population lituanienne.
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