Entrée au Monde en 1977,
Josyane Savigneau a dirigé le supplément littéraire du quotidien durant quatorze ans, à partir de 1991. Jusqu'en 2005, donc, puisque en 2005 "on" lui a dit: "La calomnie s'est imposée, il faut tourner la page. Tu ne diriges plus le service des livres".
Quelle calomnie? Et bien, je n'ai
pas très bien compris, car elle en reparle très peu. Il me semble, après avoir un peu cherché, qu'"on" lui a reproché de favoriser certains éditeurs, en particulier Gallimard.
Mais cela ne datait
pas de 2005, elle était déjà la bête noire de
Jean Edern Hallier qui la qualifiait de clitoris querelleur. C'est élégant, il n'y a
pas à dire. D'après ce que j'ai compris, cela a duré des années, puisqu'elle cite Madame
Régine Desforges qui écrit que
Josyane Savigneau "s'est échappée de la caisse d'un supermarché de Châtelleraut pour diriger le monde des lettres".
Voilà encore un milieu qui me semble bien sympathique et plein de petits camarades qui s'aiment! Il faut dire que
Josyane Savigneau est une femme, non issue du milieu dont il faut être issu pour accéder à un tel honneur, bissexuelle affirmée ( ça ne se dit
pas, tssss) et grande gueule par dessus le marché. Ca n'a
pas du l'aider tout ça.
Mais peu importe, car ce n'est
pas ce qui est intéressant dans ce livre. Elle en parle d'ailleurs très peu, c'est un point de départ, ce
point de côté.
Josyane Savigneau, j'ai lu bien sûr quelques unes de ses critiques, mais je l'ai plus découverte à une époque en écoutant une émission de Joseph Macé Scaron Jeux d'épreuves, dans laquelle elle intervenait souvent pour défendre les livres qu'elle aimait. . Je ne partage
pas toujours ses goûts littéraires, mais j'aime sa culture, son enthousiasme et sa façon de parler des livres.
Ce qui m'a amené donc à lire ce qui est avant tout le livre de mémoires d'une petite fille née à Châtellerault (
pas dans la zone bourgeoise!), dont les parents tenaient un café, et qui rêvait d'être journaliste. Et qui grâce à la lecture de Simone de Beauvoir a compris qu'elle pouvait s'en donner des moyens. C'est au moment où elle est renvoyée de son poste à responsabilités, qu'elle se demande si finalement on ne la renvoie
pas aussi du côté du pont qu'elle n'aurait jamais du avoir l'impudence de quitter.
C'est donc l'occasion de retracer son parcours, car, écrit-elle:
"j'ai fini par découvrir que, si l'on refuse de s'occuper de son
passé, un jour celui-ci s'occupe de nous. Sérieusement. Violemment. C'est ce qui m'est arrivé. Comme le dit
Beckett " il est impossible d'échapper à hier, car hier nous a déformés ou a été déformé par nous."
Tout à fait d'accord..
Dans ce livre de souvenirs, on croise donc
Simone de Beauvoir, mais aussi
Marguerite Yourcenar,
Philip Roth,
Françoise Verny,
Eudora Welty,
Patricia Highsmith ,
Juliette Gréco,
Edwige Feuillère,
Sollers, bien sûr et bien d'autres.
Je l'ai lu avec plaisir, rapidement. le plus intéressant reste finalement
le parcours d'une battante pour laquelle je ne me fais
pas trop de souci.
Jean Edern Hallier a fini par tomber de vélo, quant à Madame Desforges, je suppose qu'elle doit scruter avec effroi les caissières de son supermarché pour savoir laquelle va encore sortir de sa position pour aller défendre la littérature. Celle qu'elle n'a sans doute jamais du lire.