Citations de Gerard Donovan (72)
...étrangement, je me revoyais en train d’écrire ces mots en particulier, me rappelais l’odeur de la pièce, les objets aperçus au moment où je les traçais, la sensation éprouvée en formant les lettres, les vêtements portés, l’étroitesse et la sécurité du monde d’alors, la chaleur du feu, la tranquille affirmation de la part de mon père qu’il était important de posséder des livres mais qu’il importait encore plus de les lire. A présent que ce monde était parti au diable pour ne plus jamais revenir, ces souvenirs semblaient compter d’autant plus. Tout se trouve dans les livres, regarde tous ces livres, une existence entière anime ces murs (page 133).
Un chien vit intensément, il mange intensément, il joue intensément et même lorsqu'il dort, il dort intensément
J'étais d'ailleurs plus qu'heureux, mais je n'avais aucun mot pour décrire ce que produisait en moi la soudaine jouissance de tant de compagnie. Cela me rappelait ces premières gouttes de pluie qui nous font attendre sur le seuil, la veste passée par-dessus la tête, tandis qu'on se demande si l'averse est due à un petit nuage ou si ça va durer.
Ceux qui vivent très vieux et ceux qui meurent très jeunes perdent la même chose. Ils n'abandonnent que le présent, puisque c'est tout ce qu'ils possèdent. (Marc Aurèle)
Des paroles d'affection, de tendresse, d'amour, oui, elle m'en avait prodigué, et je pense que j'étais sensé lui rendre la pareille. Or, je n'en n'avais pas l'habitude, ne savais pas qu'un sentiment était plus ou moins fort selon le nom qu'on lui donnait, mais j'aurais dû en dire assez pour pour lui faire comprendre que j'appréciais sa compagnie, qu'elle me manquait durant son absence, et si c'était ça l'amour, alors tant mieux.
[…] C’est vous qui avez tué mon chien ? Savez-vous que c’est moi qui vous ai meurtri ? Vous ne vous y attendiez pas. Vous avez été déjeté comme les autres et vous débagoulez du sang.
[…] Avez-vous tiré sur ce chien ? ai-je demandé.
Il a continué de secouer la tête.
Avez-vous tiré sur ce chien ?
C’est alors que j’ai dit des mots que je n’avais pas prononcés depuis l’époque où je les avais appris auprès de mon père.
Vous êtes maillé de sang, ai-je déclaré, vous êtes pollu.
[…] en compagnie de quelque chose qui s’était glissé par la porte et se tenait tout près. Sensation ou air vicié, qui imposait sa présence tout en refusant de s’identifier, se déplaçait de pièce en pièce, frôlant les meubles, faisait bruisser les rideaux, avant de pénétrer dans la salle de séjour, les bras croisés, comme pour dire : Bon. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
[…] On combat l’hiver en lisant toute la nuit, tournant les pages cent fois plus vite que tournent les aiguilles, de petites roues en actionnant une plus grande pendant tous ces mois. Un hiver dure cinquante livres.
[…] Mon père était un grand lecteur, et de longs rayonnages s’étendaient à partir du poêle à bois sur les murs de la salle de séjour jusqu’à la cuisine, ainsi qu’à droite et à gauche jusqu’aux deux chambres à coucher, bibliothèques de quatre étagères contenant tous les livres acquis ou lus par mon père, ce qui revenait au même, car il lisait vraiment tout. J’étais donc entouré de trois milles deux cent quatre-vingt-deux livres, […] rangés par ordre alphabétique. […] La bibliothèque couvrant les murs de tout le chalet et certaines pièces, plus éloignées du poêle, étant plus sombres et plus froides que d’autres, il y avait donc des romans chauds et des romans froids. Le nom de beaucoup d’auteurs de romans froids commençait par une lettre venant après J et avant M.
Très beau récit sur la solitude et l'amour