Citations de Henry de Montherlant (744)
L’instant où une femme se donne n’est pas meilleur que celui de ce silencieux et immobile consentement.
Dans le style « à la française », il faut faire la conversation, être hypocrite, perdre beaucoup de temps, quelquefois plusieurs jours, pour faire tomber une femme honnête.
Quand il n'aurait plus rien, on serait bien forcé de lui porter secours, on ne laisserait pas un Coantré dans le ruisseau. Il se voyait très bien suppliant des gens. Pendant dix ans, il avait entendu sa mère soupirer : "Ah! pouvoir vivre à l'hôtel! plus de domestiques! n'avoir plus de repas à commander!" Lui, le temps où il serait au bout de son dénuement lui apparaissait, comme apparaît au pauvre diable l'entrée à l'hôpital ou en prison: le temps où il n'aurait plus à vouloir, ni à être responsable."
L’impassibilité de la vie le régénère, comme la brusque entrée de l’oxygène dans l’abri à mitrailleuse où on a tiré longtemps. Voilà où elle l’a mené : à l’horreur de sentir, à l’ennui et au dégoût des âmes. « Lâche-moi, démon des âmes ! Qu’il n’existe plus un seul sentiment sur la terre ! »
Elle, symbole de la vie pure, quel prodige de l’étendre et de l’adorer ! Blasphémant l’intelligence, mais toujours prêt à accueillir son aide, fût-ce pour la tourner contre elle-même, il pénétrait d’intelligence ses obscurs mouvements organiques, leur souhaitant la virulence de ce qui n’est descendu dans la chair qu’après avoir été enfanté et bercé dans le cerveau.
La piste vous fascine, vous entraîne comme si elle était en pente, ajoute à vous comme le vent du sillage ajoute au cycliste qui colle à la motocyclette. Elle repousse votre pied comme du caoutchouc. C’est un mystère pour vous que vous alliez si vite sans effort…
Il n’y aurait pas de Dominique, non, il n’y aurait pas de Dominique, s’il n’y avait des Douce : il sentait que du désir seul naissait une puissance universelle, une faculté surhumaine de préhension et d’invention. À cette heure, tout ce qu’il offrait, tout ce qu’il pouvait était nourri par la mémoire, par l’espérance et par la certitude du plaisir. La patrie bougeait, flamme claire, au sommet du bûcher confus. Comme dans les antiques images, du giron de la femme sortait l’arbre immense, portant les fruits de tous les jardins de la terre.
Il partait, il voulait partir, de toutes ses forces il tendait vers la patrie nouvelle comme vers son bonheur ; et dans la même minute il jouissait de ce long regret, de cette longue plainte en mineur, de cette appréhension de la misère et de la mort. Ah ! ce mélange d’attrait et de haine, n’était-ce pas vraiment de l’amour ? Amoureux du front…
Il savait qu’il était capable d’amitié, il savait qu’il était capable de désir, il savait qu’il n’était pas capable d’amour ; mais la camaraderie avec des garçons de son âge, voilà ce qu’il avait poussé à son excellence. La discernant bien de l’amitié, il en avait fait quelque chose de plus charmant que l’amitié, parce que cela ne se contemplait pas soi-même, alors que l’amitié se contemple soi-même, comme l’amour.
Lorsqu’il l’avait connue davantage, elle lui avait révélé un sentiment qui à son point parfait excluait le désir, que le désir eût dénaturé et déprécié. Pourquoi dès lors chercher en elle, qui y perdrait, ce plaisir que tant d’autres pouvaient lui donner en y gagnant ?
Une fleur naquit de son silence, comme, dans la notation musicale des Hindous, un lotus dessiné indique la terminaison d’un chant.
Comme on fait autour d’une statue qui est également belle sur toutes ses faces, je puis tourner autour de vous toujours à la même hauteur de joie…
C’est vrai, je n’aime que les gens que j’aime, je n’aime pas ceux qui me sont indifférents ; n’est-ce pas que c’est inconcevable ? Mais ceux-là que j’aime le plus, quelles ténèbres ! Ainsi je vois à l’intérieur de vous bien des choses que je juge faciles à saisir, mais, si j’essaye, tout de suite je me heurte, comme un oiseau enfermé se tuerait contre la vitre de cette baie en se jetant vers l’apparence du ciel libre.
Si je pense que le roman est un genre littéraire périmé ? Non, Monsieur, ce qui est périmé, c’est l’absence de talent. Le talent soutient n’importe quel genre littéraire. D’ailleurs vous savez aussi bien que moi que le roman se porte à merveille. Alors, est-ce que nous ne perdons pas notre temps ?
– …
– Vous recevoir ? Pourquoi ? Je viens de vous répondre. Mais, à mon tour, me permettrez-vous de vous poser une question ? Voici, je voudrais vous demander si, à votre avis, l’interview par téléphone n’est pas un genre journalistique qui devrait bien être périmé ?
– …
– Un monsieur dont la pensée est présumée avoir un certain prix, puisqu’on désire la connaître en vue d’en faire bénéficier le genre humain, est occupé à quelque chose d’important : il pense, ou il se repose de penser, ou il décide, ou il dirige la destinée d’un être, ou il fait l’amour, ou il se repose de faire l’amour. Le téléphone le hèle brutalement, le dérange deux fois : dans son esprit, dont le cours est brisé, dans son corps, qui doit se déplacer pour aller à l’appareil. Et c’est un inconnu, qui veut savoir de lui si le roman est un genre périmé, et qui une fois sur deux ne publiera même pas sa réponse, parce que son “papier” est déjà trop long, ou parce qu’on a renoncé entre-temps à cette enquête. Eh bien, mon cher confrère, je dis que ces mœurs sont – je cherche un mot doux… – sont des mœurs de sauvages.
Ambition et cupidité sont les deux jambes de l’homme du siècle ; celui qui ne les a pas est un cul-de-jatte dans la foule.
Le bonheur est pour la femme un état nettement défini, pourvu d’une personnalité et d’une particularité, une réalité substantielle extrêmement vivante, puissante, sensible. Une femme vous dira qu’elle est heureuse comme elle vous dira qu’elle a chaud ou qu’elle a froid.
La vanité est la passion dominante de l’homme. Il est faux qu’on puisse faire faire tout ce qu’on veut aux hommes avec de l’argent. Mais on peut faire faire tout, à la plupart des hommes, en les prenant par la vanité.
Les jeunes filles sont comme ces chiens abandonnés, que vous ne pouvez regarder avec un peu de bienveillance sans qu’ils croient que vous les appelez, que vous allez les recueillir, et sans qu’ils vous mettent en frétillant les pattes sur le pantalon.
Dieu a créé l’homme pour Sa gloire, et la femme pour la gloire de l’homme.
La femme est faite pour un homme, l'homme est fait pour toutes les femmes : elle commence à aimer, quand lui, il a fini...