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Critiques de Kamel Daoud (344)
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Zabor

Zabor a un don, il peut prolonger les vies en écrivant sur des cahiers, écrire est la seule ruse efficace contre la mort. On ne creuse donc aucune tombe dans son village. Zabor est responsable de la vie des gens, il peut les sauver en écrivant. Il donne le titre d'un roman connu à chacun de ses cahiers. Il n'est pas devenu incroyant mais il regarde sa religion comme un livre épuisé.



Zabor vit avec son Grand-père et sa tante Hadjer qui l'élève comme son propre fils. Une femme vieillie qui a attendu en vain qu'un prétendant frappe à sa porte et dont la vie est remplie des acteurs des films indiens qu'elle regarde à la télévision.



Hadj Brahim boucher fortuné va mourir, il n'a plus de pages à lire dans le cahier de sa vie. Il a répudié Zabor, son fils, et sa mère alors qu'il était un nouveau-né. Zabor, qui est sujet à des crises, des vertiges et des hallucinations, est pour lui et son prestige une infamie. Appelé au chevet de son père, Zabor voit son don s'essouffler, insensible incapable d'amour ou de tendresse envers ce vieillard qui l'a rejeté.



Djemila, qui ne sait ni lire, ni écrire, est une femme répudiée avec deux enfants. Zabor rêve de l'épouser afin de lui rendre son corps.



Un conte façon mille et une nuits, l'histoire d'un enfant banni, passionné par les livres, l'écriture et la langue française, qui invente mille histoires et découvre le pouvoir infini des mots. Il va devenir un prophète profane. Un récit poétique et sensuel, que j'ai trouvé d'un accès difficile.




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Meursault, contre-enquête

Meursault, contre-enquête - Kamel Daoud



Un vieil algérien, dans un bar d’Oran, raconte sa vie à un jeune universitaire.

Ce vieil homme n’est pas n’importe qui, c’est le frère de « l’Arabe » qu’a tué Meursault dans « L’étranger » de Camus.



Donc au fil des pages on découvre toutes les conséquences de cet acte sur la vie du vieil Haroun. On apprend que son frère se nommait Moussa, car avant d’être un « arabe » assassiné c’est un homme avec une identité, une famille, une vie. Haroun qui lui aussi en viendra à tuer, a un comportement tout aussi bizarre que celui de Meursault. Deux êtres qui n’ont rien en commun et qui pourtant sont « semblables »



L’auteur, à travers Haroun, parle de la société algérienne d’aujourd’hui, des problèmes de religion , d’identité, de la décolonisation.



L’écriture de Kamel Daoud est belle et rend bien la colère et quelque part le désespoir d’Haroun.

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Meursault, contre-enquête

Si ce roman est un hommage à " L'étranger " d'Albert Camus, il répare, surtout, une sorte d'injustice, car il donne une identité à la victime, " l'arabe " du célèbre roman, dans lequel le héros était Meursault, l'assassin. Il aborde l'héritage complexe de la langue, la colonisation française, l'évolution du pays après l'indépendance, la montée de l'islam en Algérie. Les deux livres se répondent magistralement, la lecture est jubilatoire. Lorsque Haroun nous parle de son frère, on oublie rapidement qu'il parle d'un mort de fiction. Toute l'œuvre de Camus est omniprésente, on perçoit toute l'admiration que lui voue Kamel Daoud qui tient sur les religions des propos très courageux.
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Meursault, contre-enquête

Faut-il relire L’Étranger avant de découvrir Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud ? Certainement, car pour beaucoup d’entre nous cette lecture date de nombreuses années et la perception que l’on peut avoir à sa relecture est différente de celle que l’on a connue dans sa jeunesse (en particulier lorsqu’un livre est imposé par un programme scolaire !) de même il est intéressant de se souvenir précisément du roman d’Albert Camus avant d’aborder le roman de Kamel Daoud. Voilà, j’ai lu les deux, l’histoire est complète… L’histoire ? Mais laquelle ?



Celle de « l’Arabe », cet inconnu tué sur une plage, simplement parce que Meursault était ébloui de soleil, aveuglé par les quelques gouttes de sueurs qui perlaient à son front, un jour de désœuvrement trop ordinaire ?

Celle de Haroun, le narrateur, le frère de « l’Arabe », de celui qui depuis tant d’années n’a jamais eu de prénom ni de nom, jamais eu de vie, de famille, d’emploi, de rêves à accomplir, car personne ne s’y est intéressé ?

Celle de « l’Arabe », qui pourrait être n’importe quel inconnu ou simplement ce frère qui vit dans un pays dont il a du mal à comprendre et à accepter les évolutions, la fin de la colonisation et les dégâts irréparables de la guerre dans la population, la place qui est aujourd’hui faite aux femmes, l’importance grandissante de la religion dans la vie de chacun, l’alcool ou le vin qu’on ne boit plus, les cafés où l’on avait l’habitude de se retrouver et qui ferment les uns après les autres ; celui qui vit dans la solitude, qui a connu le désintérêt et la manque d’amour d’une mère, celle qui a perdu un fils, le vrai, le seul qui compte ; celui enfin qui cherche une identité dans un pays qui n’est plus le sien, comme il peut parfois l’exprimer ?



Alors, oui, la boucle est bouclée, car « l’Arabe » a enfin une identité, mais à la lecture de ce Meursault, contre-enquête on tourne la dernière page avec une certaine frustration et une grande interrogation. Car Kamel Daoud est un auteur qui dit et qui ose, avec des mots qui marquent et interpellent, même si parfois le style et l’approche peuvent dérouter le lecteur. On sent en filigrane les reproches, l’héritage dont on veut se défaire, les critiques exprimées sans complaisance et surtout les attentes de l’auteur envers un pays qui change et qui trop souvent contraint.
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Meursault, contre-enquête

Meursault, contre-enquête - de Kamel Daoud

Peut-être l'un des meilleurs livres que j’ai lus ces derniers mois. Il doit se lire en miroir, presque en diptyque, avec un des plus grands romans du XXème siècle, « l’Etranger » de Camus. Ces deux œuvres se lisent, ou se relisent, en quelques heures à peine, le temps d’une après-midi ensoleillée. L’idée de Daoud est originale, voire un peu folle : « décoloniser » un classique de la littérature.

Le point de départ est la négation de l’Autre dans l’œuvre de Camus. Un des personnages clés, cet Arabe tué absurdement sur une plage par Meursault sous un soleil torride, n’a pas de nom ni d’existence. Il n’est qu’une ombre, qu’un détail négligé. Kamel Daoud éclaire cette ombre, en lui donnant une vie, une histoire et un prénom (Moussa). Dans un bar, imbibé d’alcool et désabusé, le narrateur (Haroun), le petit frère de cet Arabe tué, hurle sa vie et son mal-être à un universitaire venu l’interroger sur sa version de l’histoire (car l’Etranger est supposé être écrit par Meursault lui-même à sa sortie de prison).

Les jeux de reflets entre l’œuvre de Daoud et celle de Camus rendent ce livre subtil et génial. Le héros de Daoud devient, malgré lui, un curieux double de Meursault, confronté à l’absurdité de la vie, de l’amour, de la mort et de la religion. Il est, comme Meursault, « étranger » parmi les siens, « étranger » face au meurtre qu’il commet pour se venger, face au deuil de son frère, face au monde duquel il est écarté par sa mère, face à l’évolution de son pays, face à la montée de l’Islamisme.

Le style est déroutant, dans un mélange d’oralité nerveuse et de poésie métaphorique. Le livre pense l’héritage colonial, l’histoire et les désillusions de l’Algérie moderne. C’est une réflexion sur l'identité d'un homme, d'un peuple et une critique sur les rapports aux autres, au passé, à dieu, à l’Islam. C'est intense et passionnant !

J’ai relevé et noté cette phrase : « Il y a toujours un autre, mon vieux. En amour, en amitié, ou même dans un train, un autre, assis en face de vous qui vous fixe, ou vous tourne le dos et creuse les perspectives de votre solitude. »
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Meursault, contre-enquête

C'est un livre qui m'a laissé perplexe, je l'ai lu à la demande d'une amie, mieux elle me l'a envoyé. J'ai lu plusieurs fois l'étranger, ce que j'en avais retenu de plus fort : un homme littéralement étranger à lui-même et aux autres. Le héros de Kamel Daoud me semble tout sauf étranger à lui-même, dans la colère, dans une quête, oui mais pas étranger à lui-même. Je suis si perplexe que je l'ai "passé" à d'autres amis pour connaître leurs réactions. J'attends !
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Meursault, contre-enquête

LECTURE EN MIROIR/JEU LITTÉRAIRE



J'ai commencé à lire la contre-enquête seule mais comme

le narrateur dit que l'Etranger, il le sait par cœur comme le Coran,

Il m'a semblé donc indispensable de relire l'Etranger avant de poursuivre plus avant ma lecture . Ce fut presque une redécouverte. J'avais lu Camus pendant mes années-lycée, il y a donc bien longtemps....



J'ai poursuivi la Contre-enquête dans la foulée - lecture miroir - recherchant les images, les expressions symétriques, analogies ou opposées, comme un jeu oulipien et je me me suis régalée.



Incipit :



"Aujourd'hui, M'ma est encore vivante.



Elle ne dit plus rien, mais elle pourrait raconter bien des choses."



L'Arabe tué en 1942 sur la plage est son frère Moussa. Moussa/Meursault, accompagné de Larbi/L'Arabe, n'ont laissé aucune trace dans l'enquête ou le procès de Meursault, condamné pour n'avoir pas pleuré sa mère plus que pour avoir tué un Arabe anonyme qui n'a intéressé personne. tout juste deux coupures de journal que la mère de Moussa a conservé pour faire son deuil alors que le corps de la victime n'a même pas été présenté à la famille.



L'enfance du narrateur a été occupé par ce deuil et la contre-enquête, la recherche du corps, du lieu du crime, de témoins...Fuyant Alger la mère et le fils s'installent justement à Hadjout/Marengo, le village où était l'asile de la mère de Meursault.



1962, aux premiers jours de l'Indépendance, Haroun devient, comme Meursault, meurtrier. Il tue un Français, sans bien savoir pourquoi. Ce meurtre, à deux heures, comme celui de la plage, mais sous la lune, est le reflet de celui de 1942. il met un point final à la rage de la mère, à sa recherche, comme une vengeance.







"La mort, aux premiers jours de l'Indépendance était aussi gratuite, absurde et inattendue qu'elle l'avait été sur une plage ensoleillée de 1942"



Haroun, lui aussi, sera emprisonné. lui-aussi pour de mauvaises raisons. Pourquoi a-t-il tué après l'Indépendance et non pas avant?



Comme Meursault a eu une amie Marie, Haroun rencontre Meriem. C'est même elle qui lui fait lire l'Etranger. Comme Meursault hait les dimanches, Haroun déteste les vendredis. Comme le premier repousse le prêtre, le second fait un scandale à la mosquée....



Je pourrais poursuivre encore la chasse aux analogies, reflets ou oppositions...



Au delà du jeu littéraire, de l'exégèse de l'Etranger , une autre lecture est intéressante : lecture politique, de la Colonisation et de l'Indépendance , du choix du français par l'auteur. Et bien sûr les implications philosophiques.



Il m'est bien difficile de dissocier Meursault la contre-enquête de l'Etranger. Peut il se lire sans l'autre?




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Meursault, contre-enquête

Un roman parfois un peu déroutant qui se veut le prolongement, sous forme d'hommage très talentueux, à l'Etranger d'Albert Camus. Une très belle écriture et une architecture du livre très subtile (parfois trop..) traduissent bien la complexité des héritages et des identités.Cette lecture, sur fond des derniers événements tragiques, donne un éclairage tout particulier sur les relations franco-algériennes et le désarroi d'un homme face à un pays qui l'a déçu.Pas de haine mais beaucoup de lucidité sur l'Algérie contemporaine et ces hommes qui ont tant besoin d'un Dieu.

" J'ai toujours eu cette impression quand j'écoute le Coran. J'ai le sentiment qu'il ne s'agit pas d'un livre, mais d'une dispute entre un ciel et une créature. La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé."
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Meursault, contre-enquête

J'avais étudié en Première pour le bac (oulala cela remonte loin) "L'étranger " de Camus et j'étais curieuse de découvrir le livre Kamel Daoud. Tout d'abord, une très belle écriture très agréable à lire. Puis ce rapport avec le livre de Camus où l'auteur donne un nom à "l'Arabe" tué par Meursault.

Ce livre raconte le poids d'un héritage familiale (ici la mort de Moussa) qui va empêcher un enfant de grandir libre dans un pays qui n'est pas encore libre.

Un très beau roman sur l'identité aussi. A découvrir...
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Meursault, contre-enquête

Amateur de L’étranger d’Albert Camus, vous aimerez sûrement Meursault, contre-enquête.

L’auteur, Kamel Daoud, journaliste algérien, donne la parole au frère de l’arabe assassiné par Meursault… Avec ce parti-pris original, et dans une belle écriture, son livre raisonne comme un écho indispensable et vain à L’étranger.
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Meursault, contre-enquête

Meursault, contre-enquête/Kamel Daoud

Le sujet d’abord.

L’auteur, Kemal Daoud, dans ce livre veut rendre un hommage en forme de contrepoint à « L’Étranger » d’Albert Camus et ce, soixante-dix ans après sa publication. Il est donc nécessaire d’avoir lu le roman de Camus avant de lire ce récit. Roman dont Haroun dit en forme d’éloge : « …ce livre étrange où il raconte un meurtre avec le génie d’un mathématicien penché sur une feuille morte… »

Les faits : « Un Français tue un Arabe allongé sur une plage déserte. Il est quatorze heures, c’est l’été 1942. Cinq coups de feu suivis d’un procès. L’assassin est condamné à mort pour avoir mal enterré sa mère et avoir parlé avec elle avec une trop grande indifférence. Techniquement, le meurtre est dû au soleil ou à de l’oisiveté pure. »

Kamel Daoud met en scène Haroun, le narrateur, qui se souvient soixante-dix ans après avec une certaine frustration des faits. Lui le frère de l’Arabe tué en 1942 par Meursault, s’adresse au lecteur. C’est ce que je suppose bien qu’il soit dans un bar et semble parler tout seul.

Meursault, un être en proie à l’oisiveté et l’absurde, et qui a commis un crime sans véritable raison, dans une nonchalance majestueuse selon Haroun.

Et cet Arabe qui est resté anonyme dans le roman de Camus et dont on n’a jamais retrouvé le corps a un nom : Moussa. Un prénom qu’il faut lui restituer.

« Mon frère s’appelait Moussa. Il avait un nom. Mais il restera l’Arabe, et pour toujours. »

Nous sommes alors en 1962, soit vingt ans plus tard et l’indépendance de l’Algérie est là. Haroun parle de l’époque coloniale :

« Nous, nous étions les fantômes de ce pays quand les colons en abusaient et y promenaient cloches, cyprès et cigognes. »

« Maintenant, les colons s’enfuient, ils nous laissent souvent trois choses : des os, des routes et des mots ou des morts… »

Et le récit va basculer :

« C’étaient les premiers jours de l’Indépendance. Durant cette période étrange, on pouvait tuer sans inquiétude… »

Haroun comme Meursault va tuer. Une manière de vengeance.

La forme ensuite.

Le style est beau et coloré avec une nuance poétique. Il peut devenir critique et acerbe si besoin est. Avec un fond d’amertume et de rancœur. Et même de révolte et de polémique.

« Quand j’écoute réciter le Coran, j’ai le sentiment qu’il ne s’agit pas d’un livre mais d’une dispute entre le ciel et une créature ! La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J’aime aller vers ce Dieu, à pied s’il le faut, mais pas en voyage organisé…C’est l’heure de la prière que je déteste le plus. ..Crier que je ne prie pas, que je ne fais pas mes ablutions, que je ne jeûne pas, que je n’irai jamais en pèlerinage et que je bois du vin et tant qu’à faire, l’air qui le rend meilleur. Hurler que je suis libre et que Dieu est une question, pas une réponse… »

Magnifique passage.

« Regarde un peu le groupe qui passe, là-bas, et la gamine avec son voile sur la tête alors qu’elle ne sait même pas encore ce qu’est un corps, ce qu’est le désir. Que veux-tu faire avec des gens pareils ? »

Haroun va faire la rencontre de Meriem, elle aussi interpelée par l’histoire de Meursault. Meriem une belle femme qu’Haroun va aimer passionnément :

« Elle appartient à un genre de femmes qui, aujourd’hui, a disparu dans ce pays : libre, conquérante, insoumise et vivant son corps comme un don, non comme un péché ou une honte. »

Un passage à méditer…

L’analyse enfin.

Kamel Daoud reconnaît la qualité de chef d’œuvre du roman de Camus. Son personnage relève les points du récit qui lui font mal ou qui lui paraissent inexacts, comme la femme objet de la discorde entre Raymond, l’ami de Meursault (ami qui peut-être n’a jamais existé selon Haroun), et l’Arabe, une femme qui en fait ne serait pas sa sœur mais son amie. Et là, Haroun a des mots terribles concernant l’époque qui voyait Moussa défendre l’honneur d’une femme :

« Défendre les femmes et leurs cuisses ! Je me dis qu’après avoir perdu leur terre, leurs puits et leur bétail, il ne restait plus que leurs femmes. »

Kamel Daoud tente dans ce livre d’opposer le monde et l’acte absurdes de Meursault à l’absurdité de son pays aujourd’hui et son attaque pertinente et réaliste en règle contre l’Islam ne va pas lui valoir que des amis. Il y réussit avec brio mais comme l’ont dit certains lecteurs, il veut trop en dire et cela devient parfois un peu long et décousu.

Mais le pari tenté par Kamel Daoud de mener une contre-enquête sur le meurtre de Meursault et ses à-côtés est un bon moment de littérature française : en effet, Kamel Daoud use de notre langue avec talent et c’est un plaisir de lire ses belles lignes.

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Meursault, contre-enquête

Comment s’attaquer à ce bouquin monstre qu’est L’étranger de Camus?

Avec la verve des auteurs algériens qui écrivent en français....

Et j’ai aimé...suivre la colère de ce vieil homme, frère de celui assassiné dans le roman initial. Le point de vue de l’autre, dans cette Algérie malmenée par les événements de l’indépendance.

Succès international ? Ce bouquin le mérite largement.
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Bibliodyssées

CHRONIQUE : SAUVÉS.. 📚

.. Des inondations, de la destruction, des guerres, des poubelles, de la censure, des camps de concentration, de l'exil, de l'oubli ..Par les anges de la boue, par le seigneur des livres, par des bibliothécaires, par un éditeur, par la brigade des sans papier... ... Livres qui sauvent aussi de la dépression, de la barbarie, du déracinement, de l'obscurantisme, de la mort.



À ne pas rater le chapitre sur la censure en bibliothèque à Orange en 1996 quand le FN a gagné les élections municipales. Il est alors demandé, dans un texte officiel, que soient retirés des rayons les ouvrages suspectés de philosophie mondialiste, ceux évoquant explicitement le rap, ceux faisant outrage aux bonnes mœurs, ceux trop anti fascistes... ( la directrice a démissionné). Rappel intéressant pour tous ceux et celles qui disent "on n'a qu:à essayer le FN, ça ne changera pas grand chose à notre quotidien, au pire ça fera un petit électrochoc pour réveiller les gens.

Si vous aimez les livres qui parlent de livres, l exposition BibliOdyssées qui se tient en ce moment au musée de l'imprimerie devrait vous plaire (aperçu en STORY permanente) et ce livre, 50 histoires de livres sauvés, aussi.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Meursault, contre-enquête

Kamel Daoud, journaliste pour le Quotidien d'Oran, aime et admire Albert Camus. Cependant, il lui fait un reproche important : ne jamais citer le nom de l'homme tué par Meursault, sur une plage d'Alger, un assassinat raconté dans L'Étranger, chef-d'oeuvre paru en 1942. Il le nomme simplement l'Arabe et cela revient vingt-cinq fois dans ce roman. Il n'a même pas un prénom. Comme l'écrit Kamel Daoud : « … on ne tue pas un homme facilement quand il a un prénom. »

Ici, l'auteur se met dans la peau du jeune frère de la victime, Haroun, qui, au soir de sa vie, se confie, dans un bar d'Oran, à un inconnu, « monsieur l'inspecteur universitaire ». À son tour, il ne cite jamais Camus et fait comme si L'Étranger avait été écrit par l'assassin, Mersault lui-même.

Personnage important du récit, la mère qu'il nomme M'ma, est omniprésente. Elle est même derrière lui lorsqu'il commet à son tour un crime : « le Français qui avait eu le malheur de venir se réfugier chez nous cette nuit d'été 1962, moi, avec mon bras qui ne retombait pas après le meurtre, M'ma avec sa monstrueuse exigence enfin vengée. »

Joseph Larquais, parent des propriétaires qui employaient M'ma, est comme une victime expiatoire du meurtre de celui qu'il nomme enfin Moussa Ould el-Assasse. Ces Français ayant pris la fuite, Haroun et sa mère s'étaient installés dans leur maison, à Hadjout, ex-Marengo, comme cela s'est passé presque partout lors de l'indépendance de l'Algérie.

L'écriture est précise, agréable et ne ménage personne. Lorsque Haroun et sa mère quittent Alger, il parle d' « un immense labyrinthe fait d'immeubles, de gens écrasés, de bidonvilles, de gamins sales, de policiers hargneux et de plages mortelles pour les Arabes. » Plus loin, il ajoute : « Alger, dans ma mémoire, est une créature sale, corrompue, voleuse d'hommes, traitresse et sombre. »

Puis, il parle de la société algérienne depuis l'indépendance, de la religion aussi lorsque son voisin récite le Coran à tue-tête : « La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas… aller à Dieu à pied mais pas en voyage organisé… je déteste la religion et la soumission… » Il n'oublie pas cette langue française apprise pour devenir « l'instrument d'une enquête pointilleuse et maniaque. »

Enfin, il y a l'amour rencontré grâce à Meriem qui enquête à partir d'un livre d'un auteur célèbre qui avait raconté la mort d'un Arabe et en avait fait un livre bouleversant « comme un soleil dans une boîte. » Haroun en tombe amoureux dès la première minute mais : « Elle appartient à un genre de femme qui, aujourd'hui, a disparu de ce pays : libre, insoumise et vivant son corps comme un don, non comme un péché ou une honte. »

Kamel Daoud écrit avec son coeur et ne mâche pas ses mots au risque d'être menacé dans sa vie même, une raison de plus pour lire Meursault, contre-enquête.
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Mes indépendances. Chroniques 2010-2016

Mes indépendances de Kamel Daoud sont un recueil de chroniques de l’auteur de 2010 a 2016 parues un peu partout car l’auteur est aujourd’hui, après son Meursault, contre-enquête très connu et publié un peu partout dans le monde.

Comme tous les recueils de ce genre c’est un livre agréable que l’on peut lire en suivant les chroniques les unes après les autres ou en prenant une chronique ici et une chronique là, car chacune d’elles est un petit texte qui, comme le veut la loi du genre se suffit a elle-même.

Cependant il est clair que l’ensemble a une réelle unité et qu’il donne a voir le monde aujourd’hui et surtout l’Algérie d’aujourd’hui et il nous donne une vision très triste mais , hélas, très vraie des pays dits musulmans, de l’Algérie qu’il connaît bien pour y vivre et de cette idéologie de notre siècle: l’islamisme politique aussi dangereuse et aussi grave que l’ont été le national socialisme, le fascisme et le communisme soviétique.

Il faut voir comment a travers la description du pouvoir en Algérie le pays est devenu triste, sans ambition réelle, rétif a la liberté, confiné de plus en plus dans une bigoterie qui se répand dans toute la société.

Sur le pouvoir on pourra lire «Schéma standard de la dictature arabe» (p.75) c’est écrit de manière drôle mais le fond est tragique,l «Le concept le plus triste depuis deux mille ans» (p.115) sur l’ inaptitude à la démocratie a laquelle ces pouvoirs ont réussi a persuader le peuple, et encore «Je veux que les révolutions soient un échec» (p.436) qui dit bien comment ces pays voient toute tentative d’aller vers la liberté!

Sur l’Algérie les nombreuses chroniques sont cruelles tant elles montrent l’évidence de l’échec du pouvoir depuis l’indépendance. Il y a d’abord le constat de ‘état du pays, de sa tristesse . On lira «Prenez le jour, rendez nous la nuit» qui montre l’enfermement de ce pays, le «guide de l’Algérie par un ambassadeur américain» (p.63) un pouvoir qui a si mal traité son peuple que ce dernier ne s’aime pas comme cela est si bien dit dans «Névrose:Les Algériens n’aiment pas ressembler aux Algériens» (p.227);

Sur l’Algérie l’auteur donne aussi quelques clés en montrant comme se comporte le pouvoir pour s’accrocher ainsi dans «La stratégie du labyrinthe pour faire de l’Algérie un «cas complexe» (p.134) au point que pour comprendre l’Algérie actuelle une nouvelle science est née: «Du métier inépuisable de l’ «algérologue» (p.213.) L’auteur est cruel lorsque il pointe la véritable faute du pouvoir qui utilise les «martyrs « de la guerre pour sa petite politique et qui nous dit: «Malheureusement nous n’avons pas eu un Mandela en 1962» car on sent que l’auteur souhaiterait une Algérie regardant l’avenir, ouverte, avec une religion apaisée et ouverte et qui ferait de ses différences (langue-régions) une richesse au point d’acceuillir symboliquement les cendres de Camus (p. 246)

Enfin un très grand nombre de chroniques sont consacrées à l’islamisme et à ses ravages en Algérie mais aussi partout dans le monde. L’auteur analyse avec finesse l’emprise de cet islamisme sur les sociétés, son pouvoir sur les peuples malgré la bêtise, la cruauté et l’absence de réelle perspectives de cette idéologie obscurantiste, son utilisation aussi ,hélas, par les pouvoir et notamment le pouvoir algérien.

Kamel Daoud est-il totalement et définitivement pessimiste? Il ne cache rien de la gravité du mal et de la difficulté d’en venir à bout mais on sent , chez lui, une lueur d’optimisme lorsque il évoque dans plusieurs chroniques la situation et les perspectives en Tunisie. Il va même publier un livre prochainement sur cette question, sur ce seul pays ou un petit espoir reste encore vivant et que les tunisiens ,je l’ espère sauront préserver. Il faut en tous cas ,ici et ailleurs ,lire ces chroniques elles font réfléchir et n’est-ce pas, finalement, l’objectif d’un tel exercice?
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Meursault, contre-enquête

Pour plusieurs, L'étranger d'Albert Camus a été une lecture obligatoire à l'école mais ce ne fut pas mon cas. Je ne l'ai jamais lu... Alors le but de l'exercice de style de Kamel Daoud m'a probablement échappé. Quoique j'ai beaucoup apprécié son écriture, sa construction, ce roman me ramène inévitablement à l'ouvrage de Camus que je me devrai de lire. J'ai pressenti à travers Meursault, contre-enquête, la puissance de l'oeuvre célébrée et ça, c'est magnifiquement rendu.
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Meursault, contre-enquête

Pari fou, pari osé : s’attaquer à « L’étranger » de Camus, monument de la littérature française contemporaine s’il en est, et le réécrire en creux avec la voix et le regard d’Haroun, le frère de l’Arabe. Des décennies plus tard, ce dernier erre dans un café minable d’Oran où il déverse à qui veut l’entendre sa version. L’histoire vue du côté des victimes en quelque sorte. Ce changement de point de vue bouleverse toute l’approche du meurtre et s’enrichit de l’effet du temps. Celui qui génère rancune et amertume, qu’elles soient collectives ou intimes, mais aussi le présent. La collusion entre le passé et aujourd’hui donne une dimension vertigineuse à la démarche. Les combattants d’hier, partisans de la décolonisation, sont devenus des tyrans… la désillusion est à la mesure de l’espoir et de l’héritage trahis.

Si la presse et l’actualité ont focalisé sur l’aspect politique du livre, il ne faut pas moins oublier ses dimensions intimes (comment vivre et grandir dans l’ombre d’un frère mort ?) et littéraires (le style, la question de l’appropriation de la langue de l’ennemi). Pari osé, oui mais pari gagné.

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Meursault, contre-enquête

Dès sa sortie, ce roman m’a interpelé. J’étais prête à attendre pour le lire, mais le hasard a voulu que je le trouve d’occasion. Bref, après m’être replongée dans L’étranger de Camus, j’ai pu me lancer dans la lecture de ce livre, qui m’a plu, et un peu dérouté.

La 1ere phrase est l’inverse de celle de Camus dans l’étranger. J’aime bien le ton du narrateur, qui est le frère de l’Arabe, sa façon de reprendre des éléments du livre de Camus. Il arrive aussi qu’il nous interpelle tantôt en qualité de lecteur, tantôt comme inspecteur, comme à la page 27. Les références à L’étranger sont nombreuses, je l’ai déjà dit, donc je me réjouis de l’avoir relu. il apparait dès le début que le frère Haroun a un objectif, il souhaite réparer l’oubli de son frère assassiné, rétablir son identité, même s’il l’a peu connu.

Le narrateur revient sur le meurtre de Meursault, sur l’après, sur les conséquences de la mort de Meursault pour lui, pour sa mère. Cette dernière s’est lancé dans une enquête, qui n’a mené à rien. Souvent, il en appelle aux faits, si bien qu’il a une version des faits, mais on tourne en rond et il ne sait visiblement rien. Son frère a été abattu sur une plage, le corps a disparu, la tombe de son frère est vide, et cela le hante.



Finalement, moi qui pensais lire l’histoire de l’Arabe, avoir l’autre version de l’histoire, je déchante un peu. Pourtant, l’objectif affiché par le narrateur était annoncé, il voulait consacré son récit à « l’Arabe » (à qui il donne une identité : Moussa), mais il s’avère qu’on a plutôt affaire à sa propre histoire. Comment, lui et sa mère, ont vécu la disparition de Moussa, puisqu’il acquiert bien une identité ici ?

Kamel Daoud décortique L’Etranger en remettant en cause des éléments, tels que l’existence de la sœur de l’Arabe par exemple, ainsi il y a un va-et-vient régulier avec l’œuvre de Camus . Ce roman est aussi l’occasion pour l’auteur d’aborder la décolonisation, vécu par les colonisés. La question de l’identité pour Haroun, que ce soit celle de son frère ou bien la sienne, est également importante. Bref, ce roman est intéressant pour plusieurs raisons, mais il a un moment failli me perdre. Les effets d’annonce du narrateur qui tombent à plat me désespérait, mais j’ai poursuivi et le résultat m’a plu dans l’ensemble.
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Meursault, contre-enquête

Moi aussi j’ai lu sa version des faits. Comme toi et des millions d’autres. Dès le début, on comprenait tout : lui, il avait un nom d’homme, mon frère celui d’un accident.



Oran, un vieil homme se confesse dans un bar. Il raconte sa vie indissociable de la mort de son frère Moussa assassiné sur une plage par L’Etranger, un certain Meursault.

Celui qui a été assassiné est mon frère. Il n'en reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre des condoléances que jamais personne ne me présentera.

Un meurtre impuni qu’Haroun portera sur ses épaules depuis ce jour de 1942 où il n’avait que sept ans jusqu’à aujourd’hui où soir après soir il va se délester de son bagage, du drame de toute une vie, devant un inconnu. Il ignore ce qui s’est vraiment passé, vivant avec sa mère pleine de colère et d’espoir de vengeance son seul souvenir est celui des histoires qu’elle lui racontait, celles d’un frère devenu une sorte de martyr. Une enfance à suivre sa mère à la recherche de réponses, d’indices, et de l’assassin.

L’auteur montre un rapport à la mère très dur, la mère comme génitrice qui a un ascendant sur son fils très marqué l’empêchant presque de vivre sa vie, le vouant à vivre dans l’ombre d’un mort; et la mère comme patrie, l’Algérie, ce pays où le marbre des sépultures est volé chaque nuit, où tout est devenu sale, où l'on repeint sans cesse des immeubles sales insalubres .



Des mots sublimes aussi pour décrire et tenter d’expliquer le meurtre qu’il commettra lui-même vingt ans plus tard, en 1962 année de l’Indépendance, à l’encontre d’un français. Un geste vu comme une réponse à l’assassinat de son frère par la mère, et comme une bêtise par les forces de l’ordre qui ne l’inquiète même pas.

Des années à vivre dans l’ignorance de l’existence d’un livre, celui du meurtrier, celui de Meursault, tel est la description qui est donné du livre « L’Etranger » d’Albert Camus. Un livre qui éclaire enfin le narrateur, lui livre les explications d’une réalité qu’il ignorait.

J'ai lu presque toute la nuit, mot à mot, laborieusement. C'était une plaisanterie parfaite. J'y cherchais des traces de mon frère, j'y retrouvais mon reflet, me découvrant presque sosie du meurtrier.

C’est un passage troublant qui donne l’impression que le narrateur a toujours vécu dans un rêve (plutôt un cauchemar), qu’il se réveille et voit enfin la vie autour de lui.

Je sais que si Moussa ne m’avait pas tué – en réalité : Moussa, M’ma et ton héros réunis, ce sont eux mes meurtriers – j’aurais pu mieux vivre, en concordance avec ma langue et un petit bout de terre quelque part dans ce pays, mais tel n’était pas mon destin.



C’est un récit miroir tant les rapports entre les deux histoires sont nombreux, deux versions des faits, deux vie résolument différentes et pourtant lié au même évènement. Mais ce que raconte aussi ce livre c’est le problème de l’identité, des racines et de la langue.

Une langue se boit et se parle, et un jour elle vous possède ; alors elle prend l'habitude de saisir les choses à votre place, elle s'empare de la bouche comme le fait le couple dans le baiser vorace.

de la religion aussi, que le narrateur renie avec véhémence :

La religion est pour moi un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé.



Le narrateur en oubli donc sa langue pour mieux se plonger dans celle de L’Etranger et pouvoir le démasquer. Finalement il ne fait que « déambuler » dans sa propre existence.

La langue française me fascinait comme une énigme au-delà de laquelle résidait la solution aux dissonances de mon monde.

Une langue que l’auteur maitrise si bien que ce roman avec son style et toutes ces images en fait un long poème sur la volonté d’un homme a donné enfin un nom à son frère L’Arabe.

Ces dernières lignes m'avaient bouleversé. Un chef-d’œuvre, l'ami. Un miroir tendu à mon âme et à ce que j'allais devenir dans ce pays, entre Allah et l'ennui.

Magnifique.


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Le Minotaure 504

Ce recueil de quatre nouvelles, paru en initialement en Algérie aux éditions Barzakh, fut le premier livre de Kamel Daoud publié en France en 2011 (éditions Sabine Wespieser) : à travers les monologues de quatre hommes, dans des textes d’une force poétique impressionnante, Kamel Daoud raconte, avec en filigrane toute l’histoire algérienne du vingtième siècle, la volonté de reconnaissance et de surmonter les failles du passé d’un pays meurtri, préfigurant son magnifique roman «Meursault, contre-enquête» (Actes Sud, 2014).



«Le Minotaure 504» est le soliloque d’un chauffeur de taxi, un ancien soldat qui a défendu la ville d’Alger pendant son service militaire, et qui ne supporte pas les transformations de la ville, ni l’indifférence dont il a été l’objet. Il conduit donc ses passagers sur la route d’Alger, tout en leur conseillant de ne pas s’y rendre. Se pensant transformé en monstre par cette route et sa destination fatale, l’homme fustige une attirance désastreuse pour Alger dont il fut lui-même victime, dans un soliloque halluciné et rageur contre une cité dépeinte sous les traits d’une créature sexuelle déviante.



Dans «Gibrîl au kérosène», attendant dans une foire internationale que quelqu’un vienne enfin lui parler, un officier de l’armée de l’air algérienne, qui a consacré sa vie et réussi à fabriquer des avions, tente en vain de lutter contre l’indifférence envers ses machines volantes.



«Je ne suis pas un génie mais je sais fabriquer des ailes à partir de n’importe quoi. Avec du papier, du métal, des discours, des chiffres ou mêmes avec des mots. C’est donc ce peuple qui ne fonctionne pas. Il ne croit pas aux miracles. On y devient plus célèbres lorsqu’on tombe que lorsqu’on décolle. Je ne sais pas d’où ça vient. Peut-être, sûrement, du passé. Nous avons été tellement écrasés que le jour où nous nous sommes levés notre échine est restée courbée. Peut-être aussi que nous sommes allés si loin que dans l’héroïsme en combattant les envahisseurs que nous sommes tombés dans l’ennui et la banalité. Peut-être aussi que nous sommes convaincus que tous les héros sont morts et que ceux qui ont survécu n’ont pu y arriver que parce qu’ils ne sont cachés ou ont trahi.» (Gibrîl au kérosène)



«L’ami d’Athènes» est un des plus beaux textes que j’ai lu sur une course, le monologue intérieur d’un coureur algérien pendant le dix mille mètres des Jeux Olympiques d’Athènes, course qui est autant une fuite pour échapper au passé qu’une conquête de la victoire.



«J'ai compris surtout que jamais il ne fallait que je m'arrête, même si mes poumons étaient déjà deux grosses braises, qu'il me fallait aller au-delà de la ligne d'arrivée, que je ne devais pas être trompé par les applaudissements et que j'avais quelque chose à faire au bout de quelque chose à atteindre. Je me suis souvenu que je venais de trop loin pour m'arrêter ici, que je courais depuis mon enfance pour atteindre cette ville, et ma véritable course n'était pas celle des mille cinq cent mètres, ni celle des cinq mille ni celle des dix mille mètres qu'une trentaine d'autres coureurs me disputaient, chacun haletant dans son propre monde, gravissant sa propre pente, mais la course parfaite, celle que visent en secret tous les coureurs de fond, celle qui leur permet de continuer à l'infini, de ne jamais s'arrêter, de ne presque jamais mourir et dont la récompense n'était pas l'arrivée mais l'indépendance profonde, le détachement.» (L’ami d’Athènes)



La dernière nouvelle enfin, intitulée «La préface du nègre», met en scène un jeune écrivain chargé par un vieil homme analphabète de recueillir et de publier ses souvenirs, et qui les efface méthodiquement pour écrire son propre livre.

Ces quatre personnages, conscients de leurs racines, témoignent des maux du passé et des désillusions de la période postcoloniale, mais aussi de la détermination de se libérer des écrasements de l’histoire.
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