24/04/2014
Héloïse d'Ormesson invitée de Michel Field sur LCI pour fêter les dix ans de sa maison d'édition et promouvoir une nouvelle collection SUSPENSE qui réunit uniquement des romancière du genre (Véronique Biefnot pour "Là où la lumière se pose", Aurélie de Gubernatis pour "L'Impasse" et Dominique Dyens pour "La Femme éclaboussée")
www.editions-heloisedormesson.com
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Le remords de n'avoir pas réussi à surmonter ma peur de la vieillesse et de dégoût qu'elle m'inspirait, le remords de ne pas avoir été capable de prendre la main décharnée de ma mère qui sentait parfois la merde, parce que même les maisons médicalisées haut de gamme manquaient cruellement d'effectif en France, ce remords-là ne me lâchait plus.
Que la séance ait été douloureuse ou joyeuse, que j’en ressorte frustrée ou au contraire emplie de satisfaction, entre le moment où je descends les escaliers du cabinet de mon psychanalyste et celui où je pénètre dans ce café, je ne suis liée à personne, ni affectivement ni socialement, mais ne suis définie que par mon vécu et mes émotions.
Mais un jour, elle aurait croisé dans les couloirs au linoléum vers pâle, l'infirmier du premier. Il lui aurait parlé d'une voix douce qui l'aurait fait rougir. Elle serait alors venue plusieurs fois dans la semaine. Dans l'espoir de le voir. Peut-être auraient-ils débuté une liaison. Secrète. Adultère. Sans issue. Comme une voie. Qu'il est déconseillé d'emprunter parce qu'elle nous oblige toujours à revenir sur nos pas.
C'est du temps perdu, une voie sans issue. Même si la promenade est jolie
Alice réfléchissait à sa vie. Les yeux fermés, elle devinait les skieurs qui sortaient par groupes de la télécabine et chaussaient leurs skis sur le plat situé à une dizaine de mètres. Elle entendait un premier puis un deuxième claquement sec, suivis du doux glissement des skis sur la neige. Elle imaginait la lame fendant la poudreuse scintillante et les corps prenant leur élan. Puis le silence s'installait à nouveau jusqu'à l'arrivée du téléphérique suivant.
Cette opération [prostate] me fit réaliser que tout ce qui affecte la virilité est tabou. La société parle volontiers des troubles de la ménopause ou des conséquences psychologiques de l'ablation d'un sein, mais elle n'évoque jamais la souffrance et la solitude des hommes blessés au plus profond de leur chair et de leur masculinité. Nous étions pourtant nombreux à subir cette opération — près de 30 000 par an en France —, avec parfois des effets dévastateurs sur notre sexualité. L'omerta était totale.
[discussion entre 2 copines quadras]
Ah ! "Coucher". Le mot affreux est lancé. J'imagine deux centaures en furie. Mon coeur se soulève.
"- Et si je n'aime pas son caleçon ? Hein ? Et si son appart sent le beurre frit ? Beurk ! Et si ses draps sont imprimés de balles de golf ou, pire, de cubes de Vasarely ? Tu imagines L'HORREUR ! Franchement c'est encombrant un mec [inconnu] quand on n'a plus vingt ans !"
[Ma copine] est horrifiée par mon discours sectaire et ségrégationniste. Peut-être qu'en matière de baise aussi, il y a une gauche et une droite ! Des réacs et des tolérants. Des gentils et des méchants. Peut-être qu'il existe un politiquement correct du discours amoureux. Voire du badinage sexuel. Je soupire. J'ai commencé bourgeoise, je vais finir anar.
(p. 44)
A la droite du lit, l'homme porte un pyjama en percale rayée bleu et ses mules en velours, frappées d'un écusson doré, sont alignées à ses pieds.
Des bouffées de chaleur ont obligé la femme à côté de lui et à se découvrir, dévoilant ainsi un corps nu et flétri.
D'épaisses larmes coulent de ses joues et échouent au creux de ses clavicules.
Nathalie aimerait que son mari sache à quel point il l'a blessée, en refusant de céder à ce qu'il a nommé ses caprices.
Mais il dort à poings fermés ou fait semblant.
Désormais elle a cessé d'être une femme. Probablement a-t-elle atteint l'âge de mettre un terme à sa sexualité.
Mais pourquoi, dans ce cas, ses sens sont-ils aussi exacerbés?
Ses amies de Bois-Joli éprouvent-elles les mêmes drôles d'envies?
J’ai accompagné ta sortie de l’hôpital avec crainte. J’avais l’impression d’avoir un vieil homme à mon bras. En quelques jours, tu avais pris dix ans et perdu cinq kilos. J’accueillais ton retour à la maison presque sans joie. J’étais anesthésiée. Les semaines suivantes, j’ai eu l’impression de vivre et de dormir avec un mort. Tu m’avais toujours donné l’image d’un homme fort et voici que cette image avait volé en éclats. Mon amour, mon héros qui avait consacré sa vie à sauver celle des autres, était vulnérable, et pendant toutes ces années, je l’avais ignoré.
L’appétit te revenait vite et tu croquais à pleines dents les repas que je te préparais. Pourtant, j’avais toujours le sentiment de dîner avec un fantôme, un vieil homme édenté. Je ne pouvais rien avaler.
Je ne supportais plus l’odeur de son eau de toilette, celle dont je parsemais le gant à l’hôpital. Cette senteur que j’avais tant aimée, ce parfum que je recueillais sur sa peau à chacun de mes baisers et qui demeurait longtemps après sur mes lèvres me donnait à présent la nausée.
La jeune fille innocente s'était transformée au fil du temps en une femme autoritaire, rigide et intransigeante en affaires. Ses espérances étaient emmurées dans des blocs de ciment et ses rêves s'étaient figés. Alors, pour ne pas sombrer, Anne Duval s'était jetée à corps perdu dans un métier qui lui donnait l'illusion de maîtriser son existence. Mais le soir, lorsqu'elle quittait sa tour, la jeune femme réalisait que toute son énergie n'avait été employée qu'à réussir sa vie professionnelle.
Elle avait trente-six ans. Déjà. Et aucun homme à aimer ou qui l'aimât encore.
(...) Anne fait partie de ces milliers de personnes dont le métier a été fabriqué de toutes pièces par une société de surconsommation en perdition. Il comble de faux besoins et en suscite de nouveaux tout aussi stériles.