François-Marie Banier à la manifestation contre la réforme des retraites
Différence entre photographier et faire de la photo.
Est photographe tout nostalgique, tout conteur, tout trompe-la-mort qui sort de la réalité comme du cinéma de ses rêves pour en rapporter une preuve.--François-Marie Banier
Un lycée comme Janson de Sailly est un échantillon du monde entier rassemblé dans le creux de la main autour de quatre cours-je ne compte pas la cour d'honneur. On est cinq mille. Tous les milieux, tous les âges, toutes les races. (p. 70)
Que l'Arc de Triomphe soit au bout de l'avenue ne me fait ni chaud ni froid. Il est trop loin pour jouer un rôle dans ma vie. Parfois, en sortant du lycée, je jette un coup d'oeil dans sa direction, plus pour voir s'il y a des voitures que pour vérifier s'il est encore là. Cela dit, on le supprimerait, j'agirais. Je rêve d'aller manifester. J'irais, je marcherais, je crierais et je pourrais enfin rentrer à la maison le coeur chaud : j'aurai accompli quelque chose. (p. 9)
La prétention de tout ce monde à qui on ne coupe pas la parole parce qu'on est de l'avenue Victor Hugo ! Les arbres, eux, pour se venger des grilles qu'on leur a posées aux pieds comme des menottes, s'arrangent pour ne jamais faire d'ombre. Mais nous, que fait-on ? Allons-nous devenir comme eux ? Avenue Victor Hugo, avenue de soleils et d'idiots. (p. 13)
Je veux m'en sortir. S'en sortir ce n'est pas être au-dessus, ni au-delà, mais en marge. (p. 35)
Tous les soirs elle me demande de réciter mes leçons, de lui montrer ce que j'ai fait. Comme je n'ai rien d'autre, je lui donne une de mes compositions françaises du début de l'année. Ce sujet qui me tue : racontez dimanche.
Chaque année Lanquest recommence : racontez dimanche. On dirait que les dimanches de l'année précédente ne lui ont pas suffi. Il a sur le dos cinq classes de quarante élèves en moyenne, ça lui fait deux cents dimanches; cinq mille si on enlève les dimanches de guerre et les dimanches de ceux qui sont comme moi : fatigués, absents. Dimanche...Pourquoi faire quelque chose le dimanche ? (p. 82 / Foloio, 2012 )
L'un et l'autre se déplacent avec élégance, distinction. (...) C'est une Parisienne. Je suis le fils de Parisiens- comme on voit Paris d'Amérique: un Paris pour affiches de luxe, pour "ça sent bon la vie", pour l'exportation. (...) Ils ont tout pour être heureux. Sauf qu'ils sont lancés dans une vie qui les dépasse. (p. 93 / Folio 2012)
Ernesto Sabato --- Préface
Je n'hésiterais pas à dire que son besoin de peindre, d'écrire, et en définitive, de s'exprimer, naît d'une carence originelle qu'il laisse entrevoir dans l'histoire de son petit Balthazar: " J'ai toujours voulu que quelqu'un m'aime, être plus qu'un enfant dont on caresse la tête en passant, plus qu'un fils de remplacement, plus qu'un fils débrouillard. Etre irremplaçable. Je voulais appartenir. Appartenir, c'est s'abandonner." Le souvenir de ce déchirement instaure ce regard compatissant avec lequel il peint ces êtres désemparés qui chaque jour doivent reconquérir le sens de l'existence. Qu'il s'agisse de personnes anonymes ou d'artistes, de musiciens, d'auteurs de renom, je crois que ce qu'il essaie de rendre manifeste à nos yeux c'est cette blessure commune, ce besoin urgent et primordial d'être aimé et d'appartenir, qui se trouve au coeur de tous les êtres humains.
Mourir parce que j'ai du mal à être un enfant. Chaque jour, je suis moins rêveur, moins léger, moins détaché. Plus grave : je m'enfonce dans la gravité. Autrefois, j'étais les deux à la fois : or et sombre. (...) Quel âge croient-ils que j'ai ? Je n'ai pas l'âge d'un enfant, je n'ai jamais eu une vie d'enfant. (p. 105)
J'en veux toujours aux autres de ne pas m'aimer assez. Parfois le contraire. Je ne sais pas trop ce que je veux. En tout cas, ne pas rester dans cet escalier aux marches immobiles en bois presque rouge, escalier qui ne sert à rien, escalier de sang qu'on ne peut ni descendre ni monter. (p. 113 / Folio, 2012 )