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EAN : 9782714311375
150 pages
José Corti (05/02/2015)
3.71/5   14 notes
Résumé :
Retiré dans un village de la Beauce profonde, le narrateur écrit à un ami qu'il n'a pas revu depuis quinze ans. Dans cette lettre peu conventionnelle, il lui confie ses colères, ses rires et son scepticisme vis-à-vis des valeurs artificielles d'une société où personne n'est jamais content, où chacun veut tout et son contraire, faute de comprendre qu'il n'y a pas de vie idéale, seulement des arrangements. Ce moraliste sans catéchisme aime Baudelaire, Georges Perros, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Titre racoleur, mais l'éditeur, le format, la sobre présentation inspirent confiance. D'autres titres de Georges Picard font ce genre d'oeillade : "Du malheur de trop penser à soi", "Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas", "Le vagabond approximatif", "L'hurluberlu ou la philosophie sur un toit". S'il ne s'y expose pas de la philosophie de haut vol, beaucoup en feront la leur, si ce n'est déjà le cas.

L'auteur a jadis fréquenté avec zèle les Hegel, Kant et Derrida, les philosophes qui "se mêlent de nous conter des fictions théoriques dans un langage de bête à concours", les "textes à lire le crayon à la main". Il leur doit de beaux moments de spéculation et de rêverie, mais il considère aujourd'hui que cette philosophie "peut combler ceux qui ne se font pas trop d'illusions sur les vérités qu'elle prétend établir". On le comprend vite, après quelques pages, Picard ne décolle plus vers ces hauteurs, pour se contenter de dire ce qu'il pense à soixante ans, ou si l'on préfère, ce à quoi il ne croit plus guère, à la manière d'un râleur misanthrope, pourfendeur d'intellectuels péremptoires et autres cuistres bavards instruits.
[...].

Lorsqu'il tente de s'attacher des idées, Picard est embarrassé devant les questions difficiles et "reste au milieu du gué", non par indifférence mais tenaillé par les remords de conscience. Il remarque que la plupart des gens qui vont au bout des leurs commencent par les conclusions pour inventer les arguments qui y mènent. Pas de quoi être épaté.
Il voudrait, par exemple, que les peuples sous-développés sortent vite de leur misère, mais ne veut pas que l'atmosphère planétaire sature en CO2. La croissance en même temps que la décroissance. Il ne sait pas croire à une croissance non polluante, car il fonde peu d'espoir sur la cupidité et la bêtise humaine.
Le quidam Jean Foutre – vous connaîtrez aussi le fonctionnaire Connard Fini si vous prenez ce livre – n'aime pas les immigrés venus s'ajouter aux chômeurs déjà nombreux chez nous. Mais ce monsieur fait travailler en noir un ouvrier syrien sans papiers, car il doit bien vivre, non ? Et puis la TVA est élevée. "Crétin qui applique comme tout le monde les règles d'une logique à plusieurs entrées. À son médiocre niveau, c'est un exemple de la difficulté de penser."

Gouverné par une paresse qui n'est pas sybaritisme, sous les auspices de Montaigne qui préfère l'examen du cas particulier à la pompeuse certitude idéologique, ce livre, ni essai ni journal ni roman – un peu des trois ? – est une lettre à un ami de longue date, Martinu, auquel il répond après des années de silence, prétexte pour faire le point. À ses côtés, sa femme Isa, journaliste qu'il admire voir démonter une affaire de corruption, et à laquelle il donne sa lettre à lire, à défaut du livre qu'elle voudrait lui voir écrire (facétie de l'auteur, nous l'avons entre les mains). Puis il fréquente Lydie, jeune poétesse dont il apprécie l'enthousiasme lyrique et la détermination détachée des ambitions. Pour démentir son propos général, Picard croit en ces gens-là.

À se montrer non constructif, à forcer le trait, Picard finirait par prendre la pose. Lorsqu'il dénonce, à propos de la télévision, "la bêtise arrogante qui s'y étale", lorsqu'il pouffe en y écoutant "les donneurs de leçons médiatisés", il a raison mais la vision simpliste est en contradiction avec ses difficultés pour apprivoiser des convictions. Je ne crois pas que la télévision, qui plus est aux heures de grande écoute, soit le lieu pour entendre des analyses politiques ou idéologiques fines. L'écran médiatique, devenu pur divertissement, n'est pas (plus) l'endroit.

Ce sera l'une des nuances mais lorsque ses imprécations atrabilaires ennuient, deux pages plus tard, à propos de sa nouvelle résidence à la campagne, Georges Picard écrit "...la solitude n'est nulle part, nous devons la gagner sur tout, même sur le désert et le silence." Et l'on se réconcilie avec l'adorable misanthrope, presque contrit de l'avoir dénigré...
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Un retraité sexagénaire établi à la campagne retrouve une lettre qu'un ami de jeunesse, Martinu, lui a adressée quinze ans auparavant, et entreprend de lui répondre, dans une longue confession-bilan de sa vie vieillissante. Contrairement à Isa, son épouse journaliste engagée, le narrateur avoue qu'il coule une existence désormais éloignée de la philosophie, détachée des plaisirs du débat et même de presque toute forme de sociabilité qui l'animait jadis : une vie retirée et paresseuse, qu'il présume dissemblable de celle de son ami, et assurément méconnaissable par rapport à celle de leurs années communes. Son désengagement de la politique et de la pensée argumentative possède des traits qui par moments semblent aigris, presque atrabilaires, de vieux ronchon en colère contre le monde et deux archétypes de voisins – Jean-Foutre le raciste, et Connard Fini, le rond-de-cuir procédurier – mais par moments simplement distants, de vieux sage, dont l'admiration est sincère du caractère encore pugnace de sa femme, en même temps que d'une jeune poétesse réservée, Lydie, qui devient amie du couple. Par contre, Michel, un collègue d'Isa, loquace, optimiste à outrance, sans doute adepte de la psychologie contemporaine du bonheur, représente son antagoniste.
De divagation en digression, d'anciennes lectures en descriptions de la vie villageoise, de méditations sur les temps qui changent en réflexions sur ses propres transformations psychiques et caractérielles, le narrateur s'attarde dans un monologue adressé à cet ami peut-être à présent étranger, peut-être même décédé, en sachant que sa femme lit, et peut-être Lydie lira aussi son texte dont la rédaction, parfois interrompue, s'étend sur plusieurs mois.

Je suis familier et grand admirateur des petits livres de Picard, à la prose ciselée à l'extrême, qui se situent à un point d'intersection toujours légèrement déplacé entre la fiction, l'essai philosophique, le pamphlet et l'autobiographie. L'acuité de sa réflexion ainsi que le soin qu'il apporte à sa langue sont intacts ; cependant j'ai regretté de ne plus retrouver, cette fois, son admirable et précieuse ironie que je recherche par-dessus tout dans ses écrits.
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Au départ je cherchais "Le vagabond approximatif" puis j'ai été interpellé par les titres amusants que l'auteur propose. Je me suis donc laissé tenter un peu au hasard. J'ai été charmé par le style un peu nonchalant de cet essai tout plein d'ironie sur le monde qui nous entoure.
Cet ouvrage est présenté comme une lettre que l'auteur adresse à un ami, en réponse à sa dernière lettre reçue il y a quinze ans. On ressent une sorte de mélancolie de leurs discussions enflammées baignées dans la philosophie et puis les points de vue qui changent avec le temps. Cet espèce d'admiration du stoïcisme bien difficile à mettre en oeuvre, se heurte aux difficultés du quotidien à rester de marbre face aux nombreuses injustices. Tout bon penseur de l'humain devrait rester un minimum en contact avec les gens au lieu de rester en autarcie avec soi-même et prétendre avoir compris l'autre. Georges Picard entretient régulièrement sa sociabilité dans les cafés populaires quitte à débiter quelques banalités idiotes pour ne pas trop ressentir la méfiance d'ordinaire dirigée vers les taciturnes.
Cet espèce de monologue part un peu dans tous les sens, on a l'impression que ça pourrait continuer comme ça pendant des pages et des pages, mais l'écrivain à su se contenir à 150 pages tout pile! Cette retenue donne un ouvrage vivant qui descend tout seul.
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Picard prend certes par­fois la pose : il a l'invective un peu gran­diose du sur­booké râleur ou du sar­cas­tique par­fois cau­te­leux. Néan­moins, son livre est robo­ra­tif : il fait aimer la soli­tude de celui qui joue le mariole en toute luci­dité et le flem­mard qui ne l'est pas. Der­rière l'idiome gen­darme, le nar­ra­teur est moins ver­sa­tile tatillon qu'empêcheur de tour­ner bien rond. Il règle ses comptes aux obtus cocar­diers et aux bobos chi­chi­teux. Bref, Picard reste un joyeux drille qui ne manque pas d'air. Avec lui, Oedipe est aviateur.
Lien : http://www.lelitteraire.com/..
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critiques presse (1)
Lexpress
24 avril 2015
La fête joyeuse recouvre aujourd'hui ses lettres de noblesse grâce à la plume tantôt alerte, tantôt nonchalante de Georges Picard.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il n'y a aucune raison pour que les oisifs se laissent emmerder par les bosseurs. Nous avons autant le droit de respirer que les frénétiques du boulot, et peut-être même un droit supérieur au nom de la douceur de vivre et du respect de la tranquillité publique.
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« À la guerre comme à la guerre. Si l'on se met à aimer ses dissemblables comme soi-même, on se met à leur merci. Pourquoi tant d'humains détestent-ils tant d'humains ? Pour mille raisons qui se ramènent à la peur d'avoir à entrer dans les raisons des autres. Il est plus facile de simplifier. La haine a la réputation d'être harassante, surtout quand elle tourne à l'idée fixe, mais je crois, moi, qu'elle est au contraire une sorte de paresse. L'intolérance va toute seule. » (p. 139)
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« Ce que l'on appelle l'intellectualité, à ne pas confondre évidemment avec l'intelligence, vous isole de la société courante plus sûrement qu'un passé pénitentiaire. Vous êtes regardé avec plus de méfiance que d'envie. À croire que les ratiocineurs et les contemplatifs constituent une minorité tout juste tolérée, à laquelle on attribue des pouvoirs imaginaires. À Paris, on ne paraît pas s'en douter. Seuls, les populistes ont compris le parti à tirer de ce préjugé, malheureusement conforté par l'arrogance de certains intellos médiatiques. » (p. 53)
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« Je t'aurai fourni un os facile à ronger, car je ne m'accroche pas à ce que j'affirme. Certains prétendraient que c'est de la lâcheté, sans comprendre qu'il existe un courage d'accepter d'avancer prudemment sur des fétus de pensées toujours à deux doigts de se dérober. Je sais que ce point de vue révulse, on n'aime pas penser modestement. Même Isa s'inquiète de ce qu'elle appelle une démission. Elle estime qu'il est malsain de ne pas se faire confiance, quitte à se planter avec les honneurs du combat. J'essaie souvent cette méthode guerrière face à des contradicteurs. Je suis aussi capable qu'un autre d'être de mauvaise foi en ne cédant sur rien. Et alors ? On ne convainc pas l'adversaire et l'on se dégoûte de jouer un rôle. Deux dupes au lieu d'une, voilà tout. » (p. 80)
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La nature a beau être répétitive, il n'y a pas de banalité de la nature. Le vent et la pluie ne sont les voix de personne ; pourtant, nous les reconnaissons à chaque fois comme des voix intimes.
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