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Critiques de Georges Rodenbach (79)
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Bruges-la-morte

M. Berg, postfacier boomer de ce livre, rend un travail typique d’universitarien d’une d’époque fastidieuse et sans génie, être « thématique », d’héritage constructiviste ou formaliste, qui, dès sa première citation, prouve qu’il n’est pas ou n’est plus un philologue. Dans un texte, Rodenbach s’insurgeait de la représentation sculptée d’une danseuse nue sans ornement parce qu’il estimait que l’expression du désir, à laquelle il semblait admettre par principe le but de la danse, impliquait un style c’est-à-dire des effets liés à l’excitation et à la volupté ; voici donc la manière dont M. Berg « traduit » cette pensée : « Pour l’artiste, la réalité n’est délectable que si elle apparaît floue et voilée » (page 131). Il faut convenir que déformer ainsi un auteur est à peu près un comble de mauvaise foi. Ce genre d’homme a pris l’habitude de pérorer en références et interprétations dont la surabondance est supposée le gage d’un esprit vraiment œcuménique, au point qu’il ne redoute pas d’écrie à la suite des énormités comme : « Car il est bien évident que la conjonction de « la morte » (deux syllabes) et du nom de la ville (« Bruges ») ne produit qu’un syntagme impair. » (page 145) – on appréciera le spécialiste de la métrique française qui, pour faire passer un paradoxe un peu fort mais nécessaire à sa thèse, ose prétendre, comme pour s’en persuader, qu’elle est « évidente » (« Bruges-la-morte » : ça compte donc « évidemment » trois syllabes en poésie ?!). Puis, passé cinq lignes – il suffit d’attendre vraiment si peu –, M. Berg d’ajouter : « Ginette Michaux a d’ailleurs démontré que cette configuration impaire, composée de trois termes, conditionne en fait la « logique rigoureuse » de la narration de ce roman scandée par quatre temps » – vous avez bien lu, un roman « impair » en « quatre temps », oui, mais avec une « logique rigoureuse » ! Ma critique est déjà trop longue sur un professeur qui, sans être une exception – c’est par malheur toute l’école d’une certaine faculté de Lettres qu’on a formée à tel moule « admirable » – mérite encore moins de publicité que ce que fournit le blâme, mais cette espèce de rappel est toujours, je pense, de quelque éloquence pour rappeler l’indigence dont font preuve nos spécialistes qui, cependant et il faut le reconnaître, travaillent beaucoup… à quantité d’abstrusions et de faussetés (cela m’évoque ces assemblées générales du service public où l’on réunit des amateurs pour trouver enfin, mais ensemble, quelque chose à dire sur tel sujet vague et improvisé), et qui se résignent, sans en avoir conscience, à une vaste disparition du soi, philistins pour leur absence d’individualité dans l’art, et cuistres pour leurs bavardages de vanité appointés.

Dans un livre de 207 pages, Bruges-la-Morte est un récit qui en tient une soixantaine si l’on excepte les photographies de la ville censées aider à en visualiser une certaine atmosphère ; c’est donc plutôt une nouvelle, et sa structure narrative, avec resserrement d’intrigue, limitation des personnages et intention de chute, confirme cette appellation. Hugues Viane y est un veuf inconsolable, errant en fantôme dans les rues belges, et dont les habitudes rangées signalent une neurasthénie profonde et une mentalité de recueillement : son existence depuis des années se constitue fidèle et prisonnière comme en un interminable culte de la morte, hommage et rituel posthume, tribut perpétuel et mémoire sacralisée dont il résulte une paralysie du temps laissé à ne rien faire. Au cours d’une de ses promenades – d’ordinaire sempiternelles et monotones –, il croise une femme qui est le sosie troublant, incroyable, de son épouse défunte, et il est aussitôt saisi, foudroyé : il la suit, la rencontre, s’en sert pour reformer le couple d’origine sans rien lui dire de son passé et en se persuadant d’être pur d’infidélité puisqu’ainsi il sent honnêtement que c’est la morte qu’il honore. Intrigue astucieuse, sans révolution : on s’attend évidemment à ce que l’artifice ne dure pas, la femme de substitution étant condamnée, du moins en une intrigue vraisemblable, à n’être pas la copie durable de la trépassée, cette morte dont l’époux a conservé sous cloche la chevelure blonde, chevelure chérie qui, toute semblable chez la vivante, est ici par exemple une chevelure teinte.

L’amour constitué avec cette femme demeure elliptique et inconsistant, et son caractère de vivante évolue sans anecdotes, reste assez stéréotypé, par nécessité d’intrigue pour ne pas la présenter d’emblée comme une absolue imitation de la morte et pour en indiquer peu à peu les différenciations : artifice, bien sûr – comment faire autrement sans passer par le fantastique ? Ce couple, constitution et entretien, n’est point le souci de Rodenbach. Elle, Jane Scott, une actrice, acquiert progressivement les défauts imputables typiquement à sa profession, et l’on ignore toujours comme ce pauvre hère de Viane, falot, pitoyable, atrophié, comme anémié et interrompu d’existence, d’un très faible élan, s’y prit pour conquérir une si vive personnalité. Raccourci qui est opportunisme d’écriture : on admet que l’homme la veut parce qu’il souhaite prolonger une sorte de résurrection, alors il faut qu’il l’ait obtenue, quelle que soit la manière, pour permettre l’expérience ; ce n’est, pour ainsi dire, pas le sujet : l’idée forte commande, plus impérieuse que les détails, alors la vraisemblance cède. Pour la chute, que je tais mais qui n’est pas inattendue ni étonnante, Rodenbach n’a pas non plus prolongé son concept en un au-delà génial, et, d’ailleurs, je trouve la dernière partie – plus d’une page décalée du reste par un blanc – particulièrement superflue ; elle n’est utile qu’à rappeler en clausule le thème véritablement novateur du livre, à savoir la correspondance d’une ville et d’un esprit.

« Hugues songeait : quel pouvoir indéfinissable que celui de la ressemblance !

Elle correspond aux deux besoins contradictoires de la nature humaine : l’habitude et la nouveauté. L’habitude qui est la loi, le rythme même de l’être. Hugues l’avait expérimenté avec une acuité qui décida de sa destinée sans remède. Pour avoir vécu dix ans auprès d’une femme toujours chère, il ne pouvait plus se désaccoutumer d’elle, continuait à s’occuper de l’absente et à chercher sa figure sur d’autres visages.

D’autre part, le goût de la nouveauté est non moins instinctif. L’homme se lasse à posséder le même bien. On ne jouit du bonheur, comme de la santé, que par contraste. Et l’amour aussi est dans l’intermittence de lui-même.

Or la ressemblance est précisément ce qui les coïncide en nous, leur fait part égale, les joint en un point imprécis. La ressemblance est la ligne d’horizon de l’habitude et de la nouveauté.

En amour principalement, cette source de raffinement opère : charme d’une femme nouvelle arrivant qui ressemblerait à l’ancienne !

Hugues en jouissait avec un grandissant délice, lui que la solitude et la douleur avaient dès longtemps sensibilisé jusqu’à ces nuances d’âme. N’est-ce pas d’ailleurs par un sentiment inné des analogies désirables qu’il était venu vivre à Bruges dès son veuvage ? » (pages 49-50)

Toute l’originalité tient finalement dans cette idée : Bruges est la ville morte, faite pour un climat de deuil et pour un temps arrêté – j’ignorais cela avant ce livre. Il s’agit d’une cité qui fut florissante au Moyen Âge, constituée de nombreux canaux et reliée par un bras de mer à la mer du Nord, le Zwin, qui permettait des commerces lucratifs et permit ce développement. Mais aux XV et XVIe siècles, le Zwin s’étant ensablé, la ville cessa de s’étendre et fut relativement désertée, conservant assez largement son architecture d’époque sans innovations notables, ainsi que son atmosphère religieuse, clochers et béguinages. Apparemment, une austérité mystique et froide, néanmoins cancanière comme celle des recluses, y subsiste – Rodenbach la dépeint à la fin du XIXe –, commerces rares, peu habitée, noyée en un silence d’eau et de sonnailles nostalgiques – les photographies accompagnant le texte sont en cela éloquentes. C’est une ville éteinte et morne, déprimante, un endroit élu par Viane justement pour sa griseur d’enterrement et de méditation atermoyée et infertile.

Là se situe la nouveauté de Rodenbach : faire de Bruges, presque sans interruption, un personnage du récit. Par sa présence, ses influences, ses épiages, par ses traditions et par ce qui pèse de son inlassable dureté sur le protagoniste, Bruges devient l’entité spectrale qui appelle et conforme, qui prévient et qui fige : elle a trouvé une incarnation en Viane et résiste à le laisser revivre. Lui-même, stylé à ce lieu et complaisamment attaché à lui par les routines endeuillées qu’il y a acquises, s’extrait difficilement de cette gangue, culpabilise de sa liberté, questionne ses mœurs, se sent en loin fautif, cherchant des prétextes à ses exceptions morales chaque fois qu’il croit échapper à l’emprise aqueuse de la ville glacée. Il a besoin de la ressemblance de la femme vivante à la morte pour ne pas cesser de se croire respectueux, soumis à l’obéissance, à l’obédience, à l’observance. C’est en cela un récit de l’homme tel qu’il s’attarde, se résigne et se lie, souvent sans autre raison que le sentiment d’être « à sa place » à force d’y avoir été, assujetti à un arbitraire lot de convenances comme la stupide période de viduité, tandis qu’il n’est perclus en vérité que parce que le mouvement et l’événement sont pour lui plus ardus à entraîner et à poursuivre – il faut s’ébrouer alors et ne dépendre de rien, cela engage des forces et une autonomie, on doit s’obliger à contredire des dogmes et à déplaire à des représentations. C’est le récit de l’être ordinaire et de bonne conscience dont la volonté ne passe pas l’infirmité très humaine de la permanence, de ce confort des lamentations ou des immuables, qui s’obstine à s’engluer, à s’enferrer dans des souvenirs améliorés, hagiographiques, divinisés comme ici de la morte, que caractérise ce qu’on pourrait nommer l’inertie béatement indécise. Viane en est aliéné de sa vitalité, comme minéralisé par le fil des choses passées dont les effets se prolongent en humeurs et en adéquations, homme plutôt fou lié que fou à lier, en particulier à cause de Bruges qui le rend captif de sa propre douleur qu’elle évoque d’abord puis qu’elle lui symbolise.

C’est cela qui est réussi dans Bruges-la-Morte, cette tentative originale qui, tenue durant tout le récit – et même, comme je l’ai signalé, trop artificiellement après le dénouement –, lui valut son succès : une curiosité digne d’intérêt et que Rodenbach parvint à souligner d’un style sans appesantissements descriptifs tels qu’on eût pu s’y attendre, sans d’ostensibles arrêts de la narration qui auraient rendu l’exercice forcé et académique, avec une science sensible du dosage et de la poésie. C’est une œuvre où les respirations d’hommes rejoignent le fantasme du souffle ancien des rues et des eaux dans la vibration du retentissement infini des cloches médiévales. L’idée est fixée, la place magistralement prise : écrivains confrères, il est trop tard ! tout effort d’incarner une ville en ses torpeurs et en ses brumes vous associera catégoriquement à ce récit et ne présentera certainement plus à son lecteur que l’intérêt atténué d’un pastiche ; la référence est faite, bien établie, vous passeriez toujours après. D’aucuns croient que les idées préexistent en l’air et appartiennent au premier qui les attrape : vision antique ou romantique, pas sérieuse, présentant l’avantage facile d’épargner les peines de la recherche ; pourtant, il me paraît que certaines trouvailles même assez générales ferment définitivement l’accès aux autres auteurs dans l’éventualité où ils aspireraient à se réclamer du génie, c’est-à-dire s’ils nourrissaient l’espoir d’être non seulement exemplaires – ce qui reste possible – mais surtout originaux : or, sentir que c’est dorénavant et définitivement manqué !
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Bruges-la-morte

Plutôt guide brugeois qu’histoire. J’ai trouvé ce que je cherchais après ma visite de Bruge. J’ôte 2 étoiles pour l’histoire avec une fin-pirouette. Apres, c’est vrai, je ne ne suis pas très bien placé pour critiquer Rodenbach.
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Bruges-la-morte

Les histoires belges ne sont pas toujours drôles.

Lors d’un récent séjour en Belgique pour un rappel BCG (Bières – Chocolats – Gaufres), j’ai voulu trouver un mobile à ma gourmandise en m’attaquant à ce classique symboliste, très « fin de siècle », de Rodenbach, publié en 1892.

Le titre est un bon indicateur de l’atmosphère macabre qui règne dans ce récit. Rangez les sourires et les rayons de soleil. Ce n’est pas la folle ambiance d’une soirée mousse au Musée de la frite.

J’ai lu que Rodenbach est mort en 1898, la même année que le Maître du symbolisme : Mallarmé. Rodenbach, lui, tire un peu à blanc. Oui, c'est lourd, mais cela me fait marrer.

Hugues Viane, est un veuf inconsolable qui s’est installé à Bruges, ville aussi morte que sa défunte épouse et si triste pour lui que ses canaux sont des joues sur lesquelles les eaux pleurent. Désolé, la poésie morbide est contagieuse.

Plus soucieux d’entretenir son chagrin que de le fuir, l’enjoué Viane vit reclus et s’accorde quelques rares promenades dans les rues mornes de la ville qu’il suit comme les allées d’un cimetière. C’est au cours de l’un de ses marches somnambules qu’il croise Jane, qui ressemble trait pour trait à sa défunte. Il va la suivre, la fantasmer, lui tenir compagnie et l’entretenir, redécouvrant les mondanités etle théâtre. Il va faire porter à cette jeune danseuse les robes de la morte, sombrant peu à peu dans un fétichisme qui flirte aussi avec le masochisme.

La petite danseuse n’étant pas un modèle de vertu, l’affaire va mal tourner. Une dramaturgie digne d’un opéra aux décors gothiques et aux passions surjouées. Rangez les coupettes en crystal.

Cette œuvre fit polémique en son temps car l’auteur avait tenu à intégrer des illustrations de la ville (pas très belles – genre cartes postales envoyées à son patron) au fil du récit. Il matérialisa ainsi le cahier des charges du symbolisme qui entendait associer une image concrète à une abstraction, en l’occurrence, son texte, qui délaisse le réel et les descriptions de la vieille cité flamande que je refuse d’appeler la petite Venise du Nord, surnom touristique ridicule. Je déteste cette manie de qualifier la moindre ville traverser par un canal ou une rigole d'eaux usées, de petite Venise du Nord, du Sud ou du bout de ma rue. On en compte près d’une dizaine en France. Qualifier Sète de Venise languedocienne ou Salies-de-bearn de Venise béarnaise relève de la contrefaçon. Ils ont dû acheter le label à Vintimille. Autant mettre un vaporetto dans sa baignoire et se gondoler dans une flaque d’eau. Je m’emballe.

Tous les joyeux drilles de ce courant de comiques (Huysmans, Verlaine…), qui rejetaient le romanesque et le naturalisme, adoraient le flou, la mort, les cauchemars et la neurasthénie. Les paysages n’étaient là que pour refléter le spleen des âmes. Ils ont adoré Bruges-la-Morte. Jules Renard un peu moins, qui avait qualifié ce roman de « littérature de cave humide ». Je ne saurai mieux dire, ni médire à vrai dire.

A titre personnel, j’ai trouvé Bruges magnifique et les idées noires de Rodenbach, parues d’abord sous forme de feuilleton dans Le Figaro ne m’ont pas gâché la visite.

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Bruges-la-morte

Dans une Bruges grise et triste un veuf très respectable croise le sosie de la morte qu'il vénère maladivement.



Cette vision le conduira-t-elle vers le bonheur ou vers une folie meurtrière?



Lu pendant mes insomnies, j'ai malheureusement trop souvent décroché de ces longues phrases à la construction académique et compliquée.
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Bruges-la-morte

Hugues Viane, un veuf éploré, s'est exilé en Belgique dans la ville de Bruges afin de noyer son chagrin loin des lieux emplis de souvenirs. Chaque jour, il marche dans les rues de la ville, seul, tout le poids de sa tristesse sur les épaules. Mais, un soir, au croisement d'une rue, il croise une jeune femme qui lui rappelle fortement celle qu'il a aimé.





Ce court roman a été écrit par Georges Rodenbach, un poète et auteur belge du 19ème siècle. Son roman "Bruges-la-morte" est reconnu comme son chef d'oeuvre. Ecrit en 1892, il réunit toutes les caractéristiques du symbolisme. le texte est poétique et mélancolique. Le narrateur parle de la femme qu'il a perdu et de celle qu'il rencontre dans une contexte très imagé.



La ville de Bruges est un personnage à part entière. le décor est posé dès son arrivée. L'architecture et les canaux traversants la ville ainsi que son atmosphère paisible sont si bien décrites qu'on s'y croirait.



Le personnage de Hugues s'installe loin de Paris dans cette ville plus calme accompagné de son chagrin et de ses souvenirs. Sa rencontre avec une jeune danseuse apporte un souffle nouveau dans sa vie, mais ce n'est que de courte durée, car cette femme représente celle qui est morte.



J'ai beaucoup aimé cette lecture qui aborde le deuil et l'amour avec mélancolie et désespoir.



Une très belle découverte.


Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Bruges-la-morte

magnifique roman dans Bruges, une narration et des descriptions dignes es grands auteurs, un feeling très important se crée avec l'histoire et les personnages dans une ambiance brumeuse, un bon moment de lecture.
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Bruges-la-morte

Bruges-la-Morte est le premier roman photographique ( à ne pas confondre avec le roman-photo, rien à voir !!) de la littérature, environ trente ans avant Nadja d'André Breton. Cette œuvre suscita de nombreuses controverses dans les milieux littéraires à cause de l'insertion de photos, ce qui en faisait un hybride. Mais peut-on parler de roman pour cette œuvre, assez courte pour être une nouvelle, dont l'écriture est très poétique?

Rodenbach fait appel au topos de la chère disparue, la femme défunte et adorée.

Hugues, le personnage, s'enferme dans son deuil et ses habitudes : il voue un véritable culte à la morte, allant jusqu'à se recueillir devant sa chevelure qu'il a soigneusement conservée.

Il assimile son chagrin et son deuil au paysage de la ville de Bruges. Lors d'une de ses promenades quotidiennes, Hugues croise une femme ressemblant à son épouse décédée. Le trouble l'envahit, Elle deviendra son obsession.

De nombreuses références intertextuelles : "La chevelure" de Maupassant, le topos de la passante, Baudelaire ("A une passante") , "El desdichado" de Nerval, etc.

En bref, une œuvre littéraire très riche, bourrée de références, dont la poésie m'a plu.

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Bruges-la-morte

La ville de Bruges en 1916 bénéficie d’un magnifique traitement en huit pages en fin de l'album Baron rouge, 1 Le bal des mitrailleuses

http://www.babelio.com/livres/Puerta-Baron-rouge-Tome-1--Le-Bal-des-Mitrailleuses/377782

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Bruges-la-morte

Un roman dont le personnage principal n’est ni Hugues Viane, ni son épouse disparue, ni son sosie dont il s’entiche, mais une ville, tel est le roman de l’écrivain belge Georges Rodenbach (1855-1898). Une ville : Bruges. Bruges où tout est mort, où tout s’enlise, Bruges la religieuse, Bruges à la fin du XIXe siècle, où chacun sait tout sur tout le monde et où le commérage va bon train.



Bruges où s’est exilé Hugues Viane depuis son veuvage il y a cinq ans et où chaque jour il caresse du bout des doigts ce qui a appartenu à l’aimée. Bruges dont il parcourt chaque soir les rues. Bruges où le temps semblait s’être arrêté, Bruges où il n’y avait que le passé et plus d’avenir, Bruges où il s’éteignait dans la nostalgie. Bruges où, au détour d’une de ses promenades, il croisera Jane, dont tout lui rappelle ce qu’il a perdu. Tant et si bien qu’elle l’obsédera jusqu’à ce qu’il la retrouve. Non pas pour effacer le passé, mais pour le prolonger. Car à ses yeux aimer Jane n’est pas trahir dix ans d’amour ni celle qui les lui a donnés mais bien l’occasion d’aimer encore pas tout à fait la même, mais pas tout à fait une autre.



Mais Jane n’est pas celle qu’il a épousée. Et s’il en a fait sa maîtresse en l’installant dans une maison à l’autre bout de la ville, c’est justement pour ne pas qu’elle entre tout à fait dans sa vie, pour ne pas qu’elle remplace celle qu’il a perdue. Et plus il se rend compte des différences qui existent entre les deux femmes, plus il se sentira trahi. Et plus Bruges le prendra dans ses bras, lui fera comprendre son erreur d’un lieu de pèlerinage à un autre, là où il trouve refuge alors que sa vie se désagrège sous le poids des regards, celui de Jane, le sien, et de tous les autres dont il voudrait bien se cacher.



C’est Jane elle-même qui signera sa fin. Inconsciente. Dans un geste qui ne pouvait qu’en attirer un autre.



Un roman puissant qui a inspiré en 1920 au compositeur autrichien Erich Wolfgang Korngold l’opéra Die tote Stadt (La ville morte), qui connut un succès dès sa parution en feuilleton et qui fit de Georges Rodenbach le premier écrivain belge à réussir dans la capitale française, lequel vous pourrez apprendre à connaître davantage en visitant le site qui lui est consacré. Un roman marquant de la littérature belge et à juste titre considéré comme un chef-d’œuvre du symbolisme.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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Bruges-la-morte

La femme aimée et la ville, défuntes, unies en un symbolisme extrême et curieusement émouvant.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/04/09/note-de-lecture-bruges-la-morte-georges-rodenbach/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Bruges-la-morte

J'avais lu ce roman inclassable en prépa et déjà à l'époque il m'avait secouée. Je sors de cette relecture à nouveau bouleversée par l'histoire et la plume de l'auteur. J'ai toujours adhéré à l'idée que notre environnement façonne notre être. Mais personne n'a su mettre des mots sur cette certitude comme l'a fait ici Rodenbach. La ville de Bruges est un personnage à part entière du roman, elle s'infuse lentement dans le personnage guidant ses pas, ses envies, ses péchés, ses repentirs. Les photos contribuent fortement à insister sur sa présence omnipotente. J'ai adoré cette symbiose entre le personnage et sa ville d'adoption. Elle semble prendre possession des pages et nous envoûte. Car c'est bien un envoûtement dont il s'agit, à mi chemin entre le fanatisme religieux et le fantastique fantomatique. Les règles religieuses sont claires mais les brumes du passé invitent à la folie dans laquelle Hugues sombre paisiblement. Un chef d'oeuvre !
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Bruges-la-morte

Mon Dieu que la lecture de ce roman me fut douloureuse, déchirante même jusqu’aux larmes et délicieuse à la fois. Etrange paradoxe d’un coeur qui se remplit de bonheur à tant de beautés sombres, d’errances désespérées mais qui s’apaise et se rassure à la déraison et à la douleur d’un semblable.

Bruges, l’inaccessible aurait-elle étouffé mon deuil ? Je l’ai vue ensoleillée et gaie pourtant et dans tous les cas, il était impossible de ne pas tomber sous son charme romantique.

Je reste ému d’admiration devant l’intelligence et la subtilité de l’écriture de Georges Rodenbach comme rarement j’ai pu l’être à la lecture d’un livre. Trouver les mots justes, se mesurer dans la retenue, user avec sens et délicatesse de tous les ressorts de son scénario sont les marques du grand talent de ce poète belge si peu connu qui signa ici un chef d'oeuvre.
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Bruges-la-morte



"(...) Tous les miroirs de Rodenbach sont voilés, ils ont la même vie grise que les eaux des canaux qui entourent Bruges. A Bruges tout miroir est une eau dormante(...) On pourrait interpréter "Bruges-la-morte" de Georges Rodenbach comme l'ophélisation d'une ville entière."

Gaston Bachelard, "L'Eau et les rêves"
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Bruges-la-morte

De part ce petit roman lourd de bondieuseries, Georges Rodenbach, nous fait visiter avec délicatesse mais sous un aspect gris la superbe ville flamande Bruges. Le sujet du livre est court: Aimer après la mort de son épouse et se reconstruire auprès d’une rencontre avec le sosie de la personne décédée.
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Bruges-la-morte

Dans cette étude passionnelle, Georges Rodenbach a voulu évoquer Bruges comme un personnage essentiel, associé aux états d'âme, qui conseille, dissuade, détermine à agir. Ainsi, cette ville apparaît presque humaine… Un ascendant s'établit d'elle sur ceux qui y séjournent. Elle les façonne selon ses sites et ses cloches et oriente les actions avec des paysages urbains qui se lient aux événements tragiques du roman. Voilà un livre obsessionnel sur l’amour défunt et la ressemblance. Ambiance !
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Bruges-la-morte

Est-ce la voix envoûtante de la lectrice ? La poésie de cette prose ? Sans doute l’alliage des deux qui ont fait de l’écoute de ce texte un voyage onirique dans Bruges-la-morte.

Bruges, la grise, que Hugues Viane a choisie après son veuvage, afin que le décor de sa vie et la couleur de son âme soient en harmonie. Lui qui « avait connu l’amour dans le luxe, les loisirs, le voyage, les pays neufs renouvelant l’idylle. Non seulement le délice paisible d’une vie conjugale exemplaire, mais la passion intacte, la fièvre continuée, le baiser à peine assagi, l’accord des âmes, distantes et jointes pourtant, comme les quais parallèles d’un canal qui mêle leurs deux reflets. »

Respectueusement il garde, osant à peine y toucher, les objets lui rappelant son amour, et surtout une tresse de cheveux couleur d’ambre. Mais son culte va jusqu’à suivre et bientôt fréquenter une femme, une silhouette d’abord aperçue dans la rue et qui ressemble tant à la femme aimée.

« En regardant Jane, Hugues songeait à la morte, aux baisers, aux enlacements de naguère. Il croirait reposséder l’autre, en possédant celle-ci. Ce qui paraissait fini à jamais allait recommencer. Et il ne tromperait même pas l’Épouse, puisque c’est elle encore qu’il aimerait dans cette effigie et qu’il baiserait sur cette bouche telle que la sienne. »

Pourra-t-elle se substituer à la défunte ?





Challenge 19ème siècle

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Bruges-la-morte

Spécial , très spécial!!! Mais intéressante découverte. Style d’une époque
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Bruges-la-morte

Le poète symboliste Georges Rodenbach aurait sans doute été surpris de nous suivre dans les rues de Bruges en ce dernier dimanche d'été. Des trottoirs si bondés qu'il fallait éviter l'accrochage avec les calèches de touristes, le rythme ahurissant des bateaux cartes postales et la quête lassante d'une place libre aux terrasses bourdonnantes des tavernes... Guère d'austérité intimidante à l'ombre des hautes tours qui sauvaient plutôt des rayons d'un soleil meurtrier. Loin d'une ville éteinte dans la méditation, c'était une ville en commerce.



J'ai imaginé apercevoir la démarche somnambule de Hugues à la recherche désespérée de sa disparue, la gouvernante Barbe (saveur de ces horribles vieux prénoms !) en mante noire filant aux vêpres, la silhouette évanescente d'un fantôme blond qui serait Jane.... Juste des excursionnistes heureux, curieux, avec des allures d'insouciance sans nuage.



Les êtres de ce conte gardent en moi une telle présence, confuse mais forte, qu'en débouchant dans le vieux béguinage, j'ai songé que s'y trouverait au milieu ce mouton comme "dans une prairie de Jean Van Eyck"... C'était donc là que vivait sœur Rosalie, la seule parente de Barbe; là aussi que celle-ci accourut le cœur en fête en un Pâques lumineux, pour y vivre ses rares joies autour des offices.



Ah bien sûr, l'écriture est vieillotte, et c'est mortuaire. Mais l'atmosphère persiste. Le symboliste a réussi son alchimie, malgré l'irrémédiable vieillissement du texte.



Marqué par ce récit, l'ayant écouté sur MP3 l'hiver passé comme un feuilleton (est-ce pour cela que les cloches monotones continuent à résonner en moi ?), j'ai accueilli avec plaisir l'initiative des éditions ONLIT de publier ce classique en numérique. Il accompagne quatre autres romans belges du 19ème siècle dont "Un mâle" du trop peu reconnu brabançon Camille Lemonnier qu'apprécia Maupassant et la très traduite "Légende d'Ulenspiege"l (700 pages) de Charles De Coster. Ajoutez-y André Baillon et Verhaeren. Malgré des ebooks résolument tournés vers le contemporain, l'édition numérique belge veut néanmoins ratisser large en cette rentrée.



Pour se montrer constructif, au chapitre des regrets, l'absence d'images: l'introduction de Rodenbach annonce des illustrations intercalées entre les pages qui ne figurent pas dans la version numérique. Légère frustration mais, comme pour les renvois automatiques de notes, on attendra l'évolution des formats et des logiciels.



Le récit (publié d'abord en feuilleton en 1892) est celui d'un veuf inconsolable dont l'épouse morte réapparaît soudain dans les rues de Bruges, sous la forme d'un sosie de la bien-aimée. Confronté à cette ressemblance qui l'aveugle et le grise jusqu'au scandale, l'homme se heurte à sa gouvernante pieuse, aux brugeois médisants mais aussi à la véritable nature de la remplaçante. Le drame peut se jouer sous les cieux bas et les dentelles de pierre de la Venise flamande.



Lisez cet ancien conte, vous retournerez peut-être à Bruges avec d'autres yeux...



Lu en numérique au format ePub, dans le cadre du club des lecteurs numériques.

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Bruges-la-morte

Bruges-la-Morte a été écrit par Rodenbach en 1891, sept ans avant sa mort.

Hugues Viane a perdu sa femme il y a cinq ans. Inconsolable, il est allé confondre son chagrin avec la ville qui lui convenait le plus, parce qu'elle est grise et semble morte elle-même : Bruges.



Le veuf désespéré arpente les rues pavées, marche le long du canal. Chez lui, il a conservé sous une cloche de verre la natte de la défunte épouse et, dans son salon, les photographies d'elle entretiennent son souvenir.



Un jour, dans les rues, il croit apercevoir le sosie de sa femme. Il la suit : la ressemblance est frappante...



La description de Bruges, personnage à elle seule, est faite avec une grande poésie. L'absence de couleur, l'atmosphère mystique, font de la ville belge un tableau troublant et funèbre.




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Bruges-la-morte

J'ai aimé ce long cheminement du personnage, cheminement de son deuil, cheminement de l'amour perdu et cru retrouvé, cheminement dans les rues de Bruges, ville écrin et vivante à l'unisson, en symbiose avec la désespérance du veuf ... C'est admirablement bien écrit, éclairé d'images poétiques, justes, superbement évocatrices et de réflexions subtiles. Il faut dire que le sujet de l'amour survivant à la mort, ainsi que les références à d'autres récits d'élection, ne pouvaient que se trouver en résonance avec mes affinités. Et comment ne pas se délecter dans la façon dont l'histoire s'effile, tel un poème symphonique tant la langue est musicale, avec juste ce qu'il faut d'ironie dans l'observation des situations et des êtres... jusqu'au dénouement si implacablement romantique ?
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