Ai-je lu le même auteur à propos duquel j'avais vu de belles critiques, ai-je lu le même livre que celui qui a écrit la quatrième de couverture ? Je finis par en douter. Je m'attendais à un livre d'une tristesse poétique, qui saurait faire du sublime avec du quotidien. Non, je n'ai trouvé que du sordide et je n'ai pu me forcer au-delà de la moitié du livre. Quel gâchis pour un auteur que je croyais injustement oublié, mais j'ai maintenant changé d'avis…
Ce livre est une longue lettre qu'un père adresse à son fils qui n'a que quelques mois, pour lui laisser un témoignage sur les conditions de sa venue au monde, en espérant qu'il les lira quand il sera aussi âgé que son père et pourra donc le comprendre. Pris par le démon de midi, ce père a en effet quitté sa femme pour une jeunette qui ne la valait pas, qu'il n'aimait pas et avec qui les relations ont fini par dégénérer au-delà de l'acceptable.
Quelle littérature glauque et sordide que celle où un homme étale ses turpitudes sexuelles à son fils. Cette mise en scène de ces confidences m'a mise mal à l'aise pendant toute ma lecture. Je n'ai rien contre les romans qui décrivent des vies ternes ou des vies ratées, mais pas décrites sans relief et avec une sorte de complaisance qui veut faire croire que c'est la norme et que donc cela excuse tout.
Au vu d'autres avis de lecture, je me dis que je n'ai rien compris à ce livre, qui serait l'un des chefs-d'oeuvre de Calet. Si c'est le cas, j'espère que des lecteurs mieux disposés que moi ne se laisseront pas rebuter par ces lignes, mais pour moi c'est suffisant, et c'est un auteur que je préfère oublier.
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Je pense que j’ai eu tort de te faire venir en ce monde. Tu verras, ce n’est pas très drôle, quoi qu’on en dise. Te voilà, par ma faute, condamné à la peine de vie. Mais rassure-toi, ce n’est pas si long qu’il y paraît : tout a une fin. (p. 60, Chapitre 2, “2 Septembre 1949”).
Mes dernières larmes remontaient à cinq ans, à ma rupture avec Cécile... Je ne suis pas plus pleurard qu'un autre ; je pourrais compter les fois où j'ai pleuré : à Lausanne sur le banc du jardin ; à Puerti-Cerro, le lendemain de mon débarquement... mais, le plus souvent, sans l'océan, dans des fleuves, de telle façon que l'on ne s'en aperçoive pas. J'ai pleuré dans la Tamise, dans le Tage aussi, dans le Rio de la Plata... Les larmes ne laissent aucune trace dans l'eau ; c'est de l'eau. Une goutte ou deux de plus dans la mer, cela ne compte pas. C'est de l'eau salée également. Je croyais être complètement à sec.
Depuis que j'ai atteint l'âge de raison, j'ai une propension à jouer les redresseurs de torts --- sous la réserve qu'il ne m'en coûte pas trop --- les absoluteurs magnanimes, les guides...Et, dans ce cas encore, j'ai eu l'ambition de venir au secours d'Emilienne, de l'aider à mettre au jour ce qui ne peut pas ne pas être enfoui dans chaque créature : une fleur, une goutte de rosée, ou ce que l'on voudra. Je me disais qu'il était impossible que l'on fût totalement disgracié; je commettais une erreur. Elle a tous les péchés capitaux en elle, à l’exception, peut-être, de la luxure et de l'avarice, et encore je n'en jurerais pas.
Aujourd'hui je sais que c'est un chaudron de sorcière dans quoi mijote un tas d'immondices, de pourriture.
J'entends les exclamations des passants et leurs remarques miséricordieuses sur le pauvre type qui gigote encore spasmodiquement ; je sais par expérience, de quelle nature est la satisfaction qu'ils ressentent, au fond d'eux mêmes. Ils l'ont, ce coup-ci, échappé belle. La mort des uns redonne un peu de saveur à la vie des autres.
Chronique de Laurence Goullieux : Henri Calet
Laurence Goullieux, directrice de la Bibliothèque Municipale de Liévin, évoque la vie et l'oeuvre de l'écrivain Henri Calet. le site internet de la Bibiothèque Municipale de Liévin :...