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Citations de Diaty Diallo (109)


Je suis pas mal énervé parce que, vu le nombre de potes à nous qu'on a récupérés dans des états sombres à la sortie de nos trop nombreuses gardes à vue, je savais qu'un jour ça irait plus loin qu'une gueule en sang. Qu'on finirait par perdre quelqu'un dans cette bataille qui n'est pas la nôtre. Une bataille à laquelle on n'a jamais pigé grand-chose. On savait qu'on perdrait quelqu'un, simplement on ne savait pas ni qui ni quand. On savait juste qu'il s'agirait de celui de trop.
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Ça danse. Le reste on verra demain avec le jour qui se lève.
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Tout est cyclique, tu sais : les rires le calme les larmes les cris les rires.
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Je m'oriente à l'œil, à l'oreille, au nez. Toujours. Nique sa mère la cartographie.
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Attiser des feux, se raconter des trucs pour passer les jours qui rallongent et même ceux qui raccourcissent en fait et puis danser parfois.
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Dans le jour qui se lève, les merles, moineaux, mésanges, pigeons en gangs, en même temps qu'ils s'étirent les plumes, chantent comme des rappeurs leur appartenance au sol d'ici. Oublie jamais d'où tu viens, ils semblent se répéter.
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On contemple, entre le sol et le plafond, notre espace de disparition préféré.
Dans le zéro, petits, on s'est soustraits à tout et à tout le monde. Aux parents et aux filles. Au bleu et aux représailles entre nous.
On y rodait, on s'y inventait des histoires. Notre imagination partait souvent en couilles. On fermait les yeux jusqu'à faire se plisser la peau autour. Dans le zéro, on fantasmait les vestiges engloutis d'un passé désuet : une place des fêtes de milieu de village où célébrer des trucs aurait été régulier.
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Le lacrymo, c'est vraiment un venin d'enfoiré de fils de pute. C'est à dire qu'un soldat ne pourrait pas en utiliser contre ses ennemis, sur un champ de bataille en temps de guerre, pas autorisé, mais pas contre nous, ils nous en arrosent dès qu'on fait un pas de travers. Et même dès qu'on a l'audace de sortir de chez nous, putain.
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Quand une personne est arrachée trop tôt à la vie, la souffrance déborde de son foyer pour attendre la rue. C'est une communauté qui a mal.
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Faut pas arracher les cheveux des noirs. Faut pas faire baisser les caleçons , faut nous croire quand on dit qu'est nous mêmes et par grand -chose d'autre de plus sur la carte d'identité. Faut pas plier, faut pas nous plier, faut pas pourchasser arrêtez de nous faire courir, faut pas nous rabaisser, nous violer. nous flinguer. Faut arrêter s'il vous plaît. On est blasés. C'est une manière d'exprimer la peur.
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Tout est cyclique, tu sais : les rires le calme les larmes
les cris les rires.
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C’est beau. Ça donne des dialogues sans mots, des lèvres qui remuent, muettes, des mains qui reproduisent la musique. On n’entend pas les rires ni ce qui les déclenche. Des gens s’embrassent doucement, le souffle saccadé, les paumes plaquées, les creux des corps emboîtés. Des lèvres ouvertes sur le fond d’une clavicule. Des cœurs arythmiques reliés par deux ou trois. Le langage indiscipliné de celles et ceux qui parlent la tendresse.
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Je lui avais dit de pas aller mettre son nez sur la place, gros, je te jure sur ma vie, il me dit en me regardant droit dans les yeux et les siens pleurent. Je réponds que je sais bien, que même avec un scénario différent l’issue aurait été la même. Ça s’appelle le système. Qu’on sait bien. Que c’est de la faute à personne d’entre nous. Qu’on a pas mérité de perdre un petit. Qu’aucun petit mérite de perdre sa vie. Qu’y a bien que des enfoirés pour pas savoir ça. Nous on sait. On est pas des enfoirés. On sait bien.
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et je pense que je veux explorer des manières de faire futur avec sa main dans la mienne.
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Ils ont treize, quinze, seize ans, ils sont des ouvriers de la débrouille comme seuls en produisent les quartiers pauvres.
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Bientôt tout aura changé.
Ils prévoient de construire des bâtiments avec des façades végétales sur
le terrain d’aventures. Ils prévoient de casser la pyramide pour la remplacer
par on ne sait trop quel projet concerté. Un truc flou géré par la mairie,
entre la mjc et l’espace de coworking, dont ils disent que c’est pour les
habitants, les activités de la place. Moi j’en mets ma main à couper que peu
d’entre nous passerons la porte. Ça nous fera peur, on leur fera peur.
Et c’est dommage pour la pyramide. C’est un peu la tour Eiffel du
quartier, on s’y retrouve depuis toujours. L’été, on se cale à quelques mètres
d’elle, histoire d’être éclairés le soir quand ses néons fonctionnent, nos têtes
à la fraîche sous les larges ramures feuillues des ornementaux, petite
enceinte qui crache du bon son – j’viens d’en bas, j’ai pas d’autre issue que
de finir au top – et chaises pliantes sous le cul. Parfois quelqu’un ramène sa
glacière et nous met bien en mister freeze encore gelés.
Quand Samy était petit, il voulait tout le temps qu’on lui raconte des
histoires à partir des bas-reliefs sculptés au pied du monument : un genre
d’arche de Noé. Quand on passait devant pour aller au parc, il posait des
questions du style pourquoi il a atterri là le phoque ? et moi j’improvisais.
Bah il est là mais il va pas rester longtemps, il fait juste une étape dans un
long voyage, en fait il rentre chez lui en Norvège, il était parti visiter des
amis au Mali mais il a eu trop chaud, il a pas pu rester, du coup il a serré la
main à tout le monde, il a dit hasta la vista, puis il s’est mis en route, là où
on est c’est à peu près le milieu entre Bamako et chez lui du coup c’est pour
ça il fait une pause et t’as vu il a retrouvé d’autres potes à lui. Je répondais
des trucs comme ça, en lui montrant les animaux. Il ne lui fallait pas grand-
chose de plus pour se mettre à rêvasser, chantonner et sautiller, un bout de
bois dans sa petite main.
Quand on leur demande pourquoi ils veulent la détruire, la pyramide, ils
répondent que c’est parce que les habitants ne l’aiment pas. Ce n’est pas
vrai qu’on ne l’aime pas. Déjà la plupart des gens ici n’en ont tout
simplement rien à foutre. Ils ont d’autres galères à gérer que des polémiques
d’architecture. Et moi je pense que c’est comme toute œuvre d’art, faut
l’entretenir. Ça donne quoi une cathédrale que tu laisses vieillir sans soins ?
Moi je la trouve encore très belle la pyramide, encore plus belle même
recouverte de toutes ces contributions au marqueur : j u s t i c e p o u r ; a u
t o d é f e n s e p o p ; blases tatoués sur le socle : zadama ; motifs
ésotériques gravés au-dessus des bouilles de la ménagerie : pentagramme
inversé.
Mais sa destruction est imminente, inéluctable, et on ne désoriente pas
un plan de rénovation urbaine avec des considérations sentimentales et
esthétiques. Alors on s’est dit qu’on n’allait pas attendre de voir à quoi
ressemblerait l’après, qu’il fallait qu’on s’en occupe nous-mêmes, qu’il
fallait la rallumer, notre pyramide, avant qu’ils ne l’éteignent définitivement
et qu’elle ne puisse plus jamais nous servir de repère.
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Déjà ça puait la mort. C’était juste avant Samy, ça puait la mort, la fin,
la moisissure, quelque chose qu’il faut jeter. Ça m’avait foutu un sérieux
coup. Et en boucle j’étais depuis, et je suis frénétiquement. Faut pas
arracher les cheveux des noirs. Faut pas faire baisser les caleçons, faut nous
croire quand on dit qu’on est nous-mêmes et pas grand-chose d’autre de
plus que sur une carte d’identité. Faut pas nous plier, faut pas nous plier,
faut pas nous pourchasser, arrêtez de nous faire courir, faut pas nous
tabasser, nous violer, nous flinguer. Faut arrêter s’il vous plaît. On est
blasés. C’est une manière d’exprimer la peur.
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Puis Samy dit à Bak viens on y va vite fait nan, pour voir. Bak passe ses
jambes d’un côté et de l’autre de la moto et se tracte le plus à l’avant
possible. Samy se pose derrière lui et, les bras tendus vers l’arrière, il
s’accroche à la bavette. Ils démarrent, s’approchent de quelques mètres du
bruit et de la fumée qui progressivement efface la scène – les corps comme
le décor, la pyramide. Bak dit gros ça commence à piquer, je vais pas plus
loin.
Samy aperçoit à travers les volutes grises le visage de Chérif et ses
mains menottées. Leurs regards se croisent. Samy voit les lèvres de son
frère bouger. Il n’entend rien mais sait – on sait quand on n’a jamais vécu
un jour l’un sans l’autre – ce qu’il dit : toi et Bak, vous bougez, vous rentrez
à la maison. Samy dit viens on bouge. Bak fait jouer les gaz et demi-tour.
Ils reprennent la rampe pour descendre et, une fois sous la dalle, croisent
des voitures de flics qui arrivent en renfort.
Dedans, il y a des mecs qui ont l’air contents d’être là, contents que les
collègues aient enfin provoqué un peu d’action, leurs yeux à l’affût
rencontrent les leurs. Bak dit oh non et pense, c’est pas notre moto, on a pas
de permis, ils kiffent passer du temps avec nous comme des tontons
bizarres, vas-y on est morts.
Et, en effet, la suite est connue. Ils prennent la fuite la peur au ventre de
se faire serrer et plus grande encore celle de se faire savate par les darons.
Ils slaloment, gracieux malgré tout, dans des rues qui les ont vus à tous les
âges – les corps petits, les casquettes trop grandes, les sacs à dos avec le
prénom dessus et le goûter à l’intérieur, les ballons ronds, les voix qui
muent, les fous rires à se casser des côtes, et les rêves d’ailleurs –, se font
pourchasser comme des mafieux le coffre rempli de cocaïne dans un drive
by à LA, et puis – personne ne saura jamais l’expliquer à celles et ceux qui
demanderont pourquoi – Bak et Samy semblent se mettre à exister un peu
trop, pour ces hommes qui peinent à les rattraper. Un peu trop fort, un peu
trop loin.
Un peu trop, quoi.
Agrippé à la taille de Bak, Samy se retourne pour jeter des coups d’œil.
Il entrevoit, malgré les phares qui l’éblouissent, les traînées que la pluie
mêlée à la poussière a formées sur le pare-brise de la voiture qui les suit. Et
derrière la vitre il discerne, croit discerner, le coin d’une bouche moqueuse,
l’éclat d’une pupille dilatée, des visages par fragments émergeant de
l’ombre de l’habitacle, sommairement éclairés par les réverbères plantés le
long des trottoirs. Et puis il voit, croit voir, des sourcils se froncer,
l’adrénaline gonfler les veines d’un bras et au bout de ce bras des doigts,
aux jointures blanchies par la préhension, se resserrer autour d’un calibre.
Et puis il sait, croit savoir, que c’en est fini d’exister comme ils existent,
Bak et lui, là tout de suite : devenus indésirables, à punir ; infiniment de
trop. Et il entend, croit entendre, dans son dos qu’on presse une détente et
qu’on ouvre le feu. Trois fois, il entend, croit entendre, le feu s’ouvrir.
S’ouvrir le feu.
S’ouvrir le feu.
S’ouvrir le feu.
Une première balle atterrit dans la jambe droite de Bak qui hurle sous
l’impact. Une deuxième pénètre l’espace entre l’omoplate gauche et la
colonne vertébrale de Samy. Il sent le souffle de la dernière comme un
secret au seuil de son oreille, juste avant que tout autour de lui
s’assombrisse.
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Mon nez est submergé par l’odeur de ma peur et je sens mes jambes
trembler. Je ne savais pas qu’il était possible de tomber amoureux en une
heure. Je veux mettre ma tête dans son cou, aspirer son parfum pour chasser
la crainte d’être ignoré.
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Arriver seul en soirée, je hais ça. J’ai toujours peur que la première
personne que je croise soit quelqu’un que je connais trop pour ne pas dire
bonjour mais pas suffisamment pour être saucé de le voir. Pas loin de moi, il
y a d’autres personnes venues se rafraîchir dans un air moins chargé qu’à
l’intérieur de la salle. J’évite tout contact visuel qui permettrait de penser
que je suis dispo pour discuter. Je froisse la canette que j’ai sirotée tout le
chemin, respire un coup et prends la décision de m’assembler au reste de la
communauté.
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