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Critiques de Julie Otsuka (929)
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La ligne de nage

Je n'avais rien lu sur ce roman avant de le commencer, et la thématique m'a donc surprise.

Ou comment intéresser les lecteurs en parlant de...piscine...

Et c'est avec la description de ce monde « d'en bas » en opposition avec la vie réelle, en haut, que l'auteur nous accroche.

Les rites, les règles, les apparences, tout est différent à la piscine, les différences sociales ne se voient plus, ne restent que les nageurs, rapides ou pas, assidus ou non, qui respectent tous les mêmes codes.

Ces longueurs sont leur soupape à tous pour affronter la vie réelle.

Parmi eux, Alice.

Mais un jour une fissure apparaît au fond de la piscine, et c'est une partie de leur vie qui va changer.

Celle d'Alice notamment qui a aussi une fissure en elle, qui perd peu à peu le sens du réel et va devoir intégrer une institution.





L'auteur reprend la figure de style qu'elle avait utilisée dans « Certaines n'avaient jamais vu la mer », faite de « litanies », sorte de catalogue à la Prévert qui s'étire à l'infini.

Cela donne un effet hypnotique au récit qui n'est pas déplaisant au début mais dont le systématisme m'a, je l'avoue, lassée.

Pourtant la seconde partie, complètement différente, et qui met en scène Alice dans son institution ainsi que sa fille et son mari, dans les rôle difficiles d'accompagnants, apporte son lot d'émotions.

Un livre déconcertant donc, sur lequel il m'est difficile d'avoir un avis tranché, tant certaines parties m'ont amusée, d'autres agacée d'autres émue, et dont j'aurais bien du mal à conseiller la lecture...

Les avis sur Babelio sont aussi très partagés...

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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Nous sommes des Japonaises du début du vingtième siècle, vendues par leurs pères ou appâtées par les leurres de l’Amérique.



Nous sommes de toutes petites femmes qui ont quitté leur famille et leur pays. Nous avons traversé l’océan, vécu le désenchantement des époux qui n’étaient pas ce qu’on croyait et d’une nuit de noce parfois brutale. Nous avons travaillé dur, accouché dans des conditions précaires et tout fait pour que nos enfants connaissent une vie meilleure. Nous avons tenté de nous intégrer à une nouvelle société jusqu’à ce qu’une guerre vienne compromettre nos efforts.



Nous sommes les voisins qui ont vu disparaître les familles, qui ont pleuré leur départ, qui ont profité de leur détresse et pillé leurs maisons.



Nous avons lu ce tout petit livre, nous avons découvert son écriture originale où on ne suit pas des personnages particuliers, mais le destin de toutes, en utilisant un « nous » inclusif.



Nous avons aimé ce livre en nous indignant du sort de ces femmes d’autrefois, ces femmes oubliées de l’histoire, en négligeant de se rappeler qu’aujourd’hui encore, des femmes sont vendues ou mariées contre leur gré…

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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Certaines n’avaient jamais vu la mer est avant tout un récit historique : c’est l’histoire vraie de ces Japonaises qui ont émigré dans les années 1900 en Californie pour y retrouver un mari jusque là seulement aperçu sur des photographies. C’est l’histoire vraie d’un espoir immense et d’une désillusion sans fin, désillusion qui trouve d’ailleurs son apothéose après l’attaque de Pearl Harbor par le Japon en 1941, les immigrants japonais étant alors traqués et internés dans des camps.

C’est un texte qui a beaucoup de qualités et qui est extrêmement intéressant, tant dans sa forme que dans son fond. Plus qu’un roman, Certaines n’avaient jamais vu la mer est une sorte de long chant litanique énoncé par un narrateur pluriel – « nous » – et mettant en avant le collectif féminin par le biais d’une succession d’énumérations, chacune correspondant à un aspect de la nouvelle vie des Japonaises. La démultiplication des situations vécues et des angles adoptés contribue incontestablement à la richesse du texte mais le procédé peut aussi paraître répétitif et, personnellement, j’ai trouvé qu’il éloignait le lecteur de la sphère émotionnelle.

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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Comme beaucoup de lecteurs j’ai découvert avec ce livre une page d’histoire qui m’était totalement inconnue. Le destin de ces femmes japonaises ayant quitté leur pays natal au début du 20° siècle pour épouser des compatriotes installés aux Etats-Unis, des rêves et des espoirs plein la tête et le cœur…

Et puis la réalité, jamais à la hauteur, et puis la guerre qui les désignent comme ennemis du peuple américain, la stigmatisation, le racisme rampant, les camps…



Un texte fort, avec une narration à la première personne du pluriel, ce « nous » qui rassemble des destins multiples, qui emporte dans son sillage des éclats de vies, qui déroule des instants, des détails, des fractions d’existences pour former une vague puissante, où chacune de ces femmes vient à tour de rôle sur le haut de la crête, comme une écume bouillonnante sans cesse renouvelée.



La vague passée, je reprends mon souffle…

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La ligne de nage

A part son beau titre, ma lecture du nouveau roman de Julie Otsuka "La ligne de nage" a fait Plouf dans la piscine ! Pourtant, j'avais bien aimé "Certaines n'avaient jamais vu la mer" et j'étais motivée pour cette raison par ce livre de la rentrée littéraire, encensé.

Je suis invitée par Babelio à rencontrer l'autrice et suis bien gênée parce que je n'ai pas aimé ce roman qui n'a ni queue ni tête. C'est bien dommage car l'idée de la métaphore de la piscine comme ligne de vie qui peut se fissurer était bonne sauf que cela ne fonctionne pas du tout.

Dans les deux premiers chapitres il y a des descriptions de nageurs et nageuses sans qu'aucun ne soit incarné. Si certains propos sont justes mais pas très originaux comme La piscine est le nirvana ou Il n'y a plus de frontières entre le corps et l'eau, j'ai l'impression que Julie Otsuka veut en parler de façon universelle sans légitimité : toutes les piscines n'ont pas de larges couloirs numérotés de Un à Huit par exemple et surtout je suis surprise que l'autrice considère que les nageurs forment une communauté. C'est sans doute vrai dans les clubs mais en général, quand on pratique la natation en individuel on n'a pas vraiment le temps d'échanger surtout quand on y va sur l'heure du déjeuner si on travaille et que l'on n'a pas beaucoup de temps. D'ailleurs, la communauté décrite pratique quasi-quotidiennement, ce qui me semble exagéré parce que rare mais peut-être qu'aux États-Unis c'est le cas.

Et puis, cette façon de caricaturer les nageurs occasionnels ou de se moquer des surveillants de baignade est agaçante.

C'est dans cette piscine en sous-sol que l'on fait la connaissance d'Alice, une vieille dame qui perd la mémoire, on n'en sait pas beaucoup plus. Déjà, cela sonne faux puisqu'elle rencontre la narratrice à la pharmacie et qu'elle lui dit A bientôt à la piscine ! Ce qui est peu probable pour une personne qui oublie.

Je suis d'accord avec le fait de se sentir soi-même en nageant mais pas d'avoir l'impression d'avoir gâché sa vie quand la piscine ferme parce qu'il n'y a pas d'explication aux fissures qui apparaissent au fond de la piscine, sans fuites d'eau, mais inquiétantes.

Cette métaphore permet de faire un bon, subitement, dans un établissement où Alice doit séjourner suite à une maladie qui ressemble à Alzheimer (et de changer le point de vue de la narration).

Je sais bien que l'on est au États-Unis mais c'est le genre de description qui me met en colère. L'établissement ressemble à une prison comme si cela ne pouvait pas être autrement. Je m'érige en faux contre cette critique systématique des Ehpad alors que la plupart font un travail formidable et nécessaire, et je parle d'expérience.

On sent dans ce roman le poids de la culpabilité de la narratrice, fille d'Alice. Je me demande quel est le rôle de la famille dans ce cas, le soutien au père qui doit accompagner sa femme et les solutions possibles pour l'aider à vivre de façon apaisée.

J'ai l'impression que ce livre sert uniquement d'exutoire à Julie Otsuka face à la tristesse de la perte de sa mère (vous me direz c'est déjà pas mal). En tant que lectrice, je trouve que le texte flotte, ce qui est gênant compte-tenu du sujet.





Challenge Riquiqui 2022

Challenge Multi-défis 2022

Challenge ABC 2022-2023

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La ligne de nage

Un très très gros flop. Je n'arrive même pas au bout de ce livre. Je souffle à chaque page, je m'ennuie puissance 10 000. Ce n'est définitivement pas pour moi ce type de lecture.

Les appellations Les gens d'en haut (les terriens) et les gens d'en bas (les nageurs) m'ont agacé !

La passion xxxl pour la natation, les manies des nageuses et nageurs décryptées au millimètre, la névrose d'une fissure qui apparaît dans le fond expliquée pendant des pages et des pages... non. Stop.

Le roman, Certaines n'avaient jamais vu la mer, m'a été conseillé plusieurs fois soulignant une écriture poétique donc j'ai ouvert ce roman... aquatique avec confiance. Tant pis, pas grave, ça arrive de ne pas aimer !

Mais bon... je ne vais plus à la piscine depuis 20 ans, ça me dégoûte littéralement alors peut être que ceci explique cela.
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Pearl Harbour venait d’arriver, du jour au lendemain ils ont tous disparu, peu à peu leurs maisons vides ont été occupées par d'autres, des Américains.



Certains ont dit que ces traîtres de Japonais avaient été déportés dans le désert du Nevada ou de l’Utah, peu importe, ils n’étaient plus dans les champs, plus dans le village, plus nulle part. Plus de trace des hommes ni de leurs femmes qu’ils avaient fait venir du Japon. Des épouses, choisies sur photos, désillusionnées dès la première nuit avec eux, qui partageaient leur misère et les durs travaux des champs, fatiguées par la naissance d’enfants qui les renieraient plus tard.



Julie Osaka a choisi de raconter l’histoire de ces femmes, qui est celle de sa grand-mère, collectivement. Rassemblant leur voix dans un nous qui s’élève pour dire le sort qui a été le leur. Un chant triste, incantatoire et pénétrant qu'on ne peut oublier.

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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Ces femmes oubliées

*

Difficile de décrire la sensation de ma lecture de ce court roman. Ce sujet original qui décrit le rôle de ces femmes japonaises immigrées en Californie.

Justement, ce n'est pas l'histoire poignante qui m'a égaré dans l'ennui mais bien le style littéraire.



La tournure des phrases, le "nous" utilisé pour chaque action, chaque pensée, cette répétition dans le style m'a déstabilisé.

Ce "nous" décrit chaque femme, chacune dans une situation différente (mais le même statut d'immigrée japonaise au début du 20ème siècle). Les phrases ainsi faites sont longues car l'auteure établit un inventaire de chacune des femmes. De procédé original au début, il devient lassant et lourd.

J'aurais préféré une ou quelques destinées féminines à suivre. Car ainsi proposé en vrac, l'histoire perd de sa substance, de son émotivité et donc point d'implication pour le lecteur.

*

Dommage car le sujet est vraiment intéressant.
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Un pan de l'histoire dont je n'avais jamais entendu parler.

Des japonaises arrivent sur le sol américain après une traversée de l'océan Pacifique mouvementée, entre les 2 guerres, mariées avec leur compatriote déjà sur le sol américains, mariées à des hommes qu'elles n'ont jamais vu.

Leur arrivée, leur installation, leur vie, leurs enfants, tout cela est décrit par l'auteur, chapitre après chapitre, comme une liste, une suite de témoignages courts et incisifs.

Mon avis est partagé quand à cette lecture.

D'un côté, j'ai découvert cette partie de l'Histoire que je ne connaissais pas. On se laisse emporter par cette lecture, sur le rythme imposé des phrases courtes. L'envie de découvrir ces femmes et leurs vies s'imposent à nous, lecteur...

Ce qui m'a gênée en revanche, c'est justement cette suite de phrases, d'énumérations... Impossible pour moi de rentrer dans l'histoire. J'ai eu l'impression de regarder un reportage télévisé historique qui passent de témoignages en témoignages. C'est percutant, mais ça passe... Comme le passage de ces Japonais sur la côte Ouest des Etats-Unis vu par les Américains...

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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Challenge de la rentrée littéraire 2012

*****************************************

Recensement d'un peuple banni.



C’est toute une population qui est au centre de ce récit, c’est LE personnage principal.



On découvre avec frayeur et désarroi la vie de ces femmes japonaises émigrées aux Etats-Unis, exploitées, malmenées avant d'être expulsées à nouveau lors de l'entrée en guerre du Japon.



Remarquable et touchant.

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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Au début du XXème siècle, ces femmes japonaises de tous âges et origines ont quitté leur Japon natal, pour prendre un bateau vers les USA et rencontrer les fiancés qu'elles n'avaient jusque là vu qu'en photo.



Elles n'ont pas seulement quitté leur pays. Elles ont aussi quitté une vie difficile, faite de travaux des champs notamment, pour un avenir meilleur.



Mais l'avenir ressemble beaucoup au passé. Elles retrouveront ainsi des conditions de vie parfois même plus inconfortables encore que celles qu'elles avaient quittées, avec des maris qui parfois ne ressemblent pas vraiment à ce qu'elles en avaient espéré sur photos, et qui commenceront par les faire travailler dur, dès lors qu'ils auront passé la première nuit à abuser d'elles.



Toutes n'ont pas connu le même sort évidemment, mais rares sont celles qui furent heureuses et épanouies. D'autant plus que la guerre pointait son nez. Une guerre contre le Japon, qui les contraindra à tous les sacrifices et à toutes les humiliations.



A mon avis :

Voici un livre court, mais néanmoins instructif.



Instructif parce qu'il détaille la vie de ces femmes et de ces hommes avant elles, qui ont immigré aux Etats Unis dans l'espoir d'une vie meilleure.

"Nous voilà en Amérique, nous dirions nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort."

Là-bas, elles ont rencontré les difficultés des migrants et la vie difficile des gens qui n'ont rien et qui subissent les caprices du sort et des salauds. Une vie qui confine parfois à l'esclavage.



Les différentes expériences vécues par les unes et les autres sont évoquées. le récit est donc parfois un peu fastidieux à lire car il égraine chaque situation l'une après l'autre dans des chapitres qui trainent parfois en longueur du fait du nombre important de situations différentes.



Cet aspect m'a quand même rendu la lecture de ce livre assez pénible, car il donne cette impression d'une liste de cas et manque singulièrement de poésie. Finalement, il y avait sans doute matière à mieux romancer ces vies, tout en restant fidèle à la réalité. Ce n'est pas le choix fait par Julie Otsuka, mais de fait cela rend ce récit moins attrayant.



Cependant, la découverte de ces vies de migrants, qui font écho aux situations actuelles des migrants de tous horizons est assez enrichissante, car elle permet de mieux comprendre les difficultés du quotidien et le décalage profond qui se creuse entre elles et les générations suivantes, telles qu'ont pu le vivre les migrants du Sahel en France, sans doute.



Un livre éducatif donc, même s'il pèche un peu par son style selon moi.



Retrouvez d'autres avis sur d'autres lectures, sur mon blog :

https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Je connaissais cette histoire mais pas du point de vue des femmes. Au-delà du fait historique, l'auteure sait nous plonger dans l'horreur du déracinement et de la précarité humaine. Les hommes qui ont fait venir ces femmes n'étant guère mieux lotis. Ce sont toutes ces vies malmenées qui rappellent toutes les autres de tous temps et de tous lieux, qui me touchent beaucoup. Comment les sociétés humaines peuvent être si dures envers elle-mêmes ? La dureté de la vie pour certaines personnes est effroyable. Tant de misère humaine qui pourrait être évitée avec un peu d'empathie et de respect de l'autre. Voilà ce que m'inspire ce livre.

Un autre point me semble important. C'est le passage du temps qui efface tout sur son passage. Les voisins, dans un premier temps, regrettent l'absence de ces japonais qu'ils ont pourtant eu bien du mal à accepter. Et puis, peu à peu leurs traces s'estompent et finissent par disparaître. Qui se souviendra de la présence, pendant quelques décennies de ces ouvriers venus d'Asie, corvéables à merci ?

Le principe narratif du « nous » me paraît justifié car il permet justement d'englober le groupe, dont aucune individualité ne se différencie vraiment. Chacun est logé à la même enseigne.

Un livre qui ne m'a pas laissé indifférent.
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

De Charybde en Scylla, jeunes femmes japonaises, vous cheminerez en allant rejoindre ces Yankees riquiqui ! Quitter votre terre de souffrance natale pour endurer mille tourments dans leur Amérique létale et emplir de votre jeunesse leur existence bancale, ça aurait pu être un roman à deux balles…



Les deux balles, c’est dans le cœur que je les aie prises. Les phrases brèves claquent comme des rafales de mitraillette crachées par mille voix collégiales. Il n’y a pas qu’une femme qui s’explique, mille femmes hurlent sobrement leur amertume.

Julie Otsuka n’est que le porte-plume de talent de cette marée féminine qui n’avait jamais vu la mer et qui ne pensait pas connaître l’amer !

« A présent, tu appartiens à la catégorie des invisibles. »



Destinées abusées par duperie, vies rongées par la souffrance et l’avilissement. Labeur pénitence. Sexe corvée. Grossesses perdues. Naissances gâchées. Morts prématurées. Demandez le programme !

Elles sont belles, laides, grosses, minces, cultivées, analphabètes mais toutes sans exception seront dociles. En revanche, leurs « maris » seront exclusivement abjects et vils.



En l’absence d’héroïne, ces parcours anonymes donnent à ce roman-récit un aspect glaçant telle une liste de sacrifiées sur une stèle commémorative.

Leurs vies fut un enfer. Pas mieux pour leurs enfants survivants, quoi qu’ils fassent ou qu’ils aient le droit de faire, ne seront jamais acceptés : « On est rien qu’un tas de têtes de Bouddhas. »



Quand la guerre éclate, ce seront inévitablement pour ces autochtones étroits, toutes des espionnes et leurs maris des traîtres : « Et nous nous sommes demandé pourquoi nous avions si longtemps tenu à conserver ce mode de vie étranger. Nous leur avions inspiré la haine. »

Elles seront chassées, bannies de leur maison, de leurs pauvres habitudes quotidiennes : « Nous savions que c’était seulement une question de temps avant que toute trace de notre présence disparaisse. »



Certaines n’avaient jamais vu la mer. Aucune ne reverra jamais sa mère !



Pour terminer un petit proverbe juif (ça ne s’invente pas) qui définit bien le cadre général : « Avec un mensonge on va loin, mais sans espoir de retour. »



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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Ce livre m'a tout d'abord attirée par sa première de couverture : une femme asiatique en kimono, les mains joliment tournées dos à dos, sous son menton, qu'elle tient légèrement levé, les yeux mi-clos, comme implorant un dieu… On ne la voit qu'en partie, le photographe (ou l'éditeur) a cadré serré, la coinçant dans le quart gauche de l'image, complètement envahie par un ciel rose-orangé… augurant sans doute sa vie à venir… petite chose n'aspirant qu'au beau et finalement complètement écrasée, coupée, bousculée, poussée hors cadre…

En effet, ce livre nous raconte l'histoire de dizaines de jeunes femmes, ou devrais-je dire de très jeunes filles, japonaises, mariées par procuration à un japonais vivant aux état-unis, au tout début du XXème siècle. Ce récit commence dans le bateau qui les emmène vers cet homme qu'elles ne connaissent pas encore, vers ce pays si différent du leur, vers une autre culture…

L'auteur nous peint ensuite leurs histoires, la première nuit avec cet étranger qu'elles ont épousé, leurs relations avec les blancs, les travaux pénibles pour lesquels elles se ruinent la santé pour un salaire de misère, parfois la prostitution, leurs grossesses, leurs enfants, morts ou vivants, la seconde guerre mondiale… elles deviennent alors, avec leur mari, l'ennemi… les traîtres. Les autorités finiront par mettre ces japonais dans des camps… Et ils disparaîtront complètement des petites villes où ils avaient réussi à s'intégrer. Comme quoi !



La force de ce récit (à mes yeux) réside dans le fait que l'auteur a délibérément choisi d'utiliser la première personne du pluriel. Elles racontent toutes en même temps leur histoire. Ces récits, dans ce qu'ils ont de semblables ou dans leur différences, nous arrivent par une même voix. C'est LA femme japonaise arrachée de son pays, très vite confrontée aux désillusions, aux souffrances… Et en même temps c'est une sorte d'énumération de leurs histoires particulières…



Vous l'aurez compris, je vous recommande cette lecture et vous invite à mettre ce petit bouquin quelque part dans votre PAL !



http://youtu.be/xZNZrLZqeNE
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Ce sera un livre qui ne se perdra pas dans les limbes de la mémoire.

Le style adopté par l'auteur est vertigineux, envoûtant. Il frappe aux tripes et sans jamais tomber dans un larmoiement qui eut été trop lourd, Julie Otsuka réussit un tour de force avec ses énumérations qui, comme une litanie, résument tant de vies bafouées.



Une page de l'histoire de l'immigration de femmes japonaises au début du 20e vers les États-Unis, venues rejoindre volontairement ou non des maris (un leurre à tous points de vue pour la plupart) jusqu'au moment de la seconde guerre mondiale où le pays d'accueil entre en guerre avec le pays d'origine.



Julie Otsuka, dans un souffle d'une puissance fabuleuse, détaille toutes ces existences depuis le voyage vers un espoir minable, le mariage brutal, le travail avilissant, les enfants (trop), les humiliations des autochtones, le départ et le non-retour. Combien de vies dont on se dit qu'elles n'auraient pas dû être ?



Peut-on être heureux quand tant d'hommes et de femmes sont à ce point ignorés ?

L'auteure nous montre subtilement en fin de livre que l'homme possède en lui une capacité d'oubli lui permettant de continuer sa vie.



Outre une partie quelque peu ignorée chez nous de cette horrible période, une leçon est à tirer de ce livre-roman-témoignage : la vigilance.



La page de garde reprend des paroles impressionnantes de « L'Ecclésiaste », Julie Otsuka a permis, dans un « nous » d'une grande délicatesse, à toutes ces femmes d'exister enfin.
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Un roman magnifique beau comme un choeur antique, un roman pluriel où s’entend la voix de centaines de femmes oubliées.



Début du siècle, sur un bateau des femmes quittent tout, leur pays le Japon, leur famille pour rejoindre San Francisco et épouser un mari japonais dont elles ignorent tout sauf le visage sur une photo qu’elles ne peuvent s’empêcher de regarder encore et encore « C'étaient de beaux jeunes gens aux yeux sombres, à la chevelure touffue, à la peau lisse et sans défaut. »



Toutes espèrent, toutes rêvent et l’arrivée qui devrait être le début d’une aventure, est avant tout une cruelle désillusion. Les maris ne sont ni de riches hommes d’affaires, ni des commerçants prospères mais des paysans pauvres, des journaliers employés sur les plantations de Californie.

C’est une lente descente aux enfers : la violence de l’homme, la rupture avec une culture « Nous savions coudre et cuisiner. Servir le thé, disposer des fleurs et rester assises sans bouger »

La langue inconnue, le rejet de la population locale, les humiliations des maîtres, tout est souffrance.

Elles sont les invisibles et anonymes « Nous portions toutes une étiquette blanche avec un numéro d’identification attachée à notre col ou au revers de notre veste »

Broyées, utilisées, maltraitées, chaque chapitre du livre nous rend un peu de la vie de ces femmes : nuit de noce, accouchement, éducation des enfants…

Récit déroutant dans ses premières lignes, puis envoûtant. Le ton utilisé et surtout l’utilisation rare en littérature du nous transforme ce récit en une sombre incantation. C’est la cohorte de ces femmes qui parle, qui crie, les voix portent toute la douleur de ces destins massacrés en toute légitimité, en toute impunité.

C’est déchirant et tendre, brutal et révoltant. Il y a de l’admiration pour ces femmes de la part de l’auteur, de la révolte aussi bien entendu.

Il n’y a aucun personnage dans ce roman, des prénoms simplement, car chaque femme les représente toutes.

Le début de la guerre avec le Japon va à jamais briser la vie de ces femmes envoyant les familles dans des camps d'internement.



Le plus saisissant des romans de cette rentrée. Il est court et d’une densité qui donne envie de le lire à voix haute pour s’en imprégner mieux.

Magnifique roman, meilleur encore que le premier texte de l'auteur qui m'avait beaucoup plu Quand l’empereur était un dieu qui montre l’enferment des familles d’origine japonaise aux Etats-Unis lors de la seconde guerre mondiale il est aujourd’hui en poche chez 10/18


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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La ligne de nage

Ceux qui savent, savent.



Ils savent ce qu’est le bonheur de nager, la sensation d’être ailleurs, le besoin inexplicable d’aligner les longueurs sans autre forme de motivation que de terminer celle qui suivra. Le monde parallèle, microcosmique et cocoon que représentent ces piscines « d’en bas », à mille lieux du fracas du monde « d’en haut ». Alice est de ceux-là.



Arrive sans prévenir la fissure, une simple fissure apparue un matin sur le trait noir au fond du bassin de la ligne 4. Oh pas grand-chose : un tout petit accroc à la normalité, quasi imperceptible à qui ne fait pas attention ; un micro-détail. Suffisant toutefois pour que l’équilibre et l’apparente harmonie de ce petit monde soit rompu.



Et la fissure devient deux, puis davantage encore, faisant craindre l’apparition d’un « cluster de fissures ». Alors vient le temps où il faut bien admettre que toute la connaissance du monde d’en haut est bien incapable d’expliquer et de résoudre les désordres qui se passent en bas.



S’appuyant sur la métaphore de cette piscine, Julie Otsuka nous invite dans La Ligne de nage – traduit par Carine Chichereau – à suivre Alice dont le cerveau se fissure peu à peu, dans le long et inéluctable parcours de la maladie qui affecte sa mémoire, sa vie, ses proches.



Désormais recluse dans la résidence Belavista aussi adaptée à sa pathologie que déshumanisée au bénéfice du dieu profit, confiée aux mains expertes des « Équipes-mémoire », il lui reste les fulgurances de souvenirs qui remontent : le Japon, les parents, la guerre, un enfant perdu, un mari aimé…



Dans un dialogue mère-fille où le « elle se rappelle » se confronte au « elle oublie », Julie Otsuka nous livre des pages d’une grande beauté. D’une grande violence ou plutôt, d’une grande douleur aussi, dans le fracas de cette béance subie. Mais dans une écriture apaisée, comme l’esprit de celle qui s’en va chaque jour un peu plus.



Un très joli livre aux inspirations autobiographiques, dont la décomposition en deux parties très distinctes pourra surprendre. Mais on aurait tort de s’y arrêter, tellement elles sont complémentaires !
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Certaines n'avaient jamais vu la mer... et pourtant elles se sont retrouvées sur un bateau, avec des centaines d'autres japonaises, voguant vers des maris qu'elles n'avaient jamais vus mais choisis sur catalogue et vers leur Eldorado, les Etats-Unis des Années Vingt !



C'est cet épisode peu connu de l'histoire qui nous est raconté ici, ainsi que la vie de ces femmes une fois qu'elles furent installées dans leur nouvelle vie entre deux cultures, jusqu'à la tragédie de Pearl Harbor et l'ostracisme dont elles furent ensuite victimes. Après un tel résumé, il est inutile de préciser que le livre est intéressant et très riche en informations.



Original dans son sujet, il l'est également dans son ton : on ne suit pas de destins individuels, mais toujours le 'nous' global de toutes ces femmes qui se sont trouvées sur un même bateau. Cela nous fait sentir que ces femmes ont beaucoup perdu de leur identité propre en émigrant : de paysanne, jeune fille espiègle ou citadine active, elles sont devenues juste 'les Japonaises' dans leur nouvelle vie.



Difficile pour moi de m'identifier à cette foule presque anonyme, et partant de ressentir empathie ou émotion, sauf peut-être lors de brefs passages sur leurs amours ou leurs enfants. Certaines ne m'ont donc pas vraiment émue... mais toutes m'ont constamment intéressée !
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Certaines n'avaient jamais vu la mer

Certaines n'avaient jamais vu la mer, mais toutes ont quitté le Japon pour se marier avec un compatriote installé aux Etats-Unis. Elles quittent leur famille, leurs amis, leur pays, pour échapper à une vie à sarcler la terre pour se nourrir. Elles ignorent qui les accueillera à leur arrivée, et ont choisi leur fiancé sur la base de photos qu'on leur a envoyées, de lettres qu'ils leur ont écrit.

La traversée en cale dans des conditions déplorables n'est que la première des épreuves qu'elles traversent. L'Amérique manque de bras, les immigrés Japonais de femmes pour réchauffer leur lit et repousser la solitude de leur existence misérable. Les lettres envoyées sont des faux, et les photos datent de plusieurs années, ou sont celles d'amis ou d'inconnus.



Voilà un pan de l'histoire que j'ignorais complètement et dont les Etats-Unis ne doivent pas souvent se vanter : l'immigration officielle sous couvert de mariage de femmes japonaises pour servir de main d'œuvre dans les champs et de domestiques, entre les deux guerres mondiales ! Julie Otsuka se fait la voix multiple de ces femmes trahies par leur futur époux et par leur pays "d'accueil". Par absence de choix et de moyens, par honte, elles tairont à leur famille restée au pays les conditions misérables dans lesquelles elles vivent. Dans ce nouveau pays, elles perdront tout, leur vertu, leur dignité, jusqu'à leur culture.

Le procédé narratif de "Certaines n'avaient jamais vu la mer", en utilisant systématiquement le pluriel ("nous", ou "certaines") pour évoquer l'histoire de ces femmes, refusant de s'attacher à l'une ou l'autre pour mieux nous faire découvrir les destins multiples, donne un rendu souvent poétique. Pour ma part, il m'a gêné : à devoir m'attacher aux pas de toutes ces femmes, j'ai eu l'impression de n'en découvrir aucune. C'est dommage, car l'auteur nous en apprend beaucoup sur la culture japonaise et sur les conditions de vie des "petites gens" dans les années 30 aux USA.

Ce livre court est à découvrir, ne serait-ce que pour la jolie écriture de son auteur, l'originalité du procédé narratif, et l'évocation d'une page d'histoire très peu connue.

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Certaines n'avaient jamais vu la mer

En 1919, de jeunes femmes -qui n'auraient pas trouvé d'époux au Japon- se sont mariées par correspondance avec des émigrés Japonais, puis les ont rejoints aux Etats-Unis, dans l'espoir d'une vie meilleure. Le récit commence pendant leur longue traversée en bateau, puis aborde les premiers contacts avec le mari inconnu, les premières désillusions, les travaux dans les champs, les blanchisseries ou les maisons bourgeoises, l'arrivée des enfants, l'intégration laborieuse, les rapports avec les "blancs"… Jusqu'à l'attaque de Pearl Harbour et ses retentissements dramatiques pour les japonais américains.



Se plonger dans ce court roman, c'est écouter un chœur de femmes : un chant choral, où l'on perçoit chaque voix distinctement, mais où la mélodie d'ensemble domine. C'est une litanie, où les vies particulières de ces japonaises en exil affleurent, mais laissent apparaître une destinée collective. Julie Otsuka, par son utilisation systématique de la première personne du pluriel, s'associe à ses ancêtres japonais et à leurs tribulations aux Etats-Unis… ou nous associe, nous, lecteurs ?
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