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Citations de Georges Picard (79)


Langlois s'absente un instant avant de revenir avec une bouteille et des verres, à peine assez propres pour des philistins. Il verse un liquide jaunâtre, un alcool de je ne sais quoi, rude, râpeux, mortel. A la deuxième gorgée, je sens mon esprit flancher. Garette n'est pas mieux. Il bafouille :
- Qu'est-ce que c'est, ce tord-boyaux? Vous voulez nous empoisonner?
- C'est bon pour discuter, dit Langlois.
- Putain, je ne vois plus rien !
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(...) ce village sans ostentation où presque aucun touriste ne pénètre, mais auquel la vie reste fidèle malgré tout. La vie s'y accroche en oubliant les fastes de la modernité et sa mécanique qui voudrait broyer ce qui lui résiste. Nous avons été oubliés, c'est bien mon impression. (...) Une atmosphère blanchâtre et froide, en effet, parfois d'une douceur inattendue. Le temps s'y éternise comme un crépuscule sans éclat et sans fin. Nous sommes toujours étonnés quand un nouveau matin témoigne que l'existence continue, que nous devons affronter comme partout ailleurs des tâches dites quotidiennes, réaliser des projets, entrer dans le vif des choses, avancer...
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Indépendance d'esprit, ce qui considérables à une époque où les valeurs et les idées arrivent pasteurisées sur le marché médiatique. Il faut se battre pour les idées crues comme on le fait pour les produits autenthiques du terroir
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Georges Picard
Voué à la rêverie des autres...
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Vasco en est sûr, il me l’a assez répété : c’est lui qui tombera le premier Cymbeline. Étrange expression que cet argot qui compare une conquête amoureuse au gaulage de noix ! Depuis quelque temps, je me familiarise avec une certaine vulgarité de langage, ayant compris que la pudeur et la subtilité sont plutôt des entraves. C’est un véritable impair que l’excès de finesse dans un monde grossièrement façonné où l’on confond facilement retenue et pusillanimité. Sur ce point, Vasco a une bonne longueur d’avance sur moi, car il n’a jamais été paralysé par la timidité ni embarrassé par des indécisions psychologiques. Ce fonceur de Vasco ! Ce blagueur qui voudrait me faire croire que je n’ai aucune chance dans la concurrence que nous nous livrons pour avoir Cymbeline. Et Cymbeline, comment voit-elle nos deux désirs fléchés vers elle ? Je n’ai pas encore osé l’inviter à prendre un verre faute de trouver un prétexte qui ne me rende pas ridicule à mes propres yeux. Vasco n’a pas besoin de prétexte. Je les ai vus ensemble au bar des Indigènes, assis face à face, elle l’écoutant avec le sourire, lui pérorant comme un petit dieu de l’Olympe descendu faire la leçon aux humains. En tout cas, elle s’amusait. Je suis passé devant eux sans les regarder en espérant qu’ils m’interpelleraient et m’inviteraient à me joindre à eux. Heureusement, je n’ai pas eu à décider quelle attitude adopter, jovialité, ironie calculée, agressivité, que sais-je, les formes du dépit sont multiples. Ils ne m’ont pas remarqué. Ou plutôt si : Vasco a eu comme une hésitation rapide et un rictus amusé, pour autant que son reflet dans la vitrine de la terrasse ne m’ait pas trompé. La scène fut si fugitive. Je me suis éloigné en jetant un coup d’oeil une dernière fois derrière moi, sans porter attention à un tourniquet publicitaire dans lequel je suis allé buter et qui s’est renversé sur le trottoir avec un fracas métallique.
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Humoriste à vie : c’était donc le sort qui lui était réservé. Le dégoût qu’il en eut lui fit abandonner définitivement la littérature. Il se lança dans les affaires où il acquit la réputation d’un spéculateur intraitable et cynique, gai comme une porte de prison.

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Les sourires qui s’ouvraient comme des corolles empoisonnées sur son passage le rendaient malade. Il commença une dépression. Le regard sinistre, le teint gris, la lippe dégoûtée, les deux mains ouvertes devant lui pour freiner les effusions, il s’avançait entre deux rangées d’admirateurs avec l’apparence d’un fantôme. Ses manières faisaient rire, on les croyait étudiées. Les 10 lieux communs tombaient : « Les humoristes sont des gens tristes dans la vie », « L’humour est la politesse du désespoir », et autres fadaises qu’il ne pouvait plus entendre sans avoir envie de tuer. Un jour, il renversa une table dans un restaurant où un jury littéraire fêtait l’attribution du Grand Prix de l’humour dont il était lauréat. Il insulta les personnalités présentes, cracha sur le président, et sortit en cassant une rangée de verres. Après une seconde de stupeur, l’assistance éclata de rire et se mit à applaudir. Alors, il essaya une carte qu’il croyait maîtresse : il publia un Traité du suicide sous son pseudonyme de Peter Lolly. Cette fois, on ne pourrait plus s’y tromper, on verrait quel métaphysicien profond il était. Le seul article qui en rendit compte commença à avertir les lecteurs de ne pas confondre ce Peter Lolly avec l’humoriste bien connu. Et poursuivit en reconnaissant des mérites à ce traité original qu’il valait mieux, cependant, ne pas mettre entre toutes les mains, contrairement au livre si tordant de son homonyme.
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Ainsi se voyait-il, au rebours de ses lecteurs. Ces derniers n’en démordaient pas : un humoriste, et rien d’autre. Ce qualificatif qu’on lui renvoyait sans cesse lui pesait comme une armure. Dans les premiers temps après la parution de l’ouvrage, il n’avait pas mal pris la chose, il avait assumé sa nouvelle identité littéraire avec un brin d’ironie fataliste. Mais de se voir continuellement invité dans les médias et les salons pour ce seul statut d’humoriste l’agaçait de plus en plus. Il lui semblait qu’on voulait réduire sa personnalité à une dimension marginale, en ne conservant que sa partie la plus allègre. Il ne récusait pas son don d’amuseur ; il aurait espéré qu’on ne l’y ramenât pas toujours.
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Ainsi, j’ai vécu quelque temps sur un toit d’immeuble parisien. J’y avais installé un matelas mousse, un duvet, une table, une chaise de camping, un réchaud à gaz et quelques livres dans une caisse en guise de bibliothèque. Ma parole, je crus bien avoir trouvé ma vraie place dans cette vie. Je dormais dans les nuages, je me réveillais dans les premières dorures du soleil. Au loin, la tour Eiffel perçait la brume. Tandis que je me préparais un café, des pigeons et des moineaux se disputaient les miettes de mon repas de la veille. J’entendais la rumeur lointaine des voitures et je me disais qu’il n’est nul besoin de machines et d’écrans pour jouir du moment qui passe. Je crois n’avoir jamais si bien regardé le ciel que depuis mon observatoire. C’est que j’étais dans le ciel lui-même, pris dans son drapé gris et ses humidités printanières. En bas, nous sommes comme des égarés. Tout est fait pour nous faire penser à autre chose qu’à notre vérité d’êtres vivants. Tout nous soucie, nous accapare, nous maintient dans l’anesthésie de la routine ou dans une trépidation stérile et angoissée. Comparativement, ce toit abandonné aux oiseaux valait un royaume. Pourtant, la vue n’avait rien de romantique : on apercevait d’autres toits couverts d’antennes, des cheminées délabrées, des murs d’une saleté pisseuse ou grisâtre, des cours ouvertes comme des puits sinistres, des fenêtres donnant sur des escaliers ou des appartements que l’on aurait pu croire inhabités. Mais je m’y trouvais en accord avec moi-même. C’est une épreuve à laquelle chacun peut se livrer. Que valons-nous quand nous ne sommes plus directement conditionnés par notre milieu ? Quand nous ne cédons plus à la facilité de nous laisser conduire par des rapports de force que nous ne maîtrisons pas ? Quand les petites tricheries et les grandes frimes n’ont plus de raison d’être ? Tout individu dispose de ressources personnelles, généralement inexploitées par inconscience ou par paresse, peut-être aussi par pudeur, par peur ou par simple préjugé.

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Depuis longtemps, j’ai acquis une réputation d’hurluberlu. Être considéré ainsi n’a rien de dégradant. L’hurluberlu est un personnage plutôt sympathique dans notre folklore social. Il n’agit pas comme tout le monde, il ne comprend pas le langage commun, il vit dans un monde parallèle. Dans le meilleur des cas, il ne porte tort à personne et n’abîme que sa propre réputation. Mais comme il sait à peine de quoi il s’agit, ça ne tire pas à conséquence. Le dictionnaire m’apprend que je suis un type extravagant qui agit d’une manière bizarre et inconsidérée. Je suis tout prêt à le croire. Je peux tout aussi bien croire le contraire au bénéfice de ma liberté d’échapper aux codes et aux modes débiles qui sévissent dans notre société. Si la société est folle, d’une folie sans issue, agressive et mesquine, rien ne doit nous retenir de lui tirer la langue ou de lui faire un bras d’honneur. Pour ma part, je crois plutôt à la solution malicieuse. À l’occasion, je pratique volontiers le rire, voire la cocasserie. Il m’arrive de faire des jeux de mots sans les regretter. C’est une hygiène comme une autre dont l’intérêt ne semble pas avoir été perçu par les faiseurs de traités métaphysiques. Comme le monde serait ennuyeux si on se contentait de le prendre au pied de la lettre ! J’ai toujours pensé qu’il fallait dépayser les choses pour se dépayser soi-même. En brouillant un peu les contours au lieu de suivre passivement le trait, on s’ouvre des perspectives plus excitantes sur la réalité. Je ne sais pas si une considération de ce type recevrait le suffrage des contemporains. Notre époque est lourde comme jamais, elle s’épuise dans un prosaïsme déprimant. Mais elle présente au moins l’avantage de s’intéresser frénétiquement à elle-même, grâce à quoi chacun peut lui rendre la pareille en butinant de son côté, en toute indépendance d’esprit.
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Strictement parlant, le terme folie pose problème. J’entends déjà les réprobateurs s’indigner de l’usage trop lâche que j’en fais, dans la mesure où je me crois cerné par des fous, lu par des fous, et fou moi-même. Une sorte de malice me pousserait à exploiter abusivement ce filon en voyant de la folie partout, jusqu’à en mettre là où je n’en vois pas. Il y aurait notamment de l’exagération à qualifier de fous les excès de la Raison même. À la limite, si tout est fou, rien n’est plus fou ! Me serais-je pris à mon propre piège ? Ce ne serait pas la première fois que, voulant faire le malin, je finirais par m’empêtrer dans les lignes d’un raisonnement désinvolte. Voilà le risque quand on oublie de définir.
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Dans la passacaille du concerto pour violon en la mineur de Dimitri Chostakovitch, enregistré en 1956 et interprété par l’orchestre philharmonique de Léningrad sous la direction d’Evgueni Mravinski, David Oistrakh nous offre l’expression musicale la plus sublimée, illustrant comme une suspension du temps qu’on aimerait définitive, mais qu’un retour d’orchestre, pourtant attendu, finit par interrompre, laissant l’auditeur hagard. Aucune audition ne nous restituera avec la même intensité l’impression d’arrachement de la première écoute, car le mouvement final du concerto, qui est un burlesque, jette brutalement l’âme dans un monde de haine convulsive. L’intrusion de la violence et du ricanement ne pourra plus être oubliée : elle est comme une blessure dont la douleur vigilante rend toute nouvelle audition de l’œuvre par avance désabusée.

Que signifie ce brillant final ? Chevauchée joyeuse pour les uns, danse mortifère pour les autres – pour moi, conjuration de l’effroi d’une certaine modernité hargneuse, magistralement rendue par l’agressivité débridée du violon. Les contemporains durent apprécier diversement cette provocation dans le contexte politique de l’époque avant que leurs descendants, c’est-à-dire nous-mêmes, n’en saisissent la portée universelle. J’y entends les affres hilares d’une agonie, j’y perçois l’incroyable haine de soi, peut-être le vrai drame caché du monde contemporain, monde masochiste dont l’odeur nauséabonde de religion, de pétrole et de fric intoxique jusqu’aux derniers confins.

Et pourtant, peut-on être sûr du pire ?
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Tout m'énerve.

A commencer par cette exagération qui me fait écrire : "tout m'énerve" quand l'exactitude serait de préciser – cent choses, mille choses m'énervent. C'est sans doute ce que l'on nomme l'emphase poétique. Au feu, l'emphase ! D'un autre côté, commencer un livre modestement... Comme dans l'Ouverture de 1812 de l'emphatique Tchaïkovski, le coup de canon est de rigueur chez les auteurs pusillanimes qui doutent de leur pouvoir de conviction. Ils s'imaginent qu'en étourdissant d'emblée leurs lecteurs, ils les laisseront dans un état second, quasi anesthésique, à la faveur duquel ils entreprendront plus facilement leur conquête. Car chacun sait que le lecteur est, sinon la plus noble, du moins la plus difficile conquête de l'auteur et, qu'en principe, celui-ci n'existe que dans la mesure où il a séduit celui-là. Il y a des exceptions, Finnegans Wake de Joyce s'est imposé presque sans lecteurs
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Aldous Huxley disait : « Tout événement ressemble essentiellement à la nature de l'homme qui le subit », parole d'une grande profondeur qui éclaire l'aveuglement inouï de bien des acteurs de l'Histoire. L'objectivité des faits est le masque dont se parent la subjectivité militante des acteurs et la subjectivité angoissée des témoins.
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Le malentendu provient de ce que la philosophie est considérée comme une discipline et non comme une certaines façon d'aborder l'existence. C'est pourquoi, au rebours de cette conception scolaire, je crois qu'il n'est pas absurde de chercher la philosophie d'un homme dans sa manière d'être en osmose avec le monde, en appétit et en éveil permanents par rapport à ce qui engage le plus profondément sa vitalité intellectuelle, spirituelle et affective.
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