A l'occasion du "Livre sur la Place" 2021 à Nancy, Azouz Begag vous présente son ouvrage "L'arbre ou la maison" aux éditions Julliard. Rentrée littéraire automne 2021.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2545393/azouz-begag-l-arbre-ou-la-maison
Note de musique : © mollat
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Ce n’est pas parce que je n’ai jamais su dire de mots d’amour que je dois en payer le prix toute ma vie ! D’autres en disent à tout moment, mais ne les pensent pas un instant. Moi je n’en dis pas, mais je les pense tout le temps !
Le maître a toujours raison. S'il dit que nous sommes tous les descendants des gaulois, c'est qu'il a raison, et tant pis si chez moi nous n'avons pas les mêmes moustaches.
« Alors ? dit Moussaoui en me fixant d’un oeil malicieux et plein de reproches.
- Alors quoi ? » fais-je sans me douter le moins du monde de ce qu’il peut bien me vouloir.
Ses yeux se font lance-roquettes et, méprisant, il lâche :
« T’es pas un Arabe, toi ! »
Aussitôt , sans même comprendre le signification de ces mots, je réagis :
« Si, je suis un Arabe !
- Non, t’es pas un Arabe, j’te dis.
- Si, je suis un Arabe !
- J’te dis que t’es pas comme nous ! »
Alors là, plus aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche. Le dernier reste coincé entre mes dents. C’est vrai que je ne suis pas comme eux.
Une terrible impression de vide s’empare de moi. Mon coeur cogne lourdement dans mon ventre. Je reste là, planté devant eux, et, sur mon visage, mille expressions se heurtent, car j’ai envie de pleurer, puis de sourire, résister, craquer, supplier, insulter.
Nasser intervient :
« Et en plus tu veux même pas qu’on copie sur toi ! »
Avec Yvon, j'ai appris que les méandres de la mélancolie sont tortueux et que la douleur d'être loin de chez soi ne se mesure pas en kilomètres sur une carte Michelin. C'est une émotion à fleur de peau, un petit vertige de chaque jour qui ronge l'âme, une vague, qui creuse incessamment.
Ce jour-là, une envie de vengeance m'avait gagné. Je rêvais de voir plus tard mon nom de famille en haut de l'affiche pour sortir mon père de l'anonymat, de l'indigénat, et lui rendre sa dignité d'homme libre. La langue française allait devenir l'instrument de ma revanche contre son analphabétisme. (p. 28)
Les vieux d'ici rêvent de là-bas,
les jeunes de là-bas rêvent d'ici
leurs rêves se croisent en Méditerranée,
puis se noient. (p. 87)
Le jour où il m'a sorti que le mot "hospitalité" rimait avec "humanité", j'ai pensé qu'il allait finir poète lui-aussi, comme moi et les retraités chibanis qui ont appris à contempler le goutte-à-goutte de la pluie.
Beaucoup de gens
ne les aiment pas , les migrants,
Et pourtant en chacun d'eux, un poète attend. (p; 99)
Les vieux qui ont vécu
se taisent
pour laisser des rêves
aux enfants
qui n'ont encore rien vu.
Ils pleurent la nuit
pour ne gêner personne.
Noël et son père barbu ne sont jamais rentrés chez nous, et pourtant Dieu sait si nous sommes hospitaliers! Jamais de sapin-roi-des-forêts devant la cheminée, de lumières multicolores et d'étoiles scintillantes qui éclaboussent les yeux des enfants, encore moins de crèche avec des petits Jésus et des moutons en chocolat. Rien du tout. Et tout ça parce que notre chef à nous c'est Mohamed. Dans son bouquin, il n'avait pas prévu le coup du sapin et des cadeaux du 25 décembre. Un oubli comme celui-là ne se pardonne pas facilement. On aurait presque envie de changer de chef, du coup, pour faute professionnelle!
Quand on est amnésique, on n'a plus de préjugés sur les gens d'ailleurs, les Autres, les différents, puisqu'on ne se souvient plus de rien. Les Blancs n'ont plus peur des Noirs et les Noirs n'ont plus peur des Blancs. (p. 113)