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Critiques de Hugues Pagan (185)
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Le carré des indigents

C'est une affaire triste et banale. Une jeune fille de quinze ans a été assassinée, presque par malchance, elle rêvait de devenir institutrice. Issue de «  trois générations de gueux, trois générations de sans-grade, de laissés-pour-compte, de ces gens sans existence parce qu'ils n'avaient pas d'histoire, puisque aussi bien l'histoire n'avait pas eu la moindre raison d'en retenir le destin et les noms, le grand et triste charroi de l'humanité silencieuse, opiniâtre, de ce grand fleuve puissant et taciturne, sur lequel caracolait, futile et arrogante, l'écume grise et mousseuse des prédateurs, des possédants et des parvenus, ceux qui eux seuls comptaient pour de bon . »



Rien de somptueux ni de grandiloquent dans ce crime à élucider. Juste la banalité du crime. Une histoire de gueux, donc, qui ne suscite qu'un intérêt passager, sauf pour l'inspecteur Schneider qui lui éprouve une profonde tendresse pour ceux qui ne comptent pas. Magnifique personnage de flic qui va prendre de plein fouet la douleur d'un père. Atypique et excellent enquêteur qui se distingue par son refus de recourir à la brutalité de la meute policière. Esquinté par la guerre d'Algérie dont il revient couvert de médailles mais écoeuré par le napalm déversé sur des villages entiers de civils.



Hugues Pagan a l'art de la caractérisation . Ces personnages sont décrits superbement en quelques phrases qui disent tout de leur être sans nécessité d'user de psychologie lourdaude. Schneider bien sûr, mais surtout les femmes, à commencer par la journaliste Laura qui possède une épaisseur plutôt rare dans ce type de roman. Dans ce polar de traverse, tous évoluent dans un décor urbain très sombre, très nuiteux. Polar d'atmosphère de la morose France pompidolienne fin de règne où on craint une insurrection communiste et où les flics hésitent dans leur mission, justice ou ordre, peuple ou notables, dirigé par une hiérarchie composée d'anciens résistants comme d'ex-collabos.



Le roman réinterprète brillamment les standards du roman noir américain en y insufflant un désenchantement humaniste saisissant qui tire vers le politique. Pas de héros, pas de transcendance, pas d'horizon de rédemption, juste des personnages brûlés jusqu'à la consomption. Pourtant, jamais le roman ne sombre dans le nihilisme, la prose est celle d'un moraliste intransigeant qui a perdu ses illusions sur l'espèce humaine, tout sanglot rentré, mais ne veut négocier avec son idéalisme. Et quelle prose ! Hugues Pagan est un styliste, un vrai et son lyrisme mat emplit le lecteur de sensations et d'échos. Chaque page recèle des phrases qui laissent une empreinte puissante. J'ai juste été quelque peu décontenancée par l'épilogue qui rajoute une surcouche d'ultranoir et de fatalisme pessimiste.



Un roman noir majuscule à la hauteur des grands Hervé le Corre.
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Le carré des indigents

Et bien , chers amis et amies amateurs de ce genre qu'on appelle " roman noir " , je vous l'affirme sans aucune restriction , c'est un excellent bouquin que mon épouse m'a offert , bien aidée dans son choix , une fois encore , par les incontestables compétences de mon ami libraire Nicolas . Au vu de la note attribuée par les babeliotes , ce n'est pas une surprise , certes , mais attendez vous à passer un très bon moment dans ces quelques 430 pages . Enfin , bon moment , tout dépend du point de vue , bien sûr , mais vous êtes bien lecteurs et lectrices comme moi , non ?

L'intrigue , elle est malheureusement , tristement .... La jeune Betty est retrouvée morte , près de son solex , renversée par un individu qui a pris la fuite ...Fait divers terrible mais pas de nature à aller à l'encontre des directives , d'autres chats à fouetter ( oui , c'est pas bien , mais pas de panique , ce n'est qu'une expression ...) , pas de vague , refrain bien connu .Tout va bien , cette jeune fille appartient au " club des gens du bas " , ceux qui , un jour ont pu se voir affubler du titre explicite de " sans dents " ....Donc ...Circulez ...

Ah oui , la politique , le pouvoir , les promotions ...Pas de tsunami si l'on veut placer ses cartes maîtresses au moment où Pompidou s'apprête à quitter la place et , hélas pour lui , le monde des vivants .....

Seulement voilà, il va y avoir un problème et ...un gros . L'inspecteur Claude Schneider vient de débouler dans le service , nommé patron du Groupe Criminel .Marqué par la guerre d'Algérie et les atrocités auxquelles il a assisté, c'est un personnage " à part " , impossible à cerner mais vif d'esprit et prompt à affronter sans sourciller , ceux qui visent le " Graal " dont lui se contrefiche . Si j'osais , je dirais bien que " le père Schneider , il rit quand il se brûle " mais la gamine outre le fait qu'elle lui rappelle des souvenirs , il veut en savoir plus ....Rigide , " la loi , c'est la loi " .

Dès lors , on va cheminer en compagnie d'un drôle de type qui , à défaut d'être un type drôle, va révéler au grand jour tout le talent de l'auteur à sonder l'âme d'un personnage . Incroyablement fouillé, suggèré plus que montré, Hugues Pagnan ciséle un personnage que l'on ne risque pas d'oublier . De l'émotion, de l'adoration à la détestation en passant par la compassion , ce personnage devient l'objet même du roman et c'est royalement dépeint . Si j'ajoute que d'autres figures du roman sont pas mal du tout non plus ..... Tout ce petit monde va évoluer dans un grand monde plutôt "nauséabond " mais hélas pas si rare et on ne peut jamais se sortir de ce filet qui nous maintient la tête sous l'eau du début à la fin ...Pas de poursuites , pas de grandes envolées, pas de suspense de nature à vous obliger à tourner les pages , non , rien de tout ça mais tellement mieux . Ne vous inquiétez pas , vous ne trainerez pas en route car la société décrite, c'est bel et bien la nôtre, pleine d'envies , d'hypocrisies , de mensonges , de " trains ratés " . L'écriture est au diapason de cette " fausse lenteur " , très belle ....

Tout pour plaire ce Schneider ...Enfin , tout pour plaire mais pour qui sait y faire ...On le voit bien sourire au moins ...oui , c'est ça, au moins deux fois . Je sais pas , moi , s'il fallait désigner un acteur pour l'interpréter, je verrais bien Lino Ventura , tiens , vous savez cet acteur extraordinaire . Mais si . Moi , je le surnomme ( avec respect et admiration ) , MICHOKO . Vous savez , ce bonbon " dur à l'extérieur et tendre à l'intérieur " . Allez j'arrête, avec mes comparaisons douteuses , je vais bien me retrouver au tribunal avec des plaintes ....Pourtant , si vous en prenez un en lisant ce roman , un Michoko , vous verrez que ça vous " adoucira le contexte " et ce ne sera pas du luxe .

Contrairement à la prudence dont j'aime toujours à m'entourer lorsque je vous parle d'un livre , celui là ,je ne vous le conseille pas , je vous ordonne de le lire .....avec un paquet de Michoko , bien entendu . ( Pas certain que le libraire vous l'offre , le paquet )

À bientôt les amies et amis . Je me demande ce que je vais bien pouvoir lire maintenant ....La barre est haute .

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Le carré des indigents

Hugues Pagan était encore flic lui-même lorsqu’il créa Schneider, son personnage récurrent présentant suffisamment de points communs avec lui pour que certains y voient, au moins en partie, une sorte de lointain alter ego. Ce nouvel opus nous ramène en 1973, quand, « après un passage par l’armée et la guerre d’Algérie dont il ne s’est pas remis », l’inspecteur principal Schneider choisit de revenir s’enterrer dans sa petite ville de province, plutôt que de faire carrière à Paris. Là, entre certains policiers aux pratiques plus que borderline héritées de leur expérience sous l’Occupation ou pendant la guerre d’Algérie, et une population modestement industrieuse qui subit en silence les crimes dont les autorités se soucient davantage pour des raisons politiques et carriéristes que par réel souci de justice, il tente d’accomplir imperturbablement ses missions.





Elles ne sont à vrai dire en rien spectaculaires et s’enchaînent tristement, au rythme des faits divers marquant le morne quotidien de cette France invisible qui joint laborieusement les deux bouts. Ainsi, Betty, une adolescente de quinze ans dont le projet de devenir institutrice faisait toute la fierté d’un père usé par une vie de labeur ouvrier comme tant de générations avant lui, a disparu entre son domicile et la bibliothèque dont elle revenait en solex. Son corps sans vie ne tarde pas à être retrouvé. Commence, pour l’équipe de Schneider, un méthodique travail de fourmi, destiné à mettre au jour les pitoyables circonstances qui ont abouti à l’effacement de cette pauvre vie et au désespoir d’un père voué au malheur. En même temps qu’il s’efforce de faire toute la lumière sur cette affaire, avant que, vite oubliée, elle ne cède la place à la suivante pour non plus guère que quelques lignes dans les journaux, Schneider, le flic taciturne et intègre, se retrouve aux premières loges d’une réalité sociale qu’il observe sans illusion, avec autant de tristesse que de colère rentrée.





C’est précisément cet aspect de la narration qui la rend si particulière et remarquable. Peu importent ici suspense et péripéties. L’essentiel est dans l’atmosphère et le rendu désenchanté d’un quotidien insignifiant où l’on meurt invisible. Et si le rythme, lent et lancinant, finit par envoûter, c’est aussi parce que l’inimitable rugosité de l’écriture d’Hugues Pagan donne à sa narration d’indubitables accents de vérité, et que le réalisme de son texte finit par vous pénétrer et vous habiter durablement.





Ce roman noir et social cultive, jusque dans son style, une authenticité sans concession qui en fait un coup de gueule en même temps qu’un hommage aux anonymes de la France d’en bas. Un très bon cru.


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Le carré des indigents

Pour mon premier Pagan, j'ai choisi ce roman policier sombre ayant pour héros Schneider, un flic taiseux mal remis de la guerre d'Algérie, qui finira par être attachant bien qu'à la limite du cliché au départ. La plume décapante, incisive et non dépourvue d'un cynisme désabusé lui colle assez bien à la peau. Semblant s'accorder à sa personnalité et son humeur, elle déploiera une forme de poésie pour décrire l'ambiance nocturne de la ville froide et humide, tandis qu'elle brossera les portraits d'hommes et de femmes à coups de truelle parfois moqueurs et souvent peu flatteurs. Mais ils n'en ressortent que plus vrais, réalistes, palpables. Comme dans certaines vieilles séries policières, l'ensemble est éclairé d'une lumière crue qui montre les personnages sans fard, dévoilant l'humanité cachée des uns comme les vices les plus secrets des autres.





Et du vice il y en a. Ambiance : entre les femmes libérées et les hommes colériques, une fillette sans histoire vient d'être retrouvée violée puis tuée en rentrant de la bibliothèque ; Durant l'enquête, notre flic ne cesse de se faire draguer en fumant devant ses martini-gin, le Dieu du Bunker (commissariat) pique des colères dont tout le monde se fout, les gardiens de la paix sont des ripoux violents (« quelques uns avaient sévi sous l'Occupation »)… Et puis, il y a l'agitation des jours d'astreinte, le tout arrosé de dialogues humoristiques ficelés par un sens de la formule jubilatoire.





« Visiblement, il grattait son esprit à s'en casser les ongles, à la recherche de quelque chose qu'il ne trouva pas (…) »





Il a été fait appel à l'auteur pour remettre au goût du jour les séries policières des années 90, leur apporter du réalisme. C'est ce que l'on trouvera également dans ce roman, où le jargon policier côtoie la sensibilité de l'âme humaine sous une carapace bien trempée. Ici pas de grande cascade ni de scénario spectacle, mais le ronronnement bien rythmé de la vie du commissariat avec ses différentes phases d'enquête. le réalisme vient notamment du fait que l'agitation du commissariat dépeint parfaitement l'interdépendance permanente entre les vies des personnages (victime ou coupable, personnages principaux ou secondaires), la personnalité de chaque flic, les contraintes du métier, la vie quotidienne de la ville, les relations entre les individus au travail ou durant les sorties (magistrats, presse…), la vie privée et la vie professionnelle, etc…





« D'emblée, il se sentait rebuté par ce qu'il n'allait pas manquer de devoir apprendre, les sordides et douloureux détails de la mort d'une petite gosse qui avait ses règles et ne demandait qu'à vivre. Une chose est de savoir dans les grandes lignes, autre chose de se pencher sur chaque instant, sur chaque mouvement, sur chaque bulle de souffrance, avant le noir. Il n'ignorait pas que les flics de la Criminelle ne sauvent jamais personne. Il savait qu'ils ne faisaient que regarder passer les trains. » 





Réalisme oblige, ce n'est pas une seule enquête mais plusieurs affaires et dossiers qui occupent nos protagonistes, et contribuent à tisser la toile de fond de ce qui ressemble à la vraie vie. Les personnages démêlent noeud après noeud, le plus rapidement possible car, en cas de disparition ou de meurtre, les 48 premières heures sont déterminantes pour le succès de l'enquête. Pour autant, on ressent autant les temps forts que les temps morts de l'enquête, que l'auteur n'occulte pas et qui permettent recul, réflexion, et concentration sur d'autres parties de l'histoire. J'ai parfois regretté que Schneider ne m'ait pas été beaucoup plus accessible qu'il ne l'est à ceux qui ne le côtoient que de l'extérieur. J'attends toujours de la littérature qu'elle me fasse entrer dans ses personnages et là, le flic est tellement dans son rôle blindé, frôlant la caricature, qu'il ne m'a pas laissé assez pénétrer son intimité pour m'attacher totalement… jusqu'au dernier quart du roman, où l'intensité reprend un peu ses droits dans l'action et dans le personnage.





« Ainsi un inconnu se dissimulait-il quelque part derrière l'apparence du flic impassible, dur, efficace et sans état d'âme, derrière celle de l'amant impétueux, derrière celle du pianiste de blues, derrière ces yeux gris, ces manières insolentes et sarcastique, ce curieux rictus qui ne l'embellissait pas. Un inconnu dont elle avait eu la brusque certitude qu'elle ne saurait jamais rien. Pour toujours Schneider resterait pour elle ce qu'il était déjà. Un fantôme. »





Au total, « Le Carré des indigents » est construit comme les enquêtes de Schneider : « Rien qu'une mécanique bien huilée. Brique par brique, centimètre par centimètre, acte par acte, Schneider fermait chaque porte l'une après l'autre, construisait chaque procédure de manière méthodique, systématique, implacable. » Un roman policier à l'ancienne non dépourvu d'une certaine modernité, dont le réalisme ne s'affranchit pas d'un humour bienvenu et d'une poésie sous jacente, à fleur de plume, relayant opportunément un cynisme désabusé très prononcé - combinaison probable du métier et de l'époque - qui en fait le charme désuet.





J'ai beaucoup aimé la préface en miroir de Michel Embareck, très éclairante et percutante, laissant penser que l'auteur a mis beaucoup de lui dans son héros.





« Il y a toujours plusieurs versions des faits. Et puis il y a la vérité. »

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Le carré des indigents

J’ai découvert Hugues Pagan en 1998 lors de la parution de « Dernière station avant l’autoroute », un roman à la noirceur ineffable, dont le titre est emprunté à une chanson d’Hubert-Felix Thiéfaine. Une révélation, une claque, une surprise aussi dans la mesure où je pensais naïvement que le genre du roman noir était l’apanage exclusif de mes auteurs anglo-américains favoris, Lawrence Block, James Lee Burke, John Harvey et tant d’autres.



Passé le choc de la découverte, je me suis plongé dans l’œuvre antérieure de l’auteur, qui, pour avoir été flic pendant vingt-cinq ans connaît son sujet, et cette plongée dans les ténèbres a confirmé mon intuition : il existe un James Ellroy français et il s’appelle Hugues Pagan.



Amateur de romans à énigmes, de thrillers haletants, de « page turner », passe ton chemin. Pagan écrit des romans noirs, des vrais. Son œuvre s’inscrit dans une époque, dans un contexte social, ses héros multiplient les failles, carburent au désespoir et tentent de garder la tête hors de l’eau en fumant comme des sapeurs, en buvant plus que de raison ou en ramenant à l’occasion une demoiselle au coeur pur et aux jambes interminables dans leur lit. Lire un roman de Pagan est une expérience presque musicale, une plongée dans un monde gangréné par l’hypocrisie, les ambitions dévorantes, les faux-semblants, dans lequel un héros aussi intègre que désabusé, noie son tourment au Jack Daniels, et tente d’éloigner ses démons intérieurs en écoutant Charlie Parker.



J’étais loin de m’imaginer devoir attendre vingt ans pour lire un nouvel opus de Pagan, et la parution de « Profil perdu » qui marquait enfin un retour réussi sur la scène littéraire de l’un des héros récurrents de l’auteur, l’inspecteur principal Claude Schneider et se déroulait à la charnière des années soixante-dix et des années quatre-vingts.



L’idée lumineuse du dernier roman de l’auteur, « Le carré des indigents », est d’effectuer un retour aux sources en situant son intrigue en 1973, dans une ville indéfinie du nord est de la France, évoquant Besançon où Schneider fait un retour inattendu après un passage par l’armée et la guerre d’Algérie dont il ne s’est pas remis. Il prend la tête du Groupe criminel et doit aussitôt faire face à la disparition de Betty, une adolescente de quinze ans au visage de chaton ébouriffé, élevée par un père célibataire aussi modeste qu’honnête.



Dès les premières pages, on se rappelle que Pagan c’est avant tout un style, une manière nonchalante de poser le décor, de dérouler son intrigue, de s’attarder sans complaisance ni nostalgie sur la fin du mandat pompidolien, sur laquelle plane encore l’ombre de la guerre d’Algérie.



A la manière d’Ellroy, l’auteur dissèque au scalpel une bourgeoisie provinciale qui s’apprête à élire Giscard, ses ambitions, ses compromissions et sa face sombre. Il plonge son lecteur dans une époque à la fois proche et lointaine, où régnait une forme d’insouciance, quand midi moins dix sonnait l’heure du pastis, et que les cigarettes s’allumaient à la chaîne. Il s’attarde longuement sur son héros, un flic poursuivi par ses propres fantômes, un trentenaire aux yeux clairs, au visage anguleux, au physique élancé et à la mise toujours impeccable, un homme qui ne laisse jamais la gent féminine insensible et a perdu ses dernières illusions dans une guerre qui n’en était pas une.



« Le carré des indigents » explore le conflit entre un policier aussi intègre que désenchanté et une hiérarchie plus carriériste qu’éprise de justice. Le roman s’attarde sur le regard ironique et narquois que celui-ci porte sur des édiles locaux indifférents à la cruauté du sort qui s’abat sur les paumés, les clochards, en bref tous ceux qui ont lâché la rampe. Il revient surtout sur l’obsession pour la disparition de la petite Betty qui menace d’emporter Schneider, un flic à l’ancienne pour qui chaque vie compte, surtout celle des plus faibles, un homme qui marche sur un fil mais qui n’abandonne jamais.



« Le carré des indigents » est un écrin noir dans lequel la magie de la plume déploie avec une forme de grâce délicate les obsessions récurrentes de son auteur et confirme cette fulgurance ressentie il y a plus de vingt ans, lors de la découverte de Monsieur Pagan, l’écrivain qui a redonné ses lettres de noblesse au roman noir « à la française ».
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Le carré des indigents

Dix ans qu'il n'était pas revenu dans la Ville, après avoir gonflé les rangs de l'armée et combattu en Algérie, une guerre dont il ne s'est jamais remis. En ce matin froid de novembre, l'inspecteur principal Claude Schneider pousse les portes du Bunker, dorénavant patron du Groupe Criminel. Accueilli plutôt froidement par le Contrôleur Général Toussaint Mariani, dont il n'en a que peu faire. D'autant qu'un certain André Hoffmann vient lui signaler que sa fille, Élisabeth, âgée de 15 ans, n'est pas rentrée, après s'être rendue à la bibliothèque en milieu d'après-midi. Étonnamment, il sait, de même que Schneider, qu'elle est morte. Et la découverte d'un cadavre, le lendemain matin, ne fera que confirmer ses soupçons. D'après les premières constatations, morte d'un coup fatal porté à la gorge à l'aide d'un fer de bêche...



Au-delà d'une triste enquête policière, à savoir retrouver le ou les assassins de la jeune Betty, frappée, violée et décapitée, ce roman policier est avant tout une magnifique peinture de la France pompidolienne, d'une France des couches sociales, d'une police au sein de laquelle certains, au sortir de la guerre d'Algérie, n'hésitent pas à tabasser. Lire un roman d'Hugues Pagan, c'est observer la vie du quotidien, c'est contempler la Ville et ses habitants, c'est plonger dans une ambiance sombre, parfois pesante, presque mélancolique ou fataliste. C'est suivre, pas à pas, l'inspecteur Schneider, un homme peu bavard, glacial, minutieux, désenchanté, spectateur de la détresse humaine, indifférent devant les hommes de pouvoir mais ébranlé par la mort de Betty. C'est évoluer dans une ville où suintent le noir, le désespoir, la souffrance. C'est entrapercevoir une faible lueur d'espoir et d'humanité. Et c'est admirer cette plume saisissante, immersive, raffinée, léchée, puissante.

Un roman socialo-policier intense, tragique et émouvant...
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Dernière station avant l'autoroute

‌Je n'avais jamais lu Pagan. Auteur dont j'avais entendu parler, et dont j'ai découvert l'univers dans une critique de mon ami Isi, Isidoreinthedark, nom prédestiné pour commenter cet auteur. Et il recommandait ce titre. Hasard ou rendez-vous, j'ai trouvé ce roman dans une boîte à livres quelques semaines plus tard. Après cette lecture, je peux vous dire que je ne crois pas au hasard.



Comment vous parler de cette oeuvre ? J'ai rarement du mal à trouver les mots quand un livre me plaît. Par où commencer ?



Le résumé, peut-être. Un homme député se suicide dans une chambre d'hôtel. Un flic, appelé sur les lieux, récupère une enveloppe où pourrait se trouver une disquette, j'ai bien dit disquette, un mot que les les moins de vingt ans ne peuvent sans doute pas connaître ... Aujourd'hui ce serait une clé USB. de multiples personnes recherchent activement cette hypothétique disquette ...



Un résumé pas forcément très original, mais qui ne traduit absolument pas ce qu'est ce livre. L'enquête, les faits, les menaces,, tout cela devient presque anecdotique.



Je pourrais aussi vous parler du personnage principal, un flic, désabusé, qui noie dans l'alcool et dans le Blues son mal de vivre, qui connaîtra quelques parenthèses presque normales avec une femme, mais celles-ci ne suffiront pas. Et pourtant, il a eu une vie avant, il a des fils qu'il ne voit jamais.



Là, vous vous dites, pas très original non plus ce personnage, et pourtant je ne l'avais jamais rencontré, dans mes lectures. de pâles imitations, certes, je dirais gris clair, là noir c'est noir... Il n'y a plus d'espoir.



J'ai mis un peu de temps à faire sa connaissance, il ne se laisse pas approcher facilement. J'ai trouvé le début un peu lent, mais cette lenteur permet de savourer avec toute l'attention méritée l'écriture de l'auteur. Une écriture magnifique, chantant le désespoir avec une poésie incroyable, associant les mots avec un lyrisme qui m'a laissée sans voix J'ai posté quelques citations, j'aurais pu vous mettre des chapitres entiers. On est plongé tout entier dans une atmosphère sombre, parce que c'est souvent la nuit, il pleut, mais sombre surtout parce que le livre chante la mélancolie, la chute, l'abandon de l'espérance.



Et puis j'ai commencé à mieux je ne dirais pas connaître parce qu'il s'y refuse, mais aimer ce personnage. Et les deux, le personnage et l'écriture m'ont emportée, envoûtée sans compter la musique qui baigne ce roman. Comment ne pas entendre dans sa tête un air lancinant de saxo, quelques notes de piano pendant que les pages défilent ...



Merci Isi
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L'étage des morts

Paru en 1990, « L’étage des morts » est un roman noir, très noir, comme tous les romans de son auteur, Hugues Pagan, ancien flic au style aussi soigné qu’inimitable. Le célèbre éditeur Bernard de Fallois écrivait : « La supériorité de Proust sur la plupart de ceux qui le précèdent vient de ce que ceux-ci, écrivant plusieurs livres, font toujours le même sans le savoir, alors que Proust lui, le sachant n'en a jamais écrit qu'un ». S’il n’est évidemment pas question de comparer Pagan à Proust, force est de constater que Pagan écrit lui-aussi toujours le même livre, et qu’il en est probablement tout à fait conscient.



« Le carré des indigents », dernier-né de la série consacrée à l’inspecteur Schneider a rappelé à ceux qui auraient pu l’oublier, les qualités de l’auteur : la finesse du style, le réalisme saisissant de l’intrigue, un amour indéfectible pour le jazz et enfin cette faculté rare de restituer le contexte social dans lequel évolue son héros, qui évoque les grands auteurs américains du roman noir, James Ellroy, Lawrence Block, ou même Ross McDonald.



A l’instar de « Dernière station avant l’autoroute », probablement le chef d’oeuvre de l’auteur, « L’étage des morts » a pour héros un chef de groupe dont l’équipe travaille de nuit, qui n’est jamais nommé et ressemble étrangement à Schneider. Comme le héros récurrent de Pagan, il a perdu très jeune ses illusions lors de sa participation à la guerre d’Algérie, fume des Camel sans filtre à la chaîne, écoute du blues des années quarante comme d’aucuns écoutent des chants grégoriens, boit des litres de café, ne dit jamais non à godet de bourbon, et porte un regard désenchanté sur ses contemporains.



Au fond, cet inspecteur qui voyage seul au bout de la nuit, évoque un Claude Schneider usé par les années, les crimes atroces jamais résolus, la corruption omniprésente : un baltringue qui n’a plus rien à perdre parce qu’il a déjà tout perdu, un homme encore en vie même s’il est déjà mort.



« L’argent avait la couleur de nos rêves. Je suis resté un bon moment à regarder les façades et les toits et le ciel laiteux qui n’avait rien à m’apprendre. J’avais glissé mon colt dans ma ceinture, dans le dos. Moi non plus, je n’étais pas innocent - personne n’est innocent. Seulement moi, je n’avais plus de rêves. C’est à cela qu’on reconnaît les morts ».



L’intrigue dessinée par Pagan se déroule à Paris, à la fin des années quatre-vingts, un temps où le Sida rodait dans la nuit, où les voyous paradaient en BMW et où le fric déjà était roi. Un temps à la fois proche et lointain, sans internet, ni téléphones portables, où le héros croise dans l’aube grisâtre d’un troquet parisien une vieille qui « s’arquebuse au petit blanc dès huit heures ».



L’auteur prend le temps de poser le décor. Et le décor c’est la nuit parisienne, ses putes, ses camés, ses petits branleurs qui font la course sur le périph dans leurs caisses trafiquées, ses braqueurs à la petite semaine qui se font parfois arraisonner par un commerçant de mauvais poil. C’est dans ces dédales interlopes qu’il connaît trop bien, que dérive un flic trop maigre et trop intègre, à qui l’on a tout pris. Notre homme n’est pas hanté par les quelques biens que les huissiers ont emportés, lui laissant seulement sa guitare, son ampli à lampe ainsi qu’une imposante collection de vinyles de blues. Non, il est hanté par la perte de celle qu’il a cru aimer pour de vrai, la plantureuse Calhoune, qui a pris du galon et épousé un homme fortuné. Il noie son chagrin dans le Jack Daniels et dans les bras de sa voisine, la belle Farida, prostituée de son métier.



Notre homme est sur la corde raide, à grand renfort d’innombrables cigarettes et de litres de café, il fait son boulot de flic, et plutôt pas trop mal. Et pourtant. Il n’est pas dupe. Il marche sur un fil. « La femme sans tête », une jeune prostituée qui perd sa tête, sectionnée par la bordure du périphérique suite à une course qui tourne à l’accident sera sans doute le drame de trop. S’en suivra une prise d’otage qui manque de finir en carnage, où la violence mêlant courage et folie dont il fait preuve, achève de mettre sa carrière sur la sellette.



L’essentiel se joue ailleurs. Chez les puissants qui tirent les ficelles. Le chef de groupe désabusé ne le sait que trop bien. Il se débat avec l’écume du mal, un mal qui vient de profondeurs que même lui ne soupçonne pas. La mise change de dimension lorsque son ami de jeunesse, Franck, avec qui il fait l’Algérie, devenu flic lui-aussi, vient lui proposer de participer à un gros coup, un très gros coup, évidemment illégal.



« L’étage des morts » est un voyage au coeur des ténèbres, un voyage au bout de la nuit aussi, un cauchemar éveillé dans lequel se débat un homme qui a honte de la légion d’honneur qu’on lui a remise pour ses faits d’armes dans une sale guerre qui l’a abîmé à tout jamais. Hugues Pagan nous y dessine avec une improbable délicatesse une nuit parisienne qui ressemble à un tableau que n’aurait pas renié Jérôme Bosch, qui tel un écrin serti de billets verts, sera le décor d’une intrigue qui fera tomber les masques.



« L’étage des morts » a l’amertume du mauvais café, de la cigarette de trop, de ces petits matins blanchâtres et incertains. Il a surtout ce goût métallique et froid de la lente dérive d’un homme qui pense avoir tout perdu et découvre avec effarement que le pire est sans doute à venir.

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Le carré des indigents

Je ne suis pas spécialiste des polars et tout a été dit déjà mais alors quel livre, je suis admirative !



Un petit côté Claude-Chabrol: roman noir , pour le versant social de ce récit celui où les notables ne se mêlent pas avec le bas peuple——-porté surtout par son style inimitable , une écriture envoûtante , sublime , entre élégance , noirceur, crudité , véracité , une profondeur d'analyse rarement atteinte , le rythme est lent, abouti avec en fil rouge , en novembre 1973, le meurtre sordide d'une petite jeune fille de quinze ans assassinée , elle qui rêvait de devenir institutrice ……



Ce livre est grand aussi par ses personnages , leurs postures , leur lassitude ,les rapports de force entre policiers ,résolutions de crimes , délits , petites tragédies réglées sur place par le biais de mains courantes expéditives ,escroqueries ,différents entre voisins , disparitions sans lendemain , braquage de boutiques



……

L'atmosphère est poisseuse à souhait , pétrie d'un blues royal, que l'équipe très soudée du Groupe Criminel est prête à relever.



L'inspecteur Claude Schneider , tout tourne autour de sa personnalité ,——un personnage fétiche choyé par l'auteur ——et de son passé , flic cabossé après un passage par l'armée et la guerre d'Algerie dont il ne s'est jamais remis , il ne parvient toujours pas à accepter la mort , engagé volontaire en Algérie en 1959, faculté de droit , concours d'officier de police ,puis affecté dans une brigade territoriale des quartiers Est Parisien , une mère pianiste ,décontracté avec une touche d'insolence tranquille , c'est un procédurier hors pair , sévère mais juste. au regard gris , taciturne ô combien', infatigable ,indéfinissable , parfois trop dur, trop lointain ,trop cassant , rien ne semblait avoir de prise sur lui .



Quelquefois : inhabité , vacant ,capable d'une immobilité de pierre et d'un silence de mort ——-mais ——éprouvant un profond attachement pour ceux qui ne sont rien , les gueux , les sans - grade, les gens de peu …



Une population oubliée et mise au ban…



L'auteur réussit à ciseler , disséquer au scalpel , minutieusement, un personnage attachant , anti- héros , cernant les maux de la société ——drôle de type que les lecteurs n'oublieront pas de sitôt ——-celui à qui est destiné tout le roman …

Il ne parvient pas à oublier cette adolescente de quinze ans , au petit visage ébouriffé ….

En fait faire la lumière sur cette affaire , en 1973, affaire triste , d'une banalité confondante permet à l'auteur de nous livrer une vraie pépite noire …Mais ce n'est que mon avis , bien sûr ! Une fois de plus !





«  Ainsi , nos vies sont - elles comme un long sommeil éveillé, où les rêves seuls tiennent lieu de mémoire » …

Merci à Rémi mon libraire.



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Vaines recherches

Encore un auteur de la vague noire française de la fin du 20e siècle que je découvre... Et c'est du bon!

La facture est assez classique: Flic abrupt plutôt taiseux, jolie femme, pâles voyous et un type qui disjoncte au point de tuer deux femmes! On est dans la veine des années Fajardie et de son commissaire Padovani.

L'inspecteur principal Schneider, avant de prendre des vacances que l'on suppose très attendues et bien méritées, va devoir stopper le tueur à la carabine USM1.

Parallèlement, le sordide tabassage et viol de la protégée de l'inspecteur Catala va mener à une requête sur un trafic de stupéfiant.

La canicule étouffe la ville, écrase et exacerbe. Chacun attend l'orage qui viendra tremper à défaut de vraiment lessiver.

Hugues Pagan, ancien flic, connaît bien la morne musique des folies et violences urbaines: Il en joue, mais juste ce qu'il faut en donnant davantage de poids aux personnages de son drame. pas la peine d'en rajouter outre mesure.

Vaines recherches, un bon polar qui se lit bien sans trop faire lanterner le lecteur. J'approuve et je recommande!
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Le carré des indigents

Que c'est triste. J'ai refermé ce livre et il me semblait avoir un poids sur les épaules. J'étais totalement abattue. Voilà le pouvoir des mots et du récit.



Pourtant, c'est la triste et banale histoire du meurtre d'une jeune fille de quinze ans et la recherche de ses meurtriers. Je découvre Hugues Pagan avec ce titre et j'ose dire que cet auteur est un maître du roman noir, du roman noir social.



Bizarrement, en lisant, j'ai vu Humphrey Bogart ou encore Lino Ventura. Savez ce genre de flics, taiseux, un brin cynique, immensément désabusé et en même temps, infiniment humain, de ceux qui en ont vu d'autres mais qui gardent ça pour eux. de ceux qui ne lâcheront pas le morceau pour retrouver les meurtriers d'une adolescente. De ceux qui ont une équipe d'hommes soudés, loyaux parce qu'eux mêmes sont intègres et justes. Un flic de la vieille école, un flic que l'administration ne fait pas fléchir, un flic qui a ses façons de faire et qui obtient des résultats parce que rien n'est laissé au hasard dans l'enquête. Bref, un chef, un vrai.



Un récit politique et social campé dans une atmosphère enfumée, alcoolisée, tendue, telle que l'on dirait la fin d'une époque. Une langue parfois vulgaire mais toujours riche qui saisit et rend parfaitement la quotidienneté des gens ordinaires, de ceux qui triment dur, de ceux qui se contentent de peu, des malchanceux, des malheureux. Dans « le carré des indigents » c'est le malheur pour tous : victimes, flics, criminels, petits voyous, politiques, édiles, c'est la noirceur pour tous mais c'est beau. C'est beau car c'est poignant, envoûtant, surtout authentique et c'est très réussi.



Et même si j'étais terriblement triste en refermant ce livre, j'y ai pris du plaisir car il n'est pas si fréquent de retrouver cette sorte d'écriture qui nous fait ressentir ces sentiments de désespoir et d'accablement comme Hugues Pagan a su si bien le faire . Un très très bon roman.
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Le carré des indigents

Il y a des auteurs dont tu entends parler depuis longtemps ; tu sais que tu dois absolument les lire, parce que tu sais que tu vas les aimer ; et va savoir pourquoi, tu ne les lis pas. Hughes Pagan est de ceux-là.



Et puis un jour tu passes le pas et tu te jettes dans Le Carré des indigents. 444 pages plus tard, tu as la confirmation de ton intuition. Et le regret d’avoir tant tardé à découvrir ce maître français du noir.



Plongée dans la France pompidolienne, ces années 70 où la France des 30 glorieuses vit ses derniers jours en même temps que les derniers souffles de son président. Une France dont la police est aux ordres du pouvoir, mais aussi des puissants et des notables. Surtout dans cette province que Pagan ne situe pas.



Une ville que l’inspecteur Schneider retrouve des années après l’avoir quittée, muté à la brigade criminelle au sein du Bunker, le siège de la police où les rivalités internes et les jeux de pouvoir agitent plus le quotidien que la banalité des affaires à régler. Jusqu’à ce que la jeune Betty Hoffmann disparaisse…



Une fois retrouvée sauvagement assassinée après avoir été violée, Schneider et son groupe lancent une enquête que d’aucuns souhaiteraient clore au plus vite. Les équilibres locaux et douteux vacillent, la part d’ombre des politicards du cru et des flics ripoux - parfois les mêmes - se révèle. Schneider dérange mais ne rompt pas.



Le Carré des indigents est un modèle de roman noir, de polar d’ambiance et d’excellence dans le travail de ses personnages. On est à la fois dans un noir digne des grands maîtres américains, dans une atmosphère que Manchette n’aurait pas reniée et dans une approche des hommes et des âmes qui crée une immédiate empathie.



Schneider bien sûr, complexe et tourmenté par son passé algérien ; mais aussi les fidèles de son groupe à la dévotion d’un autre temps ; ou ces petites gens de province, invisibilisés dans une société dont ils n’occupent que les rangs du fond et quotidiennement humiliés par l’indifférence de ceux censés les protéger.



Vous l’aurez compris, Le Carré des indigents est un grand livre, du genre à faire aimer le noir et le polar à quiconque a juré ne plus vouloir en lire. Quant à moi, j’ai maintenant quelques Pagan à rattraper…
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Dernière station avant l'autoroute

«  L'indifférence à soi vient avec l'âge , la fatigue, et la pratique courante du monologue intérieur [……] Lorsqu'on tire de la main droite , c'est l'oreille gauche qui devient sourde . Certaines symphonies de Malher , tout comme Prague de Mozart , sonnent quant à elles avec l'ampleur terrifiante , la clarté angoissante de jardins à la française hantés par la mort… » .



«  Quand même , le temps se levait par l'ouest et on entrevoyait ,sur la droite , au loin , une exquise écharpe de bleu très pur, doux et lointain , au ras de l'horizon , toute frangée de nuages parme » .

«  L'automne aux doigts tachés d'or et de rouille s'était encore un peu attardé autour .. »



Pourquoi ces citations qui n'ont rien en commun?



Parce que cet auteur, en vrai styliste , est capable de ciseler un paysage poétique , au lyrisme subtil, que conter le quotidien d'un officier de police judiciaire, dont on ne saura jamais le prénom , un héros amer, désabusé , noir , chargé de lassitude et d'appréhension, blasé , asocial, déshumanisé ,nombre de fantômes le hantent et le milieu où il évolue le révulse .



Les mots me manquent pour qualifier cet homme en train de s'enfoncer dans le sable, gardant en mémoire la plupart de ses hontes,, de ses souffrances , et la trace indélébile de ses lâchetés …



Il est chef de groupe de nuit , à se demander si l'auteur n'a pas vécu ces moments : une très longue descente aux enfers et je ne vous parle pas du vingt et unième chapitre , le dernier, cet homme a un goût prononcé pour la musique classique ,le piano , les cigarettes , en nombre ——- les livres —— point commun avec moi, il en possède plus de trois mille dans sa bibliothèque , il a mal au dos , froid dans les os ——des pensées moroses qui lui viennent de la nuit ——-il ne dort plus vraiment, fatigué des faux - semblants et des mensonges ….



L' ambiance est pesante , le rythme soutenu , l'intrigue : le suicide d'un sénateur passe au second plan, le flic ne croit plus en rien , il n'en a plus rien à faire … le ton est désespéré, il s'abîme en fumant et buvant , un Baltringue qui a perdu son âme , des nuits violentes , lassantes , épuisantes pour ce héros affrontant tout ce que la vie possède de décadent et de morbide …

Des clients venant geindre toute la nuit pour des tapages nocturnes, beaucoup de vols à la roulotte , des petites histoires qui auraient pu attendre le matin pour se régler.



Le lecteur assiste à des scènes d'une crudité incroyable , une arrestation musclée au Nord Parisien, l'incendie effroyable de réalisme d'un squat , l'assassinat terrible de cruauté dévoilée d'une prostituée ….il fait gris , il pleut , un flic perd son âme douloureusement …



Une très grande plume , j'ai failli cesser ma lecture ; bienvenue dans le monde des morts - vivants , mon libraire m'avait prévenue ….

C’est cruel , désespérant ..

j’ai acheté ce roman en août , tardé à le lire .



Ce livre est puissant , noir de chez noir , profond , lent, sombre , amer , d'un lyrisme étonnant, poétique , fort , humain, balayant tous nos accommodements, nos amertumes pas très reluisantes , nos frêles rêves salariés, «  nos secrètes cochoncetés , par ce que cela aidait à vivre . » …



À lire pour ceux qui en auront l’audace ou le courage ,.

On termine cet écrit désespéré un peu épuisé ….



Ce n’est que mon avis , bien sûr , comme toujours .

«  J'écoute le vent . Pour une raison ou pour une autre , le vent m'a toujours rassuré . C'est comme un grand courant dans le ciel qu'on ne voit pas. Il est plein de milliards d'âmes qui en ont fini de souffrir » .











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Le carré des indigents

1973. L’inspecteur Schneider, vétéran de la guerre d’Algérie et flic ingérable pour sa hiérarchie, cultive l’art des investigations menées selon les règles et son intégrité n’a d’égale que son mépris pour les carriéristes.

Revenu dans la ville de sa jeunesse, il enquête sur le meurtre sans mobile apparent d’une gentille adolescente.

Meurtri dans sa chair et dans sa tête, Schneider doit affronter les démons d’un passé douloureux mais avance avec détermination.

Ancien policier lui-même, scénariste à succès et romancier hors pair, Hugues Pagan promène son flic désenchanté au cœur d’une sombre histoire dans une France pompidolienne et autoritaire.

Esthète de l’écriture noire et poétique, il parsème son récit de bouleversants moments d’émotion pure. Un roman noir de très belle facture !
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Le carré des indigents

Hugues Pagan, auteur et scénariste français, est le père d’un personnage récurrent dans ses romans noirs, celui de l’inspecteur principal, Claude Schneider. Dans son dernier livre, « Le carré des indigents », celui-ci revient dans un polar bien noir qui se déroule courant des années 70.



Schneider doit enquêter sur la mort, somme toute banale, d’une anonyme, une jeune fille de 15 ans dont son père est venu déclarer la disparition peu de temps avant. Dans une cité sombre et miteuse quittée plusieurs années auparavant, il reprend du service au sein du Bunker, la criminelle, entouré d’une équipe aux personnalités bien trempées.



Les amateurs de polars noirs traditionnels seront ravis avec ce livre dont les codes du genre sont bien présents. Pour ma part, j’ai apprécié les deux tiers du roman avec notamment l’enquête policière entourant la mort de Betty, l’adolescente de 15 ans. Après, je me suis un peu ennuyée par les autres enquêtes s’ajoutant à la principale.



J’aurais préféré que le livre ne compte que 300 pages et s’arrête à cela. Hélas pour moi, d’autres faits se produisent et prolongent le récit, ce que j’ai trouvé en quelque sorte comme secondaire et accessoire.



Malgré tout, j’ai aimé l’ambiance seventies, que je ne trouve pas forcément dans mes lectures habituelles.



Par contre, concernant mon écoute, la voix de Cyril Romoli se joint très bien au personnage de Schneider, telle que je l’aurais imaginée par rapport au descriptif que l’auteur en donne. Malgré les tons de voix différents selon les personnages, cela ne m’a pas permis d’accrocher plus que cela à l’histoire.



Ces constatations ne sont que mon humble avis personnel. Je vous invite à vous forger le vôtre et suis certaine que d’autres lecteurs seront plus enthousiasmés que moi.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Le carré des indigents

La prochaine fois qu’un scrogneugneu me balancera, d’un air infatué (ou moqueur), que "Les romans policiers, ce n’est pas de la littérature, que je ferais bien de lire des vrais livres", je pense qu’il serait de bonne guerre que je lui balance ce polar noir dans la gueule, afin qu’il constatât que cela fait moult années que le polar n’est plus un roman de gare.



N’espérez pas lire ce polar noir en vitesse, il faut être concentré sur sa lecture, l’auteur utilisant des phrases bien plus complexes que le traditionnel "Sujet – Verbe – Complément". Ses constructions de phrases sont belles, brillantes, recherchée. Mais c’est une lecture plus exigeante, il est déconseillé de rêvasser en lisant.



La société des années 70 que nous brosse l’auteur n’est pas brillante. Non, ce n’était pas mieux avant. Dans ses pages, c’est sombre et ce sont les petites gens qui sont mises à l’honneur, ainsi que les membres d’un commissariat, un peu à la manière de la série du 87ᵉ district (Ed McBain).



L’inspecteur principal Schneider est un homme taciturne, il a fait la guerre d’Algérie, est revenu avec des blessures à l’âme et au cœur, mais son personnage sort tout de même des sempiternels flics bourrus alcoolos. Mais que ça fait du bien d’avoir un enquêteur qui sort des portraits habituels, qui a du répondant (avec peu de mots, mais souvent cinglants) et qui se fout de tout, sauf de ses enquêtes (il ne fait pas de la lèche).



Hugues Pagan a une plume incisive, cynique, caustique, mâtinée de termes argotique, de langage un peu cru, sans être vulgaire. Du langage de flics des années 70, de celui des gens d’en bas. Un langage qui colle parfaitement bien à l’atmosphère de ce roman noir, qui est parfaitement dans le ton des années 70 et qui lui donne un petit truc en plus.



L’enquête ne sera pas facile : pas de témoins de la mort d’une jeune fille qui rentrait chez elle à bicyclette et que l’on retrouvera morte. Schneider mène l’enquête, boit beaucoup, fume comme un dragon, se moque des colères de celui que l’on surnomme Dieu (le chef du commissariat), ne trempe pas dans les magouilles des ripoux et tente de faire la lumière sur ce crime banal, mais terriblement dégueulasse.



Un roman noir, social, terriblement sombre, rempli de désespoir, de tristesse, aux atmosphères poisseuses, peuplé de personnages forts, qui dégagent une présence qui restera, même après la fermeture de ce roman.



Un roman que j’ai refermé avec une pointe de tristesse, avec la sensation que je quittais une épique de flics que j’avais apprécié, qui m’avaient marqué, notamment Schneider. Un roman noir qui va à son rythme, qui ne fait pas dans la surenchère ou la vitesse, mais qui marque tout de même.



PS : merci au Top 10 (chez Collectif Polar) de la flingueuse Chantal qui m’a donné envie de lire ce roman noir ! C’est mauvais pour la PAL, ces tops, mais on y trouve parfois des pépites cachées qui méritent d’être mises en avant !


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Le carré des indigents

Novembre 1973. L’inspecteur principal Schneider revient dans la ville de sa jeunesse après un passage par l’armée et la guerre d’Algérie dont il ne s’est pas remis.



Nommé patron du Groupe criminel, il ne tarde pas à être confronté à une douloureuse affaire : la fille d’un modeste cheminot n’est pas rentrée. Son père est convaincu qu’elle est morte.



Schneider par contre n’arrive toujours pas à accepter la mort. Surtout celle d’une adolescente de quinze ans.



Faire la lumière sur cette affaire ne l’empêchera pas de demeurer au pays des ombres...Très mérité prix Landerneau du Polar 2022, le carré des indigents de Hugues Pagan, nous permet de retrouver l’inspecteur principal Claude Schneider, protagoniste récurrent des romans d’Hugues Pagan.



Nous sommes dans les années 1970, peu avant la mort de Pompidou et l’accession de Giscard au pouvoir.



Un polar à l'atmosphère poisseuse, très musical, le blues est partout dans ces pages avec des crimes ou des braquages que l'équipe très soudée du Groupe criminel est prête à relever. Pagan est un véritable orfèvre de l'écriture, sans doute l'un des précurseurs français des flics devenus romanciers.



Il livre ici un récit particulièrement fluide qui nous fait entrer dans une autre dimension, pas loin des romanciers US élégants entre Jim Thompson et James Lee Burke, en tout cas très loin des polars actuels gore et trashs.



Hugues Pagan sait finement nous plonger dans une ambiance unique portée par une écriture assez sublime et des personnages que l’on n’oublie pas …
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Profil perdu

"Profil perdu" se déroule dans une ville de l'Est de la France qui ne sera jamais nommée. L'intrigue débute le soir du 31 décembre 1979 quand un policier des stups est abattu dans une station-service le soir du réveillon.



C'est Schneider, le chef de groupe de la Criminelle, qui prend la direction de l'enquête. Sa silhouette fait penser à un loup efflanqué. Il partage avec l'animal les mêmes yeux clairs, d'un bleu presque livide. S'il parait prostré, il reste dangereux, prêt à mordre. Dans sa jeunesse, il a perdu son âme dans les Aurès, lors de combats opposant les parachutistes aux fellaghas. Il parcourt la ville au volant d'une Lincoln Continental 1969. Ses virées nocturnes le conduisent dans toutes les sphères de la société, du préfabriqué d'un ferrailleur à l'hôtel particulier d'un notable. Il peut rencontrer dans la même journée un dealer marginal et l'homme le plus puissant de la ville. Dans ce monde corrompu et désespéré, les affamés se confondent et se croisent sur fond de drogue, de baise ou d'alliances de circonstance.



Schneider est insaisissable, il n'appartient à personne, aucune femme n'a su le retenir. Jusqu'au jour où il croise le chemin d'une petite brune surnommée Cheroquee... Ses cheveux descendent jusqu'à sa taille et on devine sous son pull à col cheminée parme l'opulence de sa poitrine. Saura-t-elle domestiquer ce vieux loup et lui redonner le goût de la vie, lui qui vit dans le danger et est enfermé dans la douleur?



Hugues Pagan parvient à créer dans ses romans une atmosphère particulière, à la fois dense et sombre. Après vingt ans de silence, il nous livre un roman d'une grande qualité qui nous invite à découvrir l'ensemble de son œuvre.
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Dernière station avant l'autoroute

Qu’est-ce qui fait encore courir un homme quand il n’a plus de carburant ? Qui plus est quand il est flic, fatigué de la vie, dégoûté de la condition humaine et de sa propre existence mais surtout le cœur vide et froid. Commandant divisionnaire de son état, il gère le Groupe Nuit dans le XIIème arrondissement. Toutes les nuits, cloîtré dans son cagibi, il s’allonge sur un lit de camp avec en fond sonore la radio qui le préviendra d’un simple délit ou d’un crime sanglant. Qui le préviendra de son nécessaire départ dans cette nuit sombre et froide. Hostile.

Ce soir -là il se transporte avec son second sur les lieux d’un suicide. Celui d’une huile : un parlementaire proche des rouages du sommet de l’Etat et de tous ses secrets plus ou moins avouables. Comme cette disquette ayant appartenu au défunt que recherchent activement des hommes de l’ombre, en service commandé et pour lesquels notre OPJ Nuit semble être une cible à privilégier pour en retrouver la piste. Mais ce qu’ils ne savent pas c’est que menaces et intimidations n’ont depuis longtemps plus aucun effet sur sur cet homme qui n’a plus aucune complaisance avec la vie comme avec la mort.



Un roman de Hugues Pagan c’est un style sans concession, un récit à fleur de peau, des personnages hantés par leurs démons. Ce roman qui date des années 90 nous embarque dans cette déambulation désincarnée de ce personnage dans ce Paris sans âme, sans joie, où la mort rôde alors que les affaires continuent. Le crime le plus sordide côtoie les trafics en tout genre, flics et voyous ne font qu’un comme la corruption et les luttes de pouvoir. Les hommes ne portent que des surnoms tragi-comiques et semblent totalement désabusés sur leurs métiers et leurs vies. Même si l’amour s’en mêle parfois , un amour qui ressemble plus à un besoin désespéré de sexe entre deux êtres qui ont besoin de se sentir vivant pour croire encore que tout espoir n’est pas mort. Deux êtres abîmés, au bord du précipice.



L’auteur nous prouve une nouvelle fois que la poésie peut se cacher dans un roman très noir. Une poésie qui ne manque pas de lyrisme et qui pose un regard acéré sur une société en déliquescence, sur cette caste policière à l’organisation complexe souvent difficile à percer pour tout profane, à moins d’en avoir fait partie (comme c’est le cas de l’auteur). Un regard glacé et glaçant sur la fragilité psychologique de certains d’entre eux, qui en ont tant vu et qui ne tiennent qu’avec l’aide de psychotropes .Qui ont été témoins de tant de souffrances et d’existences broyées. Qui ont vu ces corps transformés et martyrisés ne ressemblant plus à rien d’humain.



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Le carré des indigents

Hermétique à cette écriture,

ma lecture a été désagréable .

Le récit se traîne dans des détours improbables.

La volonté de coller à un scénario de polar américain

alourdit terriblement la sauce.

Du Clint Eastwood, regard d'acier, taiseux , mystérieux qui trimballe son passé tourmenté....

Le piano, le gin ,les clopes, les ripoux, les nanas belles et carnassières, les putes, les idiotes..

Rien ne manque à l'appel.. sauf le brio!



Les redites appuyées sur le petit chat ébouriffé et Trotski sont, par exemple, pathétiques et agaçantes.. La volonté de ne pas situer le lieu géographiquement, ne donne aucun relief supplémentaire..

L'emploi d'un argot policier des années 60 est souvent incompréhensible..



Aucun enthousiasme malgré la marée de louanges babeliotes.

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