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Citations de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (209)


Extrait de Les aventures de la nuit de la Ssaint-Sylvestre

J’avais la mort dans l’âme, la froide mort, et je croyais sentir comme des glaçons aigus s’élancer de mon cœur dans mes veines ardentes. Égaré, je me précipitai, sans manteau, sans chapeau, au sein de la nuit épaisse, orageuse. Les girouettes grinçaient ; il semblait que l’on entendît se mouvoir les rouages éternels et formidables du temps, comme si la vieille année allait, telle qu’un poids énorme, se détacher et rouler sourdement dans l’abîme. Tu sais bien que cette époque, Noël et le nouvel an, que vous accueillez, vous, avec une satisfaction calme et pure, vient toujours me précipiter, hors de ma paisible demeure, dans les flots d’une mer écumante et furieuse.

Noël !… ce sont des jours de fête dont l’éclat aimable me séduit longtemps d’avance ; à peine puis-je les attendre. Je suis meilleur, plus enfant que tout le reste de l’année ; mon cœur ouvert à toutes les joies du ciel ne peut nourrir aucune pensée noire ou haineuse ; je redeviens un jeune garçon, avec sa joie vive et bruyante. Parmi les étalages bigarrés, éclatants, des boutiques de Noël, je vois des figures d’ange me sourire, et, à travers le tumulte des rues, les soupirs de l’orgue saint m’arrivent comme de bien loin ; car un enfant nous est né ! Mais, la fête achevée, tout ce bruit s’abat, tout cet éclat se perd dans une sourde obscurité. À chaque année, toujours des fleurs qui se flétrissent, et dont le germe se dessèche, sans espoir qu’un soleil de printemps ranime jamais leurs rameaux ! Certes, je sais fort bien cela ; mais une puissance ennemie, chaque fois que l’an touche à sa fin, ne manque jamais de me le rappeler avec une satisfaction cruelle. « Vois, murmure-t-elle à mon oreille, vois combien de plaisirs, cette année, t’ont abandonné pour toujours ! Mais aussi tu es devenu plus sage, tu n’attaches désormais aucun prix à des divertissements frivoles ; te voilà de plus en plus un homme grave, un homme sans plaisirs. »
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Extrait de la maison déserte

Vous savez (ainsi commença Théodore) que je passai tout l’été dernier à B.... Le grand nombre d’anciens amis et de connaissances que j’y rencontrai, la vie libre et animée de cette capitale, les agréments variés qu’y offre la culture des sciences et des arts, tout cela me captiva ; jamais je n’avais été plus gai, et je m’abandonnai avec délices à mon goût passionné pour les flâneries solitaires, me délectant à examiner chaque gravure, chaque affiche, ou à observer les individus que je rencontrais, et même à tirer en imagination l’horoscope de quelques-uns. D’ailleurs, le spectacle des nombreux et magnifiques édifices de B.... et celui des merveilleux produits de l’art et du luxe auraient suffi pour donner à mes promenades un attrait irrésistible.

L’avenue bordée d’hôtels somptueux qui conduit à la porte de —— est le rendez-vous habituel des gens du grand monde, à qui leur position ou leur fortune permet d’user largement des jouissances de la vie. Le rez-de-chaussée de ces riches et vastes palais est généralement affecté à des magasins où sont exposées les marchandises de luxe, et les étages supérieurs sont habités par des personnes de la plus haute condition. C’est dans cette rue que sont situés aussi les hôtels publics les plus distingués, et la plupart des ambassadeurs étrangers y ont leur résidence. Vous pouvez donc vous figurer ce lieu comme le théâtre perpétuel d’un mouvement et d’une vie extraordinaires qu’on ne retrouve point dans les autres quartiers de la capitale ; de même que l’aspect de celui-ci donnerait une idée exagérée de la population commune ; car l’affluence générale fait que maintes personnes se contentent en cet endroit d’un logement exigu relativement à leurs besoins réels ; ce qui donne à plusieurs maisons occupées par un grand nombre de familles l’aspect de véritables ruches d’abeilles.
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Extrait de Le pot d'or

PREMIÈRE VEILLÉE
Les malheurs arrivés à l’étudiant Anselme. — Du canastre de santé du recteur Paulmann, et les couleuvres vert d’or.
Au jour de l’Ascension, à deux heures après midi, un jeune homme à Dresde passait en courant la porte Noire, et vint donner juste contre une corbeille remplie de pommes et de gâteaux qu’une vieille femme laide offrait à bas prix, de sorte que tout ce qui était heureusement échappé à la meurtrissure de la secousse, fut lancé au dehors du panier à la grande joie des polissons de la rue qui se partagèrent le butin que le hâtif jeune homme leur avait distribué. Au cri de détresse que jeta la vieille, les commères laissèrent là leurs gâteaux et leur table à eau-de-vie, entourèrent le jeune étudiant et l’assaillirent de leurs injures avec leur impétuosité populaire, de telle façon que muet de honte et de dépit, il présenta une petite bourse très médiocrement remplie d’argent, que la vieille saisit avidement et mit vitement dans sa poche. Alors le cercle s’entr’ouvrit, mais tandis que le jeune homme en sortit comme un trait la vieille cria après lui :

— Oui, va, cours, fils de Satan ! bientôt tu tomberas dans le cristal, dans le cristal !

La voix aigre de la vieille avait en coassant quelque chose d’effroyable, tellement que les promeneurs s’arrêtèrent comme froissés, et que le rire, qui d’abord avait circulé, se tut tout d’un coup.
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« Allons, habillez-vous et partons, dit-elle en me montrant du doigt un petit paquet qu’elle avait apporté ; les chevaux s’ennuient et rongent leur frein à la porte. Nous devrions déjà être à dix lieues d’ici. »
Je m’habillai en hâte, et elle me tendait elle-même les pièces du vêtement, en riant aux éclats de ma gaucherie, et en m’indiquant leur usage quand je me trompais. Elle donna du tour à mes cheveux, et, quand ce fut fait, elle me tendit un petit miroir de poche en cristal de Venise, bordé d’un filigrane d’argent, et me dit :
« Comment te trouves-tu ? Veux-tu me prendre à ton service comme valet de chambre ? »
Je n’étais plus le même, et je ne me reconnus pas. Je ne me ressemblais pas plus qu’une statue achevée ne ressemble à un bloc de pierre. Mon ancienne figure avait l’air de n’être que l’ébauche grossière de celle que réfléchissait le miroir. J’étais beau, et ma vanité fut sensiblement chatouillée de cette métamorphose. Ces élégants habits, cette riche veste brodée, faisaient de moi un tout autre personnage, et j’admirais la puissance de quelques aunes d’étoffe taillées d’une certaine manière. L’esprit de mon costume me pénétrait la peau, et au bout de dix minutes j’étais passablement fat.
Je fis quelques tours par la chambre pour me donner de l’aisance. Clarimonde me regardait d’un air de complaisance maternelle et paraissait très contente de son œuvre.
« Voilà bien assez d’enfantillage ; en route, mon cher Romuald ! nous allons loin et nous n’arriverons pas. »
Elle me prit la main et m’entraîna. Toutes les portes s’ouvraient devant elle aussitôt qu’elle les touchait, et nous passâmes devant le chien sans l’éveiller.
À la porte, nous trouvâmes Margheritone : c’était l’écuyer qui m’avait déjà conduit ; il tenait en bride trois chevaux noirs comme les premiers, un pour moi, un pour lui, un pour Clarimonde. Il fallait que ces chevaux fussent des genets d’Espagne, nés de juments fécondées par le zéphyr ; car ils allaient plus vite que le vent, et la lune, qui s’était levée à notre départ pour nous éclairer, roulait dans le ciel comme une roue détachée de son char ; nous la voyions à notre droite sauter d’arbre en arbre et s’essouffler pour courir après nous. — Nous arrivâmes bientôt dans une plaine où, auprès d’un bouquet d’arbres, nous attendait une voiture attelée de quatre vigoureuses bêtes ; nous y montâmes, et les postillons leur firent prendre un galop insensé. J’avais un bras passé derrière la taille de Clarimonde et une de ses mains ployée dans la mienne ; elle appuyait sa tête à mon épaule, et je sentais sa gorge demi-nue frôler mon bras. Jamais je n’avais éprouvé un bonheur aussi vif. J’avais oublié tout en ce moment-là, et je ne me souvenais pas plus d’avoir été prêtre que de ce que j’avais fait dans le sein de ma mère, tant était grande la fascination que l’esprit malin exerçait sur moi. À dater de cette nuit, ma nature s’est en quelque sorte dédoublée, et il y eut en moi deux hommes dont l’un ne connaissait pas l’autre. Tantôt je me croyais un prêtre qui rêvait chaque soir qu’il était gentilhomme, tantôt un gentilhomme qui rêvait qu’il était prêtre. Je ne pouvais plus distinguer le songe de la veille, et je ne savais pas où commençait la réalité et où finissait l’illusion. Le jeune seigneur fat et libertin se raillait du prêtre, le prêtre détestait les dissolutions du jeune seigneur. Deux spirales enchevêtrées l’une dans l’autre et confondues sans se toucher jamais représentent très bien cette vie bicéphale qui fut la mienne. Malgré l’étrangeté de cette position, je ne crois pas avoir un seul instant touché à la folie. J’ai toujours conservé très nettes les perceptions de mes deux existences. Seulement, il y avait un fait absurde que je ne pouvais m’expliquer : c’est que le sentiment du même moi existât dans deux hommes si différents. C’était une anomalie dont je ne me rendais pas compte, soit que je crusse être le curé du petit village de ***, ou il signor Romualdo, amant en titre de la Clarimonde.
La morte amoureuse, Théophile Gautier
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Clara et Nathanaël se sentirent un vif penchant l'un pour l'autre, contre lequel personne sur la terre n'eut rien à opposer.
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Que nous ayons assez de fermeté, assez de courage pour reconnaître la route où doivent nous conduire notre vocation et nos penchants, pour la suivre d'un pas tranquille, notre ennemi intérieur périra dans les vains efforts qu'il fera pour nous faire illusion.
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Car on ne peut absolument pas exiger d'un être doué de raison qu'il soit l'esclave d'un autre : tout au plus est-ce là le droit de la guerre, mais, en droit naturel, c'est une véritable insulte au bon sens. Les commandements des prêtres, ou ceux que Dieu lui-même, directement ou non, a inspirés, ou encore le contrat social en vigueur chez les hommes, ne sont que conventions : nous pouvons admettre ces conventions dans la mesure où elles nous agréent ou nous semblent nécessaires ; mais elles ne sauraient en aucune façon subsister chez l'être humain vraiment accompli, chez celui qui n'est plus un enfant. Affranchir l'esprit et le coeur, le corps et les forces morales et physiques, et cela pour le bien de tous et de chacun, est un but qui n'a pas lieu de se soumettre aux limites imposées par les lois, du moins tant que barbarie et civilisation ne partent pas en guerre l'une contre l'autre, tant qu'elles n'inspirent pas l'une et l'autre la méchanceté. Prenons comme exemple le commandement du mariage chez les chrétiens : il est destiné à resserrer plus étroitement autour de l'âme et du corps les liens de la nature [...] ce frein imposé par la loi aux instincts naturels a-t-il jamais rapproché davantage les uns et les autres nos frères et nos soeurs ? Certes non !
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"Après un sommeil léthargique et profond on revient paisiblement à la vie, en se souvenant qu'on existe."
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Mon cher ami Balthasar,
Nos affaires vont de plus en plus mal. Notre ennemi, l'horrible Cinabre, est devenu ministre des affaires étrangères, et a reçu le grand cordon de l'ordre du Tigre moucheté de vert, avec vingt boutons.
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N'attends pas de moi que je tue le serpent que pour ton propre tourment tu nourris dans ton coeur!
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Pepusch était d'un naturel exagérément sensible et porté à la mélancolie; il ne pouvait jouir de rien sans y déceler plus que de raison l'arrière-goût d'amertume laissé assurément par ce petit Styx aux eaux noires qui coule à travers toute notre vie; cela le rendait sombre, renfermé et souvent injuste envers ce qui l'entourait.
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Si en effet le salut est bien dans la connaissance, ce ne peut-être que dans la connaissance de soi.La fuite devant cette seule voie d'accès à la vérité (et devant la recherche de sa propre identité) avait déjà, dans les Elixirs, empêché le moine Medardus de prendre conscience de ses fautes; son appétit d'existence, son orgueil l'avaient détourné de l'innocence enfantine qui à l'origine avait été pourtant son lot à lui aussi.Peregrinus connaît un temps la même tentation, mais il n'y succombera pas: l'unité intime de son âme (que devait lui envier Hoffmann!), un instant ébranlée par la rencontre avec les passions du monde et par l'éveil des curiosités de l'esprit, résistera à tous les assauts de l'Ennemi.
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Un autre monde, immense, semblait là encore sur le point de s'ouvrir.
En invoquant ce souvenir, j'en viens à me demander si le génie d'Hoffmann ne réside pas précisément dans cet art d'apprivoiser le regard, de le rendre sensible à l'essence invisible des choses.
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Le domaine ou Hoffmann nous invite à le suivre est de ces lieux qui parlent d'abord à notre faculté d'étonnement: jardin magique fertile en rencontres de toutes sortes- mais dont on ne sort pas facilement, tant les apparences qui s'y manifestent trahissent de contradictions, d'ambiguités, d'incertitudes.Chaque détail, chaque personnage, si "réaliste" soit-il apparemment, plonge par ses racines dans un monde mystérieux ou tout est symbole, rêve, féerie.
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Paix et repos au frère Médard qui s'est éteint! Que le dieu du Ciel le fasse un jour ressusciter et l'accueille dans la cohorte des saints, car il est mort très pieusement.
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Hélas, frère Médard, le Diable rôde encore sans répit dans ce monde, offrant aux hommes ses élixirs! Qui d'entre nous n'a déjà dégusté avec plaisir l'une ou l'autre de ses boissons infernales! Mais il est dans les desseins du Ciel que l'homme, prenant conscience de leurs effets pernicieux, de la légèreté d'esprit dans laquelle elles le jettent un instant, puise dans cette lucidité la force d'y résister.
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...il me semblait que mes pensées les plus secrètes sortaient de mon corps et se métamorphosaient en un être de chair d'aspect effroyable mais qui était moi.Ce second moi était doué d'une force méchante.
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Dans le regard de cette admirable femme se lisait l'expression d'un sentiment tourné vers le Ciel.(...)
Lorsque je l'ai peinte, elle était plongée dans le chagrin le plus affreux; mais elle espérait que la religion lui serait une consolation et que viendrait l'assister l'éternelle fatalité qui règne au-dessus des nuages.J'ai essayé de donner au portrait l'expression de cette espérance qui ne peut se rencontrer que dans une âme capable de s'élever au-dessus des choses de ce monde.
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Il y a néanmoins, dans les Elixirs, une tentative d'interprétation mystique et philosophique de la destinée humaine.Hoffmann est hanté par l'idée de l'angoisse humaine, née du péché originel et de la séparation de l'homme d'avec la nature maternelle.Il est hanté aussi par les efforts des "puissances sombres", ennemies de l'homme, qui tentent de détourner de sa marche vers la réconciliation avec la nature et avec les puissances célestes.

Les démons de la nuit
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Mais cette "hallucination du dédoublement, comme la folie, comme le rêve, est aussi un commencement de connaissance d'un autre monde".(Paul sucher.Les Sources du merveilleux chez Hoffmann)
Hoffmann, curieux de littérature scientifique et philosophique, fut fortement impressionné par la lecture du livre de Schubert, à la faveur duquel il pénétra l'univers de la Naturphilosophie: Aspects nocturnes de la Nature, paru en 1808.
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