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Critiques de Henri Calet (55)
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La belle lurette

Débuter sa carrière d'écrivain dans l'écurie Gallimard, pouvait laisser quelques espoirs légitimes à Henri Calet. En 1935, parution de cette belle lurette, figuraient au catalogue Gallimard plusieurs oeuvres d'Eugène Dabit, mais aussi Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin, Hans Fallada, Panaït Istrati, George Orwell.

Il se trouvait en bonne compagnie.

D'autant qu'il était un parfait inconnu du milieu littéraire.

Après avoir dérobé une forte somme dans la caisse de son entreprise, contraint de fuir en Uruguay pour se faire oublier de la justice française, il revenait en France clandestinement avec bien peu de ressources.

La belle lurette c'est un récit autobiographique de toute la période avant son escroquerie.

Ses parents ouvriers avec la misère qui va avec. Son séjour dans un sana de Berck-plage pour améliorer sa santé. Puis viens la Première Guerre mondiale vue par les civils devenus des réfugiés.

Les combines pour survivre pendant et après. Choisir entre se faire exploiter dans des entreprises sordides pour engraisser le bourgeois, ou commettre de petits larcins qui ne rapportent jamais beaucoup mais qui entrainent des risques énormes.

Henri Calet n'écrit pas des bluettes. Il appelle un chat un chat et les choses du sexe n'échappent pas à son franc-parler.

Cela apparaît superbement moderne en 2015. Sans doute qu'à son époque les milieux conservateurs devaient l'abhorrer.

Découvrez cet auteur français anarchisant qui nous évite ce ronron littéraire consensuel.
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La belle lurette

Premier livre que je lis de Henri Calet. Dans « La belle lurette », livre largement autobiographique, comme le souligne Francis Ponge en quatrième de couverture, l'auteur y dévoile sa vie de sa naissance à l'âge adulte. A part quelques moments agréables, sa vie ne fut pas ce que l'on peut qualifier de vraiment heureuse. Il côtoie très souvent la misère, sa mère très tôt maltraitée par son père alcoolique, la séparation, la vie avec sa mère, la guerre de 14-18, leur départ pour la Belgique, le retour à Paris, ses premiers amis et amies. Il lui a fallu une sacré dose de résilience pour surmonter tous les obstacles que la vie a dressé devant lui. Calet écrit dans une langue gouailleuse, imagée et très riche Les phrases sont percutantes, les chapitres sont courts. Toutes les turpitudes nous sont décrites. Rien n'est épargné au lecteur, pour son plus grand plaisir. Ce livre, écrit en 1935, est à redécouvrir de toute urgence.
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Poussières de la route

C'est tout en douceur et légèreté, comme à "l'orée un peu ombreuse des dimanches", que Henri Calet nous raconte ses voyages, ses flâneries, ses rencontres avec un zest de mélancolie, beaucoup de tendresse et un regard attentif qui s'accorde avec un sourire parfois narquois.
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La belle lurette

Voila une belle écriture , moderne pour son époque ( début XXeme ) et pleine de rythme et de belles images...une histoire de cet époque, émaillée de guerre, de moments difficiles mais aussi d'apprentissage d'enfant, d'adolescent puis de jeune adulte....bien plaisant pour un achat d'intuition chez un bouquiniste!
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Le tout sur le tout

La question de la postérité en littérature est souvent un mystère. Qu'est-ce qui fait passer un auteur à succès de son époque à la notoriété par delà sa mort, 50 ou 100 ans plus tard ?

Elle se pose pour Henri Calet. Qui pourrait encore citer son nom quand on demande un auteur français du début du XXème siècle ? Et pourtant, Calet eut son petit succès à son époque.

Au delà de ces questions, reste à juger sur pièces. Et je ne peux que recommander sa lecture, en tout cas celle de ce livre, apparemment grandement autobiographique.



Calet a un style à l'économie, mais diablement efficace. Il sait mêler une certaine poésie de la modernité, évoque son Paris de façon admirable et sait nous rendre son époque. Il ne peut se départir d'une certaine désillusion , mais comment pourrait-il en être autrement quand on a vécu deux guerres mondiales alors qu'on a à peine atteint la quarantaine ? Calet sait distiller un humour ironique percutant et des phrases empreints d'une philosophie de la vie fortement influencée par ces épreuves traversées.



Un auteur vraiment à (re)découvrir. La postérité met parfois du temps à se déclarer alors pourquoi pas contribuer à une nouvelle naissance pour cet auteur talentueux.



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Contre l'oubli

Recueil posthume de chroniques journalistiques dont Henri Calet avait choisi le titre mais qu'il n'a eu ni le temps ni le loisir de revoir ou corriger avant sa mort survenue brutalement le 14 juillet 1956. Publiées à l'origine entre 1944 et 1948 dans divers journaux (Combat, Terre des Hommes, le Clou, France Soir ou Hommes et Monde etc.) et introduites par Pascal Pia*. S'il existe un style de l'auteur c'est bien celui que Pia reconnaît en priorité à Henri Calet dans la vie qu'il faudrait rechercher ici (un certain esprit doux-amer) tant il y transparaît. Lisons. Ce n'est pas exactement le vent de la paix encore moins celui de l'optimisme qui souffle sur ces chroniques en demi-teinte de l'immédiat après-guerre que l'auteur a voulu laisser à la mémoire. L'heure y est encore aux craintes (une dernière offensive allemande en décembre 1944) et aux privations ; on compte les portions, le lait manque et les radiateurs sont froids ; des enfants vagabonds dorment sur les marches du métro à Paris ; on se désespère de ne pas pouvoir encore trop espérer, on lit des lettres en attendant le retour des prisonniers, on écoute la radio ; on parle surtout beaucoup, à l'imparfait, de morts et d'amis disparus ; A noël 1944 a lieu La semaine nationale de l'absent (« Un grand bruit de souliers … » Combat, 18 décembre 1944). L'antisémitisme et la xénophobie perdurent, Combat se fait l'écho de lettres anonymes ignominieuses. Une condamnation par un conseil de guerre américain de plusieurs GI pour vol et trafic de cigarettes fait grand bruit par sa disproportion et mobilise le soutien des lecteurs du journal (« A propos de cette cigarette américaine » - Combat, 26 janvier 1945). Le fantôme de Berlin bombardée surgit, Calet y a vécu quelques temps en 1932 ; la guerre a déménagé ses horreurs ainsi qu'il l'écrit. Le 1er mai 1945 il est à la Bastille et le même mois il rend compte du retour des survivants des camps (« Hôtel Lutetia », mai 1945) alors que se profile une nouvelle apocalypse : la bombe atomique.



Rien de vraiment anodin – excepté peut-être une visite au musée Grévin ou au jardin d'acclimatation –, dans ce pêle-mêle où l'entrée en matière pourrait effaroucher une cervelle sensible : « Je vous amène Couillard... » (Combat, 13 octobre 1944). Voilà simplement pointée, avant son atmosphère, la vraie nature de la période : « Vous verrez Couillard (Emile), […] Il a maigri, ses cheveux sont blanchis. Et puis, on ne comprend pas bien quand il parle. Une balle lui a brisé la mâchoire. Il a comme un accent. Une autre balle lui a traversé le cou de part en part, près de la carotide. Une autre balle lui a crevé l'oeil droit… Cinq balles en tout dans la tête. Bien visé, Milicien ! » Au milieu des autres chroniques, Couillard reparaît parmi les vivants plusieurs fois, entre deux chirurgies et paré de toutes ses médailles, pour quelques visites à l'indéfectible ami journaliste. Pages courtes et très fortes, mots crus, de ceux qu'on retient. Couillard et Barnabé qui a perdu lui aussi une tranche de figure côté droit (« Héros en visite » - Terre des Hommes, 6 octobre 1945) ou, un peu plus loin, avec Caillet et Doublet, pas mieux lotis (« L'histoire de France à domicile » - Terre des Hommes, 15 décembre 1945)… le reportage en quatre chroniques à la prison de Fresnes est assez bouleversant et finit par donner sens et intention à un ensemble qui porte bien son titre. Calet relève les graffitis sur les murs de chaque cellule et recense quand il peut les noms et les adresses gravés des détenu(e)s. Il part ensuite sur leurs traces en petite et grande banlieue en quête des rescapés de la tragédie. Tout(e)s ont été torturé(e)s, fusillé(e)s, déporté(e)s, ou sont porté(e)s disparu(e)s. A l'exception de deux ou trois ("Les survivants de Fresnes" - France-Soir, février 1946 et "Ne les oublions pas encore" - Hommes et Monde, juin 1946). Si la quête semble vaine la lecture ne l'est pas et la fin du recueil est éclairée par un élan de solidarité en direction d'enfants errants auxquels Calet s'est attaché et qui ont pu être recueillis dans un foyer de Montreuil (« De bonnes nouvelles de Montreuil » - Combat, 23 septembre 1947).





* Pascal Pia dirigea Combat, d'abord journal clandestin, de 1943 à 1947.









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La belle lurette

Le narrateur (Henri) est né en 1900, il nous raconte son histoire, une histoire du XXème siècle, celui qui commence par la grande guerre.

Forcément, la grande guerre, ça marque. Ca vous imprime les choses différemment. Ca vous les fait sortir par tous les orifices.



La 4ème de couverture est rédigée par Francis Ponge, il voit chez Calet, l'influence de Charles-Louis Philippe ou d'Eugène Dabit, soit, mais in fine de Céline aussi, et c'est vrai, on y pense à longueur de lignes.

Peut-être à cause du contexte, de Paris, du décor, de l'histoire, des mêmes tromperies toujours répétées, peut-être les personnages à moitié fini, défaits par la vie avant même d'y entrer.

La différence, c'est que là où le héros célinien met les pieds dans le plat, vitupère et revendique, assassine, Henri, lui est simplement féroce, sans méchanceté, une férocité assumée, pas vindicative ni revancharde pour deux sous.

Et puis chez Calet, il y a une forme d'humour, comment dire dé-Calet (je n'ai pas pu résister), distante, l'humour de celui qui sait, qui subit sans rechigner, qui accepte.

Ce livre est attachant, d'une tristesse réaliste, sans optimisme, car on ne peut se permettre le luxe d'en avoir, sans pessimisme, car c'est un luxe hors de portée.

On peut pleurer ou rire, se moquer ou dédaigner, cela ne changera rien à la trajectoire de vie de ceux qui passent dans les pages de ce roman.



«Le chômage et les cris dans la crise, ce n'est plus la belle lurette»



Henri est le résultat de l'accouplement d'une fille Toubide et d'un rejeton Vertebranche.

Sophie Toubide, «fruit d'une union provinciale et bien pensante», «sortit scandaleusement de de ce monde, dans sa seizième année»

Abandonnée par l'anarchiste quadragénaire qui lui fait un première enfant, Césarine, elle se lance à corps perdu dans l'apostolat anarchiste. «Il fallait coucher beaucoup» conclut Henri.

Les parents de Sophie : «plongèrent dans la consternation», «et on les vit se laisser aller à leurs inclinations naturelles : pour elle, la broderie, pour lui le jeu de boules.»

Sophie connaitra la prison malgré le juge d'instruction «qui en la pelotant un peu, affirmait que tout s'arrangerait...»

Vertebranche, une queue de race qui a mal tourné, à vingt ans, «était alors clochard, vermineux et en état de désertion»



La grand-mère Vertebranche, reçue en son jeune temps à la cour de l'impératrice Eugénie, parle d'Henri en ces termes :

Ah ! c'est le petit scélérat.

Du gibier de potence comme son père.

Tout a dérapé avec la grande Tante Marguerite, devenue par nécessité, femme de ménage d'un chef de gare, puis avec Aurélien condamné à vingt ans de travaux forcés, enfin avec Félix l'instituteur indigne, et Théo le cocher d'omnibus.



Le père d'Henri a connu la Petite Roquette, encore prison pour enfants, a vécu chez Fradin aux Halles, :

«ou on passait la nuit pour trois sous».

«Plus on montait (dans les étages) plus ça puait.»

«Il fit des séjours trop brefs à l'hôpital, le temps de s'épouiller, et des séjours trop long à la Santé (prison).»

De cette famille dégénérée Henri hérite de son grand père :

« Il laissait en plus, grand-papa, une vérole, qui le plus naturellement du monde, devait plus tard me revenir. Ce n'est pas un reproche.»

«C'était dans mes os, la manifestation de la syphilis ancestrale.»

«le passé ne passait pas»



La petite enfance de Henri fut heureuse, du moins c'est ce qu'il croit :

Gardons-le ! dit mon père qui coutumièrement décrétait «à l'égout !»

Le lait blanc, en jet, du corps de ma mère t qui chatouille le gosier

Je rigolais ma vie.

Une gestation exceptionnellement tranquille dans les entrailles exubérantes de ma mère.



Mais le monde du dehors est moins tendre, il y rencontre dans l'impasse où habite ses parents, qu'il quittera « à la cloche de bois silencieuse» :

...des échoppes....où prospérait un bas commerce.

Des petits métiers désespérés.

Les putains pâles, en cheveux, qui répétaient des invites dans le courant d'air...

Les ivrognes qui venaient, en chantant, pisser sur la nuit...



Commence alors la vie avec son père, et les journées de galère, il n'a que trois ans :

«... il avait participé à l'agitation de rues dans les jours de «l'Affaire». du bon côté naturellement.»

«Avec moi, avec son allure intéressante de type qui ne fera pas de vieux os, il appâtait. »

La maman, elle, reste à la maison à fabriquer de la fausse monnaie.



Dieu :

Faites, Ô mon Dieu, que papa et maman vivent longtemps et n'aillent jamais en prison à cause de la fausse monnaie;.



Jusqu'à ce que ce fragile équilibre se rompe, lorsque le père les quitte avec Louise, sa belle-fille âgée de dix-sept-ans :

- Mais à cette vie agréable et réglée, mon père préféra la rigolade.

- Ma mère recevait des coups durs dans sa belle figure.

- J'étais devenu l'enfant-martyr du quartier.



La vie avec la mère s'organise, elle est tireuse de cartes :

- Elle pratiquait l'amour maternel sans illusions et puis, j'étais dans l'âge ingrat, moi.

Posez une question mentalement et pensez fortement disait ma mère à la Bretonne.

Oh ! ma pauvre, vous avez les trois sept !.....Les trois sept, c'est la grossesse immanquablement.

Elle est faiseuse d'anges, à l'occasion :

Ce sont des dames qui ont mal au ventre.

Maman mettait la main à la pâte de la chair rouge des ventres.

La vie était difficile ; nous ne décrochions un avortement que par ci par là.

«Mes belles histoires je les faisais moi-même, Maman n'avait pas le temps»



Elle rencontre un Antoine malgré ses quarante ans :

A quarante ans, elle avait faim de la vie. de potelée elle devenait pansue.

La verte lui dévorait l'intérieur. Encore un qui n'arrivait pas à digérer la merde de tous les jours et c'est ce qui lui donnait cet air écrasé. Il était des nôtres.

Il fabriquait son avenir jour après jour



La guerre les trouve en Belgique, la patrie d'Antoine, où ils se réfugient chez tante Adèle une tenancière de maison.

L'estaminet «A la Rose», plus communément dénommé, par les flandrins du lieu «La cage à putains»

On baisait dans la cuisine, on vomissait dans la courette et la tante aux grosses fesses planait sur tout cela.



Les gueules cassées :

-Ils tapaient dans le vide de leurs ablations en disant : «J'ai laissé ça à Verdun»

Au lycée Charlemagne :

J'avais des boutons et un grand dégout pour l'humanité toute entière.



Quand son père et sa mère se retrouvent :

Je me mis à sécréter de la haine, ce qui m'était facile, et essayais de les séparer, de mettre entre eux la zizanie.

Il joua des cheveux blancs et je me décidai à réviser les jugements sévères du tribunal de ma conscience.

A la maison, mon père est entré dans une colère si grande que je ne l'en vis pas ressortir.



Il retrouve Antoine, l'amant belge de sa mère :

Plus fort que la vérité : les quatre vérités.

L'échelle sociale : il la descendait.

Je suis entre parenthèses de cette génération de français qui a encore du Pernod dans les veines.



Il travaille, reste seul jusqu'à ce qu'il rencontre Juliette

L'onanisme est un plaisir vraiment gratuit. le vrai plaisir des solitaires et des pauvres.

Elle était rentré dans le monde au bout d'un forceps.

Je l'appelais pourtant mon bel ange blond car je n'avais pas la pauvreté dans la bouche.

Les jeunes gens, mes collègues en viande fraîche pour guerre prochaine, s'envoyaient les colonnes de performances sportives de leurs journaux multicolores.



Les odeurs qui accompagnent Henri :

Tout ce qui ne sentait pas bon, m'était bon.

A la longue nos émotions devenaient malodorantes. L'atmosphère se chargeait de senteurs ; fortes entre toutes étaient celles des mégots écrasés, des aisselles et des entre-jambes.

Une blague qui n'est pas merdeuse n'est pas une bonne blague.

Les pieds dans l'urine, je rendais la marchandise acidulée du père Jules et celle, de qualité inférieure, de madame Julot.

Moi j'avais fait cette double remarque que ça sentait mauvais et que c'était gluant entre les jambes de la petite Germaine.

Je suivais l'évolution tumultueuse des diarrhées, ou celle, soupirante, des constipations, jusqu'au froissement du papier de soie annonciateur du dénouement....



Les paysages :

Un pioupiou en sentinelle, l'arme au pied, laissait passer par dessus son képi les nuages gris ourlés de rose qui, en bandes, quittaient la terre pour s'en aller sur l'eau.

Soirs : une grosse lune montait très vite pour faire une clarté rousse. Signal. Et, toutes ensemble, les barques rentraient l'avant retroussé et les focs triangulaires d'ocre pâli pointés vers le phare massif du cap.

L'herbe, tout doucement, écartait les pavés des chaussées où ne circulait qu'un charroi rare de boeufs et de vaches au pis desséché, d'allure nonchalante et archaïque.



Les personnages :

Il roulait les r depuis un bourg sec, écrasé et noirâtre du Massif Central, jusqu'en cette banlieue parisienne.

On voyait qu'il se faisait mal à remuer ainsi le fer dans la plaie de l'argent.

Il parlait du faux col, car il n'avait pas du tout de menton.

Dans ce concierge, c'était un va et vient glaireux.

Monsieur Tocsin, l'unique professeur était un ténor léger.



Avant de nous quitter, Calet écrivait cette phrase, reprise par Raymond Devos dans son sketch «le vent de la révolte» et par Miossec dans sa chanson «La facture d'électricité» :



« C'est sur la peau de mon coeur que l'on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent. Faites comme si je n'étais pas là. Ma voix ne porte plus très loin. Mourir sans savoir ce qu'est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà ? Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. »
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Trente à quarante

« Comme les autres, Jean-Marie-le-Breton descendouillait vers la rue des bars et des petits bordels…

… un bar, un bordel

… un bordel, un bar

en se grattant le fond vague du pantalon trop court, tandis que le veston tombait à mi-cuisses, autant dire bien trop bas.



Depuis quelques années notre compatriote faisait l’épave du port. On ne fait pas ce que l’on veut ; le plus souvent on ne veut rien ; il faut de tout pour former un bas monde, et ce Jean-Marie là était du bois pourri dont on fait les épaves. »

(Nouvelle « America »).



Ce recueil de nouvelles écrites par Henri Calet entre ses trente et quarante ans, d’où le titre, n’est pas pour les mauviettes. C’est même un véritable catalogue d’horreurs diverses et variées : alcoolisme, maladies purulentes, vomissures, agonie, suicides, incestes, violences. Le tout est transcendé par un style factuel mais puissant. Ce qui, à vrai dire, n’adoucit pas les arêtes des tranches de vie saisissantes exposées dans ces textes, qui n’ont rien perdu de leur force.



Jacques Chessex, dans une postface éclairante, resitue l’œuvre d’Henri Calet dans son époque. Il n’est pas étonnant qu’il se sente des affinités avec lui car ils ont beaucoup en commun, à commencer par un pessimisme radical sur la nature humaine.

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Monsieur Paul

Il y a des livres comme ça, qui vous cueillent sans prévenir. Des auteurs qui vous serrent le coeur immédiatement, et dont certaines phrases, d’une force peu commune, vous accompagneront toute votre vie. Henri Calet est de ceux-là. Discret homme de lettres, distrait et mélancolique (« Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes »), il a attardé son regard sur les petits, les humbles, sur les côtés les moins spectaculaires et les plus touchants de la vie. Avec une lucidité parfois brutale, une poésie un peu cocasse, avec ironie et tendresse, sans complaisance, il écrit les cheminements de son existence sur le ton de la confidence.



Une lecture qui fait l’effet d’un baume d’une infinie douceur
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Monsieur Paul

Henri Calet, ou le désespoir magnifique.



Un grand écrivain, trop méconnu. Lisez-le !
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Monsieur Paul

Ai-je lu le même auteur à propos duquel j’avais vu de belles critiques, ai-je lu le même livre que celui qui a écrit la quatrième de couverture ? Je finis par en douter. Je m’attendais à un livre d’une tristesse poétique, qui saurait faire du sublime avec du quotidien. Non, je n’ai trouvé que du sordide et je n’ai pu me forcer au-delà de la moitié du livre. Quel gâchis pour un auteur que je croyais injustement oublié, mais j’ai maintenant changé d’avis…

Ce livre est une longue lettre qu’un père adresse à son fils qui n’a que quelques mois, pour lui laisser un témoignage sur les conditions de sa venue au monde, en espérant qu’il les lira quand il sera aussi âgé que son père et pourra donc le comprendre. Pris par le démon de midi, ce père a en effet quitté sa femme pour une jeunette qui ne la valait pas, qu’il n’aimait pas et avec qui les relations ont fini par dégénérer au-delà de l’acceptable.

Quelle littérature glauque et sordide que celle où un homme étale ses turpitudes sexuelles à son fils. Cette mise en scène de ces confidences m’a mise mal à l’aise pendant toute ma lecture. Je n’ai rien contre les romans qui décrivent des vies ternes ou des vies ratées, mais pas décrites sans relief et avec une sorte de complaisance qui veut faire croire que c’est la norme et que donc cela excuse tout.

Au vu d’autres avis de lecture, je me dis que je n’ai rien compris à ce livre, qui serait l’un des chefs-d’œuvre de Calet. Si c’est le cas, j’espère que des lecteurs mieux disposés que moi ne se laisseront pas rebuter par ces lignes, mais pour moi c’est suffisant, et c’est un auteur que je préfère oublier.
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Un grand voyage

Il y a toujours eu chez les grands écrivains français une sorte d'admiration pour les destinées hors normes, aventureuses et marginales, crapuleuses et scandaleuses. Par bonheur ces vies tumultueuses ont produit de réels talents de romanciers ou de poètes.

L'admiration n'était ni vaine, ni envieuse.

Francis Carco, José Giovanni, Alphonse Boudard et Henri Calet… Quelles vies incroyables ! Leur réalité dépasse toute fiction.




On suit ici, en Amérique du Sud, un Henri Calet paumé après avoir fauché une fortune dans le coffre de la société pour laquelle il travaillait en France. Son personnage : Germain est tellement transparent qu'il n'est guère difficile de le reconnaître. Il vague pusillanime d'un tapeur à l'autre en laissant filer sa fortune si mal acquise.

C'est désespéré, drôle, amère et sans concession. Misère sur misère, folie sur folie, déchéance sur déchéance, la vie fuit jusqu'à son issue égalitaire. Bourré de personnages déjantés, c'est tout un monde de proscrits, aventuriers de tous poils, proxénètes et putes, révolutionnaires et soudards que le talent d'Henri Calet fait renaître sous nos yeux.
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La belle lurette

Dire que cette autofiction avant l'heure a été écrite en 1935 ! La seule comparaison qui m'est venue à l'esprit c'est le Céline de "Mort à crédit", mais un Céline moins amer, qui n'en finit pas d'être blessé sans se plaindre. C'est un "roman de formation" qui part de la naissance de son narrateur jusqu'à son entrée dans l'âge adulte et la résignation ; quelques trouées de bonheur au milieu des ruines mais surtout des coups durs, sur lesquels il ne s'appesantit pas malgré souvent leur violence. J'ai été soufflé.
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Peau d'ours

Il ne s'agit pas ici d'un roman, mais de notes pour un roman que Calet n'a pas eu le temps d'écrire, rattrapé par la mort.



Je ne résiste pas ici à citer ces lignes, qui sont les dernières notes du livre, et qui résument si bien l'homme Henri Calet :

"C'est sur la peau de mon cœur que l'on trouverait des rides.

Je suis déjà un peu parti, absent.

Faites comme si je n'étais pas là.

Ma voix ne porte plus très loin.



Mourir sans savoir ce qu'est la mort, ni la vie.

Il faut se quitter déjà ?



Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes."



Déchirant !
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Le tout sur le tout

Un très beau livre sur la vie d'Henri CAlet, un vrai parisien et une très belle balade dans Paris. Superbe.
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La belle lurette

Roman autobiographique paru en 1935 chez Gallimard, il reste un roman moderne. Je l'ai découvert grâce à Joseph Ponthus qui disait grand bien de son auteur, Henri Calet. On reconnaît très vite ce qui les lie à travers le temps. Proche des "petites gens" dont il fait partie, Calet se raconte, les raconte avec humour, sans concession, dans un style sobre et claquant. Son enfance chaotique dans les années de première guerre mondiale, son adolescence à Paris, ses relations tendues avec son père, ses premiers pas d'adulte désargenté mais volontiers combinard, tout est prétexte à décrire la société qui l'entoure.

On a envie de découvrir d'autres romans, ceux de la fin de sa vie peut-être (en 1952) pour savourer sa description de l'après deuxième guerre mondiale.
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Poussières de la route

Calet c'est tout sauf pousssiéreux. Prenez ces routes avec lui sans savoir d'abord qui il était et quelle a été sa vie. A près ces bouts de chemin , vous aurez envie de plus de Calet. A vous La belle Lurette , le Tout sur le Tout . Vous découvrirez ainsi le parcours d'un homme qui a su lire les gens et les écrire.
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Les grandes largeurs

Henri Calet est un auteur à re-découvrir !

D'une critique, deux coups : Les grandes largeurs et La belle lurette lu précédemment.

Ce sont deux courts romans, à peine 100 pages pour le premier et environ 170 pages pour le second. Les deux textes sont autobiographiques, avec quelques écarts, et romancés.

L'auteur y retrace ses souvenirs d'enfance dans un Paris populaire de début de siècle (approximativement 1900-1920).

Les deux sont nostalgiques, charmants, poétiques, un vrai plaisir de lecture.

Les grandes largeurs contient de nombreux passages qui constituent de vraies petites perles. Mais, à mon avis, La belle lurette est un cran au-dessus car plus intense et au récit plus abouti. C'est, pour moi, un petit chef-d'œuvre méconnu ! Attention toutefois au langage cru et aux passages non édulcorés !

Une mention spéciale pour la collection L'imaginaire de chez Gallimard. Une édition soignée, papier de qualité et format un peu plus grand que poche. Mais surtout une collection qui sort des sentiers battus. Je cite : "Axée sur les constructions de l'imagination, cette collection vous invite à découvrir les textes les plus originaux des littératures romanesques françaises et étrangères."

Bref, lisez Calet !



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La belle lurette

Encore un auteur que je découvre tard, bien tard ! Voilà donc que je m'initie à Henri Calet, sur un conseil bien avisé... Et quel chef d'oeuvre ! La langue d'Henri Calet vous happe dés la première page - je ne cède pas à la tentation d'insérer ici des citations, car il faudra citer tout le livre -. Une plume vivante, gouailleuse, chantante, pour raconter la misère la plus sordide, qu'il s'agisse de sa propre histoire ou de celle des personnages qu'il a fréquenté.

C'est la politesse du désespoir dans toute sa splendeur, dans un monde où on se prostitue à chaque coin de rue, où chaque enfant est frappé, attouché, exploité, où les malheureux revenant de la guerre n'ont plus qu'à essayer de faire valoir des exploits dont rapidement on se moque, où il vaut mieux se faire bastonner par un restaurateur anarqué que de ne pas manger du tout. Henri Caler parle de ce qu'il a vu et connu, sans analyse, sans confronter cette misère aux beaux quartiers, qui n'existent pour ainsi dire pas, ici.

Et malgré la noirceur, malgré le sordide, il nous fait sourire, loser magnifique, perdant sublime.
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La belle lurette

Ma récente découverte de l'auteur Henri Calet par l'intermédiaire de son roman "Le tout pour le tout" s'est conclue par une évidence : je n'allais pas m'arrêter là ...



Et me voilà, à l'issue de la lecture de "La belle lurette", son premier ouvrage, confortée dans la conviction que Monsieur Calet est -ou du moins était, puisqu'il est décédé en 1956- un GRAND écrivain !



Comme dans "Le tout sur le tout", il s'y inspire largement de sa propre existence, couvrant, du début du siècle -le XXème- à l'entre deux-guerres, l'épopée des années pendant lesquelles, son père étant la plupart du temps absent (anarchiste, il se réfugie en Hollande lors de la mobilisation, en la galante compagnie de la fille de sa femme et donc demi-sœur d'Henri, dont il a fait sa maîtresse), sa vie est rythmée par les combines et divers petits boulots qu'exerce sa mère pour assurer leur subsistance.



De Paris à Bruxelles, où Henri et cette dernière séjournent durant la guerre, il dépeint un quotidien de misère crasse. Des logements collectifs où règnent les odeurs d'excréments et les aléas de la promiscuité forcée aux bistrots où prolétaires et crève-la-faim s’abrutissent d'alcool en passant, parfois, par la "case prison", c'est toute l'atmosphère populaire et picaresque des quartiers pauvres qu'il nous restitue, mêlant savamment crudité et poésie.



Il le fait avec ce ton qui lui est propre, qui pourrait passer pour léger parce qu'il est à la fois gouailleur et anecdotique. L'écriture d'Henri Calet est comme empreinte d'une sorte de détachement, du laconisme de celui qui, face aux vicissitudes de la vie, refuse de se donner de l'importance et de se plaindre, conscient de ce que sa condition, loin d'être exceptionnelle, reflète tout simplement celle de milliers d'autres individus.

Et en même temps, il s'exprime avec une sincérité faussement enfantine qui lui permet, l'air de rien, de mettre en évidence la médiocrité et la bassesse de ses congénères aussi bien que l'absurdité et l'hypocrisie d'un système basé sur l'injustice sociale.

Tel un Candide aux yeux écarquillés, il porte sur le monde qui l'entoure -et dont il admet volontiers faire partie intégrante- un regard honnête mais acéré, dont il adoucit la tendance ironique par le truchement d'un humour fait de jeux de mots et de truculence.



Pour toutes ces raisons, la lecture de "La belle lurette" a été une expérience réjouissante et malheureusement trop brève, qui m'a persuadée que non, je n'en ai toujours pas fini avec Henri Calet...


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