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Critiques de Carlo Levi (60)
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Imaginez que vous soyez confinés …. Non pas en raison d’un virus en couronne (ou pas) mais pour opinion politique divergente. Vous n’êtes pas reclus chez vous mais loin au contraire, dans une nature hostile et pauvre, dans un village perdu de Lucanie dans le sud de l’Italie. Vous ne côtoyez que des paysans mutiques décharnés par la malaria et des potentats locaux incompétents et orgueilleux, au ventre aussi gros que leur suffisance. Pour seule compagnie un chien un peu fou.

Voilà votre espace et à vous de découvrir comment l’auteur va découvrir et se confronter dans ce lieu oublié de Dieu à une humanité rugueuse loin de toute illusion.

Un livre profondément humain, qui donne une dignité à ces hommes et ces femmes sans avenir prisonnier de ce monde lithique où rien ne pousse si ce n’est les enfants aux yeux tristes et au ventre rond de malaria

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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Je ne gardais qu’un souvenir flou d’une lecture ancienne ( en Terminale …à la Préhistoire ) .Relire ce texte en italien m’a permis d’en apprécier la langue si belle ( mais ,moi, en italien j’aimerais même l’annuaire) et aussi la beauté du propos . Cet homme exilé dans son propre pays qui découvre une région, des mœurs qui lui sont étrangères et qui porte sur ces abandonnés de tous les régimes un regard empreint d’empathie, c’est une belle leçon d’humanité. Par ailleurs nombre de réflexions sur le « problème méridional » me paraissent encore pertinentes.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

... Il s’est arrêté à Eboli, mais n’est pas allé plus loin. Certainement pas jusqu’à ce petit village de la province de Lucanie, aujourd’hui nommée Basilicate et dont Matera est le chef-lieu. Le village, c’est Gagliano. Ce village devient donc le symbole de tous ceux qui se trouvent au-delà: sans Christ, on n’est pas chrétien et quand on n’est pas chrétien, on n’est pas italien et vous pourrissez lentement...

Sorte de “Choses Vues” de Hugo, avec ce récit autobiographique, Carlo Levi raconte comment, en tant que “confinato”, un indésirable politique opposé au régime fasciste et ses ambitions territoriales en Ethiopie, il est exilé en Lucanie. Levi décrit son arrivée à Gagliano, comme “ une pierre venue du ciel, tombée dans un étang”.

Médecin turinois, Levi y rencontre l’autre Italie, celle du Sud. Il était loin d’imaginer comment dans un même pays, l’on puisse rencontrer deux sociétés si diamétralement différentes. En Lucanie, ce sont les cafoni, des paysans incroyablement pauvres, qui n’ont jamais rien eu, n’ont rien et n’auront peut-être jamais rien. La malaria et le paludisme décime la population sans relâche. L’auteur nous fait notamment une description poignant de Matera, où les gens vivent dans les maisons troglodytes de la ville dans des conditions effroyables. Ni le soleil, ni l’espoir n’y pénètrent jamais..

Ici, il n‘y a plus de Bien ni de Mal. Il y a la terre, si avare, et les gens. La notion de Bien et de Mal n’est plus une idée morale. Le Mal, c’est cette douleur quotidienne et le Bien, les paysans le cherchent en dehors de Dieu, puisque le fils du Tout Puissant les a si bien ignorés..

Dans cette région oubliée par tout un pays, le paganisme a pris le dessus. Ici, on ne célèbre ni Garibaldi, ni Cavour, ni les Savoie, mais on s’adonne au brigandage, à la sorcellerie. On raille don Trajella, l’archiprêtre qui a abandonné toute entreprise rédemptrice sur ses ouailles (ce qu’ils refusent d’ailleurs d’être) et qui tente de sauver quelques symboles sacerdotaux malgré tout...

Pour eux, Rome est juste une institution gloutonne qui envoie ses agents taxer ce qui peut encore l’être. Souvent, ceux-ci repartent juste avec un quart de pain, une chèvre rachitique ou une livre de farine, car tout est pris depuis longtemps. Les paysans ont ensuite un an afin de gratter à nouveau leur sol aride et pour offrir quelque chose à l’ogre ... “Pour les paysans, l’Etat est plus loin que le ciel, plus redoutable, car il n’est jamais de leur côté”. Voilà la façon cinglante dont Carlo Levi qualifie le sentiments des gens du Basilicate ... Cette Rome centrale de 1935 qui a assujetti ces hommes, instaurant ainsi une sorte de colonie intra muros et privée ...

A Gaglioni, il y aussi les “seigneurs”, tout aussi démunis que les paysans, mais dont la primauté sociale joue un rôle quasi féodal sur les cafoni. Ils sont boutiquiers, coiffeurs, tenanciers de débit de boissons, mais l’émulation économique ayant disparu depuis belle lurette, comme les paysans, ils vivent de rien, sinon de l’illusion. C’est le cas de Don Luigino, le podestat, maître d’école et représentant de l’Etat à Gagliano, s’accoquinant discrètement à la mafia...

Le style de Levi est très particulier. Sur un ton presque badin, Carlo Levi nous raconte la vie des habitants de Gagliano comme s’ils étaient des amis de fortune, de simples compagnons de route. Il adopte le ton de la comédie pour décrire les conditions de vie désespérantes des cafoni de Lucanie.

Grand livre, dont le thème est facilement transposable chez nous et à notre époque. Pas loin de notre confort petit bourgeois, la misère existe, dans nos frontières ou un peu au-delà.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Carlo Levi  fut confiné pour antifascisme de 1935  à 1936, en résidence surveillée à Gagliano petit village de Lucanie , non loin de Matera. Le Christ s'est arrêté à Eboli est la chronique de cette année de relégation.



Carlo Levi, originaire de Turin, est médecin mais n'exerce pas, il  peint.



Il est accueilli avec beaucoup d'intérêt par les habitants du village perdu, tellement abandonnés qu'ils disent que le Christ s'est arrêté à Eboli et qu'ils ne sont pas même chrétiens. Les seigneurs galantuomini ou plutôt les notables, médecins, pharmaciens, instituteurs le considèrent  un homme fréquentable, un sujet de distraction à leurs ragots et leurs mesquineries. Le podestat se réjouit d'exercer sur lui son autorité et faire régner l'ordre fasciste. Les paysans font d'abord appel au médecin qui les soulagera peut être de leurs maux et de la malaria qui sévit. Il gagnera leur sympathie ainsi que celle des enfants. 



Au fil des saison, Carlo Levi dresse une galerie de portraits avec un regard bienveillant même pour les personnages les plus noirs. Le livre réunit une mosaïque d'anecdotes pittoresques(l’œil du peintre) décrivant avec acuité les détails de la vie quotidienne. Dans ce pays délaissé par le Christ la superstition et la sorcellerie enchantent le récit. Giulia, sa servante l'introduit dans sa connaissance des  philtres d'amour, lycanthropes, interventions de la Vierge au visage noir, gnomes monachicchii....



Comme j'ai aimé la scène des ouvriers agricoles torturés par un monachicchio dans une grotte où ils tentaient de faire la sieste au frais et contraints de dormir en plein soleil. 



Quelle nuit de Noël burlesque avec le prêtre déchu honni par les notables, ignoré des paysans, on en rirait de bon cœur si les conséquences pour le curé, dénoncé à l'évêque et aux  autorités fascistes de Matéra, n'avaient été tragiques. 



Carlo Levi ne se contente pas de narrer des épisodes amusants. Il analyse aussi les rapports sociaux, cherche des remèdes à la grande pauvreté et à la malaria. Il les situe aussi dans la perspective historique. Le temps des brigands  n'est pas loin. La méfiance vis à vis de l'Etat transcende tout ce que les politiques de droite comme de gauche peuvent imaginer comme intervention étatique. Rome est plus éloignée de Gagliano que New York où nombreux paysans sont allés tenter leur chance. La résignation et le fatalisme ne contiennent pas toujours la colère des cafoni.



Ce livre est un véritable coup de cœur. J'ai cherché un paragraphe de citation. Difficile choix : j'aurais tout recopié. C'était déjà une relecture, je sais que je le relirai! Cette fois-ci je le mets en perspective avec ma lecture récente de Tous sauf moi de Melandri qui met en scène cette période et la guerre africaine en Ethiopie. La première fois je n'avais pas saisi les allusions à cette expédition. C'est aussi, une préparation pour notre voyage dans le Basilicate d'ici quelques jours. J'espère trouver une petite place dans la valise pour ce mince livre de poche (302p)
Lien : http://netsdevoyages.car.blog.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Très empathique relation de Carlo Levi, peintre et médecin, avec les paysans du village de Gagliano (région du Basilicate) durant l'année 1935-1936, où il est retenu par décision du régime fasciste, pour délit d'opinion. Ses rapports quotidiens avec les tout petits seigneurs locaux et la masse des pauvres et des délaissés de cette région rurale, retirée entre les montagnes, abandonnée des dieux et de l'Etat, lui ont permis, dans ce roman proche du récit, de réfléchir à des réformes politiques structurelles sans lesquelles l'Italie ne pourra jamais s'affranchir du clivage nord/ sud qui l'appauvrit et la déchire : "L'Etat ne peut être que la somme d'une infinité d'autonomie, une fédération articulée. Pour les paysans, la cellule de l'Etat, la seule qui leur permette de participer à la vie multiple de la collectivité, ne peut être que la commune rurale autonome. C'est la seule forme d'Etat qui puisse nous acheminer vers une solution du problème méridional (...) qui permette la coexistence de deux civilisations différentes sans que l'une domine l'autre."

Ce livre est traversé par les forces vitales d'un puissant et fondamental paganisme (d'où le titre) relié aux forces telluriques omniprésentes. Malgré la misère et la terrible condition des gens de sud, il pénètre toute chose d'une parcelle d'humanité, loin de l'indifférence du monothéisme et de l'Etat, on peut même dire du "monothéisme d'Etat", trop lointain, trop inadapté, trop cupide.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

J’avais le souvenir de vagues images du film de Rosi, avec G. M. Volonté. J’ai plus récemment visité la Basilicate (nouveau nom de la Lucanie) dont parle Levi. C’est un joli pays… pour le touriste et cela n’a rien à voir avec la pauvreté glauque d’il y a un siècle. Levi a su en faire une description lucide et distanciée, sans tomber ni dans le mépris ni dans l’incompréhension du citadin se retrouvant plongé dans un autre monde et ses structures et mentalités sociales d’un moyen-âge attardé. Il regarde vivre, se regarde vivre, avec l’acuité d’un ethnologue curieux, étonné et plutôt compatissant. Un beau livre.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Carlo Levi, engagé contre le fascisme, a été exilé dans le sud de l’Italie. Assigné à résidence à quelques kilomètres d’Eboli, il vit au milieu de gens miséreux. Les habitants de ce pays se sentent tellement pauvres et abandonnés qu’ils disent que « Le Christ s’est arrêté à Eboli ».

Ce récit autobiographique rend hommage à des gens frustres qui l’ont accueilli, il les a soignés puisqu’il est médecin, il les a écouté sans les juger puisqu’il est lui même proscrit. Les descriptions du pays sont superbes, et devenu peintre, il observe les villageois avec une sensibilité vibrante d’humanité.

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Le Christ s'est arrêté à Eboli

C'est un texte lent, au goût exotique d'un temps disparu , peu d'actions mais des paysages, des odeurs, des froissements de feuilles sur le sol, des hommes et des femmes, des passions, des haines...



L'auteur, dans les années 1930, se retrouve exilé par le régime de Mussolini, dans une région du sud de l'Italie.Dans un petit village, Eboli, il va découvrir une vie qui est loin de celle qu'il a connu. La pauvreté est omniprésente, la terre ne nourrit pas les familles, la malaria sévit, les superstitions aussi. Les femmes et les hommes vivent comme coupés du monde, dans des savoirs, habitudes et légendes qui semblent perdurer depuis la nuit des temps. Les quelques représentants de l'état qui officient dans le village, sont d'une bêtise crasse et d'une cupidité rapace, ce qui ne réconcilie pas les "autochtones" avec Rome. Rome c'est pour les habitants d'Eboli, l'ennemi, l'empêcheur de tourner en rond, qui prend, ordonne et ne donne rien.



Carlo Levi, décrit autant les paysages que les humains, on sent une grande tendresse pour ces paysans incultes mais d'une réelle richesse humaine, voir d'une certaine sagesse. C'est une drôle d'Italie qui est décrite ici, une Italie qui ne fait pas vraiment rêver, une Italie pauvre, sale, dure, excessive mais qui se révèle malgré tout fascinante sous la plume de l'auteur
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Confiné à Gagliano, en Lucanie, Carlo Levi narre son expérience dans ce court récit autobiographique ses années 1935-1936, au moment même où l'Italie fasciste envahit l'Ethiopie. Dans ce village où les hommes et les femmes meurent de la malaria, Levi découvre les traditions et les croyances, sans les juger, puisqu'elles existent, puisque tout le monde y croit. Il fait l'éloge de cette civilisation paysanne qui se tait, est opprimée et, parfois, se révolte violemment. Ces paysans ne sont même pas considérés comme des hommes, soumis aux puissants. Un livre dans une langue simple qui raconte l'universel de ces hommes, Lucaniens et hommes du monde entier, que Levi quitte après un an, les regrets au cœur, en sachant qu'il n'y reviendra jamais plus.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Un homme est condamné au confinement dans un village perdu de l'Italie du sud, entre autres pour ses idées politiques, pendant l'âge d'or du régime fasciste. Là il va découvrir une réalité qui lui était inconnue, la vie des paysans de cette région, qui sont totalement laissés pour compte par l'Etat, en proie à la misère et à la malaria. Il essaie alors de les aider comme il peut, en exerçant clandestinement l'activité de médecin ainsi que l'activité de peintre amateur. Ce livre a été adapté au cinéma.

Un témoignage poignant, souvent triste, et malheureusement bien réel. C'est très intéressant et assez facile à lire. Je le conseille; après c'est sûr que ce n'est pas le meilleur ouvrage pour se changer les idées...
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Carlo Levi a été « confiné » par le régime fasciste c’est-à-dire qu’il a été assigné à résidence dans un village perdu de Basilicate, Gagliano près de Grassano vers Matera pour des raisons politiques. Pendant un an en 1935 et 1936, CL, médecin qui n’exerçait pas et artiste peintre va observer la société rurale composée de « seigneurs », de petits bourgeois et de la masse des paysans. Il montre à quel point les paysans sont un monde à part hostile à l’Etat, loin de la religion officielle, pauvres, ravagés par la malaria, résignés. Une étincelle peut cependant ressusciter le mythe des brigands, hostiles aux riches, sur lesquels ils portent un regard bienveillant. CL montre les bassesses de seigneurs et des petits bourgeois. Il décrit magnifiquement le passage des saisons, les vieilles pierres avec un regard de peintre. Il décrit les fêtes, les danses, les coutumes, les mœurs avec précision, délicatesse et empathie.

Un livre profond, magnifique. Un chef d’œuvre. A offrir.

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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Lu il y a longtemps. Il me reste peu de souvenirs aujourd'hui de cet exil. Seulement une réflexion.

La Lucanie, fait partie de la Basilicate. Une des régions les plus pauvres du sud de l'Italie. Sous le fascisme, dans les années 30, l'auteur y était confiné pour ses idées contraires au régime. La pauvreté y était absolue. Eloignée de tout ! Aujourd'hui, cependant, le tourisme commence à envahir cette région. Tout évolue ! Ça me fait penser à l'impermanence. Qu'écrirait maintenant Carlo Levi sur cette région et son exil ?
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

L'auteur revient dans son village du Sud de l'Italie et décrit la pauvreté de ces campagnes italiennes.



C'est un livre pleins de descriptions, pour lequel on accroche ou on n'accroche pas. Je fais malheureusement partie du second groupe.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Depuis quelques années, j'ai une grande attirance pour le sud de l'Italie, région pauvre et reculée mais chargé d'histoire et d'une immense beauté. La Basilicate (anciennement appelée la Lucanie), dans le creux du pied de la botte, est probablement l'une des régions les plus reculées et enclavées de ce Mezzogiorno. Les deux villes principales, Potenza et Matera, sont petites, enclavées et éloignées de Naples et Bari... et encore plus de Rome ! C'est mal desservi (même à l'heure actuelle la région ne possède pas d'aéroport), coincé entre la mer ionienne dans le golfe de Tarente et des montagnes abruptes qui culminent parfois à plus de 2000 mètres d'altitude.

D'où le titre de ce livre : on dit que le Christ s'est arrêté à Eboli parce qu'il n'a pas pu accéder à l'intérieur des terres lucaniennes.

Sous Mussolini, le régime fasciste a utilisé cet enclavement pour y exiler les opposants dans les années 1930. C'est ce qui est arrivé à l'auteur, médecin et artiste turinois un peu trop ouvertement opposé au fascisme. Exilé dans un petit village au beau milieu des montagnes de Basilicate de 1935 à 1936, il raconte donc son expérience dans ce livre. Si cet exil intérieur n'était pas le plus dur (on est loin des horreurs des camps nazis ou du Goulag de Staline), il était quand même interdit de sortir du village (sauf autorisation spéciale) et d'exercer ses fonctions de médecin, alors même que la région était ravagée par la malaria dans l'indifférence complète du pouvoir. Ce livre est à la fois une autobiographie et une quasi-étude anthopologique dans lequel l'auteur relate ses expériences avec les villageois, leurs inter-relations, leurs traditions et leurs croyances. Ce n'est pas forcément joyeux, à l'image des conditions de vie assez rudes dans cet extrême sud italien sous un régime non moins rude, mais c'est en tout cas très intéressant.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Je suis venu à ce livre après avoir vu le film extraordinaire de Francesco Rosi, avec le monstre acteur Gian Maria Volonte dans le rôle principal. Est-ce que le film m'a tellement marqué ou bien est-ce que ce film était un reflet très exact de l'atmosphère du livre? Toujours est-il que je me suis senti dès les premières pages complètement dans le bain, dans l'ambiance si particulière de cette déportation aux confins de l'Italie, la région de la Lucanie, sorte de Sibérie italienne dans les années 30... Bien sur, l'écriture de Carlo Levi est d'une simplicité directe qui ne peut que mettre en confidence le lecteur : assigné à résidence (contre son gré donc) en 1935 par le régime fasciste auquel il s'oppose, Carlo Levi va vivre cette condamnation comme une expérience essentielle et un apprentissage, expérience qui transformera sa vision du monde de façon définitive. A ce titre, le moment le plus émouvant, le moment le plus bouleversant du livre (pour moi) est celui où, bénéficiant d'une "permission" pour décès familial lui donnant l'opportunité d'une semaine à Turin (sous surveillance rapprochée), il reverra ses amis proches, notamment des amis engagés dans la lutte antifasciste, pour se rendre compte qu'un fossé les sépare désormais, eux qui n'ont aucune vision de ce que le quart-monde prolétariat paysan a de totalement et viscéralement hermétique à tout sorte de directive provenant de l'Etat, qu'il soir fasciste, bourgeois ou socialiste.

Cette prise de conscience qui survient sans préméditation, et qu'il ne sait pas forcément gérer sur le moment, j'ai trouvé que c'était l'élément le plus fort du livre, d'autant que rien d'autre que la contrainte de cet exil forcé ne l'a amené à cette révélation. Carlo Levi, dont la vie a été marquée par cette expérience au point qu'il a demandé à être inhumé dans le village de cet exil, retournera malgré tout à la vie citadine "normale", mais avec une conscience de la vie transformée. Ca me touche énormément car je crois que nous sommes nombreux, toutes proportions gardées bien sur, à vivre des expériences uniques, ponctuelles, pas forcément d'une durée importante, et qui transforment totalement et de manière non réversible la vision de la société qui nous restera pour le restant de notre vie.



OK, j'arrête là !

Je concluerai tout simplement par : voilà un auteur qui a vécu quelque chose d'important, qui a quelque chose à en dire et qui le dit de manière directe et efficace et réaliste.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Ne vous arrêtez pas au mot Christ maisbien au titre au complet qui spécifie bien qu’il n’est pas allé plus loin.



Vous l’aurez compris, il s’agit d’une oeuvre remplie d’humanisme. Dommage que les livres du début du siècle passé (1936, ici) soit moins lus, il est encore plein d’actualité (en mettant en relation avec les 1ere nations ou bien les pays dits du tiers-monde mais aussi cette Italie patriotique d’extrême droite d’aujourd’hui).



« Les idées ne comptent pas, mais seulement la Patrie. Vous aussi vous êtes pour l’Italie, n’est-ce pas? ».
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Relégué dans une petite ville de Basilicate, dans le sud de l'Italie mussolinienne, l'auteur, antifasciste notoire, nous conte par le menu sa vie dans ce coin perdu, oublié de tous. Il va y découvrir une civilisation paysanne, remontant aux temps les plus lointains et ayant survécu à toutes les vicissitudes de la religion et de la politique. Dans un paysage de mauvaises terres infestées par la malaria (le paludisme), la population survit au prix d'un labeur effréné, avec comme seule médecine le savoir ancestral de quelques sorcières patentées. Carlo Levi, qui a abandonné l'exercice de la médecine, y exerce son activité favorite, la peinture. Devant la misère physique et morale des paysans et le désintérêt des villageois les plus aisés (les "seigneurs"), il va se mettre à les aider et leur apporter quelque réconfort, stoppant pour un temps la mortalité galopante qui ravage la population. Dans ce récit puissant, l'auteur nous délivre un message aux résonances tout actuelles. Que représente l'État, et ses affidés, lorsque l'on se sent collectivement mis au ban de la société ? La révolte, lorsque la situation devient insupportable, n'est-elle pas la seule façon de se faire entendre, même si l'on sait d'avance qu'elle est vouée à l'échec ? Hors des idéologies dominantes, qu'elles prônent la dictature ou la démocratie, Carlo Levi propose des solutions pour redonner leur honneur aux plus démunis. Puisse son message être entendu, en ces temps où s'effondrent les modèles politiques et économiques qui ont cru assurer le bonheur de l'humanité…
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Un choc ! En Lucanie (Pouilles), au sud de l'Italie, les paysans disent que le Christ s'est arrêté à Eboli tant ils se sentent abandonnés et la misère grande. L'auteur, militant turinois antifasciste y est exilé en résidence surveillée en 1935-1936. Il y découvre avec effroi la misère, la sous alimentation, la malaria, le sous-développement. Il s'attache pourtant à cette région, aux paysans, leurs coutumes à tel point qu'il y sera enterré à sa demande à sa mort en janvier 1975.

Cela m'a rappelé le film de Bunuel sur l'Extrémadure des années 1930 ("Les Hurdes, Terre sans pain") avec toutefois moins de jugement, beaucoup plus de tendresse et d'empathie chez Carlo Levi.
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Le Christ s'est arrêté à Eboli

Carlo Levi est un médecin et peintre opposant au régime fasciste, durant la seconde guerre mondiale, qui se retrouve assigné à résidence dans un village des plus pauvres et désolés d’Italie. Il raconte donc son expérience dans ce livre, qui est largement autobiographique. L’auteur s’est beaucoup attaché aux paysans de ce village, le récit est d’autant plus touchant que des années plus tard, Carlo Levi a demandé à être inhumé là-bas.

En ouvrant le livre, j’avais un peu peur de la morosité, d’un côté austère, voire moralisateur, alors que pas du tout. C’est vraiment un très beau roman, écrit avec le cœur comme un hommage rempli d’amour envers des gens anonymes mais remplis d’humanité, qui l’ont accueilli à bras ouverts, et qui ont essayé de le retenir quand il est parti. Les personnages sont vrais, décrits dans toute leur profondeur humaine, avec pas mal d’humour et de réalisme. Il y a beaucoup d’anecdotes drôles et plaisantes à lire. Carlo Levi, l’étranger, représente une ressource potentielle inespérée pour ces villageois qui n’ont rien : c’est un « Monsieur » cultivé, un vrai médecin qu’ils respectent et qui peut les soigner, c’est un homme à marier, une distraction aussi qui occupe quotidiennement les passions et les ragots. De ces gens si vivants découlent une force vitale, une telle énergie, qu’on pense à un double sens dans le titre « le Christ s’est arrêté à Eboli » : est-ce que cela signifie, comme le présente l’auteur, « le Christ n’est pas allé jusqu’à ce village » ( c’est ce que pensent les villageois), ou bien, « le Christ séjourne parmi eux, il s’est arrêté à cet endroit précisément) ?

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Le Christ s'est arrêté à Eboli

difficile de définir ce roman autobiographique tant il est pesant, lourd de sous entendu et de non dits de misère mais aussi plein de références traditionnelles, de piété et de la déclaration d'amour de l'auteur pour ce pays qui ne sera plus le pays de l'exil des débuts
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