Clémence Bouloque publie «
Un instant de grâce », un roman sur Audrey Hepburn. Pour Entrée Libre, l?écrivaine revient sur la carrière de l?actrice américaine, icône du cinéma hollywoodien, avec des films cultes comme « Funny Face », Diamants sur canapé », « Vacances romaines »?
Du lundi au vendredi à 20h15,
Claire Chazal explore les multiples formes de la culture. Au menu, l'actualité culturelle des dernières 24 heures, des reportages sur des sujets éclectiques, ainsi que des rencontres avec des personnalités du monde des arts plastiques, du spectacle vivant, du cinéma et de la musique. Une fois par mois, un invité prend les commandes de l'émission et propose ses choix culturels.
+ Lire la suite
On ne savait rien
de ce qu'il eūt fallu savoir :
la culture était trop compliquée
pour permettre de comprendre
autre chose que les rides de la surface.
Paul Nizan
"Aden Arabie"
Page 56.
Je ne sais pas trop pourquoi, mais je mélange souvent le russe et l'arabe...Peut-être parce que, dans leurs alphabets distincts ... la sonorité de certains mots est identique.
"Ana" par exemple. C'est "je" en arabe ; c'est "elle" en russe (mais écrit "она"). Un soir, à Moscou, j'ai dit "ana oustala" , "elle est fatiguée", alors que je voulais m'excuser et aller me reposer. Quand je me trompe, en russe, je parle de moi à la troisième personne.
Clémence Boulouque, octobre 2005, page 7.
En combien de temps la mémoire d'un père qui abandonne les siens devient-elle un terrain vague ?
Peut-être que la folie humaine est un instrument de Dieu pour casser sa création qui le déçoit.
Elle avait depuis longtemps eu la danse en exutoire, la danse l'avait sauvée, comme la joie, ce rire sans son et souvent sans motif. Toutes deux lui apportaient une maîtrise ivre.
A chaque adolescent qui voudrait s'arracher à la vie, j'aimerais murmurer que tout ira bien, que rien n'est si grave, au fond. Que la réussite n'est rien qu'une façon plus ou moins habile de déguiser les incessants échecs d'une vie. Sur des cahiers, les ratures sont jolies, elles donnent au texte une force, un rythme, une ondulation. Une pause.
Un jour, il lui était apparu que, dans chacun de ses rôles, elle avait toujours volé, maraudé : elle était celle qui subtilisait une journée au protocole princier dans Vacances romaines, l'héritier qui ne lui était pas destiné dans Sabrina, le coeur d'un séducteur dans Ariane, et des babioles dans Diamants sur canapé - des larcins commis pour leur petit frisson, ou pour le bonheur de faire les poches de quelqu'un qui ne l'ignore pas tout à fait. Une filouterie, la danse, un rire étaient de la même texture que la joie : une force inarticulée capable de condenser un monde épars.
Une fois encore, elle devait changer de langue.
Les déracinements rendent les lèvres et les pensées mal synchrones.
Muet, c'était un exercice de complaisance envers soi.
À haute voix, de médisance.
P 15
Sans lui, j'avais tout perdu. Lui. Mes gardes du corps. Les yeux rieurs de ma mère. J'avais même perdu des mots. "Parents", "Papa". Je ne les prononcerai plus.
La nuit, je répétais ces deux syllabes à voix basse, pa-pa, continuellement, jusqu'à m'endormir. C'était devenu le mot le plus long de la terre. Il écrasait "anticonstitutionnellement", et de loin. Le jour, je sentais les larmes monter lorsque j'entendais dans la rue un petit enfant chanceux appeler son père.