Citations de Clélia Renucci (111)
Les regrets, les illusions, la peur, les surprises, les palpitations, les progrès, les échecs, l’espoir naissent précisément de ce désir impossible de retrouver le temps. Non pas le temps perdu, mais le temps non vécu.
C’est le paradoxe des hommes de la Renaissance que d’être à la fois coureurs et croyants, amateurs de parties fines et de messes somptueuses, célébrant le vice d’un satyre et représentent le jour même une Vierge en grâce. En somme, cyniques et obéissants, grandioses et grotesques, libres et respectueux.
Les deux hommes échangèrent peu sur leurs émotions respectives : l'un venait de prendre conscience par son autoportrait de son retrait du monde et de sa capacité à regarder la mort en face, tandis que l'autre, par ce portrait inséré dans cette toile si symbolique, s'élevait enfin à la stature du peintre.
Toutes les fois où je me suis retrouvé dans cette situation, (la toile plus grande que le panneau sur lequel elle doit être posée) et Dieu sait si elles ont été nombreuses j'ai toujours décidé d'ôter du ciel , c est toujours moins grave de supprimer des êtres supérieurs que de trancher la tête des pauvres.
Les vrais amis se contentent de vous serrer dans leurs bras pour tenter d’étouffer votre douleur, de la capturer et de se la transmettre pour vous en libérer.
Nous avons eu l'audace de penser qu'à vous deux, vous réaliseriez la toile la plus spectaculaire que Venise ait jamais connue. Qui plus est, à deux, ce qui enverra un message fort à nos compatriotes : l'individualisme, le despotisme, sont à proscrire.
C’est avec le temps qu’une œuvre est réellement appréciée. Lorsqu’elle est présentée au public, étrangement celui-ci préfère souvent s’entre-observer plutôt que de regarder la toile.
Il ne sert à rien de contredire un commanditaire. Le jour où la toile est installée, il suffit de leur rappeler à quel point leurs suggestions ont été fécondes pour les convaincre que c'est "leur oeuvre" qu'ils ont sous les yeux - même si celle-ci correspond peu à ce qu'ils avaient en tête.
Sans le désirer, Francesco imaginait le destin de Domenico si son père venait à mourir...Croyait-il un instant qu’il garderait la confiance des puissants ? S’il le pensait, il se voilait la face. Les artistes ne sont que les marionnettes du pouvoir, interchangeables tant qu’un nom ne vient pas légitimer les œuvres qu’ils réalisent.
Un an passa ainsi, en saintes actions et intentions malignes, en processions sublimes et en dîners occultes, réunissant ces hommes de la Renaissance finissante, bons et complaisants envers l’Église, mécènes invétérés, collectionneurs, attachés aux traditions et amateurs de nouveautés, fidèles à leur lignée et voulant la dompter, hâbleurs et corrosifs, attachants et grotesques, subjugués par leur Dieu et sous le joug de leur pape.
Les champs de ruines étaient en train d’épuiser leur manne, les plus grands artistes s’éteignaient, le Quattrocento n’était plus : ni Léonard de Vinci, ni Michel-Ange, ni Bramante, ni Raphaël n’avaient trouvé de successeurs. Vasari peinait à imposer ses nouveaux apprentis.
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À Venise, les souverains craignent autant les chuchotements que les Français redoutent la rébellion. La rumeur tue autant que les armes et un bruissement suffit.
- "peindre comme c'était avant" ... Comment osent-ils dire ça ? S'ils veulent que je peigne aujourd'hui comme Guariento le faisait il y a deux siècles, la réponse est non Ils veulent que je respecte la tradition..., moi qui ai justement construit m réputation sur le fait de briser les règles
Elle s’appelait donc Oriane. Ce prénom lui apparut comme un talisman romanesque traversant les siècles, du modèle de la dulcinée de don Quichotte à celui de la duchesse de Guermantes. Une Oriane héroïque, une Oriane littéraire ! Il voulait que le temps s’étire.
Pour un peintre comme pour un poète, contrairement à un orateur qui savoure son discours à la mesure des acclamations de la foule, deux moments de grâce se suivent et Domenico était en train de connaître le premier, le plus sensuel de tous. Alors que tout au long de sa conception, l’œuvre se dissimule au créateur lui-même, lorsque les échafaudages sont écartés, la toile se découvre dans toute sa nudité et l’artiste peut enfin en jouir. La deuxième étape, que Domenico ne connaîtrait que plus tard, était l’installation du tableau dans son cadre, dans l’espace qui allait le caractériser jusqu’à la fin de ses jours.
La musique à la puissance inouïe de restituer l’intensité exacte d’émotions anciennes, le plaisir, le chagrin des ruptures, des premiers deuils, qui font pâlir les certitudes de l’enfance.
Fantaisiste, un brin extravagante, elle avait une idée fixe qu’elle développait volontiers devant qui voulait l’entendre. Elle était à la recherche d’un mari dont elle espérait devenir rapidement la veuve. Elle avait été célibataire, mariée puis divorcée, et tenait, avant de mourir, à « cocher toutes les cases de son livret de famille ».
C’est peut-être cela le devoir de mémoire, alléger celle des vieillards, la transférer aux nouvelles générations, repartir le passé entre nous et éviter l’oubli. (…)
Transmettre c’est s’épargner la peine de se gouverner seul.
Hollywood a tout filmé. La culture américaine est tellement visuelle qu’elle permet a chacun d’éprouver le sentiment de reconnaître des lieux dans lesquels il n’est jamais allé.
- A Venise, nous ne choisissons jamais, comme vous pouvez le faire à Florence ou à Rome, un artiste unique pour décorer un bâtiment. C'est une tradition. Nous multiplions les intervenants. Ici Michel-Ange n'aurait jamais été le seul fresquiste de la chapelle Sixtine.