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Citations de Eleanor Catton (95)


"Ce n'est pas juste". Voilà ce que pensent les filles, toutes les filles distancées et éclipsées, qui cuisent dans leur jus, tapies dans le noir, dans l'ombre de Victoria. "Ce qu'elle nous a volé. Ce n'est pas juste".
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La question se posait (Moody la posa en effet) de savoir comment Löwenthal pouvait être aussi certain des détails exacts de l’incident, attendu qu’il venait seulement de s’en souvenir, près de huit mois après les faits, et qu’il n’avait eu l’occasion de rien vérifier. Comment pouvait-il jurer, premièrement, que l’homme qui avait fait insérer l’annonce était bien marqué d’une balafre à la joue, deuxièmement, qu’il s’était présenté en juin de l’année précédente, et, troisièmement, que le nom figurant dans son extrait de baptême était, sans l’ombre d’un doute, Crosbie Francis Wells ?
La réponse de Löwenthal fut courtoise, mais assez verbeuse. Il expliqua à Moody que le West Coast Times avait été fondé en mai 1865, un mois environ après que lui-même avait pour la première fois débarqué sur le sol néo-zélandais. Le premier numéro du journal avait été tiré à vingt exemplaires, un pour chacune des dix-huit hôtelleries qui avaient alors pignon sur rue à Hokitika, un pour le juge de paix fraîchement nommé, et un pour ses propres archives. (En l’espace d’un mois, et grâce à l’acquisition d’une presse à cylindre, le tirage allait atteindre deux cents; à présent, en janvier 1866, chaque livraison était tirée à près de mille exemplaires, et Löwenthal avait engagé deux auxiliaires.) Pour la réclame, afin de ne laisser ignorer à aucun abonné potentiel que le Times avait été le premier quotidien à paraître à Hokitika, Löwenthal avait fait encadrer sous verre le numéro initial, et chacun pouvait le voir au mur de son bureau. Il se souvenait donc de la date exacte de la création du journal (le 29 mai 1865), parce qu’il avait tous les matins ce numéro encadré sous les yeux.
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- Lorsqu'une société connaît simultanément deux codes de justice, les hommes invoqueront toujours l'autorité de l'un contre l'autre. Prenez l'exemple de celui qui pense bien agir en faisant citer devant le tribunal de police la putain avec qui il a eu commerce... s'attendant tout ensemble à voir la loi appliquée et à y faire lui-même exception. Il sera débouté, peut-être même mis en accusation pour sa fréquentation de la fille ; alors il s'en prendra en même temps à la loi et à la fille. La loi ne peut pas satisfaire son sens immédiat de ce qui est juste, alors il se fera justice à lui-même et la fille finira étranglée. Autrefois, il aurait vidé sa querelle à coups de poing, à chaud... c'était la loi des placers. La putain en serait peut-être morte, ou peut-être pas, en tout cas l'acte de l'homme ne dépendait que de lui. Tandis que maintenant... Maintenant il lui semble que son droit même d'exiger justice a été remis en cause, et c'est cela qui le fait agir. Il est doublement en colère, et sa rage trouve un double exutoire. J'en vois des exemples tous les jours. (...)
- oui, mais si je suis votre raisonnement... Vous ne voulez pourtant pas suggérer qu'il faudrait donner la préférence à la loi des placers ?
- La loi des placers est philistine et vile, répondit posément le gouverneur de la prison. Nous ne sommes pas des sauvages. Nous sommes des hommes policés. Je n'accuse pas un défaut de la loi ; je voudrais seulement appeler votre attention sur ce qui arrive lorsque le sauvage et le policé se rencontrent. Il y a quatre mois, les prisonniers confiés à ma garde étaient des ivrognes et des petits voleurs. Aujourd'hui, j'ai affaire à des ivrognes et à de petits voleurs qui s'indignent et se croient des droits et font la morale, comme s'ils avaient été condamnés à tort. Et ils sont en colère.
- Mais... j'y reviens... si on va jusqu'au bout, insista Nilssen. Une fois la putain étranglée et la fureur du prospecteur apaisée, le monde policé reprend ses droits et la loi condamne le coupable. L'homme est justement puni, n'est-ce pas... au bout du compte ?
- Pas si ses pareils se rallient à lui pour défendre la loi des placers, répondit Shepard. On n'est jamais si fortement attaché à une loi que lorsqu'elle est bafouée, monsieur Nilssen, et rien n'égale la cruauté d'une meute d'hommes en colère. Voilà seize ans que je suis geôlier.
- Oui, concéda Nilssen en se mettant plus à son aise. Je vois ce que vous voulez dire. C'est l'indéfini qui est dangereux, la zone crépusculaire entre le vieux monde et le nouveau. (...)
- Monsieur Shepard, reprit soudain Nilssen, tandis que le geôlier s'apprêtait à le quitter. Ce que vous disiez tout à l'heure... A propos du sauvage et du policé, du vieux monde et du nouveau...
- Oui, fit Shepard, impassible.
- Je serais curieux de savoir comment ces considérations s'appliquent à ce qui nous intéresse... la succession, le retour gagnant, la veuve Wells.
Shepard mit un bon moment à répondre. Lorsqu'il parla enfin, ce fut pou=r dire :
- Un retour gagnant est une chance de faire peau neuve, monsieur Nilssen, de devenir un tout autre homme. Qu'on trouve ici une pépite et on peut s'acheter une existence. Ce sont là des possibilités que le monde policé ne fournit pas.
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[...] il y avait la catégorie à laquelle appartenait Anna, les inconnaissables, tour à tour limpides et tapageuses, dont le port traduisait une misère exquise, une détresse si parfaite et tellement absolue, qu'elle s'exprimait sous les dehors de la dignité et du calme.
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Tous ses traits étaient empreints d'une certaine lourdeur, comme taillés dans la pierre ; ils avaient un aspect brut, à gros grains, impolissable, mais dont le poids s'imposait au premier regard.
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la maison de la perte de soi est une prison bâtie par des prisonniers, sans air, sans porte, scellée du dedans
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Ce que le risque a d'excitant, ce n'est pas ce qu'on peut y gagner, c'est ce qu'on peut y perdre.
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M. Saladin a laissé derrière lui un méfiance singulière, tout ensemble ingénue, fasciné et aguichante, qui a ravagé mes élèves comme un virus. La jeune fille violée est suivie partout où elle va de chuchotements et de coups de coude et d'une jalousie aveugle et endolorie. Lorsque les lumières s'éteignent, les parents pleurent et se demandent l'un à l'autre ce qu'il lui a fait, mais c'est une toute autre question qui tracasse les filles : qu'est-ce qu'elle a fait, elle ? Qu'est-ce qu'elle sait maintenant qui la rend tellement dangereuse, comme la lente fuite ambrée d'un gaz nocif ?
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On demande aux enseignants de recommencer chaque année, de rompre le fil d'un an de progrès avec sa relation laborieusement bâtie, de défaire tous les fruits de leur travail pour revenir à la case départ et recommencer avec un autre enfant. Chaque année, nos enseignants sèment et cultivent une nouvelle récolte pour laquelle personne ne les remerciera et qu'eux ne récolteront jamais.
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L'écritue d'Eleanor Catton laisse les ombres s'allonger au fil des pages
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En Nouvelle-Zélande, les désagréments étaient généralement considérés comme une occasion d'éprouver la force de caractère, si bien que savoir supporter un inconfort ou un service de piètre qualité sans céder à la tentation de se plaindre était un motif de fierté nationale.
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Nous regardons désormais vers le dehors, à travers le fantasme de nos propres convictions: le monde que nous voyons est un monde que nous aspirons à perfectionner et que nous nous imaginons habiter.
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Nous passons toute notre vie à penser à la mort. Sans cette perspective pour nous distraire, nous mourrions tous, passez-moi le mot, d'ennui. Nous n'aurions rien à fuir, à chercher à prévenir , rien qui nous donne à réfléchir. Le temps ne porterait pas à conséquence.
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Quelle journée du tonnerre ! s’exclama Lauderback, s’adressant à lui-même autant qu’à Balfour. Du tonnerre de Dieu ! Splendide ! Allez, on en pardonnerait presque à la pluie, n’est-ce pas ?... quand le soleil se montre comme ça, à la fin.
(p. 449)
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- 'I trust her because I love her' said Staines.
- 'A how did you come to love her?'
- 'By trusting her, of course!'
- 'You make a circular defence.'
- 'Yes', the boy cried, 'because I must! True feeling is always circular - either circular, or paradoxical - simply because its cause and its expression are two halves of the very same thing! Love cannot be reduced to a catalogue of reasons why, and a catalogue of reasons cannot be put together into love. Any man who disagrees with me has never been in love - not truly!
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Parlant souvent de la vertu, il passait pour être d'un caractère optimiste et encourageant, mais sa foi en la vertu était engagée à un maître moins polyvalent que l'optimisme.
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[...] Ils cherchaient ces femmes-là en regardant Anna, mais en partie seulement, car chacun se cherchait aussi lui-même : elle était une ténèbre réfléchie, en même temps et au même titre qu'une clarté d'emprunt. Son malheur était rassurant, et elle le savait.
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Un tel récit était bien fait pour le pousser à fuir le capitaine comme la peste, mais l'animosité de Gascoigne était de celles qui réclament moins une manifestation publique qu'une confirmation intime : aimant à regarder le cas qu'il faisait des autres comme une fontaine ou un puits privé, dont il lui était loisible ou bien de troubler les eaux, ou bien de boire à sa guise, quand et comme il voulait, il prenait un réel plaisir à se lier avec ceux qu'il avait, à part lui, des motifs de mépriser.
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Il y a une beauté qui n'appartient qu'aux femmes mûres et n'est pas à la portée des adolescentes : les lignes que la bonté creuse autour des yeux et de la bouche, un certain tassement du corps, une lassitude dans la posture et le maintien, aussi indéfinissablement érotique que le charme suranné d'une robe en taffetas poussiéreux ou d'un bijou fantaisie au fermoir rouillé.
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Le monde n'allait pas venir à lui, le monde n'allait pas l'attendre ou même marquer une pause, au contraire, et si c'était lui qui attendait, la vie passerait outre en le laissant au bord de la route.
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