Citations de Gaston Bachelard (544)
Le Relativiste a d’ailleurs l’ardeur militante du novateur. Avant tout, il affirme sa foi réaliste, il se proclame physicien d’abord, il en appelle, du bon sens offusqué par les préjugés, au bon sens averti par une critique préliminaire — de l’expérience commune, à l’expérience raffinée. Il nous retourne l’épithète de métaphysicien : Nous étions pressés de choisir, pressés de conclure ; nous avons pris le chemin facile et commun, la route de la plaine, nous n’avons pas vu le sentier ascendant qui mène aux larges horizons, à ces centres d’observation où la vraie figure du pays apparaît enfin dans sa totalité et dans sa nouveauté.
Vivre comme un arbre ! Quel accroissement ! Quelle profondeur ! Quelle rectitude ! Quelle vérité ! Aussitôt, en nous, nous sentons les racines travailler, nous sentons que le passé n’est pas mort, que nous avons quelque chose à faire, aujourd’hui, dans notre vie obscure, dans notre vie souterraine, dans notre vie solitaire, dans notre vie aérienne. L’arbre est partout à la fois. La vieille racine — dans l’imagination il n’y a pas de jeunes racines — va produire une fleur nouvelle. L’imagination est un arbre. Elle a les vertus intégrantes de l’arbre. Elle est racine et ramure. Elle vit entre terre et ciel. Elle vit dans la terre et dans le vent. L’arbre imaginé est insensiblement l’arbre cosmologique, l’arbre qui résume un univers, qui fait un univers.
D’un détail irrégulier, l’inconscient prend prétexte pour faire une généralité adverse : une physique de l’inconscient est toujours une physique de l’exception.
Ah ! Comme les philosophes s'instruiraient s'ils consentaient à lire les poètes !
Précisez un peu trop une image poétique, vous faites rire. Enlevez un peu de précision à une image triviale et ridicule, vous faites naître une émotion poétique.
Une flaque contient un univers. Un instant de rêve contient une âme entière.
C'est au pays natal que nous devons notre couleur fondamentale. En rêvant près de la rivière, j'ai voué mon imagination à l'eau., à l'eau verte et claire, à l'eau qui verdit les prés.(...) L'eau anonyme sait tous mes secrets. Le même souvenir sort de toutes les fontaines.
L'essence même de la réflexion, c'est de comprendre qu'on n'avait rien compris
[Parlant de Poe ] En lui, chaque heure méditée est comme une larme vivante qui va rejoindre l'eau des regrets; le temps tombe goutte à goutte des horloges naturelles; le monde que le temps anime est une mélancolie qui pleure. [ Ch. II, IV ]
Dans la solitude nocturne, vous voyez passer les mêmes fantômes. Comme la nuit s'agrandit quand les rêves se fiancent.
La marche contre le vent, la marche dans la montagne est sans doute l'exercice qui aide le mieux à vaincre le complexe d'infériorité. Réciproquement, cette marche qui ne désire pas de but, cette marche pure comme une poésie pure, donne de constantes et d'immédiates impressions de volonté de puissance.
Quand nous nous tournons vers nous-mêmes, nous nous détournons de la vérité.
Pour nous connaître doublement en être réel et en être idéalisant, il nous faut écouter nos rêveries.
Heureux en parole, donc malheureux en fait, objectera tout de suite
le psychanalyste. Pour lui, la sublimation n'est qu'une compensation
verticale, une fuite vers la hauteur, exactement comme la compensation est une fuite latérale. Et aussitôt, le psychanalyste quitte l'étude
ontologique de l'image ; il creuse l'histoire d'un homme ; il voit, il
montre les souffrances secrètes du poète. Il explique la fleur par l'engrais.
Le phénoménologue ne va pas si loin. Pour lui, l'image est là, la
parole parle, la parole du poète lui parle. Nul besoin d'avoir vécu les
souffrances du poète pour prendre le bonheur de parole offert par le
poète — bonheur de parole qui domine le drame même. La sublimation, dans la poésie, surplombe la psychologie de l'âme terrestrement malheureuse. C'est un fait : la poésie a un bonheur qui lui est
propre, quelque drame qu'elle soit amenée à illustrer.
Au fond, l'individu n'est déjà qu'une somme d'accidents.
C'est le temps qui est le plus difficile à penser sous forme discontinue.
« Chaque objet contemplé, chaque grand nom murmuré est le départ d’un rêve et d’un vers, c’est un mouvement linguistique créateur. »
Avouer qu’on s’était trompé, c’est rendre le plus éclatant hommage à la perspicacité de son esprit.
L'amertume de la vie, c'est le regret de ne pouvoir espérer, de ne plus entendre les rythmes qui nous sollicitent à jouer notre partie dans la symphonie du devenir.
"Dès lors, il ne suffit plus de dire que la matière nous est connue par l'énergie comme la substance par son phénomène, pas davantage il ne faut dire que la matière a de l'énergie, mais bien, sur le plan de l'être, que la matière est de l'énergie et que réciproquement l'énergie est de la matière. Cette substitution du verbe être au verbe avoir, nous la rencontrerons en bien des points de la science nouvelle. Elle nous paraît d'une portée métaphysique incalculable."