Citations de Henri-Frédéric Amiel (345)
La rêverie est le dimanche de la pensée.
Apparu, disparu--- c'est toute l'histoire d'un homme, comme celle d'un monde et comme celle d'un infusoire .
16 novembre 1864
L'amour est un secret entre deux cœurs, un mystère entre deux âmes
Rendre heureux quelqu’un, c’est rigoureusement augmenter son être, doubler l’intensité de sa vie, le révéler à lui-même, le grandir et parfois le transfigurer.
La vraie noblesse est dans le caractère , dans le mérite personnel, dans la distinction morale, dans l’élévation des sentiments et du langage, dans la dignité de la vie et le respect de soi-même.
Revois deux fois pour voir juste, ne vois qu'une pour voir beau
La rêverie, comme la pluie des nuits, fait reverdir les idées fatiguées et pâlies par la chaleur du jour. En se jouant, elle accumule les matériaux pour l'avenir et les images pour le talent. La flânerie n'est pas seulement délicieuse; elle est utile. C'est un bain de santé qui rend vigueur et souplesse à tout l'être; c'est le signe et la fête de la liberté.
Ose être toi-même. Dis-toi que tu en vaux un autre, et si tu as un bon mouvement, une bonne idée, une opinion, une résolution raisonnée, ne les cache pas. Agis à découvert, va à ton but franchement, sans mystère, le front levé. - On te fera ta place, et tu te respecteras davantage toi-même. - Ne tergiverse pas, ne biaise jamais. va droit à ton ennemi, droit à ton ami; sois franc et décidé.
Le vide et l‘ennui me persécutent, mon esprit ni mon cœur n‘ont la nourriture qu‘ils réclament, je suis sans commerce spirituel, je me rouille l‘intelligence, et je me rétrécis le cœur.
FIDÉLITÉ
C’était au premier jour d’avril.
Il m’en souvient, t’en souvient-il
De même ?
Un soir, sous le ciel, à genoux,
Vous m’avez dit ce mot si doux :
« Je t’aime ! »
Avril, peuplant l’air de chansons,
Gonflait prés, forêts et buissons
De sèves,
Quand le mot, tombé dans mon sein,
Y fit tourbillonner l’essaim
Des rêves.
Ce mot, qu’après tant de combats,
Heureux, nous redîmes tout bas
Ensemble,
Ce mot, par lequel fut lié
Mon cœur, l’auriez-vous oublié ?
Je tremble.
Vous m’avez dit : « Je reviendrai. »
Une fomme à ce mot sacré
S’attache ;
Son cœur se donne sans retour,
Pour pouvoir demander l’amour
Sans tache.
La feuille a jauni dans les bois ;
L’oiseau s’est tu ; mois après mois
S’envole.
Votre cœur s’est-il endormi,
Quand le mien veille et souffre, ami ?..
Peur folle !
Je ne veux pas douter ; j’ai foi,
Bien que chacun autour de moi
S’étonne ;
Je ne puis pas douter, j’attends ;
Mon cœur ne connaît pas le temps
D’automne.
Mais ce long silence interdit…
« Je reviendrai, » m’avez-vous dit ;
C’est l’heure.
Te souviens-tu ?… je me souviens ;
Maître de ma vie, oh ! reviens,
Je pleure.
TOUTE PENSÉE EST UNE FLEUR…
Toute pensée est une fleur
Unique en son espèce,
Qui naît, s’ouvre et brille, lueur
Dans notre nuit épaisse.
Elle paraît et disparait
Comme un rêve à l’aurore.
D’où vient-elle ? C’est un secret.
Où va-t-elle ? On l’ignore.
Dans son éclat, dans sa fraîcheur,
Avant qu’elle nous laisse,
Embaumons-la, forme et couleur,
La frêle enchanteresse.
Toute pensée est une fleur
Unique en son espèce.
Espace : La pensée sans poésie et la vie sans infini, c’est comme
un paysage sans ciel : on y étouffe.
Le travail et l'action, la pensée et l'amour seuls remplissent la vie ; ce qui nous manque bien souvent, c'est un noble but, une grande passion, une œuvre sacrée, une haute espérance, un devoir solennellement accepté, une foi pure et profonde, un objet de dévouement digne d'absorber nos jours, nos vœux et nos forces. Ce qui nous manque, c'est une compagne selon notre cœur ; ce qui nous dévore, c'est la solitude du cœur et le vide de l'âme.
Journal intime, le 9 août 1864.
La vie est comme l'herbe
des champs, et la joie
comme la fleur dans l'herbe.
Mardi 8 janvier 1861
Le succès d'ailleurs m'épouvante en idée ; il engage et compromet. J'aime ne pas échouer mais me satisfaire moi-même me suffirait. Savoir me contenter ; briller ne m'est pas nécessaire. Est-ce le mot du renard : "Ils sont trop verts !" Est-ce de l'orgueil ? Peut-être. Chercher à plaire, poursuivre les suffrages, c'est se faire serviteur et courtisan d'autrui, et cela me répugne en effet. Désirer ce que je ne puis atteindre me répugne également. Le triomphe qui trouble ne m'attire nullement. Je suis donc impropre à la carrière oratoire, parlementaire, publique. L'incognito seul me convient et ma liberté personnelle est le seul avantage que je poursuive avec quelque énergie de désir : nature craintive, critique, paresseuse, qui n'est faite que pour réussir à rien...
Je rêve tout éveillé, je vis en rêve, je rêve que je vis
La vie est si courte qu'on ne devrait ajourner ni le bonheur ni le bien
Fais le testament de ta pensée et de ton coeur, c'est ce que tu peux faire de plus utile.
Amiel, Journal, 3 mai 1849
Il n’est rien de plus intéressant dans l’histoire des idées que les efforts pour concilier les perfections divines et l’existence du mal.
L’intérêt d’une douleur n’est pas dans l’intensité de cette douleur, mais dans les pensée où elle prend sa source.