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Citations de John Burdett (60)


Ça semble plus conforme à la réalité. Je viens de finir la lecture du commentaire quand je vois Sukum rouge de colère, au bord de la crise d’apoplexie, foncer vers moi, s’attirant des regards désapprobateurs de nos collègues bouddhistes. L’absence de cloison entre les bureaux permet de se préparer à une offensive lancée de loin. J’ai envie de me faire tout petit en le regardant slalomer entre les bureaux et les moniteurs, devant lesquels des flics, la plupart en uniforme, s’efforcent d’établir des priorités parmi les rapports criminels qui arrivent à jet continu. Il est trop thaï pour faire vraiment une scène devant tout le monde, aussi, en arrivant à moi, s’abstient-il de crier et c’est d’une voix sifflante qu’il me dit :
- Espèce d’hypocrite, de trou du cul, tu viens de forcer le patron à te donner l’affaire Hollywood parce que tu as conclu un gros marché de dope je ne sais où le mois dernier et que maintenant il te mange dans la main ! Tu me donnes envie de gerber. Tu ne mérites pas d’être flic. Tu devrais être en taule !
- Allez plutôt répéter cela au colonel Vikorn, Khun Sukum, vous voulez bien ? lui demandé-je à voix basse.
Le voilà maintenant tout penaud et il me fait pitié. Il a tellement envie d’une promotion, de montrer à sa femme et à ses amis qu’il est meilleur que moi en matière de chasse aux criminels, qu’il n’a pas respecté mon deuil, et ce sans même s’en rendre compte. Cela me désole de le voir à ce point sous l’emprise du troisième chakra, qui est la source de l’avidité, de l’agressivité et du besoin de dominer. ‘Je confesse que je le considère souvent comme le chakra farang par excellence, ce qui est terriblement injuste à ton égard ; il suffit de voir comment il est en train de réduire à néant la paix de l’esprit de Sukum et pourtant il n’y a pas plus thaï que lui.) Je soupire, décroche le téléphone, observe ses yeux pendant que je parle à Manny, la secrétaire de Vikorn, notre bête noire à tous.
- Khun Manny, pardonnez ma question, mais est-ce que vous venez d’appeler l’inspecteur Sukum pour lui annoncer qu’on lui a retiré l’affaire Hollywood à mon profit ?
- Oui.
- Veuillez dire au colonel Vikorn que je ne veux pas de cette affaire. Il peut me virer si ça lui chante, mais l’inspecteur Sukum a déjà consacré plus de trois semaines à cette affaire et il a fait du très bon travail.
- Qu’avez-vous dit ?
- Contentez-vous de retransmettre au Vieux ce que je viens de vous dire.
- Vous venez de l’appeler le Vieux devant moi ?
- Oui, allez, faites ce que je vous demande, dis-je avant de raccrocher.
Non seulement Sukum, mais tout le monde me regarde en s’attendant à ce que le ciel nous tombe sur la tête. Le téléphone sonne maintenant sur le bureau de Sukum. Il me regarde, complètement ahuri, puis retourne précipitamment à son poste. Nous voyons tous son expression passer successivement de la fureur à l’obséquiosité en moins de deux secondes. Pour lui rendre justice, quand il a reposé le combiné, il revient vers moi, me gratifie d’un wai haut, les mains jointes à hauteur du front et dit :
- Merci. Je vous serai reconnaissant de toute l’aide que vous voudrez bien m’accorder. Je sais que vous êtes très occupé et meilleur inspecteur que moi. Je vous demande humblement pardon de vous avoir agressé en cette période de deuil. Je reconnais ainsi une gatdanyu envers vous.
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Je suis encore aux toilettes messieurs du Rose Garden, mais j’ai cessé de pleurnicher et j’ai fini mon joint. Dans mon état d’esprit actuel, je ne devrais pas toucher à ce machin, me dis-je en m’en roulant un autre. Le hic, c’est que ces montagnes russes émotionnelles créent une accoutumance. On en arrive à être fasciné par la façon dont le grand chariot du moi reste coincé, tandis qu’on est attaché au siège du haut, les jambes pendant dans le vide.
Ma vie serait-elle différente si je n’avais pas pris l’avion pour le Népal ce matin-là ? Totalement, totalement différente, marmonné-je en tirant sur le pétard. Tu le referais si c’était à refaire ? demandé-je au visage hagard reflété par le miroir, le joint évasé pendillant des lèvres. Oui, réponds-je au pauvre type égaré qui me rend mon regard, sinon je n’aurais jamais rencontré Tietsin. Avec le détachement du vrai psychotique, je me mets à glousser, bientôt plié en deux par une crise d’hilarité – est-elle véritable ou n’en est-ce qu’une caricature, c’est difficile à dire. Putain ! Je ne l’aurais pas manqué pour tout l’or du monde, tout l’or du monde ! gloussé-je de plus belle en secouant la tête. Et brusquement, il est là devant moi, dans les toilettes, avec sa vieille parka, la fermeture éclair ouverte, ses longs cheveux gris en queue de cheval, sa barbe en bataille plutôt comique, en train de faire les yeux blancs : « Ton problème, c’est que tu ne te souviens pas assez en détail, me lance-t-il. Ton sang d’Occidental te rend superficiel. Va plus en profondeur. Qu’est-ce que tu as à perdre ? – Oh rien, fais-je avec une emphase théâtrale. Seulement l’esprit, et il n’en reste plus grand-chose. »
C’était une hallucination, bien sûr, et il disparait comme une brume au soleil.
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— Je suis bouddhiste. Nous ne pensons pas de cette façon. La question n’a aucun sens pour moi.
— Ah oui ! Comment cela ?
— Le genre de bonheur dont vous parlez est une forme d’attachement… d’avidité, il fait partie d’un cycle. Il finit évidemment par rendre malheureux. [...]
— Alors, je serai damnée. J’aurais aimé que vous soyez là quand les Pères fondateurs ont rédigé la Constitution. Ils ont conduit trois cents millions d’entre nous à tourner en rond comme des abrutis à la recherche d’un bonheur que vous autres bouddhistes saviez déjà ne pas exister.
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Pour ta gouverne, il existe de par le monde quantité de démons déguisés en humains, beaucoup d’entre eux haut placés – dirigeants politiques, capitaines d’industrie ; ils n’ont guère conscience de leur véritable identité mais se trahissent souvent par un tragique manque de profondeur.
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— Des trois religions universelles, l’une est fondée sur une compréhension profonde de la psychologie humaine, une autre sur la connaissance intuitive profonde de la structure sociale nécessaire pour que les gens vivent en paix et en harmonie. Vous me suivez ?
— Je crois.
— La première est le bouddhisme, l’autre l’islam. La troisième est un fatras de magie primitive et de charabia, où les cadavres ressuscitent et se baladent le corps percé de trous, où les lépreux guérissent subitement et où les aveugles voient tout d’un coup, où les vierges enfantent et où les serpents parlent. Comme tout ça est un mensonge éhonté, il faut faire quelque chose pour que les fidèles continuent à déposer des pièces dans le tronc des églises, sinon le modèle économique sur lequel repose tout ce pieux édifice s’effondrerait en moins d’une génération.
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Croyez-vous vraiment qu’à l’avenir seuls les pays seront en lutte pour des ressources rares ? Ne soyez pas si naïf, nous nous battrons les uns contre les autres, tous contre tous, jusqu’au dernier centimètre carré de terre commercialement rentable. C’est d’ailleurs déjà ce que nous faisons. Sans aspiration spirituelle, nous régressons, ne le voyez-vous pas ? Pas seulement au stade simiesque, ce ne serait pas si mal. Non, jusqu’en bas de la spirale de l’évolution. Voilà ce qui est en jeu. Comment peut-on avoir envie d’être l’ouvrier numéro 10 000 012 dans un nid de termites.
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« Au Népal, nous ne volons pas dans les nuages, parce qu’il y a des rochers au milieu. » Le guide touristique cite ces paroles d’un pilote de la compagnie aérienne royale népalaise en introduction du chapitre sur la géographie du Népal. Le pays le plus pauvre du globe est aussi le plus vertical. Pourquoi s’inquiéter des ressources nationales quand on possède l’Everest ? Les fanas de performance physique des pays développés paient des dizaines de milliers de dollars pour avoir des engelures, perdre des membres et mourir à 8 700 mètres afin de pouvoir se dire qu’ils sont arrivés au sommet. J’ai également appris que M. Everest était un humble topographe de l’Empire britannique qui n’avait pas vraiment envie que la plus haute montagne du monde porte son nom, ce en quoi il était d’accord avec quiconque habitait dans un rayon de quinze mille kilomètres puisque celle-ci avait déjà un nom depuis au moins cinq mille ans avant que ledit Everest se pointe avec son théodolite : Chomolungma (Mère de l’Univers) en tibétain, Sagarmartha (Déesse du Ciel) en népalais.
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Pour lui rendre justice, quand il a reposé le combiné, il revient vers moi, me gratifie d’un wai haut, les mains jointes à hauteur du front et dit :
- Merci. Je vous serai reconnaissant de toute l’aide que vous voudrez bien m’accorder. Je sais que vous êtes très occupé et meilleur inspecteur que moi. Je vous demande humblement pardon de vous avoir agressé en cette période de deuil. Je reconnais ainsi une gatdanyu envers vous.
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Non seulement Sukum, mais tout le monde me regarde en s’attendant à ce que le ciel nous tombe sur la tête. Le téléphone sonne maintenant sur le bureau de Sukum. Il me regarde, complètement ahuri, puis retourne précipitamment à son poste. Nous voyons tous son expression passer successivement de la fureur à l’obséquiosité en moins de deux secondes.
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- Vous venez de l’appeler le Vieux devant moi ?
- Oui, allez, faites ce que je vous demande, dis-je avant de raccrocher.
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- Khun Manny, pardonnez ma question, mais est-ce que vous venez d’appeler l’inspecteur Sukum pour lui annoncer qu’on lui a retiré l’affaire Hollywood à mon profit ?
- Oui.
- Veuillez dire au colonel Vikorn que je ne veux pas de cette affaire. Il peut me virer si ça lui chante, mais l’inspecteur Sukum a déjà consacré plus de trois semaines à cette affaire et il a fait du très bon travail.
- Qu’avez-vous dit ?
- Contentez-vous de retransmettre au Vieux ce que je viens de vous dire.
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Cela me désole de le voir à ce point sous l’emprise du troisième chakra, qui est la source de l’avidité, de l’agressivité et du besoin de dominer. ‘Je confesse que je le considère souvent comme le chakra farang par excellence, ce qui est terriblement injuste à ton égard ; il suffit de voir comment il est en train de réduire à néant la paix de l’esprit de Sukum et pourtant il n’y a pas plus thaï que lui.) Je soupire, décroche le téléphone, observe ses yeux pendant que je parle à Manny, la secrétaire de Vikorn, notre bête noire à tous.
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Le voilà maintenant tout penaud et il me fait pitié. Il a tellement envie d’une promotion, de montrer à sa femme et à ses amis qu’il est meilleur que moi en matière de chasse aux criminels, qu’il n’a pas respecté mon deuil, et ce sans même s’en rendre compte.
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Il est trop thaï pour faire vraiment une scène devant tout le monde, aussi, en arrivant à moi, s’abstient-il de crier et c’est d’une voix sifflante qu’il me dit :
- Espèce d’hypocrite, de trou du cul, tu viens de forcer le patron à te donner l’affaire Hollywood parce que tu as conclu un gros marché de dope je ne sais où le mois dernier et que maintenant il te mange dans la main ! Tu me donnes envie de gerber. Tu ne mérites pas d’être flic. Tu devrais être en taule !
- Allez plutôt répéter cela au colonel Vikorn, Khun Sukum, vous voulez bien ? lui demandé-je à voix basse.
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Ça semble plus conforme à la réalité. Je viens de finir la lecture du commentaire quand je vois Sukum rouge de colère, au bord de la crise d’apoplexie, foncer vers moi, s’attirant des regards désapprobateurs de nos collègues bouddhistes. L’absence de cloison entre les bureaux permet de se préparer à une offensive lancée de loin. J’ai envie de me faire tout petit en le regardant slalomer entre les bureaux et les moniteurs, devant lesquels des flics, la plupart en uniforme, s’efforcent d’établir des priorités parmi les rapports criminels qui arrivent à jet continu.
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« Ton problème, c’est que tu ne te souviens pas assez en détail, me lance-t-il. Ton sang d’Occidental te rend superficiel. Va plus en profondeur. Qu’est-ce que tu as à perdre ? – Oh rien, fais-je avec une emphase théâtrale. Seulement l’esprit, et il n’en reste plus grand-chose. »
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Avec le détachement du vrai psychotique, je me mets à glousser, bientôt plié en deux par une crise d’hilarité – est-elle véritable ou n’en est-ce qu’une caricature, c’est difficile à dire. Putain ! Je ne l’aurais pas manqué pour tout l’or du monde, tout l’or du monde ! gloussé-je de plus belle en secouant la tête. Et brusquement, il est là devant moi, dans les toilettes, avec sa vieille parka, la fermeture éclair ouverte, ses longs cheveux gris en queue de cheval, sa barbe en bataille plutôt comique, en train de faire les yeux blancs
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Ma vie serait-elle différente si je n’avais pas pris l’avion pour le Népal ce matin-là ? Totalement, totalement différente, marmonné-je en tirant sur le pétard. Tu le referais si c’était à refaire ? demandé-je au visage hagard reflété par le miroir, le joint évasé pendillant des lèvres. Oui, réponds-je au pauvre type égaré qui me rend mon regard, sinon je n’aurais jamais rencontré Tietsin.
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e suis encore aux toilettes messieurs du Rose Garden, mais j’ai cessé de pleurnicher et j’ai fini mon joint. Dans mon état d’esprit actuel, je ne devrais pas toucher à ce machin, me dis-je en m’en roulant un autre. Le hic, c’est que ces montagnes russes émotionnelles créent une accoutumance. On en arrive à être fasciné par la façon dont le grand chariot du moi reste coincé, tandis qu’on est attaché au siège du haut, les jambes pendant dans le vide.
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Les farangs ne nous comprennent pas. Ils croient que parce qu'une fille vend son corps, elle n'a aucune dignité, elle ne connaît pas de limites. En fait, c'est le contraire qui est souvent vrai. Des femmes comme ta mère sont des esprits très libres. (…) Il arrive qu'une femme vende son corps parce qu'elle trouve ça plus digne et plus sûr que d'être mariée à un pochtron qui va aux putes sans protection.
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