Hubert Selby Jr

Un style indéniable au profit d'un livre coup de poing sur une classe sociale de la population américaine. A découvrir.

"Et quand le remords la tiraillait au spectacle d'un paysage ensoleillé d'Italie, dans une pub pour Cinzano, il lui suffisait de se rappeler qu'elle connaissait le pays et qu'une bonne dose de came valait bougrement mieux qu'une meute d'Italiens empestant l'ail." (p. 277 - Ed. 10/18)

"[...] et la nuit était chaude et réconfortante, la douce lumière qui filtrait repoussait la pénombre dans les coins, ils s'étreignaient et s'embrassaient et repoussaient ensemble, dans un coin, leur propre nuit, et commençaient à partager leur lumière, leurs rêves." (p. 84 - Ed. 10/18)

(...) Il faisait tout pour éviter d'aborder cet aspect de son existence, comme s'il voulait se réserver le droit de continuer à faire ces choses qui le détruisaient, mais qui, au même instant, étaient le seul remède contre la tension insupportable de son corps et de son esprit.

Ne plus avoir l'impression que ses tripes sont déchirées par de vieilles boîtes de conserve rouillées et des tessons de bouteille, ne plus éprouver cette contraction douloureuse qui lui serre la poitrine et les muscles au point d'avoir envie de hurler, hurler, et hurler encore.

Et puis le lendemain matin, et ces saloperies de remords, et ce sentiment de culpabilité qui torturent votre corps couvert de sueur et accablent votre esprit sans qu'on puisse jamais les identifier clairement parce que vous les refoulez, vous les jetez aux tréfonds de vos entrailles pour qu'ils s'y noient, se perdent dans autre chose, n'importe quoi, pourvu qu'on n'ait pas à les regarder en face, à les reconnaître et à les accepter pour ce qu'ils sont.

(...) et il s'assit enfin et tous les invités agitèrent leurs nageoires comme une bande de phoques débiles.

Les jours suivants filèrent comme une flèche, dans la mesure où une flèche peut filer dans l'atmosphère lourde et humide qui règne sur New York en été.

Et tout ce baratin sur le jour qui vient et dont on ne jouira jamais, eh bien, laissez-moi vous dire que c'est de la foutaise. Il finit par venir, ce jour, et on en jouit toujours.

Tu te sens mal et tout va de travers jusqu'à ce que tu pètes les plombs. Tu te sens bien et tout se passe bien MAIS t'es pas obligé de péter les plombs. Ouais, c'est ça. Les gens tombent et rebondissent, se redressent et piquent du nez, vont bien, vont mal, parce qu'ils n'ont pas vraiment identifié le problème dans leurs vies, ils sont les marionnettes de la vie plutôt que les maîtres de leur propre existence. C'est là qu'ils se trompent. Ils laissent la vie les hisser vers le haut jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'autre possibilité que tomber, zioum.

La pousser en fait. Doit bien y avoir un truc que je veux faire avant. Une dernière requête. Ouais… Je veux mourir. Je dois mourir. Ça ne changera jamais. Me sens toujours comme ça. Ca marchera pas. Rester là et attendre de mettre le canon dans ma bouche et presser la détente. C'est tout ce que j'attends de la vie.

« … Que dire des hommes, habitant des cabanes d’argile, bâties sur la poussière, qu’on écrase comme des vermisseaux !
Du matin au soir, ils sont détruits.
Sans qu’on y prenne garde ils périssent pour toujours.
Le fil de leur vie est rompu ; ils meurent avant d’avoir acquis la sagesse. »

Job, 4, 19-21