Chronique consacrée aux grands noms de la littérature policière, et animée, depuis octobre 2018, par Patrick Vast, dans le cadre de l'émission La Vie des Livres (Radio Plus - Douvrin).
Pour la 31ème chronique, le 11 septembre 2019, Patrick présente l'auteur français Jean-François Coatmeur.
Patrick Vast est aussi auteur, notamment de polars. N'hésitez pas à vous rendre sur son site : http://patricksvast.hautetfort.com
Il a également une activité d'éditeur. À voir ici : https://lechatmoireeditions.wordpress.com/
La page Facebook de l'émission La Vie des Livres : https://www.facebook.com/laviedeslivres62
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La mort avait figé pour l'éternité le grouillement des calculs, des appetits ,des passions et étendu avec pudeur son mystère.
Pianiste ! Il le dégustait comme une bête rare, vaguement préhistorique, renversé contre le dossier du fauteuil à vis, les pouces sous les revers de son veston de velours. Et l'autre, tout péteux, fesses timides frôlant le bord de sa chaise, empêtré de ses longues cannes, une mine de coupable ! Ah ! Il faisait durer l'ivresse, le Joseph Kuntz ! Bien le moucher, ce gandin ! Une bonne leçon, le patron ici c'était lui, la force et l'autorité, un claquement du doigt et on s'aplatissait !
En fait, Kuntz était ravie. Ce que le type venait de lui apprendre... Des foultitudes d'informations de première bourre !
Je ne suis pas seul ! Etrange bien- être qui me gagne, confondante impression de sécurité retrouvée parce qu'un reître vient de m'assigner une place parmi six autres pauvres bougres sans doute condamnés ! Je ne suis plus seul, et cela change tout. Six individus de chair vont partager à égalité l'épreuve, donc la réduire, la faire supportable. Je vérifie que la peur, qu'on sait contagieuse, inversement se délite à la chaleur symbolique d'une présence humaine.
Et puis le maître du temps, qui lui aussi sans doute somnolait, se ressaisit .Il tira sur les fils de leurs vies et leurs destins à tous basculèrent.
Le fossoyeur faisait la pause. Il avait lâché pelle et pioche, avait empoigné un litre de vin. Adossé à la paroi de la tombe, il se désaltérait à même le goulot. Sans quitter la bouteille, il porta deux doigts à sa casquette, quand Worms passa. Il avait le cuir couleur de pain cuit, le nez fleuri.
Worms s'arrêta.
---Beaucoup de travail ?
L'homme se torcha les lèvres du revers de la main.
---Trop, monsieur. On n'en finit pas.
Il alla enfouir la bouteille à moitié vide sous sa veste qu'il avait jetée au bord du fossé, et de ses bras croisés pris appui sur le manche de la pelle.
---Février est mauvais, dit-il. Froid, humidité, ça vous nettoie en quinze jours autant de monde qu'en trois mois ordinaires. Et nous, qu'est-ce qu'on trinque ! Des jours entiers à remuer de la boue. Et, y'a pas, le boulot, faut qu'il soit fait ! Les morts, ça n'attend pas. Notez qu'on leur demanderait d'attendre, y seraient point contrariés !
La pluie chantait une drôle de petite chanson sur la tôle lépreuse de la vieille Panhard.
Il se mit debout lourdement.. Il se sentait mal en point, écœuré et las. son pentalon était froissé, avec des bosses aux genoux.. il pensa stupidement, Huguette, ce soir, lui donnera un coup de fer...
Il maniait le carafon avec la prestesse d'un magicien .
La grosse lampe très basse dessinait un rectangle lumineux au centre du bureau couvert de dossiers. Le reste de la pièce demeurait dans la pénombre.
L'homme était seul. A pleines mains, il arrachait des tiroirs du meuble, fébrilement ouverts, des cahiers, des lettres, qu'il feuilletait nerveusement. Par moment, quand il se penchait pour mieux lire, un rayon atteignait son visage luisant de sueur.
Ils battaient la semelle à la réception.
La paire parfaite, le duo de rêve.!
Complémentaires jusqu'à la caricature :
Un gros soufflé, bourré d'emphysèmes et une interminable haridelle efflanquée à la poitrine creuse