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Citations de Jean Reverzy (23)


La pensée finale de Palabaud fut tournée vers la mer qu’il vit clairement, non la mer symbolique des voyages, des romans, des poèmes, mais cette mer réelle et pure, cette mer vivante près de laquelle, dès l’enfance, il avait vu des êtres infirmes se débattre, s’agiter, se dissoudre. Il n’eut plus besoin du souvenir ; l’image heureuse de la vague verticale heurtant les récifs de la Raïata, hésitant à s’effondrer, telle un être pliant sous une charge immense, s’effaça. Ce qu’il tenait, c’était l’idée même de la mer et il ne souhaitait rien d’autre. Cette possession absolue ne pouvait durer. L’intermittence des espaces vides s’allongea ; une dernière fois l’idée de se fit jour et sombra. Tout l’univers, une lumière floue, une saveur lointaine et glacée de menthe s’abîmèrent. Comme c’est simple et facile de mourir ! Palabaud fut soudain absent de l’après-midi.
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Dans la chambre pleine d’une odeur douceâtre de pharmacie et de cuisine, Palabaud comprit que sa fin allait commencer ; ce n’était ni plus inquiétant, ni plus douloureux que le reste. Il arrivait simplement au bout de l’insoupçonnable randonnée commencée six mois plus tôt lorsque le docteur Klein lui avait dit : « Vous avez un gros foie. » Il se souvenait de son déchirement, la voix du médecin usurier, pourtant sourde et rocailleuse, avait retenti comme le cri d’un enfant qui se noit. A ses inflexions, Palabaud avait prêté l’expression d’une solitude et d’une angoisse qu’il éprouvait lui-même. Puis la paix était revenue ; il n’acceptait ni ne refusait l’inévitable ; en réalité, il entrait dans le monde des agonisants. Car l’agonie peut durer une seconde ou des années ; elle commence à l’instant où l’homme croit sa mort possible ; la longueur du temps qui l’en sépare n’importe, et quiconque a saisi le sens de l’écoulement, du passage, est perdu pour les vivants. Et du jour où la mort triomphe et s’installe en maîtresse dans un cerveau, c’est pour abolir – à l’exclusion d’un exact sentiment de fluidité de l’existence- toute lutte, tout désir, toute affirmation de soi et aussi toute angoisse.
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La pensée finale de Palabaud fut tournée vers la mer qu’il vit clairement, non la mer symbolique des voyages, des romans, des poèmes, mais cette mer réelle et pure, cette mer vivante près de laquelle, dès l’enfance, il avait vu des êtres infirmes se débattre, s’agiter, se dissoudre. Il n’eut plus besoin du souvenir ; l’image heureuse de la vague verticale heurtant les récifs de la Raïata, hésitant à s’effondrer, telle un être pliant sous une charge immense, s’effaça. Ce qu’il tenait, c’était l’idée même de la mer et il ne souhaitait rien d’autre. Cette possession absolue ne pouvait durer. L’intermittence des espaces vides s’allongea ; une dernière fois l’idée de se fit jour et sombra. Tout l’univers, une lumière floue, une saveur lointaine et glacée de menthe s’abîmèrent. Comme c’est simple et facile de mourir !
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La mort, étrange associée à ma vie ! Le premier jour où sa main se posa sur mon épaule, je ne me doutai pas qu'elle m'accompagnerait si longtemps. Plus tard, comme une vieille douleur, je me suis pris à l'aimer. Récompense de tant de marches, de gestes et de paroles jetées à des êtres dont je n'ai pas retenu le nom, elle demeure comme le souvenir de leur passage et du mien. Et si je redoute encore la mort, malgré la certitude d'un néant mérité, c'est par crainte que rien ne subsiste du merveilleux fardeau accroché à mes épaules.
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Dans les gravats du langage, j’ai trié des mots, un à un, pour les juxtaposer jusqu’à me contempler dans leur assemblage
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Très tard, au décours de ma vie, à l’âge des grandes sécheresses, il m’advint de vouloir écrire. Non une page, mais des pages, un livre, des livres. Projet encombrant que longtemps je traînai derrière moi, hésitant à m’en délester : le seul poids d’un stylo me brisait le poignet. Et cependant un soir, surmontant ma lassitude, je me mis à l’ouvrage.
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Je mourrai sans satisfaire la curiosité qui m’a tourmenté ; mais la curiosité vaut par sa seule existence ; ses questions n’ont pas besoin de réponse. Je ne saurai jamais pourquoi, après avoir frappé à la porte de deux êtres qui s’appelaient Dupupet, une heure durant je leur parlai, je les écoutai, je leur fis signe , alors que, sans paraître m’entendre et cependant en parfait accord avec moi, ils modulèrent le chant de leur langage. Après avoir pénétré dans l’intimité des vieillards, avec une facilité si grande qu’il me fallut des années de réflexion pour m’en étonner, je ne sentis plus de même : il y eut de ma part un progrès, non de compréhension, mais d’attitude. Je crois que la pauvreté de Dupupet, proche de la mienne, n’y fut pour rien ; mais le changement était en moi.
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Jean Reverzy
J'ai trop peiné et la fatigue a gagné ma mémoire, qui n'a retenu que l'essentiel de ceux que j'ai trouvés sur ma route : leur mort et ce qui l'annonçait.

Jean Reverzy
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En ce coin du monde, au début de l'après-midi, il n'était que souffle et bruissements. J'avais encore atteint souverainement à la solitude. Et l'air déchaîné en sa substance lumineuse et puissamment soulevée m'isolait de la déception et de la menace que j'avais voulu fuir. J'éprouvais une soudaine ivresse à forcer l'immense brise marine dont je crus saluer enfin la défaite à l'extrémité du boulevard, devant l'Océan libre. Le souffle et moi nous sommes restés tous deux debout.
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J’étais à Lyon sur les quais du Rhône et sous des platanes extrêmement parfumés. Le soleil se tenait entre d’extraordinaires images dont le relief et l’incandescence me stupéfiaient et à droite de la colline dont la seule image me rappelle l’odeur délicieuse des vieux bouquins de piété. Je me souviens que le Rhône découvrait de longs bancs de cailloux d’une blancheur absolue… Mais n’oubliez pas qu’à l’horizon fondait de l’or et de l’or… Or moi, fumant des cigarettes américaines ou plutôt buvant leur arôme, je regardais passer ces lumières; toute l'après-mdi, j'avais vagabondé dans un parc public dans une débandade de fleurs et d'arbres dont je ne sais le nom, et que réfléchissaient d'étroits canaux. Ce parc m'était autrefois un refuge alors que, maintenant, son seul souvenir m'afflige et m'attriste : car il semble trop riche, trop parfumé, et m'y promener deviendrait pour mon esprit une torture mortelle. Mais en septembre 32, je l'aimais vraiment et aussi, en peu d''heures, j'avais commis de grave excès de couleurs et surtout de parfum; Dans la lumière inquiète et blanche du sunset, je vis s’éclairer des fenêtres ; ça et là tremblèrent de minuscules cristaux rouges. Un mystérieux esprit m’envahit, que j’appelle le Mal du Soir.
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Jean Reverzy
On sent mieux la présence des morts en écrivant leur histoire qu'en les appelant dans les allées du cimetière.
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C'était bien la voix futile de la place des Angoisses. Voix qui ne pouvait être perçue que dans le désert.
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Tyran libéral, au faîte d’une médiocrité dès longtemps triomphante, il dominait un monde aux couleurs de poussière où l’intelligence sanglote comme une captive humiliée.
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Je besognais dans une grande pièce médiocrement meublée d’un bureau, d’un fauteuil, de quelques chaises, d’un divan poisseux de contacts humains et d’une vitrine où luisaient des instruments de verre et de métal.
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La porte une fois close, il est un instant cruel et redouté : spectateur impassible de la nudité d’autrui, le médecin doit se dévêtir à son tour et cet acte, plus encore que celui qui va suivre, l’épouvante et le rend maladroit ; mais la honte est bue, les gestes nécessaires sont accomplis ; et comme un vieux gymnaste aux jointures ankylosées, s’essayant maladroitement aux exercices de barre et de trapèze de sa jeunesse, le médecin se démène gauchement sur le divan d’un hôtel borgne.
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Celui qui meurt a perçu l'écoulement, le passage, l'effacement total du passé et, dans la lucidité prémonitoire du vide futur, n'a rien à demander à la philosophie ou à la religion; il quitte ce monde sans appréhension de ce qui va ou plus exactement de ce qui ne va pas survenir. A leur dernière heure, les grands croyants perdent leur foi, car la question religieuse est un passionnant débat à l'usage des vivants et non des moribonds. Et puis Dieu n'assiste pas à la fin des hommes; ceux qui l'invoquèrent toute une vie s'aperçoivent de cette absence et s'en plaignent amèrement: "Mon Dieu, mon Père, pourquoi m'avez-vous abandonné?" Mais Dieu se tait; il n'a pas de raison d'être à coté de ceux qui n'ont plus rien à apprendre ou à redouter: il n'était qu'une projection de l'angoisse des vivants.
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[...] l'homme qui "parle de la pluie et du beau temps" évoque la substance même de la poésie de l'Univers.
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"La connerie humaine, si évidente soit-elle, aimait-il à redire, ne se définit pas.
Ca m'a souvent fait réfléchir. Je pensais à tous ceux qui, à tort ou à raison, m'ont pris pour un con, et il y en a. Mais je pensais aussi à tel ou tel devant qui je ne peux m'empêcher de dire: "c'est un con". Je me demandais alors pourquoi Pierre ou Paul, à mon sens, étaient des cons et pourquoi se disaient-ils en me regardant: "Lucien est un con." Tout cela n'est pas facile à comprendre... Cependant, une chose ne se discute pas: un individu parfaitement immobile et silencieux est toujours moins con que celui qui remue et parle; la connerie humaine se définit et se mesure à l'agitation du monde."
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Qu'importait maintenant que sa dépouille se décomposât dans un cimetière de banlieue, loin des océans, que pas un humain ne se souciât de son souvenir ? Parce qu'il est mort, quelque chose manquera aux mers du Sud. Là-bas, en scrutant les soirs, on devinera une absence, un vide ou un passage. Et s'il existe une autre vie de châtiments et de félicités, il lui sera beaucoup pardonné parce qu'il a beaucoup aimé la mer.
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Vous avez un gros foie Palabaud !
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