Lecture par l'autrice & Tania Saleh, accompagnées de Pierre Millet
Publié en 1923 puis traduit en 40 langues, le Prophète de Khalil Gibran est universel et intemporel. Ce conte philosophique puise dans les enseignements des trois cultes monothéistes, des religions de l'Inde mais aussi aux sources d'oeuvres révolutionnaires, tels que les écrits de William Blake, de Nietzsche et de Jung. Zeina Abirached offre ici la première version entièrement dessinée de ce chef-d'oeuvre. Dans une chorégraphie d'ombres et de lumières, elle nous invite à rejoindre les habitants d'Orphalèse réunis pour questionner le jeune Almustafa sur les grandes orientations de la vie. Enfant du Liban et de l'exil, comme Khalil Gibran avant elle, Zeina Abirached nous propose de découvrir autrement ce texte magistral dont la force et la portée n'ont pas fini de nous surprendre.
« C'est dans la rosée des petites choses que le coeur trouve son matin et se rafraîchit. »
Khalil Gibran, le prophète
À lire Zeina Abirached & Khalil Gibran, le Prophète, trad. par Didier Sénécal, éd. Seghers, 2023.
Son : Alain Garceau
Lumière : Patrick Clitus
Direction technique : Guillaume Parra
Captation : Marilyn Mugot
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Vos enfants ne sont pas vos enfants. ils sont fils et filles du désir de vie en lui-même. Ils viennent par vous mais non de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ce n’est pas à vous qu’ils appartiennent. Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez loger leurs corps mais non leurs âmes, car leurs âmes habitent la demeure de demain, que vous ne pouvez vous efforcer de leur ressembler, mais n’essayez pas qu’ils vous ressemble. Car la vie ne retourne pas en arrière ni s’attarde à hier. Vous êtes les arcs qui projettent vos enfants telles des flèches vivantes. L’archer voit la cible sur le chemin de l’infini, et il vous courbe avec toute sa force pour ses flèches aillent vite et loin. Que cette courbure, dans les mains de l’archer, tende à la joie; car comme il aime la flèche qui vole, il aime aussi l’arc qui est stable.
Quand l'amour vous fait signe de le suivre, suivez le,
Bien que ses chemins soient rudes et escarpés.
Et lorsqu'il vous étreint de ses ailes, abandonnez-vous,
Bien que l'épée cachée dans ses pennes puisse vous blesser.
Et quand il parle, croyez en lui,
Bien que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du nord dévaste le jardin.
Quelques-uns d’entre vous disent, « La joie est plus grande que la tristesse », et d’autres disent, « Non, c’est la tristesse qui est la plus grande ». Mais je vous dis, elles sont inséparables. Elles viennent ensemble, et quand l’une est assise seule avec vous à votre table, n’oubliez pas que l’autre est endormie sur votre lit.
Nul ne peut atteindre l'aube sans passer par le chemin de la nuit.
Le Mariage
Vous serez ensemble quand les ailes blanches de la mort disperseront vos jours.
Oui vous serez ensemble même dans la silencieuse mémoire de Dieu.
Mais laissez l'espace entrer au sein de votre union.
Et que les vents du ciel dansent entre vous.
Aimez-vous l'un l'autre mais ne faites pas de cet amour une chaîne.
Laissez-le plutôt être une mer dansant entre les rivages de vos âmes.
Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais laissez chacun de vous être seul.
De même que les cordes du luth sont seules pendant qu'elles vibrent de la même harmonie.
Donnez vos coeurs, mais pas à la garde l'un de l'autre.
Car seule la main de la Vie peut contenir vos coeurs.
Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus:
Car les piliers du Temple se tiennent à distance,
Et le chêne et le cyprès ne croissent pas à l'ombre l'un de l'autre.
Révèle ton secret au vent, mais ne lui reproche pas de le répéter aux arbres.
Si autrui rit de vous, vous pouvez avoir pitié de lui ; mais si vous riez de lui, vous ne pourrez jamais vous le pardonner.
Si autrui vous blesse, vous pouvez oublier la blessure ; mais si vous le blessez, vous vous en rappellerez toujours.
En vérité autrui, est votre propre moi le plus sensible, auquel on a donné un autre corps.
"Plus profondément le chagrin creusera votre être, plus vous pourrez contenir de joie."
Aimez-vous l’un l’autre, mais de l’amour ne faites pas des chaines :
Qu’il soit plutôt une mer se mouvant entre les rives de vos âmes.
Remplissez vos coupes l’un pour l’autre mais ne buvez pas dans une seule coupe.
Donnez-vous du pain l’un à l’autre mais ne mordez pas dans le même morceau.
Chantez et dansez ensemble, et soyez joyeux, mais que chacun puisse être seul, comme sont seules les cordes du luth alors qu’elles vibrent d’une même musique.
Donnez vos cœurs, mais pas à la garde l’un de l’autre. Car seule la Vie peut contenir vos cœurs dans sa main.
Restez l’un avec l’autre, mais pas trop près l’un de l’autre : Car les piliers du temple sont éloignés entre eux, et le chêne et le cyprès ne poussent pas dans l’ombre l’un de l’autre.
L'amitié est toujours une douce responsabilité, jamais une opportunité.