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Citations de Georges Rodenbach (230)


Et sa voix était cajoleuse; c'était la voix des commencements, cette voix de tentation que toutes les femmes possèdent à certaines minutes, voix de cristal qui chante, s'élargit en halos, en remous où l'homme cède, tournoie et s'abandonne.
(page 238)
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Dans le silence les âmes se comprennent.
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Il avait ce qu'on pourrait appeler "le sens de la ressemblance", un sens supplémentaire, frêle et souffreteux, qui rattachait par mille liens ténus les choses entre elles, apparentait les arbres par des fils de la Vierge, créait une télégraphie immatérielle entre son âme et les tours inconsolables. [...]
C'est comme si la brume fréquente, la lumière voilée des ciels du Nord, le granit des quais, les pluies incessantes, le passage des cloches eussent influencé, par leur alliage, la couleur de l'air - et aussi, en cette ville âgée, la cendre morte du temps, la poussière du sablier des Années accumulant, sur tout, son oeuvre silencieuse.
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Plus que jamais, il se sentait l’âme toute molle et désemparée : sortant, rentrant, sortant encore, chassé pour ainsi dire de sa demeure à celle de Jane, attiré à son visage quand il en était loin, et pris de regrets, de remords, de mépris de lui-même, quand il se retrouvait auprès d’elle. Son ménage aussi allait à la débandade ; plus rien de ponctuel, d’organisé. Il donnait des ordres, puis les changeait ; contremandait ses repas. La vieille Barbe ne savait plus comment régler sa besogne, s’approvisionner. Triste, inquiète, elle priait Dieu pour son maître, sachant la cause…
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À vrai dire, il n’avait pas d’amour pour elle. Tout ce qu’il désirait, c’était pouvoir éterniser le leurre de ce mirage. Quand il prenait dans ses mains la tête de Jane, I’approchait de lui, c’était pour regarder ses yeux, pour y chercher quelque chose qu’il avait vu dans d’autres: une nuance, un reflet, des perles, une flore dont la racine est dans l’âme — et qui y flottaient aussi peut-être.
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Mères, ne battez pas vos enfants ; laissez-les
Courir dans la demeure indulgente, et poursuivre
Cet idéal de bruit qui les grise, et qui livre
Aux caprices du vent leurs cheveux débouclés.
Aux portes de leurs cœurs ne brisez pas les clés !...
S’étourdir, trébucher, salir, pour eux c’est vivre ;


Aux mères qui battent leurs enfants
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Oh ! l’insipidité des rendez-vous maussades
Qu’on se donne, en hiver, dans un faubourg lointain,
Aux fins d’après-midi, lorsque entre les façades
De rares coins de ciel sont couleur de l’étain.

La femme qu’on attend dans la boue et la pluie,
On sent bien que pour elle on a guère d’amour
Et qu’elle est tout au plus dans l’âme qui s’ennuie
La lampe qu’on allume après la mort du jour !

Le soir triste descend, tandis que les gouttières
Sanglotent et tandis que de grands corbillards,
Elégiaquement, vers les blancs cimetières,
Leurs lanternes en feu, s’en vont dans les brouillards.

On tombe tout à coup à des mélancolies
Si mornes qu’on voudrait s’en retourner chez soi
Ou bien, dans une église où l’on chante complies,
Entrer et raccrocher des lambeaux de sa Foi !

Et voici qu’on allume au loin les réverbères.
? Non ! on ne l’aime pas, celle qui doit venir ! ?
Et voici que là-bas les vices impubères
S’accouplent dans le noir que le gaz va jaunir.

On voudrait s’enfuir vite et rentrer dans sa chambre,
Avec des haut-le-corps, quand on songe au roulis
Des fiacres cahotant, dans le froid de novembre,
Des amours de hasard sous leurs rideaux salis !

Oh ! les baisers furtifs dans l’ombre des impasses !
Tout le passé revient : les mobiliers d’hôtel,
Les noms prostitués égratignant les glaces,
Et l’on songe en pleurant que le cœur devient tel,

Plein de charbons éteints, de tentures fanées,
Et qu’aux heures de spleen, quand nous y retournons,
Nous en trouvons aussi les chambres profanées
Et le miroir d’amour tout balafré de noms !
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Georges Rodenbach
Veillée de gloire

Quel orgueil d’être seul à sa fenêtre, tard,
Près de la lampe amie, à travailler sans trêve,
Et sur la page blanche où l’on fixe son rêve
De planter un beau vers tout vibrant, comme un dard

Quel orgueil d’être seul pendant les soirs magiques
Quand tout s’est assoupi dans la cité qui dort,
Et que la Lune seule, avec son masque d’or,
Promène ses pieds blancs sur les toits léthargiques.

L’orgueil de luire encor lorsque tout est éteint :
Lampe du sanctuaire au fond des nefs sacrées,
Survivance du phare au-dessus des marées
Dont on ne perçoit plus qu’un murmure indistinct.

L’orgueil qu’ont les amants, les moines, les poètes,
D’être en communion avec l’obscurité,
Et d’avoir à leur cœur des vitraux de clarté
Qui ne s’éteignent pas pendant les nuits muettes.

Quel orgueil d’être seul, les mains contre son front,
À noter des vers doux comme un accord de lyre
Et, songeant à la mort prochaine, de se dire :
Peut-être que j’écris des choses qui vivront !
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Dans l'atmosphère muette des eaux et des rues inanimées, Hugues avait moins senti la souffrance de son coeur, il avait pensé plus doucement à la morte. Il l'avait mieux revue, mieux entendue ; retrouvant au fil des canaux son visage d'Ophélie en allée, écoutant sa voix dans la chanson grêle et lointaine des carillons.

[Georges RODENBACH, "Bruges-la-Morte", 1892 : chapitre II -- page 69 de l'édition de poche Garnier-Flammarion, 1998]
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Pour cette affaire de Bruges-Port-de-Mer, comme pour les autres affaires, tout se passa dans l’ombre, en conciliabules étroits, en audiences de fonctionnaires, en tactiques de commissions. Des ingénieurs conspiraient avec des financiers et des hommes politiques. Farazyn était l’âme de ces combinaisons. Il en tenait toutes les avenues. Une ligue fut fondée pour être un centre de propagande. On eut soin d’écarter, cette fois, tout esprit de parti. Le président était un échevin de la ville. Farazyn fut nommé secrétaire. Un vaste pétitionnement s’organisa. Les habitants, nonchalants, craintifs au surplus, signèrent tous. Ensuite, des délégations furent reçues par les différents ministres qui acquiescèrent, promirent l’intervention de l’État, une partie des millions nécessaires.
Toute la machine politique intervint, formidable appareil, aux ressorts cachés, aux courroies sans fin, aux volants irrésistibles.
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Une fois entrée en lui, cette idée devint fixe, obsédante, roulant son grelot.
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Ah ! cette caresse des yeux sur les yeux, qui ressemble à celle des lèvres sur les lèvres, et qui est déjà de la volupté !
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L’acte même d’écrire est comme un acte d’amour. Il y a contact. Il y a échange, aussi. On ne sait si les mots sortent de l’encre sur la page, ou s’ils naissent de la page elle-même, dans laquelle ils dormaient, et que l’encre ne fasse que les colorer.
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Dimanche : un pâle ennui d'âme, un désoeuvrement


Dimanche : un pâle ennui d'âme, un désoeuvrement
De doigts inoccupés tapotant sourdement
Les vitres, comme pour savoir leur peine occulte ;
- Ah ! Ce gémissement du verre qu'on ausculte ! -

Dimanche : l'air à soi-même dans la maison
D'un veuf qui ne veut pas aider sa guérison
Quand les bruits du dehors se ouatent de silence.
Dimanche : impression d'être en exil ce jour,

Long jour que le chagrin des cloches influence,
Et sans cesse ce long dimanche est de retour !
Ah ! Le triste bouquet des heures du dimanche ;
C'est un triste bouquet de fleurs qui lentement

Meurt dans un verre d'eau sur une nappe blanche...
M'en sauver, le pourrai-je ? Et l'éviter, comment ?
Ce jour de demi-deuil aux couleurs trop calmées
Où mon coeur otieux s'en va dans les fumées.

J'en ai l'obsession, j'en ai peur, j'en ai froid
Du spleen hebdomadaire où ce jour me ramène :
Tandis que je me leurre au long de la semaine,
Flux et reflux de jours qui s'accroît et décroît,

Dont l'écume est un peu de vanité qui chante,
Voici que le repos dominical me hante
Et déjà m'apparaît comme un repos amer,

Repos nu d'une grève au départ de la mer,
Grève morte du long dimanche infinissable
Qui coagule au loin ses silences de sable...

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Puis tranquilisé, les persiennes et les portes closes, il se décida à son ordinaire promenade du crépuscule, bien qu'il ne cessât pas de pluviner, bruine fréquente des fins d'automne, petite pluie verticale qui larmoie, tisse de l'eau, faufile l'air, capture et transit l'âme comme un oiseau dans un filet mouillé, aux mailles interminables !
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Autour des douleurs physiques, pourquoi faut-il se taire, étouffer les pas dans une chambre de malade ? Pourquoi les bruits, pourquoi les voix semblent-ils déranger la charpie et rouvrir la plaie ?
Aux souffrances morales, le bruit aussi fait mal.
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À force de vouloir fusionner les deux femmes, leur ressemblance s’était amoindrie. Tant qu’elles demeuraient à distance l’une de l’autre, avec le brouillard de la mort entre elles, le leurre était possible. Trop rapprochées, les différences apparurent. À l’origine, tout ébloui du même visage retrouvé, son émoi était complice ; puis peu à peu, à force de vouloir émietter le parallèle, il en vint à se tourmenter pour des nuances.
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Car il en arrivait à être incapable de rester chez lui, effrayé de la solitude de sa demeure, du vent pleurant dans les cheminées, des souvenirs qui y multipliaient autour de lui comme une fixité d'yeux.
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Georges Rodenbach
LES SOLITAIRES


Extrait 4

Alors il intercède : « O vous, les jeunes filles,
Venez donc ! aimez-moi ! mes rêves vous feront
Des guirlandes de fleurs autant que les quadrilles… »
Elles répondent : non ! et lui part sous l’affront.

« Vous, mes sœurs, ô pitié! vous, les veuves lointaines,
Qui souffrez dans le deuil et dans l’isolement,
Mes larmes remettront de l’eau dans vos fontaines,
Et votre parc fermé fleurira brusquement… »

Non encor ! — Vous, du moins, les grandes courtisanes
Portant dans vos cœurs froids l’infini du péché,
Mes voluptés vers vous s’en vont en caravanes
Pour tarir votre vice ainsi qu’un puits caché… »

Mais leur appel se perd dans la neige et la pluie !
Et rien n’a consolé de leur tourment amer
Les martyrs d’idéal que leur grande âme ennuie
Et qui vivront plaintifs et seuls — comme la mer !
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Il avait voulu éluder la Mort, en triompher et la narguer par le spécieux artifice d'une ressemblance. La Mort, peut-être se vengerait.
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