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Critiques de Hannah Arendt (128)
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A propos de l'affaire Eichmann

Ce titre regroupe :

- Une interview de Karl Jaspers (par Peter Wyss) sur la polémique engendrée par l'ouvrage d'Hannah Arendt

- Une intervention d'Alexander Mitscherlich

- Une discussion d'Hannah Arendt avec les étudiants juifs

- Un discours d'Hannah Arendt sur les problèmes juridiques du jugement d'Eichmann à Jérusalem



La publication d'Hannah Arendt "Eichmann à Jérusalem" a engendré une vive polémique car elle a constaté que Eichmann n'était pas un bourreau sanguinaire assoiffé de sang juif (comme attendu par des personnes à soif de vengeance) mais un "opérateur de 2nde zone" qui faisait méthodiquement son boulot, respectant les ordres, de logisticien (nos actuels cadres qui ne connaissent qu'Excel et PowerPoint) sans prendre conscience de ce qui se tramait derrière.

Il a une fois détourné un train, mais sa conscience s'est éteinte pour ne plus qu'exécuter que les ordres.

(Cf l'expérience de Milgram, sachant que là l'autorité ne reposait pas sur une simple blouse de médecin, mais sur tout un système perverti par Hitler).

Une inversion de valeurs provoquée par l'environnement et l'environnement du IIème Reich devait être très lourd et étendu.



Elle alarme en disant que cette "extermination administrative" pourrait se reproduire.

Les trop sots pour être utiles, les handicapés, les divergents...



Et quand Emanuel Macron dit dans une gare qu'il croise "ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien", quand Laurent Alexandre parle des "dieux et des inutiles" devant les étudiants de l'X citant Harari et son "Homo Deus", je ne peux m'empêcher d'avoir des frissons et même d'avoir peur.

Et que dire de Bolsonaro et autre dirigeants...



Je me suis déjà posé la question "le néo-libéralisme peut-il mener au totalitarisme".

(Cf https://www.babelio.com/livres/Arendt-La-nature-du-totalitarisme/234496/critiques/2778588).



Je me pose désormais la question : le néo-libéralisme peut-il conduire à une "extermination administrative" ?



Citons aussi la fiction "Soleil vert".



Sans vouloir jouer les Cassandre, méfions-nous !



Livresquement votre.

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A propos de l'affaire Eichmann

Merci,oui, ÉNORME merci à Babelio et aux éditions de l'herne pour m'avoir envoyé cet opuscule.

Il ne fait pas 100 pages mais son contenu m'a retournée comme une crêpe.

D'abord en me révélant mes approximations ,je connaissais vaguement Hannah Arendt pour avoir couvert journalistiquement le procès d'Eichmann en Israël et sa pendaison.

Je n'avais jamais entendu parler de Karl Jaspers,psychiatre et philosophe germano- suisse (1883-1969) qui fut son prof de philo à l'université de Heidelberg et avec qui elle écrivit plusieurs essais. Il l'a aidée à éclaircir le cheminement intellectuel qui l'a conduite à prendre des positions très controversées lors du procès d'Eichmann.

Dans ce petit livre j'ai de nouveau été mise en face des " comités juifs"( Judenräte) mis en place par Hitler et acceptés par les dignitaires juifs, consistant à dresser eux mêmes la liste des Juifs et de leur patrimoine qu'ils remettaient aux autorités nazies, présumant qu'ainsi ils en sauveraient.

J'avais une petite dizaine d'années quand j'ai entendu parler pour la première fois de ça et alors que je m'interrogeais avec véhémence sur ce bien fondé on m'avait rétorqué que sans ces Judenräte ça aurait été pire. Et cette réponse m'avait tellement terrorisée et fait ressentir de la honte, honte pour l'espèce humaine qui accepté d'en faire tuer beaucoup pour en sauver un peu, que j'avais enfoui au fond de moi le " problème de conscience" que cela m'avait posé. Plus d'1/2 siècle plus tard me voilà,à travers quelques pages de nouveau confrontée à ça et dans quelques lignes,avec quelle force ! Hannah Arendt me donne une réponse et je vais maintenant devoir construire la mienne propre en m'informant davantage sur ces Judenräte.

Hannah Arendt a décidé de se tenir à une ligne de conduite pour retranscrire le procès : constatation des faits et pas affirmation de ses opinions. Son attitude fondamentale,afin d'être aussi droite d'un point de vue éthique que juridique, c'est " faire apparaître les faits de façon froide,et oeuvrer avec passion en faveur de l'authenticité".

Elle travaille sur les faits et les problèmes d'ordre juridique qu'elle soulève sont passionnants.Elle a vraiment forcé mon admiration par l'acuité de son intelligence, son intransigeance, et l'étendue de ses connaissances.

Il s'agit certes du procès d'Eichmann mais à travers cet homme qui est responsable de ses actes c'est indéniable, mais ne comprend pas où est le mal car subjugué par l'ascension d'Hitler et constatant que tout le monde autour de lui partage les aspirations du Führer, il ne peut se représenter avoir mal agi. Au début il est contre l'extermination mais en quelques semaines il se range à côté du plus grand nombre,la majorité ne pouvant avoir tort et son idole , Hitler,non plus

À travers le personnage d' Eichmann , Hannah Arendt dénonce la totalité de l'effondrement moral subi non seulement par lui,et par l'Allemagne dont elle met en cause la résistance très tardive, mais même,par toute l'Europe qui n'a pas compris que les 6 millions de morts déportés n'étaient qu'un palier( pardon! pardon!) vers une extermination encore plus radicale.

Ce livre m'a extrêmement bouleversée,et ma lecture a été tronquée et faussée par le fait que je n'ai pas lu même en extrait son livre Eichmann à Jérusalem,où elle relate le procès.

J'ai souligné tellement de passages dans ce tout petit livre,corné tellement de pages que je ne sais pas si je vais réussir à y isoler des citations qui aient du sens et vous donnent envie d'entrer dans l'analyse d'Arendt.

En tout cas,un livre pour ne pas mourir idiot.

car la Bête immonde n'est pas morte,nous rappelle l'auteur. Elle n'a pas de racines et s'étend rapidement,elle n'a pas de racines et il est difficile de la circonscrire.

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A propos de l'affaire Eichmann

Si aujourd'hui la théorisation de "la banalité du mal" par Hannah Arendt est une référence que tout un chacun devrait avoir à l'esprit, à l'époque où elle publie son rapport du procès Eichmann ("Eichmann à Jérusalem"), l'autrice fait face à de vives critiques et réactions épidermique. À tel point que, peu de temps après sa parution en Allemagne sous forme de livre, un recueil de ces réactions voit lui aussi le jour sous l'intitulé "Die Kontroverse. Hannah Arendt, Eichmann und die Juden."



Les textes publiés ici par les éditions de l'Herne eurent pour but de répondre à la polémique. On y retrouve une interview de Karl Jaspers qui reprend point par point les éléments jugés problématiques par certains (à savoir le rôle de la résistance allemande, celui des organisations juives, la banalisation d'Eichmann, la question du cadre juridique). Elle est suivie d'une intervention d'Alexander Mitscherlich, de notes d'Hannah Arendt autour d'une discussion avec des étudiants juifs et d'une conférence donnée par elle a la Law School De Yale, précisément sur les problèmes juridiques du procès Eichmann.



Il en ressort un esprit brillant, apte à regarder et nommer les faits tels qu'ils sont, sans a priori d'aucune sorte ni parti pris préconçu. Lorsqu'elle relève des éléments, Hannah Arendt le fait dans un esprit académique, non pas pour les juger ou pour faire des reproches (ce n'est ni son travail ni son but) , mais pour les questionner et lancer des pistes de réflexion. Elle nous permet, entre autre, de réfléchir à nos sociétés à la manière dont elles sont organisées et à l'ensemble de cette machine qui permet qu'un individu lambda accepte l'inacceptable.
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À travers le mur - Notre enfant

C'est à Karin Biro-Thierbach, la grande spécialiste de la grande Hannah Arendt - la petite fille à côté de sa mère, Martha, à gauche sur la splendide photo de couverture - que nous devons cet ouvrage un peu particulier.

Particulier dans ce sens, qu'il consiste, en fait, de différents textes, écrits par Martha et Hannah Arendt, ainsi que par Karin Biro-Thierbach. Comme le titre de l'ouvrage risque de prêter à confusion, je me permets d'en spécifier le contenu plus en détail.



L'ouvrage qui compte en tout et pour toutes 202 pages, dont certains textes sont reproduits en version bilingue Français-Allemand, est conçu comme suit :

1) Un avant-propos par Karin Biro-Thierbach de 5 pages ;

2) le carnet de Martha Arendt, intitulé "Notre enfant", de 64 pages (dont la moitié en version originale) ;

3) quatre textes d'Hannah Arendt :

a) "Les sages animaux" de 44 pages (bilingue) ;

b) "Métaphore... la porte" de 2 pages (bilingue ) ;

c) "À travers le mur" de 4 pages (bilingue ) ;

d) "Le poids ôté du coeur" également de 4 pages (bilingue ) ;

4) une postface de Karin Biro-Thierbach de 82 pages.



Avant de tourner vers la mère et la fille Arendt, un mot sur Karin Biro-Thierbach, qui a écrit avec Adam Biro "Toi et moi, je t'accompagne : entre Königsberg et Kaliningrad nous cherchons de l'ambre et des racines" (2007), un album photos de la ville où Hannah Arendt et l'autre philosophe célèbre, Emmanuel Kant (1724-1804) ont vécu. Elle a aussi le grand mérite d'avoir publié les poèmes d'Hannah Arendt dans un ouvrage intitulé : "Heureux celui qui n'a pas de patrie" en 2015.

C'est au cours de la même année, 2015, que l'auteure a découvert aux archives de la "New School Library" de New York et à la bibliothèque du Congrès américain les manuscrits mentionnés ci-dessus, qui grâce à elle sont publiés pour la toute première fois.



"Notre enfant" ("Unser Kind") est une sorte de journal que Martha Arendt-Cohn a écrit depuis la naissance de sa fille, Johanna (son prénom de baptême), à Hanovre le 14 octobre 1906 jusqu'en 1916. Un document étrange qui ressemble presque à un rapport de la santé du bébé Hannah. Pas littéraire du tout, plutôt "clinique", mais qui témoigne des soins attentifs d'une mère et d'un père - car il y a aussi quelques annotations de Paul Arendt - pour le bien-être de leur fille.

Martha, qui a étudié le Français et la musique à Paris pendant 3 ans, suivait de près les méthodes nouvelles d'éducation et a favorisé chez sa fille "un épanouissement de la personnalité, servie par un esprit essentiellement libre et critique". Paul, un ingénieur diplômé et "érudit amateur" ("Amateur-Gelehrter") était un introverti qui adorait la lecture et s'était constitué une belle bibliothèque, qui faisait le bonheur de sa petite Hannah. La future philosophe a donc profité de solides atouts depuis sa petite enfance.



Ce beau tableau avait aussi un revers. En 1909, la vie a basculé pour le couple : c'est le retour des symptômes de la syphilis chez Paul, que lui et Martha croyaient guérie. La petite Hannah s'occupait de son père alité "comme une vraie petite mère", jusqu'à sa mort en 1913. La môme avait 7 ans et déclarait à sa mère : "Tu sais, maman, ça arrive à beaucoup de femmes". Martha pensait que sa fille n'était pas affectée par ce drame. Pourtant lorsque des années plus tard sa mère s'est remariée, Hannah n'a jamais accepté son beau-père, ni ses 2 belles-soeurs d'ailleurs.



Dans le carnet de Martha nous faisons connaissance avec un enfant super-intelligent, qui "comprend tout immédiatement et ratrape sans tarder toute lacune éventuelle". Une gamine qui avait des moments de mélancolie, mais en même temps un "immense appétit de vivre", qui lisait beaucoup, inventait ses propres histoires et en faisait des petites pièces de théâtre avec ses marionnettes. Elle aimait aussi chanter, mais à la consternation de Martha, une pianiste qui donnait parfois des concerts, ....sa fille chantait "beaucoup, avec passion, et complètement faux" !



Les textes de jeunesse d'Hannah Arendt ont été écrits, probablement en 1938-1939, à Paris, où elle s'était réfugiée en 1933 après l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Ils reflètent l'angoisse de nombreux réfugiés venus d'Allemagne dans la Ville Lumière à l'approche de la guerre. "La porte" et "À travers le mur" font penser à Franz Kafka. "Le poids ôté du coeur", par contre se réfère au mythe de Sisyphe, qui inspirera le Nobel français, Albert Camus, 3 à 4 ans plus tard à son superbe essai de 1942. C'est aussi à Paris pendant ces annees qu'Hannah Arendt publia son ouvrage biographique de "Rahel Varnhagen. la vie d'une Juive allemande à l'époque du romantisme", que j'ai chroniqué ici le 11 juillet 2017.



"Les sages animaux" est à la fois fable, conte et récit. L'histoire d'une petite fille qui "parvient à exaucer son voeu le plus cher : trouver l'amour... et ouvrir ainsi l'horizon sur la promesse d'un monde apaisé et harmonieux". Parmi les nombreuses lectures de son adolescence qui lui ont inspiré ce texte, il convient de citer Karen Blixen, célèbre pour son "La Ferme africaine" , qui fut pour elle une véritable révélation, à ce point même que ce fut l'écrivaine danoise qui l'a incité à écrire de la poésie.



La postface de Karin Biro-Thierbach est tout simplement exemplaire, puisqu'un portrait très vivant est brossé de ce grand esprit qu'a été après tout Hannah Arendt. Pas l'auteure d'ouvrages tels, "La crise de la culture", "Les origines du totalitarisme ", "La condition de l'homme moderne" etc., mais une Hannah comme gamine rebelle, brillante étudiante, entre autres de Karl Jaspers, amoureuse de son prof. Martin Heidegger et de son 2e mari, Heinrich Blücher, qu'elle épousa en 1940 à Paris et avec qui elle est partie aux États-Unis, et restee jusqu'à sa mort en 1970, 5 ans avant son propre décès, le 4 décembre 1975 à New York, devant sa machine à écrire.



Je peux vous recommander le film franco-allemand, qui comme titre porte son nom, et a été réalisé par Margarethe von Trotta, en 2013, avec une très convaincante Barbara Sukowa dans le rôle d'Hannah Arendt. le film commence en 1961 à Jérusalem, où Hannah est venue comme journaliste suivre le procès d'Adolf Eichmann. Ce procès résultera dans son fameux best-seller "Eichmann à Jérusalem - Rapport sur la banalité du mal".

Comme livres biographiques de qualité, il y a celui d'Elisabeth Young-Bruehl et celui de Julia Kristeva "Le génie féminin, tome 1 : Hannah Arendt " de 2003.

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À travers le mur - Notre enfant

Les Éditions Payot publient deux ouvrages contenant des textes inédits en français de Hannah Arendt. Des documents très marginaux au regard de son œuvre.
Lien : https://www.la-croix.com/Cul..
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À travers le mur - Notre enfant

Ce livre se compose de quatre œuvres de cette grande philosophe, du carnet de bord de son enfance écrit par sa mère, Martha Arendt et de sa biographie par celle qui a découvert le carnet du récit de ses premiers jours jusqu'à l'âge de douze ans, Karin Biro.

Les deux biographies nous permettent de mieux connaître cette femme à l'intelligence aiguë, son profond attachement à sa mère renforcé par les circonstances de la vie et de l'Histoire, ses relations avec les hommes qui comptèrent pour elle et, pour certains, changèrent sa vision du monde.

Le conte, "Les sages animaux", m'a paru enfantin ; en réalité, il est rempli de symboles, tout comme les trois paraboles suivantes, écrites lors d'une période sombre de l'Histoire et d'un changement dans sa vie amoureuse.
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Auschwitz et Jérusalem

Que faire en 1941 en tant que réfugiée juive sur le sol Américain ? … Hanna Arendt tâte le terrain, il ne semble pas y avoir des tonnes d'options.



1941 : « L'armée juive, le début d'une politique juive ? ».

Elle justifie l'armée juive avec une maxime qui ne peut laisser indifférent.*

1943 : « La question judéo-arabe peut-elle être résolue ? ».

Elle hésite sur l'option d'un État binational ; option qu'elle estime « suicidaire » en 1944.





Bref, l'auteure n'est qu'au début de son aventure en matière de théories politiques, et on commence à la découvrir.



Mais imaginons qu'on s'arrête là, comme par exemple à l'école, où on s'arrête habituellement sur quelques textes à portée universelle de Hanna Arendt.



Que serait en effet un État incapable de protéger ses minorités ? (l'État Anglais, Français,…)

Que serait un État qui ne serait pas un État de droit ?

Faut-il se faire justice soi-même et revenir à la loi du Talion ?



Dans sa maxime sur la lutte armée, Hanna Arendt pose en creux ces anciennes questions.

Et maintenant, quel effet ça ferait si chacun.e, chaque minorité, s'emparait sérieusement de cette maxime pour son propre compte ?



* La voici :



« le peuple juif commence pour la première fois à découvrir une vérité qu'il ignorait jusqu'à présent, à savoir qu'on ne peut se défendre qu'en qualité de ce au nom de quoi on a été attaqué.

Un homme qui a été attaqué en tant que Juif ne peut pas se défendre en tant qu'Anglais ou que Français, sinon le monde entier en conclura tout simplement qu'il ne se défend même pas ».

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Condition de l'homme moderne

Travailler ?

Œuvrer ?

Agir ?

Contempler ?



Que nous reste-t-il ?



Fin de la Politique !

Dictature de l'économie monstrueuse !



Hannah nous avait avertis il y a déjà 50 ans !

Dépêchez-vous de la lire !

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Condition de l'homme moderne

Merci
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Condition de l'homme moderne

Ce livre est compliqué. Inutile de se le cacher, à moins que vous soyez déjà très avancés en philosophie, cet essai risque de vous ennuyer. Je n’ai commencé à l’apprécier qu’à ma troisième lecture, et je le déconseille à quiconque n’a pas lu Luc Ferry et Yuval Noah Harari, qui sont d’excellentes introductions à toutes les œuvres philosophiques. Alors pourquoi recommander un livre aussi difficile d’accès ? Parce qu’il offre un point de vue très intéressant sur la société actuelle, que je m’efforcerai de vous expliquer en le résumant grossièrement.



Arendt divise l’activité humaine en trois catégories : le labeur, la fabrication et l’action. Le labeur, ce sont toutes les activités répétitives accomplies par l’être humain, dans le seul but de gagner de quoi se nourrir, nourriture que l’homme pourra ensuite consommer pour continuer à travailler. C’est un cercle de type travail à la chaîne, qui demande davantage de répétition que de réflexion.

La fabrication est une ligne droite. C’est une création, avec un début et une fin : de l’idée de l’objet que l’on veut créer, jusqu’à son achèvement concret. Ce sont toutes les activités artisanales et artistiques, qui modifient le monde pour se l’approprier.

Enfin, l’action (ma préférée). Elle est à l’image des affaires humaines : imprévisible et incontrôlable. Explication par l’exemple : impossible de prévoir que le diktat de Versailles en 1918 entraînerait la Seconde Guerre Mondiale suite à la crise de 1930, laquelle mènerait à la Guerre Froide… L’Histoire est une longue suite d’actions aux conséquences improbables. Et, idée que je trouve merveilleuse, chaque enfant porte en lui une série d’actions qui démultiplient les possibilités de l’espèce humaine.



Alors pourquoi lire Condition de l’homme moderne ? Parce qu’il permet de mieux comprendre les notions fondamentales de travail et de politique. D’un côté le travail, qui mélange la routine dénuée de sens à la créativité. De l’autre la politique sans action, parce que nos politiciens sont d’abord des salariés. Au milieu de tout cela, la promesse et le pardon, qui donnent foi en l’avenir, et les naissances, qui renouvellent le monde.



Pauline Deysson - La Bibliothèque
Lien : http://www.paulinedeysson.co..
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Condition de l'homme moderne

C'est le chapitre Travail qui m'a retenu : de l'Antiquité à nos jours, de Platon et Aristote, à Locke, Marx et Friedman,

Arendt renseigne sur la notion de Travail vs Œuvre en différenciant le travail servile qui justifie l'esclavage et le travail civique des citoyens éclairés au service de l'ancienne Cité.

Les différentes notions sont clairement exposées : travail jeu, passe temps, corvée, travail qualifié et non qualifié, productif et improductif, ce qui oppose 'l' animal laborans » de Marx à « l'homo faber » dont les œuvres ou chefs d’œuvre, échappant au cycle de la nature et de la nécessité, sont appelés à « durer ».

On y passe en revue les notions de « valeur », de bonheur, de propriété. Travailleurs ou consommateurs, parfois les deux...

Cette lecture éclairante permet au lecteur de poser les questions qui lui viennent à l'esprit, et qui seront abordées dans les chapitres suivants, l’Oeuvre et l'Action, avant de proposer des choix pour l'âge moderne.

Préface de Paul Ricoeur.
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Condition de l'homme moderne

Lire la Condition de l'homme moderne fut, pour le non-philosophe que je suis, comme gravir une montagne.



La densité des idées, les disgressions fréquentes (elles n'en sont pas vraiment bien sûr, mais elles y ressemblent pour les profanes), le niveau d'abstraction parfois à la limite de l'hermétique (l'image du point d'Archimède développée dans la dernière partie, par exemple, qui devrait aider à la compréhension, semble l'obscurcir à la longue tant elle est tournée en tous sens par l'auteure), rendent la lecture ardue, pour dire le moins. Il m'a fallu du courage, du calme, et de l'abnégation pour en venir à bout (j'avais d'abord abandonné la lecture au tiers, je l'ai reprise un an plus tard).



Quand d'aventure on surmonte ces écueils, Hannah Arendt nous offre de nombreuses illuminations, des morceaux de pensée d'une profondeur remarquable à propos de la modernité et de ce que sont l'homme, le travail, la vie modernes. Les mises en perspective avec les traditions romaines et grecques, à l'image du livre entier, sont parfois difficiles à saisir, très référencées, mais éclairent aussi parfois, merveilleusement, le propos.



À lire donc, quand on est motivé et que l'on sait à quoi s'attendre. Et à relire surtout, car je ne doute pas que beaucoup d'éléments n'apparaîtront qu'après des lectures répétées. Mais pas tout de suite. Pour l'instant, je me repose et je digère...



P.S: petit coup de gueule aux éditions Pocket qui ont laissé un grand nombre de notes de bas de page en allemand non traduit. Il m'a semblé que le propos était suffisamment exigeant comme cela, apparemment pas assez pour les éditeurs !
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Condition de l'homme moderne

Lire ces lives pour comprendre notre monde ou au moins mourir instruit.

Le livre traite de la condition humaine, domaine public domaine privé, le travail, à travers le social et son aspect économique et politique.

N'oublions pas son approche philosophique et son analyse reconnue par le monde entier.
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Condition de l'homme moderne

Essai d'anthropologie philosophique traduit en français en 1961.



L'homme a assuré sa domination sur la terre, il est en passe de maîtriser la nature, il a entamé la conquête de l'espace, mais jamais il n'échappera à la condition humaine.



La condition de l'homme moderne, en rupture avec celle des Grecs, est celle du travail, du labeur. Comment renouer avec l'idéal politique d'une action pure mise en accord avec la parole qui l'accompagne ?



Nostalgie ou révolution ?
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Condition de l'homme moderne

Ce livre m'a mis face à des idées inconnues. J'ai été plus marquée par sa façon de présenter l'évolution de la société que sa longue dissertation sur les trois types de "vies", mais j'ai tiré beaucoup de questions et d'idées de son travail. Arendt est réputée pour avoir créée une philosophie politique unique, et son point de vue, soigneusement construit et présenté, pose des éclairages tous particuliers sur les événements que l'on connaît. C'est un ouvrage qui fait réfléchir.
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Condition de l'homme moderne

La véritable identité de notre société actuelle: Qu'est-ce que le "travail" aujourd'hui?
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Condition de l'homme moderne

Le livre s'ouvre par une distinction pédagogique entre vita activa et vita contemplativa, avec cette limite que la seconde ne sera guère abordée en dehors du prologue. Ce prologue nous indique que la vita activa a deux champs d'application, le domaine public et le domaine privé, et trois catégories, le travail, l'œuvre et l'action. Le travail est une activité soumise aux nécessités vitales, dont le produit est aussitôt consommé ; il est le propre de l'animal laborans, producteur de ses propres ressources ; le travail et la consommation sont les deux faces du cycle perpétuel de la vie biologique ; le travail n'a ni début ni fin. L’œuvre est la création d’artefacts durables, que l'on ne consomme pas ; il est le propre de l'homo faber, qui crée un monde façonné par l'homme ; la fabrication a un commencement et une fin précis et prévisibles. L’action, liée à la parole, définit l'homme politique ; elle prend place dans le domaine public ; ses conséquences sont inconnues et illimitées, elles vont au-delà de la portée et de la vie de l'acteur ; l'action peut avoir un commencement défini mais n'a jamais de fin prévisible. On est ici dans le domaine académique, facile à suivre mais pas toujours facile à accepter, en particulier dans la prétendue hiérarchie antique entre le travail, qui définit l’esclave, et l’action, qui définit le citoyen (Laërte, le père d'Ulysse, était roi et cultivait lui-même son potager ; Romulus poussait la charrue, etc.). C’est un reflet non critiqué de la politique antidémocratique d’Aristote.



Le titre original du livre est « The human condition », auquel l’éditeur a ajouté le qualificatif de « moderne ». Le livre de Malraux « La condition humaine » (1933) ne permettait certes pas une traduction littérale, mais l'addition de « moderne » est peu adaptée : l’ouvrage se réfère à chaque page à l’antiquité dans le vocabulaire, l’étymologie, l’histoire, les lois et les auteurs (Platon, Aristote, le droit romain, les évangiles ou saint Augustin) ; il n’aborde l’âge moderne que dans son dernier chapitre p 315. Le seul auteur moderne largement cité est Karl Marx, sur un ton sévèrement critique : L'attitude de Marx à l'égard du travail, c'est-à-dire à l'égard de l'objet central de sa réflexion, a toujours été équivoque. Alors que le travail est une "nécessité éternelle imposée par la nature", le plus humaine et la plus productive des activités, la révolution selon Marx n'est pas pour tâche d'émanciper les classes laborieuses, mais d'émanciper l'homme, de le délivrer du travail ; il faudra que le travail soit aboli pour que "le domaine de la liberté" supplante "le domaine de la nécessité ". […] Des contradictions aussi fondamentales, aussi flagrantes sont rares chez les écrivains médiocres ; sous la plume des grands auteurs elles conduisent au centre même de l’œuvre (P 151).



Le style est souvent péremptoire, parfois exalté (le Spoutnik p 33, la Nativité p 314), avec des incises nombreuses, stimulantes mais souvent peu justifiées dans leur contexte et peu convaincantes :

L'amour, à la différence de l'amitié, meurt ou plutôt s’éteint, dès qu'on en fait étalage (p 91). L’amour, phénomène très rare, il est vrai, dans la vie humaine (p 308)

La bonté doit absolument, sous peine de mort, se dissimuler, fuir l'apparence (p 118)

Le bien, en tant que mode de vie cohérent, n’est pas seulement impossible dans les bornes du domaine public, il est l’ennemi mortel de ce domaine (p 119)

La joie de vivre, qui est celle du travail, ne se trouvera jamais dans l’œuvre : elle ne saurait se confondre avec le soulagement, la joie inévitablement brève, qui suivent l'accomplissement et accompagnent la réussite (page 154).

Avant les temps modernes qui commencèrent par l'expropriation des pauvres et s’occupèrent ensuite d'émanciper les nouvelles classes sans propriété, toutes les civilisations reposaient sur le caractère sacré de la propriété privée (p 102)

Ce n'est pas le principe de la machine à vapeur qui était nouveau mais plutôt la découverte et l'emploi des mines de houille pour l'alimenter (p 200)

La longue préface de Paul Ricœur est pour moitié consacrée à l’ouvrage fameux de HA sur Les origines du totalitarisme ; elle défend comme elle peut les énigmes, paradoxes et apparentes contradictions du présent ouvrage. La quatrième de couverture n’a guère de relation avec son contenu.

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Condition de l'homme moderne

Cet essai de philosophie anthropologique comme le suggère Paul Ricoeur dans la belle préface de l'édition Pocket (2004) exige bien entendu une lecture studieuse, surtout pour les cerveaux lents comme le mien. On navigue en pleine théorie, on parcours l'histoire de la philosophie, de la Grèce ancienne à l'Occident de l'époque moderne, de Platon à Marx en passant par Saint-Augustin et Locke. Ecrit dans la période de forte expansion économique de l'après-guerre et dans un contexte de surenchère atomique entre les deux puissances de la guerre froide, Hannah Arendt s'interroge sur les principes et les valeurs qui ont guidés les hommes d'hier et d'aujourd'hui, les écarts et les ruptures idéologiques et culturelles. On a parfois l'impression d'enfoncer des portes ouvertes comme: ce qui nous meut est le principe de vie et de génération... mais le cheminement est si érudit et intelligent que l'effort produit ne semble pas vain.
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Condition de l'homme moderne

Je suis mitigé en ce qui concerne ce livre.

En effet, si le travail d'Hannah Arendt sur l'histoire des modes de pensée qu'elle analyse en profondeur est des plus intéressants, la réflexion sur l'homme moderne et sa condition, elle, laisse à désirer…

Le problème de ce livre réside dans le fait qu'Hannah Arendt consacre l'énorme majorité de ce livre à nous parler, justement, de l'histoire des pensées. Or, du coup, les parties concernant l'homme moderne et sa condition, souffre ( selon moi ) d'un manque de développement. Il y a là beaucoup d'affirmations, des pistes intéressantes, mais aucun travail complet, vraiment construit.

Pourtant, cet ouvrage n'en reste pas moins des plus intéressants, et Hannah Arendt donne des réponses intéressantes à une question cruciale : comment l'homme a-t-il évolué à travers les siècles ? C'est là qu'Hannah Arendt nous propose une formidable étude des modes de pensée en place, durant les siècles précédents et des changements qui sont cause des modifications de ces modes de pensée.

C'est quand même dommage que cet intéressant ouvarge n'ait pas entièrement tenu ses promesses d'autant plus qu'il est loin d'être inintéressant.
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Condition de l'homme moderne

Dans cet essai de philosophie anthropologie, Hannah Arendt nous introduit à sa théorie. Ecrit dans la période de forte expansion économique de l'après-guerre et dans un contexte de surenchère atomique entre les deux puissances de la guerre froide, Hannah Arendt s'interroge sur les principes et les valeurs qui ont guidés les hommes d'hier et d'aujourd'hui, les écarts et les ruptures idéologiques et culturelles. Dans son exposé, elle nous introduit à l'histoire de la philosophie, de la Grèce ancienne à l'Occident de l'époque moderne, de Platon à Marx en passant par Saint-Augustin et Locke. C’est ainsi un ouvrage très riche, qui demande un grand investissement mental mais dont on ressort avec de nouvelles connaissances autant de par sa théorie philosophique que pour son histoire de la philosophie.
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