AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jean-Pierre Le Goff (64)


.
PARENTS GAUCHISTES vs ENFANTS WOKISTES


(...) Ces années folles ont constitué le creuset premier et bouillonnant d’un gauchisme qui a connu un curieux destin. Alors qu’il avait les traits d’une contre-culture portée par la révolte d’un peuple adolescent, il a fini par former un nouvel air du temps. De minoritaire, voire marginale dans ses formes les plus extrêmes, cette contre-culture s’est répandue dans la société, a pénétré les partis de gauche et les institutions, devenant culturellement dominante dans le secteur de l’éducation, de la culture, du journalisme devenu militant, et même du showbiz s’érigeant en nouveau donneur de leçons.

L’anticonformisme d’antan est devenu un nouveau conformisme drapé sous les habits de l’ancien, la transgression et les risques en moins. Que peut encore signifier la révolte contre les tabous, l’autoritarisme, le moralisme d’une autre époque dans une société nouvelle devenue permissive ?

Ayant été éduqués dans l’ancien monde où l’histoire, la littérature, la philosophie occupaient encore une place importante dans l’enseignement, nous étions, à notre façon, des « héritiers rebelles », en rupture, mais des « héritiers quand même », malgré nous, tout au moins pour la frange la plus cultivée de notre génération. Nous disposions d’acquis intellectuels qui ne s’effacent pas si facilement.

Les élites au pouvoir de l’époque se sont trouvées confrontées à une révolte de jeunes lettrés nourris par la même culture et nous étions encore considérés comme les futures élites de la nation. Contrairement à la légende noire d’une répression sauvage entretenue par les soixante-huitards et leurs descendants, elles ont fait preuve d’une relative tolérance et mansuétude à notre égard.

Quand ils sont devenus adultes et ont commencé à vieillir, les gauchistes soixante-huitards se sont trouvés dans une situation paradoxale : comment assumer clairement une position d’autorité, tout particulièrement dans l’éducation des enfants, quand les repères traditionnels de l’autorité ont été mis à mal ? Quel héritage culturel transmettre aux nouvelles générations quand celui-ci a été rejeté ?

En guise d’héritage, nombre de soixantehuitards ont laissé derrière eux les ruines de l’ancien monde et leurs désillusions révolutionnaires sans comprendre ce qui s’était passé et sans souci de reconstruction. Leurs héritiers en mal de filiation reprirent à leur compte une posture faite de provocation et de dérision dans une société marquée par l’« ère du vide » des années 1980. (...)



.
Commenter  J’apprécie          00
La détente et ce qu'on appelle désormais le loisir n'était pas totalement séparés du travail et opposés à lui. Il n'était pas simplement un temps nécessaire à la «reproduction de la force de travail », ou encore, comme c'est le cas aujourd'hui, un temps "d'épanouissement personnel" paradoxalement meublé d'activités multiples .
Commenter  J’apprécie          00
L'ancien villageois ou le communiste ces deux identités ne semblent faire qu'une seule et même réalité. Le passé du village paraît d'autant plus attachant qu'il est ressenti comme l'image inversée d'un présent qui paraît de plus en plus marqué par l'égoïsme.
Commenter  J’apprécie          00
Le communisme était étroitement lié aux anciens rapports de solidarité villageoise.

Si j'ai besoin de toi, tu me rends service et si tu as besoin de moi tu me rends service... C'est ça le vrai communisme.
Commenter  J’apprécie          00
Apparaît alors une réalité qui se manifeste hors du champ mental de la majorité des élites et des cadres dirigeants : une partie des français sont fatigués, non pas de la modernité , mais du modernisme entendu comme une fuite en avant appliquant des sacrifices et des efforts incessants, qui mènent le pays où on ne sait où et le défigure de manière telle qu'il devient impossible pour eux de se retrouver.
Commenter  J’apprécie          00
citant Pompidou sur mai 68
« Quoi d'étonnant enfin si le besoin de l'homme de croire à quelque chose, d'avoir solidement ancrés en soi quelques principes fondamentaux, se trouve contrarié par la remise en cause constante de ce sur quoi l'humanité s'est appuyée pendant des siècles (…) Je ne vois pas de précédent dans notre histoire qu'en cette période désespérée que fût le XVème siècle, où s'effondraient les structures du Moyen Age et où, déjà, les étudiants se révoltaient en Sorbonne. »
Commenter  J’apprécie          00
citant Raymond Aron sur mai 68
« Etudiants et ouvriers conserveront, une fois de plus, un souvenir radieux de ces jours de grève, de fête, de cortèges, de discussions sans fin, d'émeutes, comme si l'ennui de la vie quotidienne, l'étouffement par la rationnalisation technique ou bureaucratique exigeait, de temps à autre, un soudain défoulement, comme si les Français ne sortaient de la solitude que dans le psychodrame révolutionnaire. »
Commenter  J’apprécie          00
« Les soixante-huitards sont à la fois les orphelins d'une France passée et les enfants de la dynamique de la modernité de l'après-guerre. Leur révolte est inséparable d'une rupture générationnelle dans une situation de mutation rapide à laquelle les élites et les adultes peinent à donner un sens qui dépasse le registre de la gestion technocratique, de la consommation et des loisirs. La désarticulation des sociétés démocratiques avec l'histoire, la fin des grands récits et des idéologies s'amorcent dans cette période.  Malgré les efforts du gaullisme pour maintenir le fil, le progrès scientifique et technique, économique et social, trouve difficilement à s'insérer dans le creuset humaniste et le récit historique qui, jusqu'alors, avaient constitué l'identité du pays, qui le distinguait des autres nations en lui conférant une place particulière en Europe et dans le monde. »
Commenter  J’apprécie          00
« L'adolescent devient un modèle type d'individu qui fait de l'intensification du présent un mode de vie qui a tous les traits d'une fuite existentielle et du divertissement pascalien. La bohème et la contre-culture jusqu'alors confinées à des cercles restreints et aux étudiants contestataires vont se répandre et se banaliser dans l'ensemble de la société. Dans l'imaginaire du gauchisme, la France entière est supposée se mettre à l'heure du Quartier latin. La fracture déjà présente en mai-juin 68 avec la classe ouvrière et une partie de l'opinion va se développer en étant de moins en moins visible dans les médias convertis au gauchisme culturel. »
Commenter  J’apprécie          00
(p.33)
Pour ceux qui, comme moi, se sont engagés sans demi-mesure dans l'activisme groupusculaire de l'extrême gauche après mai 68, la fin des illusions et la critique du totalitarisme ont constitué une sérieuse leçon de réalisme et d'humilité. À l'époque, la lecture des ouvrages de Claude Lefort, qui avait été l'un de mes professeurs à l'université, m'a beaucoup aidé : elle m'a amené à m'interroger sur les raisons d'un aveuglement, sur les mécanismes idéologiques et les modes de fonctionnement auxquels j'ai moi-même participé ; elle m'a mis en garde contre ceux qui prétendent faire advenir “le meilleur des mondes” en étant persuadés d'en détenir les clés.
Commenter  J’apprécie          50
(p. 279)
En ce sens, la droite se trompe en parlant de nouveau "totalitarisme", même si l'on peut estimer que la gauchisme culture en a quelques beaux restes. En réalité, ce dernier s'inscrit pleinement dans le contexte des "démocraties post-totalitaires" : il puise dans différentes idéologies du passé en décomposition, qu'il recompose à sa manière et fait coexister sans souci de cohérence et d'unité, n'en gardant que des schémas de pensée et de comportement. À ses pointes extrêmes le gauchisme culturel combine la rage des sans-culottes et le sourire du dalaï-lama.
Commenter  J’apprécie          42
(p.342)
En France, il existe une perte de confiance et une mésestime de soi qui concernent moins les domaines scientifique, technique et économique - encore que les "déclinistes" ne manquent pas -, que les ressources politiques et culturelles liées à sa propre histoire. À vrai dire, la mise à mal de l'histoire nationale a été poussée assez loin. Un nouvel "air du temps" a versé dans une "mémoire pénitentielle" et un règlement de comptes qui n'en finit pas, entretenus par des minorités qui s'érigent en justiciers du passé et encouragent le ressentiment. Les enseignants doivent désormais faire face à cette sous-culture pour laquelle l'absolutisme, l'esclavagisme, le colonialisme, Pétain et la collaboration constituent le résumé succinct de l'histoire de la France, à quoi s'ajoute désormais la vision d'une humanité prédatrice de nature et de l'environnement. Si la jeunesse est bien l'"avenir du monde", elle se trouve soumise à un nouvel endoctrinement, souvent par ceux-là mêmes qui ne cessent d'appeler à son autonomie et à sa créativité, à sa capacité de révolte et d'indignation. Ces réactionnaires d'un nouveau genre bouchent l'horizon de la jeunesse en cherchant vainement la répétition d'une histoire dont ils voudraient demeurer les héros. Le pathétique rejoint le dérisoire au moment même où la dynamique de contestation post-soixante-huitarde qui les a portés est épuisée. Nous sommes arrivés à un point limite où la dénonciation et la réécriture de l'histoire sous l'angle du moralement correct participent d'une détestation mortifère.
Commenter  J’apprécie          00
(p.99-100)
Dans "L'anti-Œdipe", Gilles Deleuze et Félix Guattari réinterprètent l'inconscient dans une problématique de renversement de toutes les valeurs et le chargent ainsi d'une fonction subversive à l'égard de l'ordre établi. Les artistes maudits, les schizophrènes, les délinquants et les marginaux sont alors considérés comme les figures types de ce renversement. Ces acteurs sociaux d'un nouveau genre rejoignent la notion de "plèbe" développée à la même époque par Michel Foucault. Cette "plèbe" renvoie aux bandes de jeunes dans les banlieues, aux délinquants, aux prisonniers de croit commun... qui refusent l'ordre, la morale et les lois. Ces "nouveaux plébéiens", souligne alors Foucault, prennent désormais la parole et dénoncent les conditions qui leur sont faites. Du même coup, la marginalité et la délinquance prennent une signification politique.

Au début des années 1970, Foucault pousse au bout la critique : ce sont les notions mêmes de norme, de bien et de mal, d'innocence et de culpabilité qui sont en question. "Évidemment, n'hésite-t-il pas alors à déclarer, les vieux n'ont aucune tendresse particulière pour un type, un jeune délinquant qui leur vole leurs dernières économies parce qu'il veut acheter un Solex. Mais qui est responsable du fait que ce jeune homme n'a pas assez d'argent pour acheter un Solex et, deuxièmement, du fait qu'il a tellement envie d'en acheter un ?" Si le prolétariat est lui aussi victime de la délinquance, sa mésentente avec la "plèbe non prolétaire" semble en fait orchestrée par la bourgeoisie qui craint par-dessus tout l'action directe et violente, comme à tous les moments révolutionnaires de l'histoire passée. Les jeunes délinquants, indique Foucault, sont parfois de jeunes ouvriers, mais ils n'en sont pas moins en rupture avec l'"idéologie do prolétariat". En fait, la critique de cette "idéologie" se confond avec celle du mouvement ouvrier institutionnalisé, qui, comme tel, serait devenu perméable aux idées bourgeoises.
Commenter  J’apprécie          30
C'est dans ce moment historique que l'adolescence va devenir un nouveau modèle social de comportement. Elle ne renvoie plus seulement à une classe d'âge, à une période transitoire de la vie qui s'allonge, elle va s'ériger en anthropologie du nouveau monde. L'adolescent devient un modèle type d'individu qui fait de l'intensification du présent un mode de vie qui a tous les traits d'une fuite existentielle et du divertissement pascalien.
Commenter  J’apprécie          10
Je suis aussi un peu décu par cette lecture suite moi aussi à l'écoute chez Guillaume Erner. Heureusement que je n'ai pas suivi en direct tous ces micro-évènements durant la pandémie, du coup je me suis un peu moins ennuyé en lisant en diagonale ce descriptif long et un peu peinant. Les dernière pages sont les plus intéressantes mais qui laisse sur sa faim surtout par rapport au titre du livre. Ecrit trop rapidement, sans avoir assez de recul pour être le premier ? Bof
Commenter  J’apprécie          10
Pendant des années, le personnel hospitalier a subi une logorrhée managériale, gestionnaire et comptable, un empilement de méthodologies, d'outils, de procédures, de guides... avec leurs « leviers », « indicateurs », « modes opératoires », « arbres de décision », « logigrammes », « grilles d'évaluation », « guides de bonne pratique », « fiches pédagogiques », sans oublier les tableaux Excel à remplir... Le tout émanait des instances gouvernementales relayées par des directeurs d'hôpitaux formés comme il se doit, sans oublier les organismes d'audit et de conseil pour qui les réformes hospitalières étaient un créneau porteur. Combien d'heures et de réunions passées à élaborer cette invraisemblable machinerie managériale et comptable, au nom de la performance ? A quel prix ? En novembre 2019, la colère des personnels soignants étant allée crescendo, le Premier ministre Édouard Philippe présentait un « Plan d'urgence pour l'hôpital » qui devait être mis en oeuvre dans l'année 2020. « Les personnels de santé n'en peuvent plus, déclarait-il alors. Nous avons entendu leur colère. Nous avons entendu leur épuisement. Nous avons entendu leur désarroi. » Ce « plan d'urgence » intervenait tardivement et les primes accordées à certaines catégories apparaissaient insuffisantes et décalées au regard de la dégradation de la situation dans les hôpitaux. Avec la pandémie, le président de la République, dans son discours du 12 mars, affirmait enfin publiquement que la santé ne pouvait pas être considérée comme un simple bien marchands... Mieux vaut tard que jamais, en attendant les actes.
Commenter  J’apprécie          20
Le problème est que, même si vous ne voulez pas d'ennemi, c'est l'ennemi qui vous désigne" : "Et s'il vous choisit vraiment comme ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles prestations d'amitié. Du moment qu'il veut que vous soyez ennemi, vous l'êtes. Et il vous empêchera de cultiver votre jardin". Afficher partout et de toutes manières de nobles sentiments : l'amour contre la haine, la fraternité contre la division, l'humanité contre la barbarie...n'y changera rien.
Commenter  J’apprécie          40
L'activisme managérial et communicationnel, le surinvestissement dans le travail et le "bougisme" est symptomatique d'un présent existentiellement flottant, désarticulé d'un passé considéré comme "ringard" et d'un avenir devenu indiscernable. Investis dans de multiples activités et projets à court terme, soucieux de leur propre image et de leurs performances, les individus deviennent inattentifs aux autres, facilement irritables et odieux "par inadvertance".
Commenter  J’apprécie          30
L'individu se doit d'être "mobile", "réactif", "flexible"..., c'est-à-dire être capable en permanence de s'adapter à une modernisation dont nul, à vrai dire, ne semble être en mesure de dire où elle mène.
Commenter  J’apprécie          20
Pour comprendre les réformes et pouvoir se prononcer, les citoyens ont besoin que les choix proposés soient à la fois clairs, cohérents, et qu'ils s'inscrivent dans une vision globale de l'avenir du pays, de l'Europe et du monde. On ne peut prétendre maintenir indéfiniment une société dans un état supposé de mobilisation pour la réforme et ce, dans une logique sacrificielle qui reporte dans un avenir de plus en plus incertain les fruits supposés des efforts demandés.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean-Pierre Le Goff (227)Voir plus

Quiz Voir plus

Que peut-on mettre en bouteille avec des SI et des SY ?

Le bavardage excessif est-il à l'origine de cette inflammation du parenchyme de toute glande salivaire ? Là n'est pas la question, choisissez la bonne orthographe de cet excès de production salivaire, la ...?...

sialorrhée
syalorrhée

12 questions
14 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}