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Critiques de Georges Picard (31)
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Cher lecteur

Lecture très intéressante, l'auteur s'adresse à nous, ses lecteurs, il évoque son goût des livres et surtout de la littérature. Il y a beaucoup de références sans que cela me semble artificiel. J'ai trouvé la démarche originale et enrichissante, des confidences littéraires que je conseille à toutes les lectrices et à tous les lecteurs !
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Cher lecteur

Sur les traces de Julien Gracq, Georges Picard prône un art de vivre en lisant et en écrivant.
Lien : http://www.lefigaro.fr/livre..
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Cher lecteur

Aux marges de la production actuelle une jolie surprise : G. Picard aux éditions Corti. Un essai et un auteur atypique (un temps ouvrier, puis journaliste, il se consacre maintenant à l'écriture) dont on découvre la démarche littéraire et le tempérament dans ce texte. L'entrée en matière de « Cher lecteur » fai son petit effet :



« Je ne suis pas un écrivain médiatique. J'estime que la rencontre d'un auteur et de ses lecteurs doit se faire par la lecture et non par le biais des médias. La voix intérieure de l'écrivain, sa chaleur et sa couleur particulière, son style, son rythme mental, seul le texte les transmet. » Et je ressortais d'une librairie avec un nouveau livre sous le bras.



L'apostrophe semble désuète aujourd'hui ? Lisez plutôt ce livre. Cette réflexion où l'on entre à petits pas j'aime espérer que de nombreux lecteurs s'y dirigeront et s'y plairont. Telle une lettre, plutôt une conversation, au ton confidentiel et amical où l'auteur s'adresse aux amoureux de la lecture, familiers des « sauts et gambades » de l'esprit chers à Montaigne avec qui il semble complice ; on peut parler ici d'une connivence entre l'écrivain et le lecteur, elle s'établit très vite et s'approfondit au fil de la lecture car, en plus de l'attention qu'il lui accorde Picard implique particulièrement son lecteur dans cette suite fertile de propos personnels libres et très pénétrants, sur la lecture et l'écriture. À mille lieues de toute espèce de complaisance. En ces temps de « décervelage collectif » où la marginalisation de la « culture dense et de la réflexion posée » font défaut, l'auteur est cependant loin de la déprime.



Certes l'exercice est prisé et nombreux sont les écrivains qui y excellèrent (G. Picard rend d'ailleurs un hommage appuyé à Bonnet, Manguel, Eco ou Gracq (« En Lisant en écrivant »). Le danger serait de donner à la fin l'impression de s'auto célébrer d'avoir tant lu. Pas de ce narcissisme chez Picard. Quelque chose d'un échange assez généreux se dégage du fond de cette « divagation » douce, pleinement assumée, plutôt pertinente. La pensée est argumentée, diversifiée, mais peut aussi se laisser aller :



« Ecrire sur l'écriture ou la lecture en laissant les idées jaillir sans ordre précis, simplement pour le plaisir de les énoncer », en s'accordant « une liberté qui ne peut plaire qu'à un certain type d'esprit dilettantes » (p. 37). Les esprits en question se reconnaîtront d'eux-mêmes.



Des souvenirs de ses lectures « naïves » d'enfance, instants miraculeusement protégés que nous avons peut-être aussi en mémoire, G. Picard passe à celles de l'âge adulte, nombreuses, riches et variées, et offre de vrais moments d'intensité (avec Léautaud et Rousseau), instants d'apprentissage à la littérature au milieu de livres et d'auteurs connus ou oubliés (heureuse d'entendre parler de Benjamin Fondane tout comme des romans de Charles Morgan).



Habitudes, battements de coeur, affolements et autres jubilations ponctuent de courts chapitres, mais aussi délaissements, résistances, retrouvailles ou déceptions, autant d'émotions que chaque lecteur reconnaît à chaque pages, identifie comme siennes et partage avec lui. Ailleurs, il évoque le style : « le style, qui est tout sauf une parure (et sans doute le véritable sens de l'oeuvre) ouvre lui aussi un espace de délectation (ou de répulsion) » (p. 33) ; ou encore la langue : « J'aime la langue classique, j'aime aussi les langues chiffonnières qui ne respectent rien, sauf l'authenticité de leur propre inspiration » (p. 39)…



Il questionne la forme du roman aujourd'hui, engage un débat par livre interposé (« Comment parler des livres qu'on n'a pas lus ») poussant jusqu'à leurs limites les arguments de Pierre Bayard sur la non lecture comme mode de connaissance. Sa méfiance à l'égard de toute rhétorique fallacieuse, de certain style pamphlétaire, me rapprocherait de lui à moins que ce ne soit son amour de Proust et de Stendhal. Ou alors son choix de la simplicité dans l'expression d'une pensée qui ne sacrifie jamais rien à l'esprit de nuance. Revenu d'un « égarement » maoïste de jeunesse, il préfère se mettre en mode silencieux plutôt que d'énoncer des sottises trop habilement tournées. Le texte respire, ici ses redécouvertes, là ses prises de distance avec le monde universitaire ou celui de la critique, ou encore ses préférences :



«les journaux intimes et les journaux de pensées, les recueils d'aphorismes, les idées adventistes levées sous l'inspiration du moment, les décrochages et les coqs-à-l'âne que l'on trouve dans les correspondances, les mémoires ou les livres de confidences spontanées »…



Plus loin, le choc des grands incontournables de la littérature qui intimidèrent le futur écrivain et vers lesquels cependant il revient sans cesse. Lire, écrire, sont pour lui en effet les deux fils d'une même activité intellectuelle : penser. Une pensée caracolant entre philosophie et littérature, dont il se réclame et se nourrit alternativement nous révélant quelques ressorts intimes de son « programme ». Qu'est-ce qu'écrire ? Voilà sans doute (surtout?) son sujet. Se libérer « d'un regard intérieur, moqueur et désillusionné » (le sien), avoir à choisir…. Plus la lecture avance, plus la dimension philosophique et méditative de son travail transparaît. Avec une chaleur singulière, le début du livre n'est donc pas démenti, la voix de l'écrivain parle à tous les « lecteurs qui n'attendent pas de la littérature des performances, mais quelque chose de bien plus profond qui touche à leur raison de vivre. » (p. 79 – 80). Un très très beau moment passé avec lui.

Aller chez Picard revêtira désormais pour moi un sens tout particulier !!!
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De la connerie

A vrai dire, je n'ai pas retenu grand chose de ce livre. Je n'ai d'ailleurs pas compris où l'auteur voulait en venir. A part qu'on est tous, à notre tour, con, ce qui n'est pas une grande nouvelle. Je me suis quand même promis de le relire.

Ce livre est avant tout un style et c'est ça qui le sauve.
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De la connerie

C’est une entreprise titanesque, de rédiger un essai d’à peine une centaine de pages sur cet universel éternel et ubiquiste qu’est la connerie, à ne surtout pas confondre avec la bêtise, « cette marche loupée de l’intelligence »…

« J’essaie simplement de démêler l’inextricable – écrit l’auteur. Mes doigts sont hésitants devant une pelote aux cent bouts. Si vous n’avez jamais jonglé avec une ruche bourdonnante d’abeilles, vous n’avez pas l’idée du piquant de la chose. Par où la prendre ? La connerie a-t-elle seulement un commencement et une fin ? Vous attrapez un con, vingt autres se dérobent. » (p. 76)



Ne pas confondre la connerie et la bêtise, c’est d’abord ne pas se méprendre sur les amis nombreux et une ennemie prétendue de la première, la Raison :

« Or l’on prétend qu’elle est ennemie jurée de la connerie. Contre cette opinion, je soutiens qu’il existe entre elles une connivence, que la Raison est conne au moins au deuxième degré, dans un certain usage grossier de ses pouvoirs. Dans le combat amoureusement sadique qu’elle mène contre le réel, avec l’espoir de le subjuguer […] » (p. 54).



Contre l’embarras définitoire, au moins peut-on se défendre par une taxinomie des cas d’espèce, qui ressemble, à longueur de dizaines de pages, à un catalogue de spécimens humains, de leurs comportements et de circonstances de la vie désagréables à l’auteur (bien qu’il renie ce critère) :

« Vous reconnaîtrez un con à ce qu’il se targue d’être approuvé par le plus grand nombre. […] Vous reconnaîtrez tout aussi sûrement un con à ce qu’il gémit sur son insuccès. Voire à ce qu’il s’en drape, la main sur le cœur, dans la pose de l’Incompris. » (p. 14-15).



L’universalité pointe, vous le voyez bien : connaîtra-t-elle des limites ?

« […] j’affirme que les optimistes sont soit des faux-jetons, soit des cons aveugles, souvent les deux à la fois. Les pessimistes, eux, ne sont que des cons aigris et impuissants. Quant à se maintenir hors de ces deux catégories, cela n’est possible qu’à condition de s’inoculer, jour après jour, le narcotique honteux de l’indifférence égoïste. Une bonne partie de l’humanité est composée de cons insouciants, drogués jusqu’aux yeux. » (p. 104).



Si, si quand même… et c’est surtout comme hommage posthume, à l’occasion de sa récente disparition, que j’ai relevé le seul nom, du seul homme qui ait été cité comme contre-exemple de cette universalité (pas même Kant ni Rousseau ne sont épargnés) :

« Voyez la différence entre la connerie satisfaite des personnalités à la mode et la modestie touchante d’un immense esprit, je pense à Claude Lévi-Strauss, un homme qui tient la connerie en garde sans presque s’en rendre compte. C’est qu’il se méfie des illusions de l’individualisme. » (p. 73).



… Les illusions de l’individualisme… ? Hummmmm !
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De la connerie

Logorrhée prétentieuse. L’auteur vomit sa bile. Incompréhensible. Sans intérêt. A fuir sans regret.
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Du bon usage de l'ivresse

On gagnera beaucoup à picorer pendant l'été des graines de vrai bonheur chez un penseur doublé d'un prosateur hors norme, capable de toucher tous les publics, de parler toutes les langues sans en dénaturer les vertus.
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Du malheur de trop penser à soi

Quelle déconvenue que d'avoir aperçu, en fin de lecture, la référence à Le Bavard de Des Forêts en quatrième de couverture : je ne peux donc me prévaloir de cette idée de similitude qui m'a accompagné pendant toute la lecture comme venant de moi-même - si tant est que, inconsciemment, je n'en aie pas pris connaissance auparavant, oubliant ensuite opportunément cette note de l'éditeur...

Je m'empresse donc à présent d'en diminuer la portée. Littéralement, il ne s'agit d'abord pas d'un monologue intérieur, mais d'une lettre fictive que le narrateur, Martinu, aurait adressée à un ami, pour lui annoncer son non-mariage : l'éventualité contraire paraît d'ailleurs inconcevable dès la moitié du premier paragraphe du récit.

Pourtant, du monologue intérieur, le texte recèle un attribut fondamental : la divagation. Aussi, sous les traits d'une prédilection marquée pour l'aphorisme et pour le paradoxe qui l'accompagne volontiers - pas de phrases longues, que des formules concises - ce narrateur, aux allures suffisamment extravagantes pour paraître insaisissable, se livre à et dans une infinité de considérations impromptues, à l'instar de l'errance d'une chèvre au pâtis, sur l'existence et autres phénomènes collatéraux. L'existence, ou plutôt sa propre existence de solitaire s'excluant des avantages de l'ordinaire communication entre humains.

Le résultat de cette circonstance inhabituelle, outre la logorrhée, est inscrit dans le titre : l'égotisme doublé de soliloque n'apporte pas de bonheur : "La souffrance est inadmissible, mais la tristesse, pourquoi pas ? Il y a des tristesses qui clarifient le cœur." (p. 64)

Je dirais même qu'un souffle délicat de nihilisme, sans brise de paranoïa, anime les propos du ténébreux solipsiste...



"J'ai réfléchi à l'immobilité. Il est clair qu'elle est l'état limite vers lequel tend la vitesse. Si les actifs prenaient conscience de cela, ils décrocheraient certainement." (p. 18-19)



"Je jette comme des dés les idées qui me traversent l'esprit sans prendre la peine de les aligner au cordeau. Je ne crois pas à l'ordre de ces sortes d'idées-là. Je crois au désordre et à la malignité de ce qui se prétend profond en nous. S'il y a organisation, c'est que nous y avons mis un peu la main." (p. 33)
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Génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas

Le narrateur, qui peut être un écrivain, est soudain atterré par la pensée qu'il manque de génie. D'abord paralysé par l'avilissement, il se redresse lentement grâce à la recherche de cette denrée aussi rare qu'ineffable. Il rencontre des personnages excentriques qu'il soupçonne d'être détenteurs de ce qui lui fait défaut, ou au moins à même de lui fournir des pistes de recherche. Ces rencontres produisent des dialogues superbement surréalistes et absurdes où se multiplient les "seconds degrés" mêlés aux malentendus hilarants.

Puis, progressivement, à mesure que la conscience et la confiance de ce héros mûrissent, les dialogues s'alternent à des développements de plus en plus florifères sur ce thème du génie, qui puisent dans le terreau fertile de la philosophie classique (Diderot, Kant, Nietzsche), mais dans une légèreté parfumé comme un bouquet printanier, qui ne renonce jamais à un humour exquis et au ton surréaliste originaire. La conclusion m'a fait penser aux meilleures pages du Maître et Marguerite de Bulgakov (que j'adore).

Le style correspond totalement à mes propres rêves de plume ; les phrases "chrestomathiesables" sont si nombreuses que j'ai renoncé à en noter les pages dès le début ; mais ce qui compte le plus pour moi, c'est que je viens de découvrir en Georges Picard un Auteur. (Encore une œuvre ou deux à lire pour son accès irréversible dans mon panthéon privé.)

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L'hurluberlu ou la philosophie sur un toit

Méditation buissonnière – quoique menée dans un contexte urbain –, ce livre est pourtant moins désinvolte qu’il n’y paraît, habité tout du long par une angoisse que résume parfaitement cette phrase de Rilke citée par l’auteur : « On arrive, on trouve une existence toute prête, on n’a plus qu’à la revêtir. »
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Le génie a l'usage de ceux qui n'en ont pas

Provocateur et plein d'humour, ce conte philosophique biaisé nous fait retrouver avec bonheur la tonicité ironique d'un auteur qui s'amuse à poser des énigmes. Qu'attend-on pour trouver Georges Picard "génial" ?
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Le génie a l'usage de ceux qui n'en ont pas

En premier lieu, il faut présenter Georges Picard qui fut un fils d'ouvrier recueilli par un organisme spécialisé pour les enfants de déportés et les orphelins juifs, qui a fait des études de philosophie puis qui s'est engagé dans les jeunesses communistes en 1960, et en 1968 : dans des groupes marxistes pour finir à Lorient dans le milieu de l'édition !

Tout simplement pour expliquer le coté provocateur et humoristique de ce conte présenté avec bonheur et, avec un titre assez énigmatique !

Georges Picard part à la recherche du génie et, il commence par s'adresser à son ami Szabo qui prétend que " l'imbécilité et le génie sont les deux tentations extrêmes de l'esprit ", mais pas complétement satisfait des propositions de son ami, il va consulter le docteur Aba qui donne des cours sur la pensée spéculative et transcendantale ! Puis, l'auteur poursuivant sa quête va faire des rencontres insolites comme Lisbeth qui est une collectionneuse de cages vides, comme son ex-mari : un clochard qui se nourrit exclusivement de sardines à l'huile portugaise et Léna : une fillette qui pratique la magie au sous-sol d'un parking !

Sans oublier Sosie, le chat de Szabo qui est malade de " l'âme " et que l'auteur tente de faire soigner ! Va t'il trouver le génie qu'il n'a pas trouvé dans ces livres savants qui n'apprennent rien ? dans ces millénaires de culture ?

Dans ce conte " philosophique " qui semble assez déjanté, l'auteur cherche de façon intempestive le génie au travers des oeuvres des grands noms de la littérature, de l'Art, de la politique..

En fait, ce récit est destiné à ceux qui sont candidats au génie non pas pour le salut de leurs pensées mais pour leur faire apprécier les délices du vertige et de l'exception !



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Le Philosophe facétieux

La circonstance d'avoir aperçu, dans une rame de RER, un jeune homme ne paraissant ni étudiant ni enseignant, plongé dans la lecture du Timée de Platon, provoque chez le narrateur une réminiscence de sa fréquentation de la philosophie dans sa jeunesse. Récit autobiographique ou autofiction ? on ne le sait. Le fait est que ce "philosopher" de jeune adulte (dans les années 60 ou 70, on croit comprendre), avec un petit groupe de joyeux potes des deux sexes, implique une posture totalement anti-universitaire, anti-doctrinale, sceptique à l'égard des "grands penseurs" autant que de leurs commentateurs, et parfois hostile même de la raison : une déconstructivisme qui à l'évidence n'était pas encore entré en Sorbonne et qui se manifeste surtout par la dérision, l'ironie, le paradoxal.

"Nous pensions qu'il y avait vraiment un secret à trouver, nous recherchions la formule comme des alchimistes convaincus que la pierre philosophale - pour nous, philosophique - nous donnerait le dernier mot des choses. En réalité, nous étions loin d'exprimer notre attente de façon aussi explicite, ç'eût été révéler notre naïveté quand nous nous voulions plus clairvoyants que notre entourage." (p. 87)



Le fil rouge de la quête du narrateur, c'est son projet toujours reporté de s'atteler à la rédaction d'un Traité paradoxal : "[...] l'idée d'introduire une dimension paradoxale au cœur de la réflexion. Mais comment faire admettre à notre rationalité rigide la provocation d'une pensée n'assumant pas entièrement le principe de contradiction, c'est-à-dire abritant en elle-même ses propres objections, non pour les réfuter, mais pour leur donner au contraire droit de cité avec tous les papiers en règle?" (p. 48)



Mais l'auteur, si d'aventure il se penchait un jour sur cette fiche, m'en voudrait sans doute de traiter son texte avec autant de sérieux, d'en retirer ces idées si austères qui peuvent détourner de la vraie nature facétieuse de l'écrit. Nature facétieuse qui, il faut dire, après avoir lu désormais un certain nombre d'ouvrages de cet auteur et malgré ses admirables pyrotechnies stylistiques, me surprend moins et me réjouit par intervalles. Certaines pages de dialogues entre copains sont délectables ; ma préférence va cependant à l'entretien avec le mystérieux Maître (je ne suis pas sûr de son identité, donc je m'abstiens d'émettre des hypothèses sur son identité), et en particulier à la toute dernière tirade adressée à celui-ci:

"Le Sens, c'est le contresens du Non Sens, réfléchissez-y, vieille semelle, et vous ferez un immense progrès sur le chemin du Tao. Tchao !" (p. 107)

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Le sage des bois

Les éditions Corti me forcent toujours au respect! et je venais de parcourir "tout le monde devrait écrire" et les autres titres de l'auteur sont plein d'humour.

L'auteur et moi avons le même âge, je l'ai découvert lors de l'énumération des certificats de licence de philo; ses propos sur les étudiants en philo m'ont amusée. Mais le jeune héros a un projet auquel il doit son surnom: le sage des bois; il veut reproduire l'aventure de Thoreau, à Walden dans la Massachusetts mais sans le sou, il envisage cette aventure en France. Il n'a même pas l'argent pour s'équiper correctement, il squatte les copains...Il devient lassant à force d'évoquer Thoreau sans arrêt. Il me fait penser à l'inexpérience de Stevenson avec sa Modestine. Aucun sens de la réalité, ce qui met en relief l'humour de ce livre.
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Le sage des bois

Promenade plaisante dans les méandres d'un esprit encore jeune et avide d'introspection, Le Sage des bois se savoure comme une innocente douceur. Les errances du héros, cherchant non sans mal à marcher sur les traces de Thoreau pour enfin trouver dans l'isolement au cœur d'une nature idéale une quelconque révélation sur son moi profond, ont toute notre sympathie dès le départ. Notamment grâce au regard malicieux et sans complaisance que le narrateur porte sur son passé de doux rêveur.



Du projet utopiste à sa réalisation concrète, il y a bien des étapes que le sage des bois ne parviendra jamais à finaliser. Mais au fond, le lecteur le sait bien, il ne s'agit pas là d'atteindre un but formel mais bien de laisser l'esprit et le corps vagabonder afin d'observer rétrospectivement ce parcours hasardeux et d'y trouver assez de sens pour rendre l'expérience nécessaire et légitime, même si ce sens n'apparait que bien des années plus tard sous la forme d'un livre aussi amusant qu'instructif.
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Le sage des bois

Il y a des livres qui vous font des clins d'œil. L'édition d'abord, très important, car si le livre vous choisit, en quelque sorte, c'est bien le lecteur qui fait les premiers pas dans sa direction : Éditions Corti. Bien sûr, vous viennent alors à l'esprit les noms de Julien Gracq, Claude Louis-Combet, Sadegh Hedayat, Lautréamont, le suisse Julien Maret et quelques autres encore, selon votre collection privée. Puis vous faites attention au titre du livre ou à son auteur, mais là c'est bien le titre qui intrigue le plus : Le sage des bois. Comme on nage dans le bassin littéraire, il y a quelque ironie dans ce titre. Et puis l'auteur, Georges Picard, dont je ne sais pas grand chose pour avoir seulement feuilleté deux de ses essais dont les titres m'avaient quand même particulièrement accroché à l'époque de leur parution : Merci aux ambitieux de s'occuper du monde à ma place, et De la connerie. Franchement, je ne sais pas pour vous, mais moi, des titres comme ça m'attirent autant que ceux de Marc Levy ou Jean d'Ormesson me repoussent... Et vous voilà embarqué dans une lecture inattendue - une aventure quoi ! C'est que ce roman cache un essai sur l'écrivain-philosophe naturaliste et végétarien Henry David Thoreau, et, spécialement sur son magnifique livre : Walden. Le narrateur revient donc sur sa jeunesse à lui, ce temps où il rêvait de mettre ses pas dans ceux de Kerouac, Robinson, Rousseau et, surtout, Thoreau. Le voilà donc sur le départ, mal organisé, peu sûr de lui, ralenti par l'incompréhension de son entourage. Pour vous donner une idée, prenez Into the wild, le livre de Jon Krakauer porté à l'écran par Sean Penn, mais déplacez l'aventure en France et dans une version plutôt candide et comique, et vous avez Le sage des bois dans les mains. Légère mais pleine de rebondissements, souvent drôle, l'histoire vous emmènera au bord de l'étang convoité, symbole de liberté, mais pour peu de temps... en effet une autoroute va bientôt remplacer le petit bois accueillant et son étang ! Et nous voilà en pleine réflexion sur le monde moderne et la place de l'enseignement de Walden ; comme le disait Dagerman dans son magnifique petit opuscule Notre besoin de consolation est impossible à rassasier : "Thoreau avait encore la forêt de Walden – mais où est maintenant la forêt où l'être humain puisse prouver qu'il est possible de vivre en liberté en dehors des formes figées de la société." Pouvons-nous encore trouver de la liberté dans une France où tout est réglementé et où tout ce qui n'est pas encore interdit n'en est pas pour autant permis ? Georges Picard signe là un roman initiatique et philosophique, picaresque, qui recèle de citations et presque tout autant de critiques de Thoreau, le tout dans un style aérien et bon enfant, avec une morale (la liberté est en soi et les villes ne sont pas forcement hors la nature, mais une forme de nature) - un livre à mettre entre toutes les mains.
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Le sage des bois

Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, Merci aux ambitieux de s'occuper du monde à ma place, de la connerie, Tout m'énerve ou encore Petit traité à l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raison, autant de titres qui prouvent que Georges Picard a été à bonne école, qu'il pratique un pessimisme et un scepticisme philosophique que n'aurait pas renié un Cioran au meilleur de sa forme.



Mais loin d'être un ouvrage abstrait, c'est bien d'un roman qu'il s'agit dans ce cas précis. Il met en scène un jeune homme, candide, motivé par un projet ambitieux : appliquer sa variation personnelle de Walden, vivre dans la nature, communier avec celle-ci et contempler avec d'autant plus de recul une civilisation dont il se sera éloignée. Sauf que la France d'aujourd'hui n'est pas les Etats-Unis de Thoreau. Aussi, de ses belles idées à sa réalisation, le chemin est long et laborieux pour le sage des bois.



La suite sur mon blog.
Lien : http://touchezmonblog.blogsp..
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Le sage des bois

Un citadin, sortant de la Sorbonne, porte jusqu’au fanatisme Henry David Thoreau et son livre Walden ou la vie dans les bois (1854). Comme lui, il veut vivre près d’un étang, construire sa cabane et cultiver son potager. Seulement, ce sera en France, faute d’argent. Il lui faut un minimum de travail pour acquérir du matériel et, en attendant, il squatte chez des potes qui le surnomment en se moquant le sage des bois qui met bien du temps à partir… Enfin, le voilà sur les routes et chemins de France, où il n’est pas si facile de s’installer sur n’importe quel terrain et d’y trouver la solitude. Des passages et dialogues drôles. L’auteur de 70 printemps a des idées et des pensées jeunes.
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Mais dans quel monde vivez-vous !

Avant d'être un livre de souvenirs d'un homme mûr qui se penche sur le cours de son enfance pour tenter de tracer le portrait de l'enfant qu'il fût, cet essai est d'abord une brillante démonstration en acte des pièges et des limites de l'entreprise autobiographique.
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Merci aux ambitieux de s'occuper du monde à m..

Titre racoleur, mais l'éditeur, le format, la sobre présentation inspirent confiance. D'autres titres de Georges Picard font ce genre d'œillade : "Du malheur de trop penser à soi", "Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas", "Le vagabond approximatif", "L'hurluberlu ou la philosophie sur un toit". S'il ne s'y expose pas de la philosophie de haut vol, beaucoup en feront la leur, si ce n'est déjà le cas.



L'auteur a jadis fréquenté avec zèle les Hegel, Kant et Derrida, les philosophes qui "se mêlent de nous conter des fictions théoriques dans un langage de bête à concours", les "textes à lire le crayon à la main". Il leur doit de beaux moments de spéculation et de rêverie, mais il considère aujourd'hui que cette philosophie "peut combler ceux qui ne se font pas trop d'illusions sur les vérités qu'elle prétend établir". On le comprend vite, après quelques pages, Picard ne décolle plus vers ces hauteurs, pour se contenter de dire ce qu'il pense à soixante ans, ou si l'on préfère, ce à quoi il ne croit plus guère, à la manière d'un râleur misanthrope, pourfendeur d'intellectuels péremptoires et autres cuistres bavards instruits.

[...].



Lorsqu'il tente de s'attacher des idées, Picard est embarrassé devant les questions difficiles et "reste au milieu du gué", non par indifférence mais tenaillé par les remords de conscience. Il remarque que la plupart des gens qui vont au bout des leurs commencent par les conclusions pour inventer les arguments qui y mènent. Pas de quoi être épaté.

Il voudrait, par exemple, que les peuples sous-développés sortent vite de leur misère, mais ne veut pas que l'atmosphère planétaire sature en CO2. La croissance en même temps que la décroissance. Il ne sait pas croire à une croissance non polluante, car il fonde peu d'espoir sur la cupidité et la bêtise humaine.

Le quidam Jean Foutre – vous connaîtrez aussi le fonctionnaire Connard Fini si vous prenez ce livre – n'aime pas les immigrés venus s'ajouter aux chômeurs déjà nombreux chez nous. Mais ce monsieur fait travailler en noir un ouvrier syrien sans papiers, car il doit bien vivre, non ? Et puis la TVA est élevée. "Crétin qui applique comme tout le monde les règles d'une logique à plusieurs entrées. À son médiocre niveau, c'est un exemple de la difficulté de penser."



Gouverné par une paresse qui n'est pas sybaritisme, sous les auspices de Montaigne qui préfère l'examen du cas particulier à la pompeuse certitude idéologique, ce livre, ni essai ni journal ni roman – un peu des trois ? – est une lettre à un ami de longue date, Martinu, auquel il répond après des années de silence, prétexte pour faire le point. À ses côtés, sa femme Isa, journaliste qu'il admire voir démonter une affaire de corruption, et à laquelle il donne sa lettre à lire, à défaut du livre qu'elle voudrait lui voir écrire (facétie de l'auteur, nous l'avons entre les mains). Puis il fréquente Lydie, jeune poétesse dont il apprécie l'enthousiasme lyrique et la détermination détachée des ambitions. Pour démentir son propos général, Picard croit en ces gens-là.



À se montrer non constructif, à forcer le trait, Picard finirait par prendre la pose. Lorsqu'il dénonce, à propos de la télévision, "la bêtise arrogante qui s'y étale", lorsqu'il pouffe en y écoutant "les donneurs de leçons médiatisés", il a raison mais la vision simpliste est en contradiction avec ses difficultés pour apprivoiser des convictions. Je ne crois pas que la télévision, qui plus est aux heures de grande écoute, soit le lieu pour entendre des analyses politiques ou idéologiques fines. L'écran médiatique, devenu pur divertissement, n'est pas (plus) l'endroit.



Ce sera l'une des nuances mais lorsque ses imprécations atrabilaires ennuient, deux pages plus tard, à propos de sa nouvelle résidence à la campagne, Georges Picard écrit "...la solitude n'est nulle part, nous devons la gagner sur tout, même sur le désert et le silence." Et l'on se réconcilie avec l'adorable misanthrope, presque contrit de l'avoir dénigré...

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