Citations de Henry James (581)
N'ayez pas peur de la vie, sachez qu'elle vaut la peine d’être vécue, la force de cette conviction la rend réelle.
"Il est temps de vivre la vie que tu t'es imaginé."
On est orgueilleux quand on a quelque chose à perdre, et humble quand on a quelque chose à gagner.
Ne dites jamais que vous savez tout d'un coeur humain.
- Je me méfie des maris charmants, dit Mrs. Almond, je ne crois qu’aux bons maris.
J'avais fait l'amère réflexion que de donner la sensation d'une individualité différente des autres, de se montrer d'une qualité supérieure, finit toujours par provoquer une vengeance de la majorité [...].
Mais tandis que ma conductrice, avec ses cheveux d’or et sa robe d’azur, bondissait devant moi aux tournants des vieux murs, et sautillait le long des corridors, il me semblait voir un château de roman, habité par un lutin aux joues de rose, un lieu auprès duquel pâliraient les contes de fées et les plus belles histoires d’enfants. Tout ceci n’était-il pas un conte, sur lequel je sommeillais et rêvassais ? Non : c’était une grande maison vieille et laide, mais commode, qui avait conservé quelques parties d’une construction plus ancienne, à demi détruite, à demi utilisée. Notre petit groupe m’y apparaissait presque aussi perdu qu’une poignée de passagers sur un grand vaisseau à la dérive. Et c’était moi qui tenais le gouvernail.
il n'est jamais trop tard pour vivre la vie que tu t'es imaginé
"Je n'espère rien, se disait-il, de sorte que si elle me réserve une surprise, ce sera un bénéfice net ; et, dans le cas contraire, je n'aurai rien perdu." (p. 27)
Le manoir se dressait sur une petite colline, dominant une rivière qui n'était autre que la Tamise, à quelques quarante miles de Londres. Ponctuée de pignons, la longue façade de brique rouge, dont le temps et les intempéries avaient déployé toutes les fantaisies picturales pour en embellir et en affiner la teinte, présentait à la pelouse ses plaques de lierre, ses faisceaux de cheminées et ses fenêtres emmitouflées dans les plantes grimpantes. La maison avait un nom et une histoire ; le vieux gentleman qui prenait son thé vous la relatait avec délices : édifiée au temps d'Edouard VI, elle avait offert l'hospitalité pendant une nuit à la grande Elisabeth dont l'auguste personne s'était étendue sur un lit magnifique, immense et terriblement anguleux, qui constituait toujours le principal ornement des chambres à coucher ; elle avait été très meurtrie et dégradée durant les campagnes de Cromwell, puis très agrandie et remise en état sous la Restauration ; pour finir, après avoir été remaniée et défigurée au XVIIIème siècle, elle était passée sous la garde vigilante d'un habile banquier américain dont, à l'origine, le mobile essentiel, lorsqu'il l'avait achetée, était qu'en raison de circonstances trop compliquées pour qu'on les expose ici, elle représentait une très belle affaire ; il l'avait acquise en pestant contre sa laideur, sa vétusté, ses incommodités, et à présent au bout de vingt ans, conscient de la véritable esthétique qu'elle lui inspirait, il connaissait tous ses charmes et vous aurait indiqué l'endroit où vous placer pour les voir combinés tous ensemble ainsi que l'heure précise où les ombres de ses diverses saillies - qui tombaient si doucement sur le mur de brique chaud et massif - atteignaient la bonne longueur. De plus, il aurait pu citer la plupart des propriétaires et des occupants successifs de la maison dont plusieurs avaient connu la célébrité, avec toutefois la conviction discrète que la dernière phase de sa destinée n'était pas la moins honorable. La façade de la maison tournée vers le coin de pelouse qui nous intéresse n'avait pas d'entrée ; celle-ci était située dans une autre partie du bâtiment. L'intimité régnait sur ce lieu et le vaste tapis de gazon qui couvrait le sommet de la colline semblait prolonger un somptueux intérieur. Immobiles, les grands chênes et les hêtres répandaient une ombre aussi drue que celle de rideaux de velours ; autour de la partie de la pelouse meublée comme un salon de sièges capitonnées et de tapis aux riches coloris, des livres et des journaux parsemaient le gazon. La pelouse proprement dite s'interrompait au point où le terrain commençait à s'incliner vers la rivière mais la promenade jusqu'au bord de l'eau n'en était pas moins charmante.
Elle était romanesque, sentimentale, et folle de petits secrets et de mystères – passion bien innocente, car jusque-là ses secrets lui avaient servi à peu près autant que des bulles de savon. Elle ne disait pas non plus toujours la vérité ; mais cela non plus n’avait pas grande importance, car elle n’avait jamais eu rien à cacher. Elle aurait rêvé d’avoir un amoureux et de correspondre avec lui sous un faux nom par le canal d’une poste privée ; je m’empresse de dire que son imagination ne s’aventurait jamais vers des réalités plus précises.
– Elle lui restera fidèle, dit Mrs. Almond ; elle lui restera certainement fidèle.
– C’est bien ce que je dis : elle tiendra bon.
– Fidèle est plus joli. C’est la fidélité que ces natures très simples choisissent toujours, et il n’y a pas d’être plus simple que Catherine. Elle ne peut éprouver d’impressions très variées ; mais quand une impression s’impose à elle, elle ne peut plus y échapper. Elle est comme une bouilloire de cuivre qui a reçu un choc. On peut toujours faire briller la bouilloire, mais on ne peut plus effacer la trace du coup.
– Essayons au moins de faire briller Catherine, dit le docteur. Je vais l’emmener en Europe.
– Ce n’est pas l’Europe qui fera qu’elle l’oubliera.
– C’est donc lui qui l’oubliera.
Mrs. Almond le regarda attentivement :
– Trouves-tu vraiment cela désirable ?
– Au plus haut point ! répondit le docteur.
Toute chose cachait quelque chose; la vie était un corridor interminable avec des rangées de portes fermées. On lui avait enseigné qu'il n'était pas prudent de frapper à ces portes; et ce geste n'obtenait d'ailleurs d'autre réponse que des rires moqueurs à l'intérieur.
Assise à ma propre table, dans la claire lumière de midi, je vis une personne que, sans mon expérience antérieure, j'aurais prise pour une servante laissée à la garde de la maison, qui aurait profité du manque, si rare, de surveillance, autant que du papier et des plumes de la salle d'études, pour s'appliquer à l'effort considérable d'écrire une lettre à son bon ami. [...] Mais, tandis que je faisais cette observation, je m'étais rendue compte du fait singulier que mon entrée ne modifiait en rien son attitude. L'instant d'après, elle changea de position, et ce fut alors, dans ce mouvement même, que, comme en un jet de flamme, jaillit son identité. Elle se leva, non comme si elle m'eut entendue, mais avec une grande et indescriptible mélancolie, faite d'indifférence et de détachement, et, à une douzaine de pas de moi, se tint là, debout, toute seule, elle la vile miss Jessel. Tragique et déshonorée, elle était toute entière devant moi. Mais comme je la fixais et assurais son image dans ma mémoire, l'affreuse apparition passa, disparut. Sombre comme la nuit dans sa robe noire, sa beauté hagarde et sa douleur indicible, elle m'avait regardée assez longtemps pour sembler me dire que son droit de s'asseoir à ma table était aussi bon que le mien de m'asseoir à la sienne. [...] Dans une protestation passionnée, je m'étais directement adressée à elle : " O terrible et misérable femme ! " m'étais-je entendue crier, et le son, par la porte ouverte, s'en était allé résonner le long du corridor et dans la maison vide. Elle me regarda, mais je m'étais reconquise, et l'atmosphère s'assainissait autour de moi. Une minute plus tard, il n'y avait plus que des rayons de soleil dans la chambre, que des rayons de soleil...
La peur est malheureusement un domaine très vaste, et comporte beaucoup de variétés différentes.
- Crois-tu, mon cher Austin, qu'il vaut mieux être intelligent que bon?
- Bon à quoi? demanda le docteur. On n'est bon à rien si l'on n'est pas intelligent.
Puisque toute son histoire (...) était faite des étapes successives de son instruction en certaines matières, l'apogée en serait sans doute le moment où ses connaissances, pour ainsi dire, déborderaient d'elle de toutes parts. Condamnée comme elle l'était à en savoir de plus en plus, n'était-il pas logique de penser que ce développement ne pourrait s'arrêter avant qu'elle ne sût la plupart des choses ? En fait (...) Maisie en vint à songer qu'elle se trouvait décidément sur la route qui mène à tout savoir. Ce n'est pas pour rien qu'elle avait eu des gouvernantes: qu'avait-elle fait de son temps, depuis toujours, sinon apprendre encore et sans cesse ? Elle contempla le ciel rose avec le paisible pressentiment que bientôt elle n'ignorerait plus rien.
Comment un tel homme pouvait-il trembler si souvent ? Elle comprenait enfin qu'il existait une chose qu'un homme comme lui pouvait craindre par-dessus tout: il pouvait avoir peur de soi-même.
Bien qu'à certains points de vue, Maisie n'eût plus rien d'enfantin, elle avait gardé le goût de l'enfance pour les promesses précises.
- Les femmes ont plus de doigté que les hommes, dit-elle ; elles devraient toujours parler les premières. Elles savent se montrer plus conciliantes ; elles savent mieux plaider leur cause.