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Citations de Céline Curiol (153)


Regarde-toi ma vieille, est-ce que tu te plais, dis-moi ? Oui, il y avait une injustice à vieillir femme, car la féminité, ou plutôt ce que l’époque moderne désignait ainsi, résistait mal à la dégradation des apparences, au contraire de la virilité dont les marques du temps ne brouillaient pas tant l’expression.
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La jeunesse n'est jamais l'âge du doute mais de l'excès de certitudes.
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Celui qu'enchante le hasard doit croire en sa souveraineté.
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Un jour, quelqu'un me dit, avec toute l'ingénuité des biens portants : "Il n'y a que toi pour t'en sortir." Sur le coup, j'eus le tort de le croire. Ce n'était qu'en partie vrai.
Il advient un temps où éviter la dépression n'est plus humainement possible : quelles que soient ses ressources et sa résistance, l'individu visé est condamné à subir l'épreuve au risque d'y succomber.
Tout rétablissement implique alors que la personne renforce seule ses capacités à distinguer ses propres signaux d'alerte, à prendre la mesure de ses "états d'âme" sans faire abstraction de leur pouvoir, sous prétexte d'écarter, par le déni, la menace.
Peut-être nécessite-til aussi d'accepter l'inexorable solitude de chacun face à ses cataclysmes intérieurs. Mais je le répète aujourd'hui ; de la dépression, personne ne se sort seul.
Si la figure du héros solitaire ne manque pas d'attrait, il vient un moment où celui qui l'incarne perd jusqu'à la capacité mentale d'inventer le mythe qui le sauverait.
Tôt ou tard, le héros, blessé, abattu, au bord de l'abîme, se doit d'être aidé même si sa mise négligée, sa tristesse et sa décadence inspirent avant tout le mépris.
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Mettre une claque à ma douleur, la renverser par surprise.
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Rien ne meurt avant d'avoir perdu toute possibilité d'être.
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ORNA

C’est l’odeur de nourriture qui la force à se retourner, celle de petits fours chauds posés sur une table à nappe blanche, à quelques pas, au moment où un garçon s’approche d’elle avec un plateau chargé de coupes de champagne. Elle refuse d’un geste vif, envahie par la certitude brutale qu’entre ce que ses yeux viennent d’absorber et ce liquide ç bulles, symbole de la bonne fortune, il n’existe pas de compatibilité. Et plus elle éprouve l’indécence de cette juxtaposition, plus le contraste malsain entre ces invités volubiles, réunis au nom d’une cause honorable, buvant et mangeant, et ces images du dénuement, du saccage arbitraire de la guerre, lui explose aux yeux. Ces gens, comme elles, sont bourrés de bonnes intentions comme on le serait de cachetons, et ne perçoivent plus leur arrogant privilège, celui de pouvoir prendre pour distraction la souffrance d’autrui. La scène résume ce qui, depuis des mois, ronge sa joie, accentue son mal-être, la sensation d’un écart grandissant entre la description médiatique des choses et les mêmes choses même, l’idée seule de ces choses, plus légère et volatile, en venant à gouverner le point de vue de chacun. C’était ce même écart vertigineux qui avait causé son insensibilité aux images du massacre de la Ghouta.

Douleurs et sévices montés en séries tournaient à la propagation d’une représentation macabre.
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Tout était difficile à n'importe quel âge, quand on manquait de motivation.
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Pendant tant d'années, j'avais voulu me préserver de cette manière de penser, s'occuper, comme si nous ne vivions qu'un long sursis dans l'illusion d'une existence véritable.
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Depuis longtemps, les mots avaient été mon arme et mon armure. Mais alors et pour la première fois de ma vie, mes anciens alliés, ces milliers de mots que j'avais éperdument assemblés, devinrent ma prison : la rigidité de mes déductions dressait des paravents tout autour de moi. "Le déprimé sait que ses humeurs le déterminent de fond en comble, mais il ne les laisse pas passer dans son discours." Ne les laisse pas se diluer dans ce discours. Mes incessants récits d'épisodes depuis trop longtemps révolus m'amarraient à l'émotion ressentie : ils me permettaient d'entretenir la croyance en une forme de survivance d'un passé que personne ne voulait plus partager avec moi. Mes phrases m'entraînaient avec elles et elles n'entraînaient que moi. Tout allait dans le même sens et je m'épuisais.
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SELENE
Au lieu de songer à ce qu’elle devrait être en train de faire, elle pourrait profiter de sa paralysie temporaire pour se remémorer des souvenirs heureux entre Porter et elle afin d’être dans des dispositions plus favorables lorsqu’elle le rejoindra. Que soient ressuscités ces temps où chacun s’émerveillait de l’existence de l’autre, de sa disponibilité, de ses sinuosités de corps et de caractère qui semblaient coïncider avec les siennes, de la folle possibilité d’en orchestrer les coïncidences, du moins certaines expressions, des mots éclatants ! Ce qui lui revient en mémoire néanmoins se disloque : des bribes ou des flashs qui palpitent sans vraiment s’enchaîner aussi évanescents que l’émotion. Un rendez-vous surprise à la gare de Bercy – mais où allaient-ils ; une marche main dans la main sur la rive – mais de quel cours d’eau ; un petit-déjeuner faramineux sur une terrasse ensoleillée – mais de quelle lointaine ville ; une soirée d’anniversaire dans un relais et château – mais de qui ; une bataille de boue sur les berges d’une île – mais en quelle année ; une intense session de baise sur canapé, jets d’habites et emportements labiaux comme plus jamais il n’en éclate entre eux.
Quelques tirades en vrac : des poignantes et des discordante, des mensongères et des sans pitié, des ingrates, des ferventes, des éternelles. Surtout c’est son regard, celui d’alors, celui qui lui inondait l’âme par effraction, c’est ce regard dont elle conserve la trace intacte, l’empreinte à vif, comme s’il ne fallait jamais l’oublier pour qu’il eût existé.
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Sur mon réfrigérateur était aimantée une carte bristol où j'avais inscrit une phrase tirée du livre de Roland Jouvent. "Les sujets auraient intégré une fausse croyance selon laquelle ils seraient impuissants à influer sur leur bien-être." Cette phrase me semblait et me semble encore être la clé de voûte de l'édifice dépressif.
L'hypothèse postulée par Jouvent découle de la théorie de learned helpssness-traduit en français soit par "désespoir appris" (Jouvent) ou "désarroi appris" (Kristeva), S'inspirant d'un concept du même nom défini par Aaron Beck dans son élaboration des premières thérapies cognitives comportementales, pour permettre d'expliquer la manière dont certaines prédispositions cognitives conduisent à l'apparition, puis à la persistance, de la dépression.
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La jeunesse n'est jamais l'âge du doute mais de l'excès de certitudes.
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La rancoeur pesait si lourd chez les humains et écrasait sous son poids les souvenirs de conduites généreuses.
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De contenance, il fut très peu question pour moi au cours de la période critique de la dépression, je l'ai dit. Il y avait sans doute une sorte de jouissance masochiste à se laisser aller jusqu'au bout, à se laisser envahir par un désespoir suprême. Cependant, la dégradation de mes capacités à me contenir, loin de m'apporter un relâchement, voire un soulagement, contribuait à l'accentuation des mêmes sentiments négatifs, dont l'expression alimentait la perpétuation. Confrontée aux aléas de la réalité, ma sensibilité particulière engendrait des perturbations physiques et mentales qui avaient pour effet de la maintenir en alerte. Cette inclinaison nerveuse semblait accentuer la récurrence de souvenirs attachés au même état d'anxiété. Ce corps, qui n'excluait pas mon cerveau et où je peinais néanmoins à demeurer, m'entraînait dans un éprouvant manège. Il donnait prise à une pensé à peine pensée, l'amplifiait, la relayait. Cela n'était pas juste un "état d'esprit" : même s'il n'existait pas d'examen médical pour le détecter (ou, du moins, ne m'en avait-on pas prescrit), cela avait toute la prégnance d'un dysfonctionnement physique.
Pour défendre sa théorie de la nature corporelle des émotions et de leur apparition en amont de leur représentation mentale; James cite d'ailleurs certains cas "pathologiques" où la "machinerie nerveuse est si encline à une certaine direction émotionnelle" que la majorité des stimuli n'induisent plus que celle-ci. On imagine un automate qui, à toute sollicitation, répondrait par le même mouvement.
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Dans un article publié en 1884 dans le journal britannique Mind et intitulé "What Is an Emotion ?", William James formule, pour la première fois, les prémices de sa théorie de l'émotion. Allant à l'encontre de la pensée commune de l'époque selon laquelle l'émotion était d'abord un phénomène mental qui provoquait ensuite certains bouleversements physiques, il y postule que ce sont les bouleversements physiques, engendrés directement par la perception d'un objet, qui constituent l'émotion. Nous ne voyons pas un ours, avons peur et de fait nous enfuyons en courant ; nous voyons un ours, nous enfuyons en courant puis ressentons notre peur. Théorie révolutionnaire s'il en est, qui continue d'être contestée de nos jours, mais qui possède le mérite de rendre au corps une place prépondérante au sein du processus émotionnel. "Si notre hypothèse est vraie, nous sommes amenés à reconnaître plus pleinement que jamais combien notre vie mentale est entrelacée avec notre structure corporelle". Le philosophe proposait donc une réconciliation du mental et du physique, non plus conçus séparément, hiérarchiquement, mais fonctionnant de façon interdépendante, susceptibles d'échanges à double sens.
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Nous préférons parfois oublier les incidents qui devraient pourtant nous renseigner sur la réalité de notre conditionphysique-y compris notre condition mentale. Au cours de l'année 2005, j'avais connu des accès de palpitations cardiaques qui se déclenchaient fréquemment sans raison apparente. Lorsque celles-ci commencèrent à se manifester, j'essayai d'abord d'en faire abstraction puis élaborai diverses explications (l'effet du café, de la cigarette...) destinées à me rassurer, voulant croire qu'elles s'estomperaient d'elles-mêmes. Le phénomène au contraire s'accentuant, je pris rendez-vous avec un cardiologue (qui d'autre ?) qui m'assura que mon coeur était en parfait état de marche. Les palpitations ne cessèrent pas pour autant mais j'obtins l'autorisation de cesser de chercher ce qu'elles trahissaient... Trois ans plus tard, il devint clair que ces palpitations n'étaient pas sans lien avec la dépression. Aujourd'hui, je regrette qu'à une époque où la science a tant progressé dans la détection et la compréhension de nos maux, les humeurs de nos corps nous demeurent dangereusement étrangères. Nombre d'entre nous bénéficieraient grandement d'une formation médicale-ainsi que l'on enseigne l'éducation civique par exemple-non pour se substituer aux médecins mais pour devenir de meilleurs vigies.
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Orna se désole que chaque contrariété devienne prétexte à une explosion de haine. Des batailles pour de petits coins d'espace, pour de minuscules priorités, chacun s'imaginant floué, flouté en permanence. Une espèce de névrose collective, pense Orna au moment où se faufile devant elle une fille qui s'affale sur le siège qu'elle avait repéré. Chaque feignant d'être seul finissait par l'être. Des corps et des corps côte à côte auxquels leur désintérêt mutuel donnait l'allure de spectres. Et Orna était pareille.
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En manquant de suturer la blessure, j’en avais ravivé l’effet. Et ce qui m’avait donné de l’énergie de revenir se retournait à présent contre moi.
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Au moment où j'essaye de penser ou de dire ce qu'il y a, il n'y a rien de plus.
Ne suffit-il pas de demeurer humble et solitaire ?
Laisser faire, laisser passer, ainsi parvient-on-peut-être à vivre.
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